Skip to main content

Full text of "Des prisons : de leur régime, et des moyens de l'améliorer"

See other formats


Google 


This  is  a  digital  copy  of  a  book  thaï  was  prcscrvod  for  générations  on  library  shelves  before  it  was  carefully  scanned  by  Google  as  part  of  a  project 

to  make  the  world's  bocks  discoverablc  online. 

It  has  survived  long  enough  for  the  copyright  to  expire  and  the  book  to  enter  the  public  domain.  A  public  domain  book  is  one  that  was  never  subject 

to  copyright  or  whose  légal  copyright  term  has  expired.  Whether  a  book  is  in  the  public  domain  may  vary  country  to  country.  Public  domain  books 

are  our  gateways  to  the  past,  representing  a  wealth  of  history,  culture  and  knowledge  that's  often  difficult  to  discover. 

Marks,  notations  and  other  maiginalia  présent  in  the  original  volume  will  appear  in  this  file  -  a  reminder  of  this  book's  long  journcy  from  the 

publisher  to  a  library  and  finally  to  you. 

Usage  guidelines 

Google  is  proud  to  partner  with  libraries  to  digitize  public  domain  materials  and  make  them  widely  accessible.  Public  domain  books  belong  to  the 
public  and  we  are  merely  their  custodians.  Nevertheless,  this  work  is  expensive,  so  in  order  to  keep  providing  this  resource,  we  hâve  taken  steps  to 
prcvcnt  abuse  by  commercial  parties,  including  placing  lechnical  restrictions  on  automated  querying. 
We  also  ask  that  you: 

+  Make  non-commercial  use  of  the  files  We  designed  Google  Book  Search  for  use  by  individuals,  and  we  request  that  you  use  thèse  files  for 
Personal,  non-commercial  purposes. 

+  Refrain  fivm  automated  querying  Do  nol  send  automated  queries  of  any  sort  to  Google's  System:  If  you  are  conducting  research  on  machine 
translation,  optical  character  récognition  or  other  areas  where  access  to  a  laige  amount  of  text  is  helpful,  please  contact  us.  We  encourage  the 
use  of  public  domain  materials  for  thèse  purposes  and  may  be  able  to  help. 

+  Maintain  attributionTht  GoogX'S  "watermark"  you  see  on  each  file  is essential  for  informingpcoplcabout  this  project  and  helping  them  find 
additional  materials  through  Google  Book  Search.  Please  do  not  remove  it. 

+  Keep  it  légal  Whatever  your  use,  remember  that  you  are  lesponsible  for  ensuring  that  what  you  are  doing  is  légal.  Do  not  assume  that  just 
because  we  believe  a  book  is  in  the  public  domain  for  users  in  the  United  States,  that  the  work  is  also  in  the  public  domain  for  users  in  other 
countiies.  Whether  a  book  is  still  in  copyright  varies  from  country  to  country,  and  we  can'l  offer  guidance  on  whether  any  spécifie  use  of 
any  spécifie  book  is  allowed.  Please  do  not  assume  that  a  book's  appearance  in  Google  Book  Search  means  it  can  be  used  in  any  manner 
anywhere  in  the  world.  Copyright  infringement  liabili^  can  be  quite  severe. 

About  Google  Book  Search 

Google's  mission  is  to  organize  the  world's  information  and  to  make  it  universally  accessible  and  useful.   Google  Book  Search  helps  rcaders 
discover  the  world's  books  while  helping  authors  and  publishers  reach  new  audiences.  You  can  search  through  the  full  icxi  of  ihis  book  on  the  web 

at|http: //books.  google  .com/l 


Google 


A  propos  de  ce  livre 

Ceci  est  une  copie  numérique  d'un  ouvrage  conservé  depuis  des  générations  dans  les  rayonnages  d'une  bibliothèque  avant  d'être  numérisé  avec 

précaution  par  Google  dans  le  cadre  d'un  projet  visant  à  permettre  aux  internautes  de  découvrir  l'ensemble  du  patrimoine  littéraire  mondial  en 

ligne. 

Ce  livre  étant  relativement  ancien,  il  n'est  plus  protégé  par  la  loi  sur  les  droits  d'auteur  et  appartient  à  présent  au  domaine  public.  L'expression 

"appartenir  au  domaine  public"  signifie  que  le  livre  en  question  n'a  jamais  été  soumis  aux  droits  d'auteur  ou  que  ses  droits  légaux  sont  arrivés  à 

expiration.  Les  conditions  requises  pour  qu'un  livre  tombe  dans  le  domaine  public  peuvent  varier  d'un  pays  à  l'autre.  Les  livres  libres  de  droit  sont 

autant  de  liens  avec  le  passé.  Ils  sont  les  témoins  de  la  richesse  de  notre  histoire,  de  notre  patrimoine  culturel  et  de  la  connaissance  humaine  et  sont 

trop  souvent  difficilement  accessibles  au  public. 

Les  notes  de  bas  de  page  et  autres  annotations  en  maige  du  texte  présentes  dans  le  volume  original  sont  reprises  dans  ce  fichier,  comme  un  souvenir 

du  long  chemin  parcouru  par  l'ouvrage  depuis  la  maison  d'édition  en  passant  par  la  bibliothèque  pour  finalement  se  retrouver  entre  vos  mains. 

Consignes  d'utilisation 

Google  est  fier  de  travailler  en  partenariat  avec  des  bibliothèques  à  la  numérisation  des  ouvrages  apparienani  au  domaine  public  et  de  les  rendre 
ainsi  accessibles  à  tous.  Ces  livres  sont  en  effet  la  propriété  de  tous  et  de  toutes  et  nous  sommes  tout  simplement  les  gardiens  de  ce  patrimoine. 
Il  s'agit  toutefois  d'un  projet  coûteux.  Par  conséquent  et  en  vue  de  poursuivre  la  diffusion  de  ces  ressources  inépuisables,  nous  avons  pris  les 
dispositions  nécessaires  afin  de  prévenir  les  éventuels  abus  auxquels  pourraient  se  livrer  des  sites  marchands  tiers,  notamment  en  instaurant  des 
contraintes  techniques  relatives  aux  requêtes  automatisées. 
Nous  vous  demandons  également  de: 

+  Ne  pas  utiliser  les  fichiers  à  des  fins  commerciales  Nous  avons  conçu  le  programme  Google  Recherche  de  Livres  à  l'usage  des  particuliers. 
Nous  vous  demandons  donc  d'utiliser  uniquement  ces  fichiers  à  des  fins  personnelles.  Ils  ne  sauraient  en  effet  être  employés  dans  un 
quelconque  but  commercial. 

+  Ne  pas  procéder  à  des  requêtes  automatisées  N'envoyez  aucune  requête  automatisée  quelle  qu'elle  soit  au  système  Google.  Si  vous  effectuez 
des  recherches  concernant  les  logiciels  de  traduction,  la  reconnaissance  optique  de  caractères  ou  tout  autre  domaine  nécessitant  de  disposer 
d'importantes  quantités  de  texte,  n'hésitez  pas  à  nous  contacter  Nous  encourageons  pour  la  réalisation  de  ce  type  de  travaux  l'utilisation  des 
ouvrages  et  documents  appartenant  au  domaine  public  et  serions  heureux  de  vous  être  utile. 

+  Ne  pas  supprimer  l'attribution  Le  filigrane  Google  contenu  dans  chaque  fichier  est  indispensable  pour  informer  les  internautes  de  notre  projet 
et  leur  permettre  d'accéder  à  davantage  de  documents  par  l'intermédiaire  du  Programme  Google  Recherche  de  Livres.  Ne  le  supprimez  en 
aucun  cas. 

+  Rester  dans  la  légalité  Quelle  que  soit  l'utilisation  que  vous  comptez  faire  des  fichiers,  n'oubliez  pas  qu'il  est  de  votre  responsabilité  de 
veiller  à  respecter  la  loi.  Si  un  ouvrage  appartient  au  domaine  public  américain,  n'en  déduisez  pas  pour  autant  qu'il  en  va  de  même  dans 
les  autres  pays.  La  durée  légale  des  droits  d'auteur  d'un  livre  varie  d'un  pays  à  l'autre.  Nous  ne  sommes  donc  pas  en  mesure  de  répertorier 
les  ouvrages  dont  l'utilisation  est  autorisée  et  ceux  dont  elle  ne  l'est  pas.  Ne  croyez  pas  que  le  simple  fait  d'afficher  un  livre  sur  Google 
Recherche  de  Livres  signifie  que  celui-ci  peut  être  utilisé  de  quelque  façon  que  ce  soit  dans  le  monde  entier.  La  condamnation  à  laquelle  vous 
vous  exposeriez  en  cas  de  violation  des  droits  d'auteur  peut  être  sévère. 

A  propos  du  service  Google  Recherche  de  Livres 

En  favorisant  la  recherche  et  l'accès  à  un  nombre  croissant  de  livres  disponibles  dans  de  nombreuses  langues,  dont  le  français,  Google  souhaite 
contribuer  à  promouvoir  la  diversité  culturelle  grâce  à  Google  Recherche  de  Livres.  En  effet,  le  Programme  Google  Recherche  de  Livres  permet 
aux  internautes  de  découvrir  le  patrimoine  littéraire  mondial,  tout  en  aidant  les  auteurs  et  les  éditeurs  à  élargir  leur  public.  Vous  pouvez  effectuer 
des  recherches  en  ligne  dans  le  texte  intégral  de  cet  ouvrage  à  l'adressefhttp:  //book  s  .google .  coïrïl 


*-l- 


Kl 


.  / 


^ 


y 


,»►.-.•»  ^ 


^     ^ 


-> 


/         ' 


~  1 


r- 


.  1 


v  ' 


\ 


1 

i 


\ 
1 


« 
« 


• 


t 


DES  PRISONS, 

DE  LEUR  RÉGIME, 


ET  DES  MOYENS  DE  LlMÊtlORER. 


4r 


-.^      ,^ 


I     "i     ' 


\         ^ 


OUVRAGES  qui  se  trouvent  chez  le  même  Libraire. 


Le  Sang  des  BOURBONS  :  Galerie  historique  des  Rois  «  Princes  de 
cette  Maison  depuis*  Henri  IV*  jusqu'à  nos  jours,  y  compris  Monsei- 
gneur le  duc  de  Berri.  2  vol.  in-4.  avec  22  portraits. 

Papier  double  d'AuTergne,  satiné  60  fr.  Franco  65  fr. 

Carré  vélin  double  d'Annonay,  satiné,  120  fr,       Id.  125  &• 

Les  Bourbons-Martyrs ,  ou  les  Augustes  Victimes  depuis  le  7X  janvier 
1793  jusqu'au  i3  février  1820,  1  vol.  in-8,  orné  de  six  gravures  et 
une  vignette  deM^  Ci:oi»iet' et  |logeR  121  fr.. 

Précis  dft  Vlfistoiref  ou  Analyse  succincte  et  raisonnée-de  TBistoire  gé- 
nérale jusqu'à  nos  jouraj  par  J^.  de  y***,  ancien  préfet.  1  vol.  in-8, 
papier  fin ,  imprimé  en  cicéro  neuf.  6  ^fr. 

(RumBS  d* Orner  et  de  Denis  TALON  ,*  avocats-généraux  au  Parlement 
de  Paris ,  sous  Louis  XIV  ,  recueillies  et  publiées  sur  les  manuscrits 
autographes,  et  dédiées  ^M.  le ^ co^te ^e%è^ ^^  Pairyle  FKJ|iicie,«et!Q..; 
ps^'?l).r)£f.ilUv^  ,  avocat  aux  Conseils-'dU'Iloi  et  àla-Courde  Cassa- 
tion.  6  vol.  in-8.  sur  beau  papieV  36  fr.  Franco  46  fr.       ^j^  < 

De  la  Puissance  Paternelle  ;  par  J.-P.  CIPESTIEN-DE-POLY ,  vice- 
présfdent  du  Tribunal  de  la  Seine ,  Chevalier  de  l'Ordre  royal  de  la 
Légion  d'Honneur ,  2  vol.  in-d.  de  4oo  pag.  12  fr.  Franco  l5  fr.    * 

Réflexions  sur  la^éuohition  de  la  France ,  par  ED.  RUAKEl  Nouvelle 
édition,  rétuc  et  augmentée  de  notes,  par  le  chllvalier  A'*^'^*  Un  vol. 
fn-8.  (3o  feuilles  cm  philosophie  et  petit-texte)  7  fr.  Franco  8  5o  c» 

De  V usage  et  d»  Vahus  de  l'esprit  philosophiaue  dumnt  le  dix-ràui' 
*  tième  siècle  f  par  Jean-E^ienne-MsAë  PORTaLIS,  l'un  des  quarante 
de  l'Académie  françoise,  etc.  (Onvrage  posthume.  ]  2  vol.  in-8  ,  por- 
trait. 12  fr. 

Mémoires  du  Duc  de  SAINT-SIMON,  nouvelle ^tion ,  mi^  en  ordre 
et  augmentée  de  notes;  par  F.,  Laurent,  professeur  au  Collège  royal  de 
Charlemague.  Six  vol.  in~8.  36  fr.  Fran^  44  fr. 
Les  mêmes ,  papier  velin.       72  fr. 


} 

} 


DES  PRISONS, 

» 

DE  LEUR  RÉGIME, 

ET    D-ES   ■ 

MOYENS  DE  L'AMÉLIORER. 

PAR  M.  E.  DANJOU, 

aYocat  a  beauvais. 

Oayrage  couronne  par  la  Société  Royale  des  Prisons^  dans  la 
séance  du  i5  mars  1821^  présidée  par  S.  A.  R.  Mqnseiqneuii 

Duc  B'ANGOVIiÊME.  ' 


Parum  est  cwsrcere  improbos  pœnd  , 
nisiprobos  efficias  disciplina* 


J  >     -■ 


*        -*  "*  J 


PARIS, 

A.  ÉGRON,  IMPRIMEUR 

DE   S.   A.   R.    MONSEIGNEUR,   DUC  D'ANGOULEME^ 

rue  des  Noyers ,  n"  57. 


.m 

1821. 


\o-  Û 


i*ii«ka*i 


THENEWYORK 

PUBLIC  LIBR:\R  Y 

«  1  * 

ASTOR,  LENOX  A'JD 
•TILDEN  FOUNDATiONS. 

1897. 


•    •     ••    . 

•  •  •     m    * 

••  •••  : 

•  •  •  •  • 


•  • 


•  •    • 


••• 


•  •      * 

•  *     • 

•       « 


•   •  •  • 


•  *•  •  • 

•  •  ^*  • 

•  •• 


*        V  I. 


•      •  .•■       -• 


'••    • 


k  * 


Wl«%  W»  V«%Vi/%W««Vft/V«i-VW^  VV%'V«/%.'V«^>A/%<VVii«A^WMni'V%«VV%^/V^«/VV'VV«^/V%k^^ 


TABLE. 


'JLIes  Faisons  ^  de   leur  rj^gimè,  xï  des  moyens  de  jIx- 
liiLiORER Pagi  1 

PREMIÈRE  PARTIE. 

Des  Prisons  en  général * . .  .T.*     9 

TITRE  PREMIER. 

Principes  osNiRAirx « .  • .  .\  id*, 

• 

CHâP.  I*'.  De  remprisonnement ,  et  des  différentes  clas- 
ses de  prisonniers id* 

n.  De  la  nécessité  de  séparer  les  prévenus  des 

condamaés * 11 

ni.  De  la  nécessité  de  séparer  les  jeunes  prison- 
niers des  hommes  faits i4 

TITRE  IL 

-       Du  MATiRIEL  DES  FRISONS .«.«...( l6 

CHàP.  ï"*".  De  la  construction  des  prisons ^  * . . .  id, 

II.  De  \^.  distribution  des  prisons ^ .  é  •  *  é .   ^5 

TITRE   III. 

Dé  la  Discipline.  *  * 3i 

CHAPi  ï"'^.  De  la  discipline  en  général * *  *  id, 

'   Section  i'«.  De  la  sûtelé. .........  ^ .. .  3^ 

Paragraphe  premier.  Précautions  pas- 
sagères et  accidentelles. 55 

Paragraphe  ii.  Précautions    journa- 
lières 4  . . .  .• * . .  « .  4® 


vj  TABLE. 

Section  h.  De  la  salubrité  •    .....  Pag.  4-7 

Sbction  III.  .De.l'Ordre. ...    ^i 

Paragraphe  premier.  De  l'Ordre  en 

général ^' 

Pabaorapab-ii.  Rapport  des  prison- 
niers avec  leurs  supérieurs 54 

^PREBiiiRE  division.  Du  gardien 

etde  son  autorité »^- 

DeuxiÎms  division.  Des  inspec- 
teurs des  prisons 60 

TROifitÈME  DIVISION.  Dcs  auto- 

rités  supérieures •  •  •     77 

Paragraphe  TROIS liME.  Devoirs  ab- 

solus ; 82 

Paragraphe  quatrième.  Devoirs  re- 
latifs y  OU  devoirs,  des  prisonniers 

les  uns  4^nvers  les  autres  ^ . .  •• 86 

CHÀP.  II.  De  la  discipline  pour  les  simples  prévenus. .     92 

iïl.  De  la  discipline  pour  les  condamnés 96 

Section  première.  Des  condamnés  cor- 

rectionnellement id. 

Section  ii.  Des  condamnés  pour  crimes.     99 
lY.  De  la  discipline  pour  les  femines  et  les  en- 
fans 107 

Y.  De  la  sanction  de  la  discipline.  •••••• ^• 

TITRE  IV. 

« 
-Dtl  RioiMB  PHYSIQUE.  ...............     1 14 

CHAP.  I*'.  Des  prisonniers  en  état  de  santé ii5 

Section  1'*.  Des  mesures  préservatrices , 
ou  des  moyens  propres  à  préserver  la 
sauté  du  danger  du  séjour  dans  les 
prisons. ^ 117 


"f ABÊE.  v^îj 

'  *  SscnoN  II.  Mesures  conservatrices  j  ou 
moyens  d'entretenir  la  santé  des  déte- 

nus Pag,  ia3 

^VATCAànxvkB  premier.  De  la  nour- 
ritûrc>. id, 

« 

^PjlRilORAPnE    DRI^XlàME    DcS     vêtC- 

'            ' mëiis i3g 

ClSSP-^II.^iyu  régiMe  dés  prisonniers  en  maladie 14.8 

SéctIon  1^*  Du  inatériel  lie  l'infirmerie.  149 
SscTiON  u.  De  l'admission  et  du  traite- 

ment  des  malades  à  ^infirmerie i56 

Section  III.  Des' personnes  employées  à 

l'infirmerie 164 

TITaE  V- 

I 

I 

Du  RioiME  MORAIi 175 

I 

CHM?.  Ï*'.  'De'Vôbjet  du  régime  moral  des  prisons  ....     m?, 
II.  Des  moyens  d'écarter  du  mal  les  détenus. . .   178 
Section  i*^*.  De  la  nécessité  et  des  moyens 

de  combattre  vl'oislveté id. 

Paragraphe  premier.  Des  moyens 
d'employer  le  temps  des  prison- 

*  hiérs 180 

Paragraphe  deuxième.  Dss  moyens 
d'amener  les  prisonniers  à  l'amour 

du  travail 1 84 

première  division.  Des  moyens 
de  faire.désirer  le  travail  aux 

'prisonniers id. 

'Deuxième  division.  Des  moyens 
de  rendre  le  travail  agréable 

aux  prisonniers 189 

ARTICLE  l^^.  Du  choix  des 


yiii  TABLE. 

travaux... ..  7.  V7;«\  Pâg.  189 
ARTICLE  il.  De  l'utilité  des 

travaux ao6 

I»  De  l'emploi  du  gain  fait 

par  len  prisonniers id. 

II.  De  rutilîté  future  des  tra- 

Taux ai3 

Troisième  division.  Des  moyens 
d'encourager  les  prisonniers 

au  travail • ai5 

Section  ii   De  la  nécessité  et  des  moyens 
de  prévenir  les  prisonniers  contre  la 

débauche 224 

Section  III.  Dé  la  nécessité  de  détruire  ~ 
certaines  erreurs ,  qui  s'opposent  à  l'a* 
mendement  des  prisonniers^  et  des 
moyens  d'y  parvenir  .  é 234 

CHÂP.  m*  Des  moyens  d'amener  les  prisonniers  au 

bien * 242 

Section  i'^.  De  l'instruction  des  prison* 

niers 24-^ 

Paragrafhc  premier.  De  l'instruc- 
tion civile 252 

Première  division.  De  l'inslruc- 
'  tion  à   donner   aux  hommes 

faits , . . , id^ 

ARTICLE  P'.  Connoîssan-    • 

ces  générales id, 

ARTICLE  IL   Morale 2G1 

^        DfiDXiiME  DIVISION.  De  l'instruc- 
tion de^  femmes. 267^ 

Troisième  div ision. De  l'instruc- 
tion des  enfans 26^ 

ARTICLE  I""'.  Connoissaa- 


TABLE.  îx 

ces  générales.  ••  V; . ,  Pag.  aCg 

ABTICLE  II.  Morale 27  a 

QiTATiuàME  oivisioir.  De  l'instî- 

tuteùr 377 

CiM  2ViiME  DITI810N.  De  la  mé- 
thode   280 

Paraohap?e  DEuxiiMv.  De  Viastruc- 

tion  religieuse 284 

pBBMiÈns  DIVISION.  Des  aumô- 
niers ....-.* é     id. 

Deuxiâme  division.  De  l'instruc- 
tion religieuse  pour  les  hom- 
mes faits 290 

TTOisiiME  DIVISION.  De  l'instruc- 
tldn  religieuse  pour  les  enfaDS.  399 

Section  n.  De  l'éducation  des  prison- 
niers  • 3oo 

Paragraphe  premier.  De  la  nécessité 
de  faire  connoitre  et  aimer  l'ordre 
social  aux  prisonniers  .  •  • 3o3 

Paragraphe  it.  Des  moyens  d'ame- 
ner les  prisonniers  à  la  vertu. ...  5 16 

Premiàre  division.  Des  moyens 
de  leur  inspirer  l'idée  générale 
de  vertu id, 

DEvxiiME  division.  Des  mojens 
d'inspirer  la  probité  aux  pri- 
sonniers   323 

TROisiiifE  DIVISION.  Dcs  moycus 
d'inspirer  aux  prisonniers  la 
soumission 32/ 

pARAGRAP^s  III.  Des  moyens  de  faire 
aimer  la  religion  aux  prisonniers  .  34a 


DEUXIEME  partie; 

■État  liBs'FRisoirs  x»  France.  .....  Pag.  35a 

TITRE  PREMIER. 

COBSniâcATIOIIS  rttiuMIMAIRES id. 

TITRE  IL 

'D0  Mat^biei. i 357 

CHAP.  I*'.  Coup  d'oêll  général  sur  le  matériel  des  pri- 
sons   •  • .  « id> 

II.  Petitesse  des  Prisons  , 362 

III.  Insalubrité  des  prisons.* 9^5 

IV.  DéÊLUt  de  sûreté  des  prisons « 379 

TITRE  III. 

»  ■   «   •   •  •      .    •  • 

De  la  Discipline SSj 

CHAP.I".  Des  Geôliers id, 

-U.  De  Fétat  des  détenus  dans  les  prisons 401 

Section  i'*.  Maisons  d'arrêt id. 

Section   ii.  Maisons  de  )ustice /^o^ 

SeotâON  III.  Prisonis  pour  peines J^iS 

TITRE  IV. 

Du   HÊGIKE   PHYSIQUE 4^4 

CHAP.  1*'.  Des  prisonniers  dans  Tétat  de  santé id. 

Section  i'"»  Mesures  préservatrices. . .     id. 

Section   ii.  Mesures  conservatrices . . .  4*^9 

PARAGBÀrnE  PEUCiER.  I^ourriture ...     id. 

Paragraphe  ii»  Vêtemens 44i 

Paragraphe  m.  Coucher 443 

II.  Des  prisonniers  dans  Tétat  de  maladie  .....  447 


I 


TABLE.  .  xj 

TITRE  V. 

Du  Rionne  uotLASu. .............  Pag.  4^i 

CHAP.P'.  Du  travail ^54 

«IL  lastructloa  civile 462 

ni.  .Instruotioa  r^ligleuie 4^4 

TROISIÈME  PARTIE 

Des  biesurus  a  prbnbae  ,  quant  a  pr^- 

•  SENT  /  I^QUR  AiHÛLipt^iaBi  I^E  RioiME  DBS 
FRISONS 471 

TITRE  PREMIER. 

Introduction id, 

TITRE  IL 

Du  Matériel ^j5 

CHâP.  1*'.  Des  prisons  à  construire  entièrement id. 

II.^Des  prisons  à  agrandir  ou  réformer 4S<> 

.UI.  Des  prisons  à  supprimer. , . .' 4^2 

lY.  De  la  distribution  des  prisons /fiS 

TITRE  IIL 

Du  Kersonnsl.  . . . .  > 491 

CHAP.  I""-  I^tt  gardien  e.t  de  ses  subordcinnés id. 

II.  Du  Greffier  rédacteur 5oo 

III.  Des  Inspecteurs  des  prisons 5oi 

IV .  Des  Aumèniers « 5o5 

V.  De  rinstituleur id, 

YI.  Des  officiers  de  Santé. 5o6 


J 


xi]  TABLÉ. 

TITRE  IV. 

De  I.A  Di8oiFi.niE Pag.  So^ 

« 

CBAP.  P''  De  la  discipline  en  elle-même. •  •  «     id* 

Section  i^*.  De  la  clistiDCtîon  des  pri- 
sonniers   •..•.....  4 ...  •     idé 

Sbction  II.  De  la  discipline  qui  convient 

à  chaque  classe  de  prisonniers 5ii 

IL  De  la  sanction  de  la  discipline 5i5 

Section  i'*.  Des  peines 5 1 6 

Sbction  II.  Des  récompenses 4  • .  « Sn^ 

TITRE  V. 

Du  ReOIME  physique <  •     5i2Sl 

CHAP.  I'*^.  Des  prisonniers  dans  Télat  de  santé iJ. 

Section  i'*.  Des  moyens  de  préserver  la 
santé  contre  les  dangers  du  séjour  dans 

les  prisoDS id* 

Section  ii.  Des  moyens  d'entretenir  la 

santé  des  prisonniers 525 

'  Paragiiafhe  freboer.  Alimens^ ....   Ô'jIj 

Pabaoraphe  II.  Vétemens 5a6 

^Pahaghafhe  m.  Coucher 628 

IL  Des  prisonniers  daiiS  l'état  de  maladie id. 

TITRE  VL 

Du  RÉGIME  MORAL .  < 4 . .   5:^9 

CHAP.  ^^  Dn  travail * - 53a 

II.  Instruction  civile 5^>5 

III.  Instruction  religieuse Ô3S 

lY.  Education. .* « . . . .   54» 


TABLE.  xii) 

TITRE  VII. 

DXS    DEPENSES    QITE  VEUT    ENTRAINER  I.A 

BÉFORME   DES    FRISONS Pdg*    ^^^ 

CHAP.  I^'.  Frais  de  premier  établissement 548 

Section  i'**.  Bâtimens 5^9 

Section  ii.   Mobilier 553 

II.  Dépenses  annuelles 555 

Section  i*^*.  Dépenses  relatives  aux  pri« 

sonniers. '    id. 

Section  ii.  Traitement  des  personnes 
employées  aux  prisqns. . . . .  .^ 557 

EXPLICATION  DES  FIGURES. 

Plan  général  d'une  prison  disposée  pour  recevoir  cent 
prisonniers ,  avec  l'enceinte  extérieure fig.  P". 

Plan  du  rez  -  de -cbaussée  de  la  prison ,  contenant  la 
geôle  et  ses  dépendances  ^  une  partie  des  ateliers  «l  cor- 
ridors et  l'escalier ^. fig.   11^ 

Plan  du  premier  étage,  contenant  seulement  trois  côtés 
du  bâtiment^  le  quatrième  étant  semblable,  aux  au- 
tres  fig.  IIK 

Plan  du  second  étage ,  contenant  l'école  et  la  cbapelle 
réunies  des  corridors  et  des  espaces  wisceptibles  d'être 
appliqués  aux  besoins  du  .service fig.  !¥*« 

Plan  d'une  salle  d'infirmerie  ,  pouvant  contenir  dix 
\ÏU fig.    \\ 

Plan  du  rt'z- de- chaussée  de  l'infirmerie^  contenant  cor- 
ridor, pharmacie,  chambre  de  quarantaine  et  salle  de 
consultation fig.  VI 


FIN  DE  liA  TABLE. 

DES  PRISOjSS. 


mrratj^ 


Page  1X5 ,  au  lieu  de ,  en  e'tat  de  santé  ,  lisez  :  dan»  l'état  de  santé. 
Page  i55,  ligne  21 ,  au  lieu  de  PL  III,  Usez  :  Planche  II. 

xiiî     lig  1 9*  >  P^*°  ^*^  premier  éuge  contenant  seulement  etc.  5 
lisez:  Plan  du  premier  étage 


^Vlfil'Jimi     W'iFPT 


DES  PRISONS. 

DJE  tEUR  RÉGIME, 
ET  DES  MOYENS  DE  L'AMÉLIORER. 


Ue  tous  les  maux  qui  peuvent  atteindre  rhomme,  il 
n'en  est  peut-être  pas  de  plus  terrible  que  la  perte  de 
la  liberté.  Dans  cet  état  déplorable ,  le  prisonnitr 
sembfe  avoir  brisé  tous  tes  liens  qui  Tattadioient  à  ia 
vie  :  travaux,  plaisirs,  espérances,  bonheur  domesti- 
que ,  tout  est  perdu  pour  lui.  Si,  pour  fuir  Taceablante 
idée  de  ses  douleurs  présentes,  il  cherche  un  refuge 
dans  le  passé,  il  en  est  repoussé  par  le  remords,  ou  par 
le  souvenir  amer  d'une  grande  injustice ,  et  l'avenir 
^épouvante,  à  son  tour,  par  la  perspective  désespé- 
rante de  l'opprobre  et  de  la  misère  qui  attendent  sa 
famille.  À  des  jours  que  flétrissent  de  continuelles  souf*-' 
frances  ,  succèdent  des  nuits  plus  pénibles  encore;  la 
solitude  ne  le  délivre  de  Todieuse  société  de  ses  com- 
pagnons d'infortune  ,  que  pour  Tabandonnér  tout  en- 
tier aux  réflexions  désolantes  que  lui  inspire  sa  mal- 
heureuse position;  et  telle  est  l'horreur  de  son  état, 
que  cette  triste  consolation  est  encore  un  besoin 
pour  lui. 
Telles  sont  les  conséquences  inévitabl*  de  la  captir 


a  DES  PRISONS. 

vile,  même-  la  plus  douce.  Mais  combien  de  fois  ces 
maux  affreux  n'ont -ils  pas  été  les  moindres  peines 
d'un  prisonnier  I  Combien  de  fois  le  poids  des  fers,  la 
rigueur  des  cachots,  l'insalubrité  des  prisons,  l'avare 
despotisme  des  gardiens,. et  la  tyrannie  illégale,  mais 
irrésistible  de  subalternes  souvent  choisis  parmi  les 
criminels  du  rang  le  plus  abject,  n'ont-ils  pas  ajotkté 
de  nouvelles  amertumes  à  celles  dont  il  est  abreuvée 

Une  situation  si  cruelle  méritoit  bien ,  sans  doute, 
un  regard  de  la  piPé  ;  et  cependant ,  de  tous  les  mal- 
heureux,  les  prisonniers  sont  ceux  qui,  dans  tous  les 
temps ,  recueillirent  le  moins  de  secours  et  de  conso- 
lations. L'infortune  la  plus  cruelle  était  la  moins  sou- 
lagée, et  long-temps  les  prisonniers,  oubliés  au  fond 
d%leurs  cachots^  attendirent  vainement  qu'une  main 
bienfaisante  vint  essuyer  leurs  larmes.  En  gémissant 
de  cet  abandon  où  la  pitié  publique  laissa  pendant  si 
long-temps  les  prisonniers,  gardons-nous  toutefois  de 
calomnier  l'humanité,  et  de  croire  que,  jusqu'à  nos 
jours,  la  bienfaisance  fût  exilée  de  tous  les  cœurs! 
Tant  d'hôpitaux  ,  tant  d'établisseroens  charitables  , 
fapt  de  nobles  associations  pour  la  défense  des  foibles, 
le  soulagement  des  malades  et  des  indigens,  prouvent 
que.,  même  dans  les  siècles  qu'aujourd'hui  nous  ju- 
geons sévèrement,  la  philantropie  enfla^imoit  aussi 
des  hommes  généreux.  Mais,  en  général ,  on  ne  com- 
patit qu'à  rinfortune  dont  on  peut  avoir  quelque  idée  : 
la  pauvreté  ,  la  maladie  ,  les  blessures  reçues  à  la 
guerre,  trouvèrent,  dans  tous  les  temps,  les  coeurs 
ouverts  à  la  pitié.  Et  qui  pouvoit  mieux  apprécier  le 
poids  de  ces  malheurs ,  que  ces  barons  généreux ,  qui , 
après  s'être  «pouillés  de  leurs  biens  pour  marcher 


DES  PRISONS.  3 

à  la  conquête. de  la  Terre  Sainte,  et  avoir  arrose  de 
leur  sang  les  plaines  d'Ascalqn  ^de  Tlbériade,  n'a-r 
voient  regagné:  leur  tnanoir  appLivri  ,  que  eou'^rts 
de  bWssares ,  et  en  butte  aux  privations  d'une  glorieuse 
indigence!  Aussi  combien  d'éls^blissemens  fondés  ou 
dotés,  avec  magni&cence,  en  faveur  de  ceux  dont  l'in- 
fortune était  anoblie  par  le  souvenir  des  Croisades! 
Combien  de  chevaliers,  sans  poser  leur  noble  épée, 
consacrèrent  leur  existence  au  service  des  malades,  au 
soulagement  des  pauvres  !  Le, zèle  des  Hospitaliers  cou- 
vrit l'Europe  d'asiles  ouverts  au  malheur,  et  donna 
l'impulsion  à  cet  élan  dé  charité  cpii  multiplia ,  en 
tous  lieux,  les  secours  destinés  aux  iiidigens  et  aux 
maladeç. 

Quant  aux  prisonniers,  rien ,  à  ces  époques  recu- 
lées, ne  fixoit  sur  eux  l'attention  publique;  rien  ne 
rap^eloit  aa;souvenir  des  hommes  bienfaisans  un  genre 
de  malheur  trop  éloigné  d'eux,  pour  qu'ils,  le  connus- 
sent bien,  et  .trop  souvent  mérité,  pour  qu'ils  crussent 
devoir  s'intéresser  à  des  hommes  déjà  flétris  par  leur 
position  même.  Il  faut  avoir  réfléchi  sur  l'état  d'un 
prisonnier,  pour  penser  qu'il  peut  être  vietime  d'une 
injustice;  que  méme^  convaincu,  légalement  d'un 
crime,  il  ne  doit  pas  être  puni  plus  sévèrement  que 
là  loi  ne  l'ordonne,  et  que  l'arrit  qui  lui  enlève  sa  li- 
berté ne  le  condamne  pas  à  perdre  la  vie ,  par  suite  des 
maladies  funestes  qu'engendre  le  séjour  des  cachots. 
Jamais,  peut-être,  ces  idées  ne  s'étoient  présentées  à 
l'esprit  de  ceux  qui  s'occupèrent  alors  des  maux  de 
leurs  semblables;  les  prisonniers  furent  oubliés  dans 
la  distribution  des  premiers  bienfaits  de  la  philan- 
tropië. 


4  DES  PRISONS. 

Le&  ptogrès  des  lumières  et  de  la  civilisation  n'ap« 
portèrent  presque  Retins  ehangemens  à  cette  triste 
position ,  et ,  kHig^emps  encore ,  les  prisonniers  étm^ 
btèrent  victimes  d'un  oubli  de  la  bienfaisance*  Une 
injuste  et  funeste  prévention  dëtoama  tons  les  regards 
d'infortunés  qu'une  opinion  dédaigneuse  enveloppoit 
indistinctement  dans  la  Riéme  proscription  :  on  ne 
voyoît  que  les  crimes  dont  s'étoient  souillés  la  plnpaH 
d'entre  eux ,  sans  considérer  leur  malheur  à  tous  ;  et 
le  sentiment  le  plusfavo{:able  qu'ils  pussent  attendre  ^ 
&o\\  l'oubli  qui,  en  les  délivrant  d'un  mépris  inju-' 
rieux ,  leslaissoit  gémir,  ignorés ,  dans  des  lounnens 
inconnus. 

Seule ,  pendant  une  longue  suite  de  siècles,  la  relt^ 
gîon  j  mère  de  tous  les  malheureux,  fit  luire  dans  les 
prisons  ,  un  rayon  consolateur  ;  seule  ,  tandis  qae 
nulle  voix  n'osoit  s'élever  pour  réclamefvies 'droits  de 
l'humanité ,  violés  tous  les  jours  à  l'égard  'des  prison- 
niers, la  charité  veilloit  à  leurs  côtés,  soulevoit  le 
poicls  de  leurs  chaînes,  essuyoit  leurs  larmes amères; 
et,  plein  de  sa  flamme  divine,  Vincent- de -Pa«l^ 
assis  sur  lés  bancs  des  galèiMïs ,  à  côté  des  malheureux 
qu'il  avoît  si  souvent  visités ,  chargeoit  ses  mains  gé- 
néreuses des  fers  qu'ils  ne  pouvoîent  plus  supporter* 

La  vertu  porte  to^ours  des  fruits  sriotairesf  ses  ad- 
mirables exemples  ne  sont  jamais  perdus.  On  eom*- 
mença  à  penser  que  les  prisonniers  pouvoient  mériter 
les  secours  de  ^humanité,  et,  qu'en  perdant  ieor 
liberté^  ils  n'avoîent  pas  peïthi  tous  leurs  droits  natu^ 
Tels.  Des  hommes,  animés  d'un  sublime  enthousiasme, 
ne  craignirent  pas  de  se  déclarer  les  patrons  de&  pri- 
sonniers, et  de  plaider  leur  cause  au  tribunal  de  i'opi- 


DES  PRISON&  5 

nion.  Le  héros  de  i'hnmanUé ,  Howard ,  sans  autre 
appcd  que  son  zèle ,  entreprit  la  tâche  immense  d  amé^ 
liorer  le  sort  des  prisonniers  :  dans  son  magnanime 
dëvditmeot ,  il  parcourut  l'Europe  entière ,  visita  toutes 
les  prisons ,  interrogea  tons  les  cachots ,  et  dénonça ,  a 
sa  génération  étonnée ,  les  déplorables  abus  qu'il  avoit 
dëconverts. 

C'étoit  beaucoup ,  sans  doute ,  et  Howard ,  par  ses 
travaux ,  s'est  assuré  la  reconnoissance  de  tous  les  amis 
de  rhumanité.  A  force  de  peines  et  de  courage ,  il  a 
signalé  le  mal^^et  réclamé  hautement  la  réforme. 
Mais  que  peut  un  homme  seul ,  sans  autre  soutien  que 
son  zèle  et  son  amour  pour  ses  semblables!  indiquer  le 
bien  :  c'est  anx  puissans  de  la  terre  à  Topérer.  L'An- 
gleterre ,  qu'Howard  avoit  seule  en  vue ,  recueille  an- 
)0urdliui  le  fruit  de  ses  travaux  ;  la  plupart  des  amé- 
liorations qu'il  avoit  proposées  ont  été  introduites 
dans  ses  prisons.  Que  n'en  est-il  de  même  des  autres 
pays  qu'il  a  visités  pour  servir  le  sien ,  etqu'il  a  éclairés 
par  ses  courageuses  recherches  !  Malheureusement , 
dans  presque  tous,  la  réforme,  appelée  par  tous  les 
fotfjx  ,  est.  encore  à  faire  ^  les  abus  signalés  par  Ho- 
ward subsistent  en  grande  partie,  ^t  bien  des  mal- 
heureux., en  Europe  ,  gémissent  sous  les  fers  qu'il  a 
soulevés ,  dt  dans  les  cachots  où  il  est  descendu. 

Ce  cri  de  douleur  a  été  entendu  dans  notre  patrie  ; 
la  aollicitude  royale  l'a  recueilli,  et  le  prince,  qui 
semble  n*avoir  été  rendu  à  la  France  que  pour  sécher 
toutes  ses  larmes,  s'est  empressé  de  fonder  des  ins- 
titntiaus  capables  de  seconder  ses  intentions  pater-- 
nélles  pour  des  malhenroux  toujours  déshérités  jus* 


6  DES  PRISONS. 

qu'alors  de  la  pitié  publique.  (Vest  à  un  Fils  de  France; 
c^est  à  son  neveu  chëri  qu'il  a  délégué  la  touchante 
fonction  de  diriger  et  d'encourager,  par  son  exemple, 
les  travaux  des  hommes  de  bien  qui  se  constituent  les 
pères- des  prisonniers;  et  déjà  l'ingénieuse  bienfaisance' 
de  l'auguste  président  ,  en  indiquant  de  nouveaux 
nwyens  d'adoucir  le  sort  de  ces  malheureux ,  a  prouvé 
combien  il  est  digne  de  guider  dans  cette  noble  car- 
rière ceux  qu^îfse  fait  un  honneur  d'y  précéder.  For- 
mée dans  les  premiers  rangs  de  l'ordre  politique ,  une 
{Société  bienfaitrice  s'associe  à  ses  viles  grandes  et  gé- 
néreuses ,  et  s'occupe  sans  relâche  d^'améliorer  le 
régime  des  prisons  et  le  sort  des  détenus  :  déjà  d'im- 
portantes  réformes  sont  dues  à  sa  favorable  influencé  ; 
déjà  des  pleurs  ont  été  séchées,  de  funestes  leçons  ont 
perdu  leur  empire  sur  des  enfans  coupables ,  mais  non 
encore  dépravés  ;  et  un  grand  nombre  de  prisonniers , 
long -temps  abandonnés  à  une  oisiveté  honteuse  et 
funeste ,  commencent  à  connottre  la  douceur  et  les 
avantages  du  travail. 

Mais  ces  bienfaits  ne  sont  encore  que  partiels,  et 
le  but  des  efforts  de  la  Société  Royale  est  de  les  étendre 
sur  toutes  les  prisons  du  royaume ,  et  dé  coordonner 
ces  établissemens  dans  un  système  général  de  réforme. 
Tel  est  l'important  objet  sur  lequel  elle  appelle  les 
méditations  des  amis  de  l'humanité  ^  en  les  encoura- 
geant par  l'espoir  de  voir  s'opérer  des  réformes  si  pré- 
cieuses ,  et  d'avoir  pu  concourir,  au  moins  par  leurs 
veilles ,  à  cette  belle  œuvre  de  la  charité.  Heureux  les 
peuples  qui  Voient  les  chefs  de  leurs  tribus  s'occuper 
du  sort  des  derniers  d'entre  eux!  Heureux  l'écrivàia 


DES  PRISONS.  7 

qui  peut  s'aasociér  à  une ,  aussi  noble  entreprise ,  et 
consacrer  ses  travaux  au  bien-être  de  ses  semblables, 
et  à  radoucissement  de  leurs  maux  ! 

Signaler  les  nombreuse^  réformes  que  sollicite  le 
régime  des  prisons,  indiquer  les  points  sur  lesquels 
elles  doivent  porter,  et  le  but  qu'il  est  à  désirer  qu'elles 
atteignent,  telle  est  donc  la  tâche  importante  que 
nous  avons  à  remplir.  Si  Ton  se  laissoit  aller  aux  mou- 
vemens  naturels  de  la  philantropie ,  on  verroit  tout  à 
détruire  dans  le  système  actuel  des  prisons  ;  et  la 
grandeur  du  plan  de  réforme  que  Ton  présenteroit , 
éloigneroit  peut-être  encore  Tépoque  où,  grâce  au  zèle 
des  gens  de  bien ,  les  prisons  cesseront  d'être  un  obr 
}et  d*borreur  et  une  école  de  corruption.  Cependant 
on  ne  doit  pas  renoncer  à  l'espoir  de  les  amener  gra- 
duellement à  une  réforme  complète  :  peut-être ,  un 
)our,  des  ressources  plus  abondantes  permettront  d'at- 
teindre ce  but  important;  Tamélioration  progressive 
de  notre  situation  financière  peut  en  faire  concevoir 
l'espéraoce  »  et  il  est  doux  de  penser  que  les  dons  de 
la  charité  se  répandront  sur  les  prisonniers  ,  comme 
dans  les  temps  antérieurs  ils  ont*  couvert  d'autres 
malheureux.  Les  siècles  passés  ont  allégé  de  nom- 
breuses douleurs,  il  seroit  digne  du  nôtre  d'admettre 
les  prisonniers  au  partage  de  ces  bienfaits.  S'il  est  beau 
d'être  béni  dan%les  chaumières,  est-il  moins  con- 
solant d'avoir  essuyé  des  larmes  au  fond  d'un  cachot ," 
et  rouvert  les  cœurs  à  la  vertu  par  la  reconnoissauce? 
Le  bienfaiteur  des  prisonniers  ne  sera  pas  suivi  au 
tombeau  par  un  orgueilleux  cortège  de  pauvres  tout 
couverts  de  ses  dons  fastueux;  mais  il  auradélinré  le 
simple  prévenu,  du  supplice  de  vivre  avec  des  orlmi- 


«  DES  VRISOÏ7S. 

tiels  reconflrm,  àtracbé  à  la  contagion  de  rexemplev 
et  jeunes  enfana  que  lé  défaut  d'espace  forçoîi  de  eon^ 
fondre  avec  des  s^rélërats  consommés ,  et  sauVé  la  vie 
à  plus  d'un  prisonnie^^  eh  donnant  les  moyens  d'a- 
^grandir  les  prisons  et  de  les  rendre  plus  saines.  Si  sa 
bienfaisance  est  peu  célébrée  ^  elle  aura  fait  plu«  de 
bien  qu'une  générosité  moins  modeste.  Espérons  que 
ces  voeux  ne  seront  pas  une  vaine  illusion,  et  qnun 
jour,  [Préparée  par  les  dpns  de  la  charité  ^  et  consom- 
mée par  une  intervention  puissante  ,  une  réforme 
complète  rendra  nos  prisons  ce  qu'elles  doivent  être 
chess  une  nation  oii  les  protecteurs  n'ont  jamais  man*- 
qué  à  l'infortune  ! 

Quant  à  présent ,  il  est  impossible  de  tester  ce  grand 
ouvrage  ;  il  faut  se  borner  à  corriger  ce  qui  est  défec- 
tueux, et  à  prévenir  la  naissance  de  nouveaux  abus. 
On  ne  peut  pas  faire  abstraction  de  ce  qui  existe;  il 
faut  en  employer  les  élémens  i  et  en  tirer  tout  le  parti 
possible ,  sans  viser  à  nne  refonte  générale  qui ,  dans 
Tétat  actuel  des  choses,  seroit  une  chimère.  Cepen*- 
dant ,  comme  ce  beau  projet  peut  se  réaliser  un  jout, 
il  est  bon  de  montrer  ce  que  l'on  pourroit  désirer  et 
obtenir.  Cet  Ouvrage  aura  donc  trois  parties:  dans  la 
première ,  on  indiquera  «  sous  un  point  de  vue  pure^ 
ment  théorique ,  et  sans  faire  acception  de  l'état  actuel 
des  choses^  la  manière  dont  il  faudioit  construire  et 
administrer  les  prisons,  s'il  étoit  question  de  les  créer  ; 
dans  la  seconde ,  on.  exposera  l'état  des  prisons  en 
France ,  et  la  manière  dont  les  prisonniers  sont  traités, 
sons  tous  les  rapports  physiques  et  moraux;  enfia, 
dam  la  troisième  partie,  on  cherchera  les  moyens 
d'améliorer,  quant  à  présent,  le  régime  des  pi'isons, 


PRINCIPES  GENERAUX.  9 

en  employant  les  Aémens  qui  existent ,  c^elt--à-dire 
de  se  rapprocher,  antant  qne  possible,  do  modèle  tracé 
dans  la  première  partie,  sans  entreprendre  one  ré^ 
forme  générale ,  impossible  dans  le  moment  attnel. 

■aWilW^iam  ■■mi  ■■■■■■■a  ■■■■  ■  1--^«--n***"'^Vy-n-V>VlfMl-«fV>-VV»illlli\lrVW»Utjt)»Ut)Vl.trinr»|fVtW 

PREMIÈRE  PARTIE. 

l>B8  PRISONS   £N  OÉNÉRAL. 


TITRE   PREMIER, 

PRINCIPBS   oé^^ÉRAUX. 


CHAPITRE  I«'.  De  r emprisonnement ,  et  des  di^i- 
renies  classes  de  prisonniers. 

L'homme,  né  ponr  la  société,  n'en  est  pas  tonjonrs 
an  membre  paisible*  Trop  sonvent  ses  passions  Im 
font  méconnottre  les  devoirs  qoe  lui  impose  cette 
qualité,  et  de  nombreoses  atteintes  à  la  tranquillité 
publique  s  avertissent  le  magistrat  de  la  nécessité  de 
maintenir  l'ordre  social  par  la  répresiion  do  crime. 
Le  moyen  le  plus  naturel  et  le  plus  juste  de  préserver 
la  -société  de  nouveaux  outrages ,  est  Aé  priver  de  sa 
liberté  celui  qui  en  a  fait  un  si  indigène  usage.  Telle  est 
lorigine  de  l'emprisonnement ,  considéré  comme  une 
peine,  il  n'en  est  point  qui  atteigne  mieux  le  but  où 
elles  doivent  tendre  toutes ,  prévenir  lés  délits ,  plutôt 
que  sévir  cotitre  les  coupables.  Sans  enlever  irrévoca^ 


lo  DES  "PRISONS. 

Uemènt  à  la  société  un  membre  qui  peut  encore  la 
servir,  il  la  protège  contre  les  nouveaux  attentats  da 
4:riminel,  en  enchaînant  son  bras;  en  iliéme  temps ^ 
il  donne  le  moyen  de  travaillera  la  correction  morale 
du  détenu  ,  et  suffit ,  sans  rigueurs  accessoires ,  pour 
imprimer  une  terreur  salutaire  dans  l'âme  de  ceux 
qui ,  sans  ce  frein  puissant ,  serotent  tentés  de  l'imiter. 
•  Mais  pour  appliquer  cette  paine,  ou  toute  autre,  il 
faut  que  la  société,  ou  ceux  qu'elle  a  chargés  de  la  re- 
présenter, aient  la  certitude  de  l'existence  du  crime  et 
la  connoîssance  de  son  auteur.  Cette  certitude ,  cette 
démonstration  du  crîn^eet  de  son  auteur,  ne  peuvent 
résulter  que  d'une  information  juridique,  faite  suivant 
des  formes  déterminées  et  propres,  tout  à  la  fois,  à 
protéger  la  liberté  individuelle  des  citoyens  et  à  signa- 
ler le  coupable  :  mais  cette  information  elle-même, 
l'observation  de  ces  formes  protectrices  entraînent  un 
délai  quelconque  entre  le  crime  qui  est  venu  troubler 
la  paix  de  la  cité ,  et  le  jugement  qui  en  proclame 
1  auteur  et  autorise  à  lui  infliger  la  peine  qu'il  a  en- 
courue. Faudra -t-il,  pendant  le  long  intervalle  qui 
pept  s'écouler  jusqu'à  la  condamnation ,  laisser  en 
liberté  l'homme  que  de  violens  soupçons,  que  des  in- 
dices graves  signalent  déjà  comme  l'auteur  du  crime? 
JFaudra-t-il ,  dans  la  crainte  de  faire  tomber  une  ri- 
gueur injuste  sur  la  tête  d'un  innocent,  s'exposer  à 
laisser  au  milieu  de  la  société  celui  qui  s'est  déclaré  en 
guerre  avec  elle,  et  abandonner  à  ses  fureurs  tous  les 
•bons  citoyens?  Cette  improdaQte  application  d'un 
principe  incontestable  ,  l'impunité  de  l'innoceiit  , 
compromettroit  précisément  tous  les  droits  qu'il  est 
destiné  à  garantir,  la  sûreté,  la  propriété,  la  liberté 


PRINCIPES  GENERAUX.  m 

même ,  toujours  nienâcëe  par  la  moindre  infraction  à 
Tordre  public.  La  loi  de  conservation ,  la  première  de 
toutes  dans  le  pacte  social ,  exige  donc  impérieusement 
l'arrestation  proviMÛre  de  tout  homme  soupçon.ni^ 
d'un  crime,  et  la  société  ne  peut  exister,  si  chaque 
citoyen  n'est  pas  disposé  à  faire  à  l'intérêt  public  le 
sacrifice  momentané  de  sa  liberté ,  toutes  les  fois  qu'une 
présomption  suffisante  le  chargera  d'un  crime. 

De  là  résulte  une  seconde  cause  d'emprisonnement  : 
la  prévention. 

D'autres  motifs  peuvent  encore  amener  dans  les 
prisons  certaines  personnes  qu'il  est  facile  de  distin- 
guer de  ces  deux  premières  classes  de  détenus  :  la  con- 
trainte par  corps,  la 'correction  paternelle,  l'arresta- 
tion des  vagabonds,  la  police  militaire.  Ces  différences 
dans  l'èrigine  de  l'emprisonnement  doivent  avoir  des 
conséquences  sur  sa  nature.  La  principale,  et  la  pre- 
mière de  toutes ,  est  de  séparer  les  différentes  classes  de 
prisonniers.  Il  est  inutile  de  chercher  a  faire  voir  com*- 
bien  il  seroit  dangereux  et  cruel  de  renfermer  sous  les 
mêmes  verroux ,  et  de  confondre  sous  la  rnéme  disci- 
pline un  condamné  pour  crime  et  un  détenu  pour 
dettes ,  un  militaive  négligent  ou  insubordonné  et  le 
prévenu  soupçonné  d'une  action  infâme  :  il  faut  savoir 
que  ces  vérités  sont  journellement  méconnues,  pour 
sentir  la  nécessité  de  les  reproduire ,  quelque  évidentes 
qu  elles  soient  en  elles-mêmes. 

CHAPITRE  IL  De  la  nécessité  de  %éjMrer  les 
prévenus  des  condamnés, 

La  justice ,  l'intérêt  socia) ,  le  respect  dû  à  l'inno- 


12  DES  PRISONS- 

cetïce  et  ao  malheur,  tout  feît  nn  devoir  de  ne  point 
yënnir  dans  les  mêmes  prisdns  les  condamtiës  et  les 
simples  prëvenns.  Places  dans  nne  situation  toute  dif- 
féfefite ,  ils  doivent  aussi  être  traites  difTëremment  : 
les  premiers  ont  perdu  leurs  droits  aux  garanties  so- 
ciales qu'ils  ont  violées.,  et  la  loi  leur  en  enlève  plus  ou 
moins,  selon  la  gravité  de  leur  faute;  les  seconds  sont 
encore  dans  rintégrité  de  leur  état;  tant  qu'un  jugé** 
ment  solennel  ne  les  a  pas  déclarés  coupables ,  ils  ont 
droit  à  tous  les  égards  que  les  criminels  ne  peuvent 
plus  réclamer;  et  Ton  peut  même  dire  que  le  sacrifice 
momentané  qu'ils  font  à  la  tranquillité  fublique,  doit  « 
à  certains  égards ,  les  rendre  respectables  à  leurs  con^ 
citoyens.  Si  donc  la  condition  des  condamnés  peot 
comporter  quelques  riguevirs,  inutiles  à  l'égard  des 
simples  prévenus,  si  mêmfe  c'est  déjà  un  sup^ice  af-^ 
freqx  que  d'être  confondu  avec  des  criminels,  quand 
on  a  le  sentiment  de  son  innocence ,  n'est-ce  pas  tifie 
nécessité  de  séparer,  de  la  manière  la  plus  complète , 
ces  deux  classes  de  prisonniers  ? 

C'est  une  vérité  fâcheuse ,  mais  qu'on  ne  doit  point 
dissimuler,  l'idée  de  prison  est  infamante,  et,  dans 
nos  mœurs ,  qui  sont  souvent  injustes ,  le  malheur  d'y 
avoir  été  conduit ,  même  à  tort ,  est  un  véritable  op- 
probre. L'homme  qui  a  été  en  butte  aux  soupçons, 
mais  qui  n'a  point  subi  de  détention  préliminaire , 
n'est  pas  autant  repoussé  par  l'opinion ,  que  celui  qui 
a  éprouvé  ce  surcroît  d'infortune;  et  tandis  que  le 
coiitumax  tftà  obtient  son  acquittement ,  rentre  sans 
honte  dans  les  rangs  de  la  société ,  une  tache  funeste 
s'imprime  sur  la  vie  toute  entière  de  l'innocent  qu'on 
a  vu  dans  les  fers  avant  son  arrêt  d'absolution.  L'idée 


PRINCIPES  GENERAUX.  i3 

lenie  ée  l'emprisoimemetit  âablil  entre  eax  €ctle  iii* 
D€8ta  diffiîrence  :  mais  si  la  prison  rend  infâme  ^  à  cpioi 
devons^nons  Taltribiier,  «i  ce  n>st  à  celte  confusion 
despréyentis  et  des  condamnes  sous  lesméfiies  vasrroox? 
L^io&nnie  n'est. pas  le  seul  résoltat  fâcheox  qu'en-*^ 
trahie  renaprisonnemcnt  :  tcKifonn  fatal  pour  l'hon- 
neur^ il  ne  compnNnet  pas  ■Eftoins  la  vertu  même ,  qui 
se  fût  conservée  pure  airec  la.  liberté  «  et  qtd  iouvent 
vient  se  perdre  dans  tiost  prisons.  La  société  da  crime 
n'est  pas  moiosiiibMi^  qu'elle  est  péof  Ue ,  pt  Tatmois^ 
phere  où  vivent  k»  méchans  est«  en  qaelqoe  sorte  « 
contagieuse  pour  ceux  qui  la  respirent.  On  ne  pense 
point  dans  la  prison  comme  on  pcàisost  dans  le  monde  ; 
l'esprit  de  féianimese  femifiarise  aivec  toutesias  idées, 
avec  le  crime  comme  avec  la  verto.  Gardons'^ootts  de 
Thabitâer  a  la  présence  ccxntinqdle  et.  à  la  commua 
nanté  4'intrfvàlis  a««c  des- scélérats  reconlios;  ^rdons*- 
tioQs  de  roxpQscr  à  leur  fim^ste  exi^myle  et  à  leora 
huteoses  fegoas  par  sine  confusion  aussi  dangei^euse 
qirelle  est  ia§uste.  Un  aeciiaé,  jaon  coiavaîiM:a«  a.tatér 
n6tde  cacher  sa  perversité ^ si  soii  cœur  esiidépravé,  il 
a  aoisd'eÉi  vciiler  la  torphude,  et  ce  &'est  ptas  loi  qui. 
fera  des  prosélytes  pour  le  lOrime  :  mais  le  coi»pable« 
coBTSMncu ,  n'a  plus  tma  i  cacber,  ^a  crime  est  dér 
couvert 9  .son  infamie  est  cooioue,,  il-ne  bii  reste  que 
llsorrUe  g^ire  de  k  soéléralesse*  et  son  âme  perverse 
la  poisrsaiÉ  avec  aidlnr;  il  se  nead  V suaire  du  crime  .^ 
^fa'ilaatl- [peindre  av^ec  ks^cnuleurs  vives  d'une  imagi*- 
«alioa atroce;  ks  infâmes platsir^i  qu'il  a  goûtés  i  qja'il 
se  pcomet  de  goûter  enoore^  âe  reproduisent  sans  cesse 
dans  jses  discours  oorropteucs;  il»a  l'enthousiasme  do 
crimet  «t  l'iCttâhoosiasliie  rse  oomt»iiiiîq0e..4vec  une 


j4  des  PRISONS; 

effrayante  facilité.  Qui  ^etit  penser,  san»  frémir,  aux 
funestes  effets  de  secnhbbles  leçons  répétées  journelle- 
ment ?  Telles  sont  cependant  les  conséquences  de  la 
réunion,  sops  le  même  toit,  de  Tinnocence  et  du 
crime ,  àe&  préveiins  et  des  condamnés.  Séparez  ces 
deux,  classas  si  distinctes  de  détenus,  et  pour  avoir 
encouru  d'injustes  soupçons,  on  n'aura  pas  perdu  tout 
à4a*fois  Thonneur  et  Finnocence. 

"CHAPITRE  III.  Dé  la  nécessité  de  séparer  les  jeunes 
prisonniers  d^  hommes  faits. 

Les  mêmes  considérations  se  présentent ,  à  la  vérité» 
avec  moins  de  force, -mais  cependant  d'une  manière 
pressante,  pour  réclamer  la  division  des  prisonniers 
«n  plusieurs  classes ,  d'après  leur  âge  et  la  cause  de 
leur  condamnation.  Egale  pour  tous ,  la  loi  a  du  punir 
de  la  même  peine  tous  ceux  qui  ont  commis  leiraêmc 
•crime ,  à  moins  que  leur  âge  ne  soit  trop  tendre  paur 
supposer  un  entier  consentement  au  mal,  on  trop 
av>ancé  pour  pouvoir  supporter  les  peines  communes. 
Il  est  cependant  fâcheux  de  voir  enfermer  dans  les 
mêmes  prisons,  ou  attacher  à  4a  même  chaîne,  un 
enfant  de  seize  ans  et  un  homme  consommé  dans  le 
crime;  le  maraudeur  adolescent ,  qui  a  enjambé  une 
fenêtre  pour  voler  un  frint,  et  le  brigand  qui  a  ré- 
pandu la  terreur  dans  toute  une^éontrée,  par  des  vols 
de  nuit  ^'dVec  violence  et  à  main  armée.  Quels  funestes 
résultats  ne  doit  pas  produire  une  semblable  associa- 
tion, dont  on  ne  voit  que  trop  d'exemples!  Grâce  à 
l'expérience  deson  cdieux  compagnon,  le  jeune con- 
daAmé  àe  deviendra-t*il  pas  bientôt  son  émule?  Et 


PRINiCIBES  GENERAUX.  iS 

comnienl  espérer  de  sauver  cette  âme ,  qui  n'est  pas 
encore  gangrenée  par  Thabitude  du  crime,  si  c'est  avec 
an  scélérat  décidé  qu'il  passe  le  temps  destiné  par  la 
loi  à'Sa  correction  ? 

On  n'évitera  ces  conséciu^fices  funestes  qu'en  sépa- 
rant les  prisonniers  en  différentes  cla6ses,  à  raison  ^e 
leur  âge  :  il  seroit  à  désirer  que  la  cause  de  la  condam- 
nation jmt  amener  la  même  mesure ,  et  Ton  ne  peut 
qu'inviter  les  administrateurs  des  prisons  à  ne  jamais 
négliger  cette  considération^  Mais,  comme,  a  raison 
des  circonstances  locales ,  ce  dassement  n'est;  pas  sus* 
ceptible  d'être  assujéti  à  des  règles  uniformes»  il  faut 
l'abandonner  entièrement  à. la  prudence  des  autorités 
dans  chaque  prison  :  elles  seules  peuvent ,  dans  la  ré- 
partition intérieure  des  prisonniers,  avoir  égard  à  ces 
différences,  et  prévenir  les  sintes  d'une  collision  dan* 
gereuscNousdévelopperonsultérieuffcment  les  moyens 
d'exécuter  cette  mesure.  UsuffidCHt  ici  d'indiquer  les 
règles  fondamentales  quifdoivent  serfirir  de  base  à  une 
réforme  des  prisons;  il  nous  reste  à'  en  faire  l'applica*- 
tion  aux.  détails 

Avoir  des  prisons  qui.  réunissent  le  double  avavlage 
de  la  sûreté  et  de  la  salubrité;  maintenir  l'ordre  par 
une  discipline  infl^ible,  mais  dégagée  d'arbitraire  •; 
établir .  un  régime  physique  qui  entretienne  la  santé 
particulière  et  générale ,  et  un  régime  moral  capable 
de  corriger  les  criminek  ef  de  les  ramener  au  bien,  tel 
est  le  but  que  doit  atteindre  .une  réforme  des  prisons. 
Nous  examinerons  successivement  ces  divers  objets , 
qni  feront  la  matière  de  quatre  ûires  :  Matériel  r 
ine^  Régime  physique  et.  Régime  moraL 


i6  DES  PRISOMS. 

TITRE  II. 

DU,  MATÉRIEL    DBS    PRI^ONjS. 


•■«W* 


CHAPITRE  I*».  De  la  construction  des  prisons. 

La  partie  purement  niâtëridle  des  prfeoiM,  eW^ 
à'^dif  e  la  confitroclioa  et  la  distribution  des  bâltMenr 
qui  les  composent ,  a  la  plus  grande  influence  sur  le 
sort  des  détenus  et  sur  toute  radniinislration  en  gé- 
néral :  c'est  d'elle  que  dépendent  la  sûreté  et  1^  salu- 
brité ;  et ,  par  suite ,  le  bien-^tre  des  prisimniers.  Ces 
avantages  sont  assez  importans,  pour  qu^on  donne*  là 
]dos  sérieuse  attention  à  tout  ee  qui  petit  les  pMcnrer* 

Que  les  prisons  soient  solides  et  bien  closes ,  la  so-^ 
ciélévet  les  détenus  eux-.Riénies  en  éprouveront  lea 
beursnx  effets»  Ce  n'est  que  des  prisons  faciles  (à  for-*» 
cer,  que  les  prisonniers  ^'évadent ,  ou  cherdient  à  a'4« 
vader  ;  et  il  n'en  est  point  dont  le  régime  soit  pius^dur 
que  celles  où  le  gardien  a  des  raisons ,  vraies  ou-fenssca^ 
dç  .craiacb«  des  évasions^  C'est  là,  qu'au  moindre 
aoopçon ,  une  discipline  ombrageuse  révoque  les  per^ 
missions  les  pins  indifférentes ,  et  £aiit  peser  de  noa- 
YttUes  rigueurs  sur  les  prévenus;  que  toute  promenacte, 
tout  délassesnent sont  interdits,  et  que  l'on  se  hâlie  de 
&îre,  par  mesure  de  précaution,  l'aflreose  dîstributioA 
des  fers  à  des  malheureux  qui  n'ont  souvent  d'autre 
Xfiist  que  «d'étra  plus  grands  et  plos  forts  que  les  attires 
détenus.  Il  faut  avouer  q^e  les  geétiers  ne  sont  )»maia 
plus  en  jdanger  qne  dans  les  prisons  mal  closes ,  et  qisre 
la  facilité  des  évasions  est  un  appât  dangereux  qui 


MATERIEL  DES  PRISONS.  1 7 

excite  les  prisonniers  à  la  révolte  ;  mais»  trop  souvent 9 
le  défaut  de  solidité  des  prisons  n'est  qu'un  prétexte 
dont  les  geôliers  se  servent  pour  s'autoriser  à  des  ri- 
;;ueurs  qui  les  dispensent  d'une  surveillance  plus  active. 
Il  seroît  donc  de  la  plus  haute  importance  d'ôter  aux 
uns  la  tentation ,  aux  autres  la  crainte  ou  le  prétexte 
des  évasions ,  en  s'occupant  de  la  solidité  des  édifices 
et  de  leur  exacte  clôture. 

Quant  à  la  salubrité,  elle  est  d'un  intérêt  si  grand, 
soit  pour  les  prisonniers ,  soil  pour  la  société  elle-même,- 
à  cause  de  la  nature  contagieuse  des  maladies  qui  nais- 
sent dans  les  prisons ,  qu'insister  sur  la  nécessité  d'y 
pourvoir ,  ce  seroit  chercher  à  prouver  l'évidence. 

C'est  à  concilier  ces  deux  grands  intérêts  ,  la  sûreté 
et  la  salubrité ,  que  doit  s'appliquer  l'architecte  chargé 
de  la  construction  d'une  prison.  Peut  être  ne  m'appar- 
tienHl  pas  d'entrer  ici  dans  des  détails  étrangers  en 
partie  à  roesconnoissances  ;  peut-être  devrois-je  laisser 
aux  médecins  et  aux  architectes  à  tracer  le  plan ,  à  in- 
diquer la  distribution  des  bâtimens  d'une  prison.  Ce- 
'pendant ,  si  quelques  vues  générales,  exposées  avec 
simplicité  et  dans  l'unique  but  de  servir  mes  sembla- 
bles,  peuvent  être  de  quelque  utilité,  je  ne  dois  point 
hésiter  à  les  proposer.  Je  ne  me  flatte  point  de  présen* 
ter  ici  des  idées  entièrement  neuves  ;  je  n'ai  pas  le  sot 
orgueil  de  vouloir  donner  des  conseils  à  ceux  qui  se^ 
roiènt  mes  maîtres  :  mais  si  je  puis  faire  naître  dans 
leur  esprit  quelque  aperçu  nouveau  ,  si  je  puis  faire 
penser  le  génie,  je  serai  bien  récompensé,  et  ma  tâche 
sera  remplie.  Il  ne  faut  souvent  qu'une  erreur  ,  échap- 
pée d'une  bouche  obscure ,  pour  faire  découvrir  une 
vérité  importante,  et  je  serai  trop  heureux  si  la* cri- 


i8  IMKS  PRISONS. 

tique  oiéme  «  de  l'avis  que  j'ouvr-e  aVec  dëfianee  pou* 
voit  foire  jaillir  quelques  rayons,  de  liiiDÎère  pour  le 
bonbeur  de  l'humtfnité. 

Le  premier  moyen  de  pourvoir  à  la  salubrité  d'une 
prison  que  Ton  construit ,  c'est  d'en  bien  choisir  rem-^ 
placement.  Vainement  prendroit-on  toutes  les  précau- 
tions pour  la  rendre  ^ine,  si  la  position  n'est  poiiït 
favorable.  Les  mesures  sanitaires  ne  doivent  pas  être 
le  remède  id 'une  exposition  malsaine ,  mais  concourir 
avec  une  bonne  exposition  pour  entretenir  la  santé  des 
prisonniers* 

«  Toute  prison  devroit  d'abord ,  autant  que  possible , 
être  isolée  et  placée  au  dehors  des  villes,  ou  au  raoini^ 
loin  des  quartiers  populeux.  Il  est  aussi  funeste  pour 
les  prisonniers  que  dangereux  pour  les  citoyens  «  de 
placer  au  milieu  des  villes  ces  foyers  de  corruption  qui 
les  infectent  souvent  des  maladies  les  plus  affreuses , 
et  que  le  défaut  d'air,  résultant  d'une  semblable  posi- 
tion ,  ne  feroit  que  rendre  plus  redoutables  encore.  Je 
voudrois  donc  que  l'on  choisît ,  pour  l-emplacemeûl 
des  prisons ,  un  endroit  assez  découvert  pour  laisser 
à  l'aif  la  plus  libre  circulation  ,  et  qu'il  y  eût  un  cer* 
tain  intervalle  entre  elles  et  les  maisons  particulières. 
Indépendamment  des  avantages  que  cette  sit^iation 
pi  ésenleroit  sous  le  rapport  de  la  salubrité^  on  y  tt*au* 
veroit  encore  celui  de  rendre  la  garde  extérieure  beau- 
coup pUis  facile ,  parce  qu'on  po4irroit  aisément  porter 
Yecil  de  la  surveillance  sur  tous  les  dehors  de  l'enceinte, 
et  que  le»  prisonniers  ne  pourix>ient  guère  la  franchir 
sans  être  aperçus. 

.  Il  seroit  à  désirer  que  les  prisons  pussent  être  cons- 
truites sur  des  hauteurs;  les  lieux  élevé;s  sont  toujours 


MÂTËRtEL  OBS  PRISONS.  1 9 

battodts  venu,  et  par  coméqœot ,  plus  à  Tabri  que 
le^  entres  des 'maladies  qui  naisseot  de  l'accumulalion 
des  miasmes  dans  les  endroiis  fadtiités  par  un  grand 
nombre  d'hommes.  Mais  cette  position  est  sujette  à 
deux  inconvéniens  majeurs  auxquels  il  ne  laut  point 
s'e;Kposer  |i  Ton  n  a  pas  les  moyens  de  s'en  garantir  : 
Tun  est  le  manque  d'eau  i^^'autre  une  vivacité  d'air 
excessive.  Si  l'hydraulique  ne  fournit  pas  un  moyen 
facile  d'avoir  toujours  et  abondamment  de  l'eau  dans 
la  prison,  il  faut  renoncer  à  l'établir;  quant  à  la  viva* 
cita  de  l'air ,  on  a  des  exemples  de  prisons  existant 
en  France  ,  où  l'on  remarque  un  surcroit  de  mortalité 
x{m  ne  peut  être  attribué  <}b'à  cette  canse.  On  doit 
éviter  avec  soin  une  semblable  pqfition* 

D'un  autre  c6té^  on  sera  souvent  forcé  de  bâtir  des 
prisonsdans  un  terrain  bas,  par  exemple,  dans  la  plu^ 
part  des  viUe^  de  commerce  ou  de  fabrique,  ordinai^ 
rement  baignées  par  des  rivières.  Dans  ce  cas,  on  fera 
bien  de  les  placer,  au  bord  d'une  eau  courante.  Cette 
situation»  choisie  avec  soin  «  a  plusieurs  avantages  que 
lion  reconnoiti^a  facilement ,  et  entre  autres  cehii  de 
la  pureté  de  l'air.  lia  salubrité  et.  la  sûreté  se  trouvent 
toujours  bien  garanties  dans  une  prison  placée,  comme 
celle  d'Annecy,  dans  une  île  formée  par  lesdeoic  bras 
4'«ine  rivière^  C'est  peut-être  la  seule  manière  de 
rendre  saine  ^une  pri$on  bâtie  sur  un  terrain  bas,  ton-* 
jours  bien  m-oins  favorable  qu'une  hauteur.  £n  même 
temps,  le  voisinage  de  la  rivière  donne  bien  des  faci- 
lités qu'on  ne  trouve  pas  aillem*s»  pour  entretenir  la 
propreté ,  cette  coodilioH  si  indispensable  à  la  santé. 

L'emplacement  choisi,  il  s'agira  de  construire  la 
prison  de  manière*  qu'dte  wH  Umt  à  la  fois  sûre ,  sjône 


30  DES  PRISONS. 

et  comimode.  Pour  qn^uoe  prison  ne  soit  pas  matsaine^ 
il  faut  qu'elle  soit  spacieuse  :  mais  l'étendue  nuit  ton* 
jours ,  plus  ou  moins ,  à  la  sûreté  :  plus  une  enceinte 
est  grande  ,  plus  la  garde  en  est  difficile ,  plus  il  faut  jde 
préposés  pour  y  veiller.  La  sûreté  et  la  salubrité  sem« 
blent  donc  exiger  des  mesures  divergentes.  On  conci- 
lieroit  peut-être  ces  întéyêts  opposés ,  en  réunissant 
aux  prisons ,  d'autres  établisseraens  publics  qui  pussent 
en  être  rapprochés  sans  inconvénient.  L'ensemble  de 
ces  constructions  permettroit  d  affecter  aux  prison- 
niers une  enceinte  assez  considérable,  sans  leur  laisser 
aucuns  moyens  d'évasion.  Le  plan  indiqué  dans  la 
Médecine  légale  du  docteur  Fodéré,  nous  paroit ,  sauf 
quelques  modifications ,  propre  à  atteindre  ce  but  dé- 
sirable. Ce  médecin ,  aussi  éclairé  qu'ami  de  l'huma- 
nité ,  propose  de  construire  les  prisons  de  la  manière 
suivante  ;  nous  nous  faisons  un  devoir  de  transcrire  ses 
propres  paroles  : 

«  On  feroit  deux  carrés  contenus  l'un  dans  l'autre , 
(«  et  séparés  par  un  espace  suffisant  de  tous  les  côtés; 
«  le  carré  intérieur  seroit  le  logement  des  détenus  ,  et 
<c  l'extériejbr ,  celui  des  concierges  et  gens  de  justice  ; 
<(  re«()ace  contenu  entre  les  deux  carrés  servirait  de 
«  jH^omenade  aux  prisonniers  ;  on  l'entooreroit  de 
«  {Portiques  attenant  à  leur  logement ,  et  on  l'orneroft 
«  de  fontaines.  Le  carré  intérieur  seroit  composé  de 
«  quatre  ailes,  au  mrilieu  desquelles  seroit  un  espace 
«  dont  on  pourrait  faire  un  jardin  pour  l'amusement 
«(  et  l'occupation  des  détenus,  etc....  » 

Le  plan  du  docteur  Fodéré  est  également  propre  à 
garantir  la  sûreté  et  la  salubrité  ;  la  prison  et  ses  dé- 
pendances pourront  être  spacieuses  sans  aucun  incon- 


MATERIEL  DES  PRISONS.  21 

véoient  pour  la  garde  des  prisonniers ,  puisqu'ils  se- 
ront touîot|rs  enfermés,-  non. par  nne  ou  deux  mu- 
railles que  Ton  peut  percer  ou  franchir  ^  mais  par  des 
bâtimens  dont  on  peut  intéresser  les  habitans  à  la  sur- 
veillance extérieure  de  la  prison.  Il  est  vrai  que,  pour 
ne  pas  manquer  le  but  principal ,  qui  est  de  laisser  un 
grand  espace  aux  prisonniers,  la  première  enceinte 
devra  être  considérable  et  entraîner  de  fortes  dépenses 
d'établissement.  Dans  le  fait,  ces  dépenses  seroient  ex- 
cessives si  elles  n'avoient  pour  objet  que  les  prisons 
seules ,  et  qu  elles  dussent  être  prises  uniquement  sur 
les  fonds  destinés  à  leur  construction.  On  objecteroit 
encore  avec  raison  l'inutilité. de  bâtiment  aussi  con- 
sidérables pour  loger  le  petit  nombre  de  personnes  at- 
tachées à  la  prison.  Il  nous  semble  qu'on  lèvera  ces 
difficultés  en  réunissant,  pour.for.mer  Tenceinte  exté- 
rieure ,  les  établissemens  publics  dont  i  n  a  besoin 
dans  tous  les  départemens ,  et  en  appliquant  a  cette 
réunion  d'édifices  les  fonds  affectés  à  chacun  d'eux. 

Il  n'est  point  de  chef -lieu  9  il  n'est  point  de  ville 
un  peu  importante  qui  n'ait  besoin  d  édifices  publics, 
soit  pour  le  logement  de  certains  employés ,  soit  pour 
les  séances  des  autorités.  Il  faut  partout  une  habitation 
pour  les  subalternes  attachés  aux  administrations  ^ 
notaranient  à  celle  de  la  justice ,  des  salles  d'ai;idience 
pour  les  tribunaux  ,  ou  d'assemblées  pour  les  autres 
corps  constitués,  des  casernes  pour  la  gendarmerie,  etc.  ^ 
ctcr.i  On  a  souvent  besoin  de  bâtimens  pour  y  placer 
un  arsenal ,  des  greniers  d'abondance ,  des  magasins 
publics ,  etc. ,  etc. 

L'Etat ,  dans  la  plupart  des  villes ,  seroit  obligé  de 
les  construire  séparément  «  pourquoi  ne  les  réuniroit- 


«  DES  ptitsôm. 

on  ()âsdan$  le  même  liée  avec  les  prisons?  On  ôbtien- 
droit  par  là  nne  véritable  économie  sni*  l'ensemble  ^ 
car,  la  constmction  de  plmieftl^  édifices  séparés  est 
toitjoiirs  phis  coôtensè  que  celle  d'nn  bâtiment  unique 
suffisant  ponr  faire  face  aux  mêmes  besoins,  et  en 
même  temps ,  on  se  procnrerbît  sans  ancnns  frais ,  ir 
la  charge  des  prisons,  Tenceiiite  la  pltks  stre  et  la  pim 
spacieuse.  Comme  on  anroit  la  facnlté  de  la  tenir 
moins  élevée  que  de  simples  murailles ,  elle  s'oppose- 
roit  moins  à  l'accès  de  l'air  et  do  soleil ,  que  lés  che- 
mins de  ronde ,  dont  il  est  impossible  de  se  passer  daM 
les  prisons  ordinaires  ,  et  qui ,  par  leur  proximité  du 
centre  et  la  hauteur  des  murailles  qui  les  composent , 
empêchent  presque  toujours  les  rayons  du  soleil  d'ar- 
river jusqu'au  rez  de  chaussée.  Enfin ,  on  y  trouveroii 
plusieurs  avantages  incontestables,  soit  pour  la  garde 
extérieqre ,  soit  pour  la  discipline ,  soit  pour  l'exécu- 
tion prompte  et  littérale  des  mandemens  de  la  justice. 
La  présence  d'une  force  armée  toujours  prête  à  em«- 
ployer  lès  moyens  énergiques  qui  lui  sont  propres , 
prévîendroit  presque  toujours,  d'une  manière  eflftcare, 
les  insurrections.  Le  service  des  casernes,  et  celui  d'un 
poste  militaire ,  qu'on  peut ,  sans  inconvénient  et  sou- 
vent très- utilement,  placer  dans  les  bâtimens  exté- 
rieurs, serviroient  d'ailleurs  tout  naturellement,  et 
sans  consigne  particulière ,  à  irendre  les  évasions  pres- 
que impossibles.  Sors  de  ne  pouvoir  faire  la  moindre 
tentative  sans  attirer  sur  eux  Tattention  de  soldât» 
qu'il  seroît  facile  dHntéresser  à  cette  surveillance  par 
l'appât  d'une  haute  paie,  les  prisonniers  seroient  moins 
disposée  aux  révoltes  et  à  laftâite ,  et  résignés  à  paaser 
dans  la  prison  tout  le  temps  de  leur  condamnation  « 


MATERIEL  DBS  PRISONS.  «3 

iU  di^rcherolent  à  s'en  rendre  le  «éjour  moins  pént*^ 
Me  5  par  le  Iravail  et  la  soumission  à  Tordre.  Qtiant  à 
rotilitë  et  à  la  convenance  du  voisinage  des  tribu** 
Aatix,  on  en  convient  g«énëralement ,  et  il  nous  suilît 
de  l'indiquer  (4). 

Mais  pour  atteindre  tonte  rutililë  dont  est  snscep^ 
tifate  rétablissement  combiné  que  nous  proposons,  il 
faudrott  rendre  les  deux  carrés  entièrement  indépen^ 
dans  Tnn  de  l'antre,  et  même  faire  en  sorte  qu'il  n'y 
ait  aucun  rapport ,  aucune  communication  entre  ces 
deux  corps  de  bâtimcnsb  NnUe  fenêtre  ne  pourr oit  être 


(x)  Je  nç  dois  point  oinettre  ici  que  cette  partie  de  mon  plan 
n'a  pas  obtenu  l'approbation  de  Is^  Commission  cliargëe  de  l'exa- 
men des  ouvrages  envoyas  au  coucours.  Elle  a  été  critiquée 
comme  opposée  à  l'isolemetit  des  prisons ,  dont  )e  reconnois  moi- 
même  la  nécessité.  Plein  de  soumission  pour  une  oensure  HUSfii 
respectable  et  ausû  ^dairée,  )^  me  foi^  un  devoir  de  renoncer  k 
mes  idées  pr<qprè& ,  pour  suivre.  cçUes  de  la  Commission ,  et  \q 
fais  volontiers  à  sou  opinion  le  sacrifice  de  la  mienne.  Cependant, 
comme  le  plan  que  j'ai  proposé  se  rattache  indirectement  à  plu- 
f ienrs  autres  parties  de  mon  système ,  et  que  la  oonnoissance  en 
peut  être  utile,  au  moins  pour  l'intelligence  de  ces  passages  ,  j'ai 
cru  devoir  l'exposer  tel  ^ve  )«  l'ai  conçu,  en  avertissant  de  la 
critique  qui  en  a  été  faite*  Peut-être  y  trouvera-tr-on  encore 
quelques  idées  utiles  ,  quelques  vues  particulières  dont  on  pourra 
faire  usage. 

Au  surplus  ,  la  réunion  d' établi ssemens  publics  avec  les  pri- 
sons, pour  en  formeif  Tcnceiote  extéfieure,  n'est  point  néces- 
saire k  l'ensemble  de  mon  systèiae  de  réforme.  On  peut  toujour». 
exécuter  le  pian  q^e  je  propose ,  s^ns  encourir  les  inconvinieus, 
que  Ton  parott  craindre  de  cette  réunion  d'établissemens ,  en  le& 
remplaçant  par  de  ^impies  murailles  et  un  chemin  de  ronde.  De 
cette  manière,  les  prisons  pourrOUt  être  entièrement  isolées,  si 
on  a  soin  de  les  placer  kors  des  villes. 


54  DES  PRISONS.   . 

percëe  du  cAté  de  la  prison  dans  les  bâtimens  de  VesÈ^ 
ceinte  extërîenre  ;  tons  leurs  jours  se  prendroient  sur 
la  voie  publique;  seulement  Ton  ponrroit  permettre, 
pour  les  étages  élevés,  de  ces  jours ,  dits  de  souffrance, 
qui  admettroient  Tair  et  la  lumière ,  sans  donner  de 
vue  snr  tes  prisonniers.  Mais  cette  permission  ne  de- 
vroit  être  accordée  qu'à  titre  d'exception .,  et  dans?  le 
cas  d'une  nécessité  rigoureuse  ;  par  exemple  ,  dans  le 
cas  où  la  salubrité  des  bâtimens  y  seroit  intéressée: 
mais  pour  peu  c(ue  Ton  pût  y  suppléer  d'une  autre 
manière ,  il  faudroit  le  faire.  Il  est  toujours  à  désirer 
que  les  murs  de  clôture  d'une  prison  présentent  une 
surface  entièrement  plane,  sans  aucun  de  ces  points 
de  repos  ou  saillies,  qui  donnent  la  facilité  d'accro- 
cher des  cordes  ou  des  échelles ,  et  de  monter  en  plu- 
sieurs fois.  Si  les  murs  de  l'enceinte  en  bâtimens 
étorîent  percés  de  fenêtres,  ils  perdroient  tout  l'avan- 
tage que  leur  donnent  sur  de  simples  murailles  la  hau- 
teur et  la  solidité  des  édifices  dont  ils  font  partie. 

Il  est  encore  évident  qu'il  ne  doit  y  avoir  aucune 
porte  de  communication  entre  les  deux  corps  de  bâ- 
timens. Celle  destinée  à  la  prison  conduira  directe- 
ment à  l'extérieur ,  et  traversera  seulement  toute  l'é- 
paisseur de  la  première  enceinte  ,  sans  y  donner  accès. 
Elle  sera  sous  la  surveillance  combinée  du  gardien  de 
la  prison  ,  et  d'un  portier  placé  à  l'extérieur ,  qui  pour- 
roit,  en  même  temps ,  servir  de  concierge  pour  un 
autre  établissement.  Il  seroit  à  désirer  que  cette  entrée, 
uniquement  destinée  au  service  de  la  prison  ,  fut  fer- 
mée par  deux,  ou  même  par  trois  portes  :  l'une  seroit 
la  porte  extérieure ,  et  la  clé  en  resteroît  entre  les 
mains  du  portier ,  qui  seroit  chargé  de  l'ouvrir  et  de 


MATERIEL  DES  PRISONS.  i5 

la  fermer  aa  dehors  9  et  les  deux  autres  seroient  des 
guichets,  à  la  disposition  du  geôlier,  qui  en  auroit  les 
clés,  et  donneroient  accès  dans  la  cour  séparant  les 
deux  carrés.  Ainsi,  personne  ne  pourrait  entrer  ni 
«>rtir  par  la  porte  de  la  prison  sans  le  concours  du 
gardien  et  du  portier.  Cette  double  clôture  nonssemble 
très-  propre  à  empêcher  Tévasion ,  et  surtout  à  pré- 
venir les  séditions  qui  ont  pour  but  d'enlever  les  clés 
an  geôlier.  Comme  on  n'anroit  rien  en  tenant  celles 
qn'il  a  entre  les  mains ,  et  qu'il  resteroit  toujours  à 
franchir  la  première  porte ,  dont  la  clé  serait  au  de- 
hors ,  les  prisonniers  n'auraient  qu'un  foible  intérêt 
à  ae  porter  à  cette  violence;  ils  ne  s'exposeroient  pas 
aux  suites  d'une  insurrection  raanqnée ,  et  le  meilleur 
succès.qn'ils  pussent  attendre  d'une  révolte  seroit  de  se 
répandre  dans  le  préau  de  séparation  ;  avantage  trop 
insignifiant  pour  qu'on  doive  craindre  les  sédi^tions 
dans  la  vue  de  l'obtenir. 

'  C'est  ainsi  que  la  construction  des  prisons  peut  arri- 
ver au  point  de  les  rendre  sures ,  saines  et  commodes. 
Mais  ces  avantages  seroient ,  en  grande  partie ,  per- 
dus, si  la  distribution  intérieure  n'étoit  réglée  de  ma- 
nière à  rendre  la  surveillance  facile  et  continuelle, 
et  à  prévenir  tous  les  inconvénients  qui  résultent  de  la 
réunion  de  beaucoup  d'hommes  dans  le  même  lieu. 

CHAPITRE  II.  De  la  distribution  des  prisons. 

Dans  la  distribjLition  intérieure  des  prisons,  comme 
dans  leur  construction ,  on  doit  encore  avoir  pour 
objet  la  sôreté ,  la  salubrité  et  la  commodité  :  tout  doit 
être  subordonné  à  cette  triple  destination  9  qui  ne  doit 


i6  DES  PRISO!«S. 

jamais  être  sacrifiée  à  aucune  idée  de  régularité  et 
d'élégance.  Cette  règle  doit  diriger  constammci^  Wt^ 
chitecte  chargé  de  Véti^lissement  d'une  prison* 

La  sûreté  est  encore  la  première  condiliiNEi  à  neno** 
plir,  puisque,  sans  elle,  les  autres  seroient  inuliies« 
On  ajoutera  beaucoup  aux  moyens  de  sûreté  qui  fé- 
suit^nt  des  précautions  prises  lors  de  la  constrvctioii  t 
en  réduisant  les  portes  intérieures  de  coradninkatîoo 
au  plus  petit  nombre  possible ,  et  en  réunissant  toulci 
les  pièces  à  un  centre  commun ,  qui  aeroit  la  géôle^ 
Cette  disposition  rendroit  la  surveillance  facile  et  coih 
tinuelle,  sans  vexations,  et  même  sans  on  retour  fré-* 
qnent  de  visites  aussi  fatigantes  pour  le  gardien  qu<^ 
pour  les  détenus.  Voici  comment  on  pourroit  remplir 
ces  indications  (i)  : 

La  géûle  occuperoit  le  centre  de  l'iHie  des  quatre 
ailes,  composant  le  carré  intérieur,  ou  la  prison  pro"? 
prement  dite.  Elle  auroit  trois  portes  :1a  première  « 
donnant  sur  la  cour  ou  préau  de  séparation  des  deux 
carrés,  seroit  vis-à-vis  les  guichets  qui  conduisent  aa 
dehors;  la  seconde,  placée  vis^ à-vis  la.  première^ 
donneroit  sur  un  préau  intérieur;  et  la  troisième  « 
placée  dans  Tun  des  murs  latéiiaux  de  la  ^le,  oohei^ 
muniqueroit  avec  la  partie  des  bàtimens  occupée  par 
les  prisonniers ,  et  seroit  leur  unique  issue.  Les  appar*i- 
teraens  nécessaire^  au  logement  du  gardien  et  de  sa 
famille  ocçuperoîent  le  rez-de-chaussée  du  cûté  opposé 
à  la  porte  des  prisonniers ,  et  n'auroient  eux-mêmes 
qu  une  seule  issue  dans  la  geûle. 

La  porte  des  prisonniers  donneroit  sur  un  corridor 

(])  Pour  saisir  plus  facilement  ces  détails  ,  je  prie  de  jeter  le» 
yeux  sur  le  premier  plan  qui  se  trouve  à  k  fia  de  rouvrage. 


MATERIEL  DES  PRISONS.  27 

qoi  feroil  tout  le  tour  des  bâtimens ,  et  le  long  duquel 
seroient  ranfcés  des  ^itelîers ,  dont  chacnn  n'auroit 
qu'sne  seofé  porte ,  donnant  S€ir  ie  corridor ,  et  nulle 
coramoaication  avec  les  autres  ateliers.  Quant  au  cor** 
ridor,  il  ne  seroit  feraaé  que  par  une  grille,  dans  la 
forme  des  cloîtres,  de  manière  à  admettre,  le  plus 
librement  possible,  Tair  et  la  lumière/ 

Au  bout  du  corridor  seroit  un  escalier,  le  seul  qu'il 
pftt  y  àvoii*  dans  la  prison.  Cet  esca4ier ,  qui  doit  être 
suffisamment  éclairé,  mèneroit  à  un  premier  étage, 
composé  d'une  grande  chambre  ^e  guichetiers  et  d'un 
loog  corridor  garni,  de  part  et  d'autre,  de  chambres 
pour  les  prisonniers.  Ces  chambres  ou  cellules ,  dispo- 
sées poin*  une  «eule  personne ,  seroieut  séparées ,  Tune 
de  l'autre,  par  des  cloisons  en  bois,  qui  n'iroient  pas 
jusqu'au  plafond  pour  ne  pas  gêner  la  libre  circula- 
tion de  l'air ,  et  ne  seroient  fermées  que  par  des  grilles 
à  )our  0U  claires-voies  donnant  sur  le  corridor.  La 
Bécessitë  d'une  surveillance  continuelle  en  fait  une 
oUig^tio». 

S'il  n'y'  a  qu'un  étage  ,  l'escalier  s'arrête  dans  la 
chambre  des  guichetiers;  s'il  y  en  a  deux  ou  plu- 
sie«irs ,  l'escalier  contin^ie  dans  la  chambre  même  jus- 
qu'à r^age  supérieur.  Il  ne  doit  être  masqué  par  au- 
cune balustrade ,  mais  rester  entièrement  à  découvert, 
à  la  réserve  d'une  simple. rampe  à  jour  pour  prévenir 
les  accidens,  et  il  doit  être  fermé  par  une  porte  à 
chaque  étage.  Ces  dispositions  ont  pour  but  de  mettre 
Ips  gardiens  à  portée  d'avoir  toujours  l'œil  sur  la  por- 
tion' d'escalier  soiimise  à  leur  surveillance. 

Avec  cette  distribution,  les  détenus,  soit  indivi- 
duellement, soit  par  pelotons,  ne  peuvent  sortir  de 


38  DES  PRISONS. 

leurs  chambres  sans  passer  par  celles  des  gaichetiéi^  ; 
ils  ne  peuvent  descendre  ou  monter  que  par  un  seni 
escalier,  gardé  à  chaque  étage,  qui  les  mène'à  nn«6eul 
corridor,  aboutissant  à  la  géole,  par  laquelle  ils  ne 
peuvent  éviter  de  passer  pour  sortir  de  leur  quartier , 
et  parvenir  dans  Tun  ou^ l'autre  préau.  De  cette  ma- 
nière, le  gardien  aura  continuellement  l'œil  sur  tes 
détenus- 
Ces  dispositions  pourvoyent  donc  aux  besoins  ^- 
néraux  et  journaliers  de  la  prison;  les  prisonniers  y 
trouvent  lé  logement  ^  des  ateliers,  des  préaux  pour  la 
promenade,  et  le  gardien  des  faciKtés-  pour  main- 
tenir Tordre ,  et  exercer  une  surveillance  active*  et 
continue.  Mais  il  est  encQ|^  plusieurs  objets  essentiels 
qui  n'y  sont  pas  corïipris,  et  dont  il  est  impossible  de 
se  passer  :  tels  sont  une  infirmerie ,  une  chapelle  et 
une  école. 

Quant  à  Tinfirmerie,  la  prudence  commaiide  d'y 
affecter  un  local  séparé  du  reste  de  la  prison.  Comme 
on  n'aura  jamais  besoin  pour  ce  service  d'un  bâtiment 
fort  considérable,  par  rapport  à  l'ensemble,  et  que, 
presque  toujours ,  les  mesures  de  sûreté  sont  suivies 
moins  exactement ,  à  l'égard  des  malades  qu'à  l'égard 
des  prisonniers  valides,  au  point  qu'ils  choisissent  le 
temps  de  leur  séjour  à  l'infirmerie  pour  s'évader ,  ii 
me  semble  qu'on  fera  bien  de  construire  l'infirmerie 
au  milieu  du  préau  intérieur ,  dont  une  grande  partie 
sera,  en  tout  temps,  affectée  à  la  promenade  des 
malades. 

Pour  l'école  et  la  chapelle ,  rien  n'empêche  de  les 
placer  dans  le  grand  bâtiment  ;  ^on  pourra  même  le& 
réunir  dans  le  même  local;  et  cette  disposiiion.n'aura 


MATEMEL  DES  PRISONS.  29 

qtiQ  des  avantages.  Coimne  mon  but  est  uniquement 
d'être  utile ,  et  que  je  cherche  non  à  présenter  sur  tous 
les  points  des  idées  neuves,  mais  à  indiquer  les  amé- 
liorations dont  le  système  des  priions  me  paroît  sus- 
ceptible', je  n'hésiteras  à  profiter  des  leçons  de  l'expé- 
rience, et  à  propos^-un  plan  déjà  exécuté,  en  Tac- 
con^niodant  à  l'enseiifthle  de  mon  projet.  Ce  que  j'ai 
vu  dans  une  de  nos  prisons ,  j'engage  à  le  faire  dans 
toutes  les  autres,  parce  que  je  l'ai  trouvé  bon  ;  et, 
sans  chercher  à  opposer  projet  à  projet ,  j'adopte  avec 
plaisir  l'idée  d'un  autre  que  le  succès  paroit  avoir  cou* 
ronnée. 

Voici  comment  on  a  disposé  le  local  que  je  propose 
d'imiter  :  La  partie  supérieure  du  bâtiment  sous  les 
combles  a  été  réservée  toute  entière  pour  y  placer  l'é- 
cole et  la  chapelle ,  et  on  en  a  fait  une  seule  pièce , 
séparée  seulement  dans  le  milieu  par  une  légère  cloi- 
son en  planches.  L'un  des  côtés  est  affecté  aux  hommes, 
tandis  que  l'autre  tst  réservé  aux  femmes.  Dans  cha* 
qae  section  on  a  placé  un  nombre  de  bancs  propor- 
tionné au  nombre  des  prisonniers  qui  doivent  s'y  ras- 
sembler. La  cloison ,  après  avoir  traversé  la  presque 
totalité  de  la  pièce,  s'arrête  à  huit  ou  neuf  pieds  de 
la  muraille  opposée  aux  portes  d'entrée ,  et  là  elle  se 
trouve  remplacée  par  une  grille  de  bois  qui ,  au  lieu 
de  suivre  la  même  direction  que  la  cloison ,  s'étend 
d'un  côté  et  de  l'autre  jusqu'à  la  muraille  en  demi- 
cercle,  et  forme  ainsi  une  petite  enceinte  qui  a ,  par 
conséquent,  à-peu-près  huit  pieds  de  rayon.  C'est  le 
sanctuaire  de  la  chapelle,  dont  Técole,  divisée  en 
deux,  forme  la  nef;  c'est  là  qu'est  placé  l'autel,  et 
qo'on  célèbre  les  offices,  auxquels  les  hommes  et  les 


3o  DES  PRISONS^. 

femmes  dâûstent  siniultaoëm^nt,  sam  «XNBimuniqtier 
jeotre  eux  en  aucune  manière,  et  même  sans  ae  viûr. 
La  petite  enceinte ,  ou  le  sanctuaire  «  a  deux  portes , 
dont  chacune  donne  sur  une  des  sections  de  Tëcole  ^ 
de  sorte  qu'elle  en  fait  le  lien  commun  et  la.commu-r 
nication.  L'instituteur  s'en  se^tg^galenient  poqr  aller 
de  Tune  dans  l'autre*  Cette  réunion  de  Fécole  et  de  la 
chapelle  me  paroît  une  idée  heureuse  :  elle  donne  la 
facilité  de  mettre  beaucoup  d'ordre,  dans  l'assistance 
des  prisonniers  aux  offices,  parce  qu'ils  y  trouvent 
leurs  places  toutes  marquées ,  et  qu'on  peut,  bu  moyen 
des  divisions  naturelles  que  présentent  les  bancs,  ëvi** 
ter  entre  eux  Ja  moindre  confusion.  D'un  autr«  c6té, 
il  est  avantageux  de  pouvoir  réunir,  à  la  même  heure 
et  sans  inconvénients ,  tous  les  prisonniers ,  soit  pour 
les  leçons ,  soit  pour  les  exercices  du  cult^  ;  et  cette 
disposition  en  donne  le  moyeu  C'est  donc  un  hoQ 
modèle  à  suivre  dans  la  distribution  des  prisons» 

Mais  on  a  pu  remarquer  que  V^écution  de  ce  plan 
exigeoit  des  bâtimens  d'une  certaine  largeur;  aussi  ne 
l'ai-je  vu  que  dans  une  prison  carrée.  Celle  dont  ja 
propose  le  modèle  ,  se  composant  au .  contraire  de 
quatre  ailes  plus  langues  que  larges,  le  plan  que  je 
viens  d'exposer  ne  pourroit  pas  y  recevoir  une  appli- 
cation littérale  ;  mais  il  suffiroit  pour  l'adaptef  à  cette 
prison  de  quelques  légères  modifications.  Au  lieu  de 
diviser  en  deux  une  seule  pièce  carrée,  comme  celle 
que  j'ai  vue ,  on  emploieroit  deux  des'ailes  contiguë» 
l'une  à  l'autre,  dont  chacune  remplaceroit  une  des 
deux  sections  de  la  grande  pièce  :  le  sanctuaire,  avec  sa 
grille  et  ses  portes ,  seroit  placé  dans  l'angle  du  bâti- 
inent,  et  une  petite  cloison  compLéteruit  la  séparation 


DE  LA  DISCIPLINE.  3i 

^es  d&xx  sections  de  Técok.  La  figure  4*  i  planche  III , 
donaera  de  cette  disposition  une  idée  plus  nette  que 
tous  les  détails  où  Ton  pourroît  entrer  ici* 

Une  prison  ainsi  distribuée  sera  également  $ûre  et 
commode.  Elle  sera  saine  si  Tarchitecte  a  prb  soin  de 
ne  point  contrarier  par  des  distributions  maladroites 
les  mesures  sanitaires  à  prendre,  s'il  a  ouvert  beau- 
coup de  fenêtres,  à^il  a  veillé  à  ce  que  les  bâtlmens 
ibsseni  aussi  dégagés  que  possible ,  et  à  ce  que  la  cir--* 
calatron  de  l'air  n  y  trouvât  jamais  d'obstacles  inu- 
tiles; si  d'ailleurs  on  n'y  admet  les  prisonniers  que; 
dans  une  juste  proportion  avec  le  local,  et  qu'on  évite 
de  les  Eaire  coucher  au  rez-de-chaussée  ou  de  les  en- 
tasser dans  des  chambres  étroites.  Ces  précautions 
tiennent  en  grande  partie  à  la  discipline.  Il  est  de  la 
plus  grande  importance  de  l'introduire  dans  les  pri- 
sons, et  de  la  £iire  concourir  avec  un  bon  régime  phy- 
sique et  moral  pour  y  entretenir  la  santé  et  le  bon 
ordre  9  «t  rendre  lesdétenos  meilleurs  et  plus  laborieux, 

TITRE  IIL 

DE    LA    DISCIPLINE. 


CHAPITRE  V^.  De  la  discipline  m  général. 

Il  faut  tlistinguer  dans  la  discipline  des  prisons  les 
règles  et  observances  qui  la  constituent  et  le  système 
pénal  destiné  à  en  assurer  l'exécution.  Ce  système  ne 
doit  pas  être  aussi  rigoureux  qu'on  se  l'imagine  ordi- 
nairement. Habitués  à  voir  les  détenus  courbés  sous 
^ne  verge  de  fer,  punis  toujours  avec  sévérité,  et  trop 


5j  des  prisons. 

souvent  avec  arbitraire ,  pour  des  fautes  assez  légères, 
nous  regardons  cette  rigueur  comme  indispensable;  la 
crainte  d'un  châtiment  terrible  nous  paroit  le  seul 
moyen  de  les  plier  à  l'obéissance ,  et  le  poids  des  chaî- 
nes ou  la  profondeur  des  cachots  nous  semblent  seuls 
pouvoir  prévenir  la  fuite  des  criminels  ou  le  meurtre 
des  gardiens.  C'est  une  erreur  :  ceux  qui  ont  vu  com- 
bien un  geôlier  habile  et  ferme  est  redouté  et  même 
respecté  dans  la  prison  la  plus  nombreuse ,  ne  regar- 
dent pas  comme  aussi  difficile  à  établir  l'autorité  de 
ce  fonctionnaire.  11  faut  toutefois  convenir  que  l'état 
de  nos  prisons ,  pour  la  plupart  aussi  peu  solides  que 
mal  closes,  justifie  en  partie  ces  craintes ,  et  présente 
toujours  une  excuse  pour  les  mesures  de  rigueur , 
comme  si  elles  pouvoîent  seules  mettre  à  Pabri  des 
violences  des  détenus.  Mais  ces  deux  causes,  par  Une 
réaction  réciproque,  tendent  à  s'aggraver  nuiluelle- 
ment ,  et  en  remédiant  à  Tune  des  deux ,  on  verroit 
disparoitre  la  seconde.  Le  défaut  de  sûreté  des  prisons 
rend  toujours  la  position  des  détenus  très-fâcheuse  par 
les  mesures  sévères  qu'il  autorise  les  gardiens  à  prendre 
contre  eux;  et  cette  rigueur,  en  ajoutant  un  nouveau 
poids  à  celui  de  la  captivité ,  excité  plus  que  jamais 
les  prisonniers  à  se  soulever  et  à  fuir,  tandis  qu'ils 
seroient  probablement  demeurés  paisibles  sous  un  ré- 
gime plus  doux  et  plus  modéré.  Tous  ces  inconvé- 
iiiens  disparoîtroient  dans  une  prison  suffisamment 
sûre  ;  l'impossibilité  de  la  fuite  seroit  un  frein  plus  puis- 
sant que  la  crainte  des  châtimens  les  plus  sévères  pour 
arrêter  toute  tentative  d'évasion,  et  par  suite,  tonte 
révolte,  et  la  douceur  de  la  discipline  feroit  évanouir 
une  des  principales  causes  de  tous  les  soulèvemens. 


DE  LA  DISCIPLINE.  3J 

On  pourra  <)onc  purger  les  prisons  de  ce  fômiîda* 
ble  appareil  qui  concoaroit  à  en  rendre  le  sëjbur  si  in- 
tolérable. Plus  de  ces  fers  qui  réduisent  à  une  doulou- 
reuse et  pénible  immobilité  (i)  ;  plus  de  ces  cachots 
souterrains  f  où  les  maux  physiques  achèvent  de  por«* 
ter  la  morf  dans  des  cœurs  déjà  flétris  par  les  souf- 
frances morales.  Si  la  prison  est  sûre ,  l'impossibilité 
de  la  résistance  garantira  la  soumission  des  détenus.  Il 
suffira  de  quelques  peines ,  purement  de  police  et  de 
discipline ,  pour  maintenir  Tordre  dans  la  prison  :  et 
ces  peines,  qui  consisteront  principalement  dans  la 
privation  de  l'avantage  dont  le  prisonnier  aura  abusé  , 
atteindront' le  but  si  souvent  manqué  par  les  lois  pé- 
nales ,  de  paroître  la  conséquence  directe  de  la  faute  , 
et  de  porter  par  elles-mêmes  le  coupable  à  s^en  cor- 
riger. ♦ 

lilais,  avant  de  prononcer  lés  peines  encourues  pour 
les  infractions  à  la  discipliné ,  il  faut  déterminer  la 
discipline  elle-même ,  et  tracer  les  devoirs  des  prison- 
niers dans  la  prison.  Ce  sujet  se  présente  sous  plusieurs 
faces /selon  quHl  s'agit  des  prisons  destinées  aux  pré- 
venus ou  accusés ,  ou  de  celles  où  Ton  renferme  les 
condamnés.  La  police  des  prisons  doit  encore  être  mo- 
difiée par  les  considérations  de  l'âge  et  du  sexe.  Mais  il 
est  des  règles  générales  qui  doivent  être  observées  dans 
tous  les  cas;  leur  objet  est  de  garantir  la  sûreté  de  la 
prison  et  la  santé  des  détenus,  et  d'y  établir  un  ordre 
aussi  avantageux  pour  les  pi:isonniers,  que  pour  les 
gardiens  et  pour  la  société.  Nous  les  indiquerons  avant 

(i)  Je  ne  parle  ici  que  des  fers  qu*on  ëtoit  dan»  l'usage  de  mettre 
AUX  prisouniers  que  Ton  redoutent ,  et  non  pas  de  la  chaîne  et  du 
l>oulet  que  la  loi  autorisa  à  mettra  aux  galériens.  ' 

3 


34  Ï>ÈS  PRfôdlNfS. 

de  passer.au  détail  des  règles  particulières  a  chaqpe 
classe  âé  détenus. 

Il  est  encore  certaines  règles  générales  qui  s^app}i- 
cjuent  a  tous  les  ciajs  ^  et  qa'o^  ne  peut  négliger  ^ns  les 

{Mus  graves  încônvénieils.  Telles  sont  les  formas  prp- 
ectrices  de  là  libèi^té  individuelle  ,  qui  accompa- 
'  |;nent  rentrée  ou  la  sortie  c](es  prisonniers,  Tétablisâie- 
jnént  d^'un  certain  nombre  d'employés ,  la  responsa- 
Iiilîtédés  gardiens,  la  tenue  de  registres  qui  constatent 
l'arrivée  dé  chaque  prisonnier ,  son  âgé ,  son  signale- 
ment ,  le  motif  de  sa  détention  ,  çtc...  Mais  ces  règles 
sont  tracées  dans  la  loi  :  ce  seroit  répéter  inutilement 
ce  qu'a  déjà  dit  line  voix  plus  puissante,  que  d'entrer 
ici  dans  tous  ces  détails.  Les  anciens  règlemens ,  le 
Codé  dinstruction  criminelle  et  l'ordonnance  du  pré- 
fet de  police  de  Paris ,  portant  règlement  pour  les  pri- 
sons du  ressort  de  la  préfecture ,  contiennent  toutes  ^es 
miesures  nécessaires  :  nous  ne  pouvons  qu'engager  à  les 
exécuter  aussi  complètement  que  possible.  Nous  cher- 
cherons plus  loin  s'il  n'est  pas  quelques  moyens  d^as- 
surer  Cette  exécution ,  d'une  manière  plus  efficace , 
qu'on  ne  Ta  lait  jusqu'à  ce  jour.  . 

Section  i^".  Di  là  sûreii. 

La  sûreté  des  prisons  intéresse  la  société  toute  ea~ 
lière;  les  gardiens  ont  eux-mêmes  un  intérêt  inmié- 
diat  a  ce  qu'elle  ne  soit  pas  diminuée.  Les  évasiotis 
éngâgcbf  leuf  responsabilité,  et  même  compromettent 
leur  vie,  en  donnant  lieu  à  des  révoltes.  Il  est  doùc 
de  la  plus  haute  importance  de  veiller  continuellement 
à  ce  (|iie  la  sùrelé  n'éprouve  aucune  atteinte*  NousavdfUs 
'     *      *   pseuder  tiore ,  dé  kfnéit  nuinfèré  on 


!£  LA  BISGIVLINE.  15 

9(totK>H  la-jgatsmiiv  àms  la  caiHtractioa  et  ki'^tii- 
.  Jniitioii  des  ptisons  ;  la  discipline  peut  beamcôop  aussi 
poiir  Getx>bjet  empilai.  San&  soo .  concourt ,  c'est  vai- 
nement qn'iNi- aoroit  pris  le^  mesures  les  plus  sages 
dans  la  coostroetion^  et  qu'on  anroit  bâti  les  prisons  les 
pin»  6oli<}es«  Il  n'est  yio«nt  d'nbelâele  dont  né  te-iDniplIe 
la  pertëvérance.'Jci^  ia  surveUlance  doit  être  aussi 
active  1  que  le  désir  de  fiiir  doit  être  vif;  il  ne.  faut 
pas  seulement  arrêter ,  il  faut  prévenir  les  tentatives, 
et  ce  n'est  qu.  a  l'aide  des  f^ëcautions  les  plus  exactes, 
j^ae  rpu  y  paryiendta.  De  ces  mesures  de  prëcauticH» , 
ks  nnea  lae  doivent  être  prises  que  dans  certaines  m^ 
ii»»Dstance$  et  aans  périodii^itë'f  les  autres  sont.îoui'na- 
Mères  i  et  l'on  ne  pourroit  jamaSs  le^  on>ettre ,  sa^s 
danga**  Noos  allons  entrer  dans  le  détail,  des  unes  et 
4es.^ulm»« 

TXRAORA2BE  PREMIER.  Précautions  passagères  et  accident 

telles, 

■4 

• 

I/s»  des*  plna  poissans  moyen»  d'évasion ,  c^est  la 
dcstmction des  clôtures,  entreprise  d'arutant  plu^  a  re*- 
dénier  que  souvent  elle  se  prépare  et  s'exécute  dans 
l'ombre  y  et  qu'elle  peut  entri^n^  la  fnite  de  tous  les 
détenus  d'une  prison.  La  plupart  des  prisennieirs  qui 
s'^adeatv  n'y  parviennent,  qo'a|N*ès  avoir  pratiqué  des 
Irons  dans  les  mors ,  en  sousttayuit  pendant  kmg- 
lempa  i<am  tvavauiL  à  tous  les  regards.  Ce  danger  seroit 
moins  à  craindre  dans  les  prisons  dont  nous  avons 
donné  le  plan^ que  datistôalesoeUes  qui  existent  aujour- 
âliuiv  La  diffifivftté  presque/  insurmontaUe  de  percer, 
sans  étr«  découvert ,  un  bâtim^stt  habité  y  mettnrit ,  ce 
meieflible ,  à  ¥abrt  de  ce  mode  d'évasipm  C^ndasit  » 


36  D£S  PRISONS. 

raimiir  ^  la  lîfaerlé^st  si  iogéieiieax,  et  eô  iiiéiil€ 
l  temps  si  entreptrenant ,  qu'on  ne  sauroit  prendre  trop 
de  précautions  contre  ses  tentatives ,  quelle  que  soit  la 
forme  des  prisons* 

''.  CommeonnepeotpasavoirlesyeuxcontinueUement 
fixes  sur  les  prisonniers ,  et  que  rexpérience  prouve 
qu^ils  savent  toujours  soustraire  leurs  démarches  à  la 
>isur  veillance  la  plus  active»  il  faut  avoir  soin  qu'ils  niaient 
^  jiftjbais  à  leur  disposition  '  des  instr umens  propres  à  dé* 
'  molir.  Il  né  serMt  pas  moins  dang^eux  qu'ils  pussent 
'  aXH>ir  âe9  armés.  11  est  donc  de  la  nécessité  la  plus  ur- 
gente de  fouilkr  les  prisonniers,  à  leur  arrivée  dans  la 
prison ,  et  de  ne  leur  laisser  ensuite  parvenir  aucun  de 
ces  objets;  d'où  résulterobligationde  visiter  exactement 
tout  ce  qui  leur  est  apporté  du  dehors.  Mais  toutes  ces 
mesures  doivent  être  prises  avec  la  décence  et  les 
égards  que  réclament  la  position  malheureuse  des  pri- 
soiini^s  f  et  le  respect  dû  aux  mœurs.  Que  le  gardien 
se  charge  de  la  fouille  des  hommes;  que  celle  des 
.  femïnes  ne  soit  confiée  qu'à  une  mère  de  famille ,  et 
Ton  pourra  espérerquelqnebienséancedan&l'exécatioii 
.  de  ces  mesures  xigoureqses,  mais  indisp^isaUes.  jQin 
.  ne  sauroit  prendre  .trop  de  précautions  pour  ne  point 
aggraver  ce  qu'a  de  fâcheux,  la  position  des  détenus , 
et  l'iudécence  et  brutale  inquisition  à  laquelle  aoot 
soumis  les  prisonniers,  à  leur  arrivée  dans  les  prisons, 
n'est  point  la  m<Hndre  des  peines  qui  les  attendent^ 
dans  ce  triste  séjour. 

Il  n'est  pas  moins  important  d'exercer  la  surveil- 

^lance  la  plus,  jexacte,  lors  des  visites  que  reçoivent  Jbes 

'  pi*isonniers.  Sans  doute  il  est  péifibie  |>our.  4in  dé- 

,  tenu  de  ne  pouvoir  épancher  librement  ses  peines 


DE  I^  DISeiPLWE.  3f 

dans  le  *  seiti  d'un  ami  ;  sans  doute  la  présence  d'un 
employë ,  quelque  humain ,  quelque  discret  cfu'on  le 
sopiiose ,  est  un  assujétissement  terrible  ;  mais  cet  in- 
coiK¥énient  est  inévitable:  c'est  une  conséquence  forcëie 
de  Tétat  de  prisonnier;  tous  doivent  s'y  résilier, -les 
condamnés  comme  à  ud&  partid  de  leur  peine ,  et  les 
prëveiiiis,  comme  au  complément  nécessaire  du  sacri- 
fice qu'ils  font  à  l'intérêt  social.  Mais  si  cette  surveil* 
lance  est  nécessaire ,  s?îl  est.  indispensable  de  s'assurer 
que  les  personnes  qui  viennent  voir  les  prisonniers 
n'abusent  pas  de  cette  permission  «  pour  leur  fournir 
de8',armes  ou  des  instrumens dangereux,  le  ministère 
de  l'employé  chargé  de  .ce  service  doit  s'exercer  avec 
toute  la  discrétion  et  tous  les  égards  compatibles  avec 
le  motif  de  cette  assistance.  Il  suffit  qu'il  ne  perde 
pas  de  vue  les  interlocuteurs,  pour  empêcher  que  l'é- 
tranger puisse  rien  donner  au.  détenu  ;  mais  il  doit 
respecter  le  secret  de  leurs  communications  et  ne  pas 
transformer  en  une  odieuse  inquisition  ,  une  .surveit* 
lance  juste  et  légale..  En  un  mot,  l'employé  doit  voir 
tout  ce  qui  se  pa^ ,  jmais  il  ne  doit  rien  entendre. 

Pour  établir, quelque  ordre  dans  les  communica- 
tions des  prisonniers  avec  les  personnes  du  dehors, 
il  faut  nécessairement  qu'elles  n'aient  jamais  lieu  que 
dans  un  appartement  spécial  ou  parloir.  Là  seule- 
ment, la  surveillance, peut  être  réelle  et  les  j*èglemen$ 
peuvent  être  observés.  Si  les  détenus  pouyoient  rece* 
voir  leurs  visite^  dan3  les  pr^au^,  (dian^  les  ateliers  ou 
partout  ailleurs,  il  serpit  impossil)Ie  d'ayoir  Tœil  sur 
eux ,  dans  un  des  momens  les  plus  importans  pour  la 
sûreté  de  la  prison ,  et  les  visites  auroieiit  les  plus  graves 
înconvéntens.  On  seroit  bientôt  obiigéde  le^supprimeix 


Lt  pàt\oit  âcAt  toujours  être  une  ««tle  fiérméî,  ^"- 
clalevhent  afRNrtëe  k  cet  usage  et  disposée  ^  manière,' 
que  la  vue  n'éprouve  aucun  obstacîe,  podt  ia  parcourir 
dans  tous  lèis  sens.  Elle  ne  doit  avoir  d^aulres  meoUetf 
que  de  simples  banqôettés,  rangées  lé  loii^  des  mu'-^ 
railles.  Enfin  elle  doit  être  afttenante  à  là  ge^er  et 
di'avoir  d'i^ie  que  dans  cette  partie  de  la  ptisoti ,  pour 
que  lé  gardien  puisse  toujours  surveiller  par  luî-n^âmef 
Feiitrée  et  la  sortie  des  prisonniers  et  des  autres  piw*' 
sonnes  qui  vont  au  parloir. 

Ces  précautions  ne  dispensent-eiles  paérde  feii^  des 
parloirs  une  espèce  de  Cachot  double  où  les  entretiens 
ne  peuvent  avoir  lieu ,  qu'à'  travers  deux  eloisons 
grillées  entre  lesquelles  un  seul  gardien  se  promène 
contîniiellement  pendant  l'entrevue  ?  Une  sorveît- 
tance  exacte  remplàcerbit  sarîs  douté  avec  avantage  ces 
entraves  matérielles ,  qui  empoisonnent  inutile- 
meiit  Tune  des  plus  précieuses  consolations  que  les 
détenus  puissent  trouver.  Une  mère  pourrott  voir  soii 
fils,  un  époux  confier  le  secret  de  ses  peines  à  Faihitié 
de  son  épouse ,  sans  qu'une  séparation  aussi  eomplète 
i^nrt  encore  les  poursuivre,  de  l'image  douloureuse  de 
là  captivité  et  èter  à  leurs  entrevues  sa  plus  grande 
dbnceur,  en  les  forçant  d'élever  la  voix  et  de  fnettre 
lés  étrangers  en  tiers  dans  leurs  épanchemens.  Gepen-«> 
dant  la  si^reté  générale  n'aura  point  à  souffrir  de  ces 
modifications  apportées  à  la  forme  du  parloir ,  si  les 
entrevues  n'ori^  jamais  lieu  qu^en  présence  d'un  em- 
ployé dont  l'œil  vigilant  suivra  tous  les  mouveraens 
des  interlocuté iirs,  prêt  à  rompre  l'entretien,  dès  qu'ion 
s'écarteroit  des  règles  imposées  pour  i^ulariser  ces 
MmmuDieation& 


/ 


\ 


I 


DE  lA  DISCIPLINE.  3« 

MaiA^  pour  que  cette  surveillance  5oit  exactç  et  snfll- 
a^te,  n  faut  que  Teiâployé  qui  en  sera  chargé  puisse 
9voir  coïifinuêllenient  l-œil  attaché  sur  ceux  qui]  doit 
inspeteter.  11  faut  donc  qu'il  n^ait  jamais  à  exami- 
nier  qu'un  seul  groupe  ,  composé  d*un  détenu  et 
d'une  personne  étrangère,  pour  pouvoir  le  faire,  d^une 
manière  satisfaisante.  Si  son  attention  se  partageoit 
eiatre  plusieurs  visites  ^  il  ne  pourroit  prévenir  les 
iiicoovéniens  les  plus  fâcheux.  Aussi,  Tun  des  moyens 
le»  plus  efficaces  contre  les  mauvais  effets  qui  peuvent 
résulter  des  visites  »  cVst  de  ne  jamais  les  autoriser 
qu^en  présence  d'un  employé  et  de  n'admettre  au  par- 
loir aucune  personne  munie  de  permission ,  s'il  n'y 
a  pas  uii  nombre  d'employés  égal  à  celui  des  personnes 
qui  se  présentent.  Dans  le  cas  où  le  nombre  de  ces 
personnes  surpassemit  celui  des  employés  disponibles, 
celles  qui  se  présenteroient  tes  dernières,  attendroient, 
dans  un  appartement  séparé,  qu'une  entrevue  com- 
mencée fut  terminée,  soit  par  rexpîratîon  du  temps 
accordé ,  soit  par  la  retraite  volontaire  de  la  personne 
entrée  la  première.  De  cette  manière,  le  nombre  des 
employés,  tel  petit  qu^on  le  suppose,  sera,'  dans  tous 
les  cas ,  suffisant  pour  ce  service. 

'Une. autre  précaution  est  encore  nécessaire,  pour 
nidtti'cl  à  l'abri  du  principal  încohvéïiïentclës  entre- 
vues: c^est  de  fouillei* ,  avant  et  après  chaque  visïte,  le 
prisonnier  qui  l^aOra  rèçîie.  l»ê  gardien  iie  devra  ja- 
mais y  manquer  et  ce  soin  sera,  de  sa  part,  une  obli- 
gafioù  formelle.  En  même  teifnps,  il  faiit  cju'II  ait  le 
droit  de  soumettre  à  la  même,  mesure  la  personne  qui 
vient  du  dehors  :  mais ,  çoUime  cet  examen  ppurroit, 
^dans  ce  cas,  dégénérer  très-souvent  en  vexation  et 


j^  4o  DES  PRISONS. 

q]i.i  il  est  beaucoup  de  personnes  dont  le  caractère  ou  . 
la  condition  suffisent  pour  écarter  tont  soupçon  de  con- 
nivence ,  }e  gardien  sera  le  maître  de  prendre  ou  de 
fiégliger  cette  mesure ,  à  Tégard  des  étrangers ,  mais 
»ous  sa  responsabilité. 

On  sent  bien  que  toutes  ces  règles  ne  peuvent  et  ne 
doivent  même  pas  être  observées  à  l'égard  des  conseils 
des  accusés  ou  prévenus.  La  liberté  de  la  défense ,  les 
garanties  morales  que  présentent  les  personnes  qui 
peuvent  être  revêtues  de  cette  qualité,  et  le  respect 
qu'on  doit  leur  supposer  ^pour  elles*mémes  et  pour  les 
corps  auxquels  elles  appartiennent ,  ne  permettent  ni 
de  lés  y  astreindre ,  ni  de  concevoir  d'inquiétude  de 
leur  affranchissement  des  règles  générales.  Leurs  rap- 
ports avec  les  prisonniers  pourront  donc  avoir  lieu 
dans  une  salle,  autre  que  le  parloir,  mais  toujours  dé- 
pendante de  la  geôle ,  centre  commun  de  la  prison ,  et 
aucun  surveillant  ne  pourra  assister  à  ces  conférences 
respectables. 

^  ]pARAORAPfl£  sEcoNi».  Précaûtionfi  journalières, 

(3es  précautions ,  qu'on  ne  prétendra  que  dans  cer- 
taines circontances ,  seroient  insuffisantes ,  si  l'on  n'y 
joignoit  l'observation  de  quelques  règles,  d'une  appli- 
cation journalière  et  permanente ,  qui  achèveront  de 
garantir  la  sûreté  de  la  prison.  La  plus  importante 
peut-  être  est  la  division  des  prisonniers,  par  sections , 
pour  peu  que  la  population  de  la  prison  soit  nom- 
breuse. Ils  devront  toujours  être  embrigadés  par  ate- 
liers, divisés  même  en  chambrées,  s'il  y  a  lieu.  Chaque 
division  ou  subdivision   aura  un  supérieur  qui  ne 


DE  LA  DISCIPLINE.  41 

poprra  jamais  :  être  pris  dans  le  nombre  des  prison- 
niers. Les  directeurs,  de  travaux,  chefs  d*ateliers  et 
guichetief's  fourniront  assez  de  personnes  libres  pour 
remplir,  sans  frais,^  ces  fonctions.  Tous  les  jpurs ,  un 
appel  nominal ,  fait  dans  chaque  division  par  les  em« 
ployës  les  plus  subalternes ,  constatera  la  présence  de 
tous  les  détenus.  Cet  appel  ne  sera  pas  une  vainc  for- 
malité, si  on  le  confie  aux  derniers  employés,  à  ceux 
qui  ont  sous  leur  surveillance  Le  plus  petit  nombre  de 
prisonniers  et  qui ,  par  conséquent  peuvent  connoitre 
individuellement  tous  leurs  hommes,  et  s^assurer  par 
eux-mêmes  de  leur  présence.  Chacun  de  ces  employés, 
après  rappel ,  en  fera  son  rapport  au  chef  d'atelier^  qui 
le  transmettra  au  gardien  général. 

La  division  des  prisonniers  en  classes  peu  nombreu* 
ses  donnera  un  moyen  facile  de  prévenir  les  révoltes.  Ce 
sera  de  ne  jamais  réunir,  sur  le  même  point,  la  totalité 
des  prisonniers ,  on  au  moins  de  ne  le  faire  que  dans 
certains  cas  et  avec  certaines  précautions.  Si  on  eu  ex* 
cepte  Tofficedivinet  les  instructions,  soit  religieuses, 
soit  purement  civiles,  il  n'est  aucune  circonstance  où 
Ton  soit  obligé  de  réunir  les  prisonniers  dans  le  même 
lien.  Les  travaux  auxquels  ils  se  livrent ,  les  divisent 
déjà,  par  leur  nature  même,  en  différentes  classes,  qui 
n'ont  rien  de  commun,  l'une  avec  l'autre.  C'est  cette  di- 
vision qu'il  faut  entretenir  avec  soin ,  puisqu'elle  existe  : 
ceitte  attention  est  de  la  plus  haute  importance.  Outre 
les  dangers  de  la  réunion  des  détenus,  pour  la  sûreté 
de  la  prison,  il  n'y  auroit  pas  un  moins  grave  inconvé- 
nient à  détruire,  par  une  imprudente  confusion,  les 
bons  effets  que  l'on  peut  attendre  de  la  division  des 
prisonniers.  Leur  classification  ne  sera  jamais  arbi-^ 


traire;  dlc  n>ir»  pa^  sçiple^^ni  pour  l^t  .4!eilip^l|fr 
le^  prisonniers  d'être  eA^eful^eefi  tfpp  fp^W^  jMm^^, 
tl  ne  sera  paf  aniquei)gtçnit  foii^ée  A^ie^die^r^  df»  t^lfinjt 
des  détenus ,  cpinna^  ouvriers»  Op^ain-a  surt$>ut,^ffi 
aox  convenances  mçu^ale^,  daps  cejltç  dialiibntjpp.»  ^. 
Tqn  cherchera  surlQut  à  ne  pf9J|it  Uf  assenAler»  4fi 
manière  à  dépraver  entièrement,  par  1^  spciélé  4^ 
grauds> criminels,  ceuxque  T.onpeiit^e^pqfii^r^eccMJi^ 
^er  facilement.  Il  est  donc  jiéeess^ife  4ç  pç  poio^t  é)4i-. 
blir  de  comipnnications  e^tre  ceuii  qp^QQ;  a  cm  i^TO^^ 
séparer^ La  sûreté,  la  discipline,  le  I^on  ordrp ,  Ti^Q^xiK 
dément  moral,  ti^iit  serait  i^omprpipis,  si  les.prisojpr 
niers  de  pluaie^ni^  divisiqns  pouvoient  se  çonfoiit^i'^  ief(. 
uns  avec  les  autres.  Ynici  comm^fit  on  pourra  )!ëvUer« 
La  nuit,,  toutes  k^  chai^hr^.  s^ro^t  jeirKp^  à  la 
clef;  1;^  gaiçh^tiers,  à  chaque  étage,  e^s^i:pQ,td^pPr 
sitaîres»  Il  en  sera  de  n^^iQje  desatc^liers,  pçn^ai^tlç  V^i^r 
Lorsqu'il  sera  qu^tÎQ^  dq  passer  4?^  uns  d^i)$  le«^a^«- 
très,  soit  ^u  n^^tin ,  soit  i  la  fin  d^  l^  jp^irn^»  on  ne 
fera  sortir  ^es  chai^I^rres  pu  dc^  ateliers  «  q^'.n.Pf  sfi^}fii 
classe  à  lafpis  ;  tout^ lei^açitres  ijestei:op[t^i)f(çrq]i4f;sdai]^ 
le  local. qui  leur  est  ^s^igiié,  taqdi^  qqe ,  ^q^s  )a  cqp- 
^uite  d'un  guichetier ,  et  du  dii;^tjeur  d^  tp^v^ux  PU 
f liçf  d'ateiler,  la  priçip^^e  se  rendra  à  sa  des^inatîo^. 
Les  foitre^  ne  ^  ipçttront  succçs§îveq3f;nt  ep  J|)acçl^  t 
que  Iprsquç  la  pi:écédent^  sera  arr^y^  t^i  awft  éjé  en? 
fermée  c)^Q;^  3a  chambre  ou  dans.spn  ^te^er,  dç  manière 
qu'i^  n'y  aura  jamais  en  marche,  daps  r^sçali^çr  pu. le 
çorri^r,  qfl'une  ^ule  classe  à  la  fois  et  qu-f^le  ppurr» 
être  içscQirtée  par  plus  de  siirvei^U^ps  qqe;  ^î  Toi)  e0ec^ 
tuoit  Tévacuation  en  masse. 
Qu^iil  aux  repas ,  jfi  dés^rçirpi^  qu^  \es  piJ4ppp|^ 


DE  LA  BUGIPLINE.  43 

pWMBt  iMpittodiie  daD$  un  rëfectom  di^âëjcn  ^lotaot 
àê  sections  qa'Si  yv  a  d'aldiieri.  Je  ne  yms  pae  de  né*- 
cMitë  à*  ce  que  le  réfiectoiresoit  uniqM,  et  sa  «é^ 
fiaralioii  ep  plosîenrs-  sediom  denneroit  un  moyen 
facile  de  consenFet* ,  soit  pandant  les  repas  9  soit  pen  t 
daM  le  trsqct,  pour  7  ail w  00  poor  en  revenir,  Timpor* 
lante  Tépartition  des  prisonniers  eo  pluMeurs  classes. 
L^n9stailt  où  il  ost  le  plus  important  de  conserver 
jcelte  division  est  odai  delà  prraaenade,  on  rëcréation 
^Ms  le  préau.  La  Kberté  qn'on  ne  peut  se  dispenser 
de  leur  y  inisser,  rend  alors  la  surveiUance  difficile  et 
presque  mille*  La,  rien  ne  peut  les  empêcher  de  s'iso- 
ler 00  de  se  réunir  à  leur  gré ,  d'entretenir  des  conver* 
salions  ^intimes  ou  générales ,  de  former  des  corn- 
•pkils  ;  de  prendre  sans  être  aperçus,  des»  détermina- 
tious  communes.  Il  y  auroit  donc  les  plus  grands  dan* 
gers,  soit  soos^le  rapport  de  la  morale ,  soit  sons  celui 
jde  la  aâreté,  à.  réunir  dana  cet  instant  les  prisonniers 
dé  plusieurs  ateliers,  h»  désir  d'éviter  ces  dangers^ 
sans  cependai^  priver  les  prisonniers  de  l'avantage 
d'nn  préau  spacieux  m'airoit  déterminé  à  demander 
que  Teqpace  destiné  à  la  promenade  né  fèt  divisé  qu'en 
émx  parties  et  que  les  prisonniers  n'y  fussent  admis 
qo-à  des  heures  afférentes ,  de  manière  qu'il  n'y  eàt 
jamais  qu'un  seul  atelier  dans  chaque  section  dtl 
préan.  Mais,  outre  que  cet  ordre  a  paru  trop  compli* 
que ,  il  avoit  le  désavantage  d  ol^liger,  pour  certains 
atdKers,  de  prendre  le  temps  du  délassement  sur  celui 
liesliné  au  travail.  H  en  résulloit  une  perte  de  tentps 
qu'il  est  bon  d'éviter,  même  dans  l'intérêt  des  prison- 
niers. On  atteindra  ce  bnt,  sans  déroger  au  principe 
fendaiiMital  tle  b  division ,  en  ménageant  dao»  te 
pedan  autant  de  sections,  que  les  circonstances  Texi- 


44  DES  PRISONS.    ; 

geront.  Le  nombre  en  sera  calqné^  autant  que  possibteV 
soc  celui  des  ateliers  :  cependant  cette  règle  ne  sera 
pas  tellement  inflexible,  cpi'on  ne  pnisse  quelquefois 
réunir  deux  ateliers  dans  le  même  préau ,  lorsque  le 
petit  nombre  de  prisonniers  qui  les  composent ,  et 
Tanalogie  de  letir  position  permettront  de  les  réunir,  > 
sans  danger  pour  la  sûreté ,  et  sans  inconvénient  pour 
ramendement  des  uns  et  des  autres.  Ainsi,  les  détenus 
enfans,  quoique  répartis  en  plusieurs  ateliers^  dalis 
les  prisons  nombreuses,  pourroient  jouir  de  la  pro- 
menade dans  un  seul  préau.  Il  sera  facile  de  juger  des 
cas  où  une  exception  semblable  pourra  être  admise, 
pour  d  autres  ateliers. 

En  cherchant  les  moyens  de  diminuer,  autant  que 
possible,  le  nombre  des  préaux  particuliers,  *fâi  pour 
but  de  procurer,  en  général ,  aux  prisonniers ,  Tes- 
pace  le  plus  grand  dont  on  puisse  les  faire  jouir,  et  d  V- 
pai^gner  les  nïurs  où  cloisons  de  séparation ,  qui  sont 
toujours  autant  d'obstacles  à  la  circulation ^  de  Tair: 
mais  ces  considérations  ne  doivent  jamais  l'emporter 
sur  celles  de  la  sûreté  et  du  bon  ordre ,  et  ramener  à 
une.  confusion  de  classes  qpe  je  cherche  surtout  à  évi- 
ter. On  atténuera  d'ailleurs ,  en  grande  partie,  la  fâ-* 
eheose  influence  des  différens  murs  qui  deviendront 
nécessaires,  en  ne  les  élevant  qu'à  une  médiocre  hau- 
teur. Comme  ils  ne  servent  en  ricri  à  la  clôture ,  et 
qu'ils  sont  seulement  destinés  à  Séparer  les  prison-* 
niers,  ils  n'auront  be^Soin  que  de  sept ,  ou.  tout  au  plus^ 
huit  pieds  dé  hauteur;  avec  ces  dimensions,  ils  n'ar- 
rêteront sensiblen^ent  ni  les  rayons  dii  soleil ,  ni  la 
libre  circulation  de  Tair ,  conditions  indispensables 
pour  des  préaux ,  seul  lieu  d'exercice  des  détenus.  Les. 
prisonniers  se  trouveront  ainsi  convenablement  sépa^ 


DE  LA  DISCIPLINE.  45 

vtSfiu^m  perdre. dés  avantages  piiëcienx  pour  leur 
. saisie  «  et  Ton  pourra,  sans  les  réuuir,  les  faire  jouir 
simultaoéaieal  de  la  promenacle  à  Theure  la  moias 
propre  au  travail. 

Il  ne  restera  pla$,  pour  suivre  dans  toutes  ses  con- 
séquences, le  principe  de  la  division ,  qu'à  observer, 
pour  le  passage  des  détenus  dans  les  :  préaux,  et  pour 
leur  retour  dans  les  chambres,  les  précautions. indi- 
quées poqr  leur  translation,  de  celles-ci  dans. les  ate«- 
Uers,  et  pour  leur  retour,  en  ayant  soin  de  ne  faire 
marcher  qu^une  division  à  la  fois ,  et  de  ne  jamais  tenir 
ouvert',  en  même  temps,  qu'un  seul  atelier  et  un  seul 
préau.  Cette  attentiopi,  facile  à  prendre,  préviendra 
bien  des  occasions  de  révolte. 

Qnant  aux  exercices  du  culte ,  on  ne  peut  se  dispen* 
ser  d'y  faire  assister  les  prisonniers  simultanément. 
C'est  tous  ensemble  que  ces  malheureux  doivent  ^ 
présenter  devant  l'autel  des  miséricordes;  c'est  tous 
ensemble  qu'ils  doivent  recevoir  les  exhortations  ton- 
chanter  et  les  sublimes  consolations  de  la  religion.  Ici, 
la  séparation  absolue  devient  impossible  ;  il  .ne  peut  y 
avoir  qu'une  messe  à  la'prison,  etpar  conséquent  tous 
les  prisonniers  doivent  y  assister  à-la-fois  :  mais  ils 
peuvent  être  réunis,  sans  être  confondus;  on  peut 
les  rassembler  dans  le  même  local,  sans, négliger  la 
division  par  ateliers ,  et  sans  les  mêler,  les  uns  avec  les 
autres.  La  disposition  que  ilous  avons  indiquée  pour 
Téeole,  servira  principalement  à  cet  usage  ;  il  suffira 
de  n'y  faire  venir  les  prisonniers  que  successivement , 
divisés  par  ateliers ,  et  sous  la  conduite  de  leurs  supé- 
rieurs ordinaires.  Arrivés  à  la  chapelle ,  dont  on 
sait  que  l'école  f^rme  la  nef,  on  les  répartira  dans 


r 


^  0ÊS  PttISGPiSâ 

lès  bètics ,  sâfis  confoitttre  ensemble'  tes  dtflértat  de 
ééxxx  ateliers  :  dé  cette'  nmniàfe  i  otl  conservera  la 
elas^eatton  Aes  déletttis,  quoique,  ed  tes  réonissaM 
dans  la  même  enceinte ,  et  pendant  qu'^ïls  y  resteroi^^ 
Tordre  et  le  silence  qu'on  léu^  fera  ôhséihrer^  prévien- 
dront tau$  tes  da#i^rs  de  teur  rapprochemenf . 

On  ne  leë  fera  de  nfiénne  sortir  qoe  scieeessrvemeiit^ 
un  seul  atelier  à  Irf  fois ,  t0us  les  autres  restant  dans 
leurs  bîHics,  peridâtit  que  les  premiers  déftteiroât.  H 
sera  facile  de  les  y  retenir^  à  raison  ,de  la  disposition 
de  ces  classes ,  et  de  Fimposâbilîtë  de  sortir  des  bancs, 
tant  que  la  première  personne  n'en  sort  point  %  il  snffit 
d'un  employé  à  la  tête  de  chaque  banc ,  pour  empê- 
cher tous  les  détenus  de  faire  te  moindre  mouvement. 
Les  gardiens  et  le^  Antres  préposés  s^y  tiendront  fou- 
jotirs  pendant  tes  exercices,  pour  maintenir  Fordre 
et  empêcher  toute  conftision^  D'ailleurs  «  si  Ton  «voit 
quélquèà  iûquiétûdes ,  on  pourrf^it  faire  entrer  dai|s 
la  prison  un  détachement  de  soldats  qui  y  resteroient 
pendant  rdfficè  et  y  assisteraient  en  armes.'  Il-aeroit 
peut-être  utile  dé  taire  une  règle  aux  gendarmes  d'y 
2lssisté^  l6u}()Kirs.  C'est  à  Taide  de  ces  (rtrëcautlons^  ou 
d'antres  aûalègues,  que  leseir«^onslanoessuggérefobt, 
c^û'oti  prétîendru  jiisqu'aux  nïpkidres  ine(mvéni«M  de 
la  réunion  des  prisonniers,  pour  les  exercices  du  coite. 
Oïl  pdtiiTât  sufivré  la  même  msirche  pour  la  poiiee 
dé  Técole,  sauf  néanmoAns  qndques  modifiéatiens  de 
détail ,  qui  sdnt  du  ressort  des  aotmités  locales,  et 
^rtout  de  l'instituteur. 

:  Telles  sont  les  principales  règles,  dôiit  Tobserva- 
tioTl  garantira  la  sûreté  ^es  prisons.  Suffisantes ,  en 
généraly  pour  atteindre  ce  but ,  elles  sont  indi^pensablga 


DE  £â  IASCC^ÙNE.  4? 

£fis  tbàs  les  cas,  nàéme  lorsqii  il  s^agtra  d'une  simple 

înâîson  de  justice  ou  d'arrêt ,  si  les  détenusqnVUe  doit 
contenir  sont  nombreux.  Cependant  on  peut  observer 
que  les  évasions  ou  les  révoltes  sont  trés-rared  dams 
lès  prisons  qui  ne  contiennent  que  des  prévenus  «  parce 
qûè  ces  prisonniers  ont  le  plus  grand  intérêt  à  ne  point 
séprésetiter  sous  un  )oùr  défavorable,  et  qu'ainsi ia 
discipline  peut  être  un  peuftioins  soupçonneuse,  à  leur 
îégârd.  Mais  les  gardiens  ne  doivent  jan^ais  oublier 
que  SI  toute  rigueur  inutile  c|st  un  crime ,  la  moindre 
negligWcê  de  leur  part  est'  une  faute  grave  :  ces  defix 
principes  doivent  faire  la  base  de  toute  leur  conduite. 

$£CtlGrN  u.  De  là'èùtùhHté. 

Ce  h^ést  pas  assez  que  la  discipline  prévienne  toute 
é'vâsiôtt ,  tonte  révolte  ;  elle  doit  encore  avoir  pour 
objet  d'èioftretenîr,  dans  les  prisons,  la  salubrité  et  le 
boii ordre.  C^ést  souvent  faute  de  précautions,  que  les 
àmfàgîôns  Tes  plus  opiniâtres  viennent  dépeupler  les 
priiM>ns9  et  que  les  désordres  les  plus  scandaleux  trans- 
icMtrient  dès  nhaisons  d'expiation  et  de  repentir,  en 
des  lieux  de  débauche  et  de  corruption.  Combien  se- 

'  roient  coupables  les  administrateurs  qui  ri'useroient 
pasde  leur  pouvoir  pourprévenir  de  semblables  fléaux, 
quadd  ils  ont  entre  les  mains  tous  les  moyens  de  le 
mfé\  l)*nè  âfsciptine  exacte,  une  vigilance  éclairée^ 
^flÉiéènt'f^W  atteindre' ce  bût.  La  salubrité  surtout  dé- 
pend'V  ra  grande  partie ,  dés  soins  d'une  bonne  admi- 

'  nistrâtïbn.  C'est  elïe  qui ,  dans  bien  des  cas,  écarte  ta 
contagion  ou  èfi  arrête  les  progrès,  en  emfiêchant  la 
communication  des  malades,  avec  les  détenu^  qui  jouis* 
sent  dé  la  santé. 


.  •'  » 


48  DES  PHISONS. 

Pour  prévenir  les  funestes  résultats  d'une  confusion 
aussi  imprudente,  il  faut  empêcher  qu'aucun  malade 
nîé  soit  introduit  au  milieu  des  prisonniers  sains,  ej; 
que  ceux  qui  viendroient  à  tomber  malades ,  n'y  sé- 
journent long -temps.  Celle  surveillance  s'exercera 
donc  à  deux  époques  différentes  ;  d'abord  à  l'arrivée 
des  prisonniers,  et  ensuite  pendant  tout  le  séjour  qu'ils 
feront  dans  la  prison. 

A  l'arrivée  d'un  ou  de  plusieurs  prisonniers,  on 
se  gardera  bien,  de  les  mêler  sur-le-champ  dans  '  la 
masse  des  détenus  ;  une  pareille  imprudence  pourroit 
infecter  toute  une  prison ,  mais  on  leur  fera  subir  une 
espèce  ide  quarantaine,  dans  un  appartement  réservé  à 
cet  effet.  Ils  y  resteront ,  jusqu'à  ce  que  les  médecins 
les  aient  visités.  On  ne  fixe  aucun  terme  de  rigueur  pour 
leur  séjour  dans  cet  appartement  ;  il  est  même  à  dé- 
sirer qu'ils  y  restent  le  moins  long-temps  possible. 
Cependant  la  durée  de  cette  quarantaine  est  absolu- 
ment abandonnée  à  la  prudence  du  médecin.  C'est  lui 
qui  décidera  s'ils  doivent  être  envoyés  avec  tous  les 
prisonniers  retenus  en  quarantaine,  ou  mis  à  î'în- 
firmerie.  Mais»  dans  aucun  cas,  les  prisonniers  ne 
pourront  aller  aux  ateliers  communs,  sans  avoir  subi 
la  visite. 

Au  moyen  de  cet  examen ,  on  seroit  sûr  que  les 
nouveaux  venus  ne  comprometlroient  point  la  salu- 
•  brité  de  la  prison ,  cn-y  apportant  quelque  maladie 
contagieuse.  Mais  ce  danger  n'est  pas  le  seul  que  Ton 
ait  à  craindre,  sous  le  rapport  de  la  santé.  Trop  souvent 
les  prisonniers ,  arrivés  sains  dans  la  prison ,  y  contrac- 
tent des  maladies  fâcheuses  :  le  changement  de  régime  ^ 
le  défaut  d'air  et  d'exercice,  et  surtout  le  chagrin 


DE  LA  DISCIPLINE.  44 

«n  sont  les  sources  fécondes.  Il  ne  fant  pas  làmer  i  cel 
germes  pestilentiels  le  temps  de  propager ,  qq  $e  déyerf 
lôppant ,  le  venin  qu'ils  recèlent.  Dès  qu'un  dët^n^ 
cesse  dlê^reien  pleine  santé ,  il  faut  »  sans  délai,  le  séi 
parer  des  autres,  et  le  mettre  à  l'infirmerie.  A  ce( 
éifet)  le  médecin  de  là  prison  doit  y  faire  chaque  jour 
uue  visite ,  et  s'enquérir  de  l'état  sanitairç  de  tous  les 
prisonniers^  soit  à  l'in&rmerie,  soit  dans  les  ateliers^ 
et  dès.qu 'il  aperçoit  ^  dans  les  seconds ,  des  symptômei 
alanmâns,  il  doit,  suis-le-champ,  donner  l'ordre  d^ 
les  transférer  à  l'infirmerie,  d'où  Ton  me  sortira  jamais 
sans  son  ordre  exprès.  Nous  verrons  plus  bas  en  quo 
consbtent  le  régime  et  le  service  dans  cette  partie  d^  la 
prison. 

C'est  par  l'emploi  de  ces  moyens ,  qu'on  empêchera 
la  contagion  de  s'introduire  dans  les  prisons,  ou;dft 
faire  des  progrès,  si  elle  venotjt  à  s'y  déclarer.  Il  faut 
encore  préserver,  autant  que  possible ,  les  prisonniers 
des  malâd  ies  qui  peuvent  naître  daris  la  prison  même , 
sans  y  être  apportées  du. dehors.  On  y  parviendra  y 
par  l'exécutioii  des  mesures  sanitaires  qpi  seront. indi*? 
quées  ^r  les  médecins,  par  un  régime  approprié  à  la 
situation  ^es  <^étenus ,  et  surtout  en  astreignant  les 
priH>nniers  à  la  propreté  la  plus  scrupuleuse ,  soit  daqs 
leurs  personnes,  soit  dans  les  lieux  où  ils  séjournent  : 
cette  attention  „  qui  rentre  dans  le  domaine  de  la  dis^ 
cipline ,  peut  prévenir  les  plus  grands  maux  dans  les 
prisons»  dont  la  population,  presque  toujours  exces- 
sive, eu  égard  au  local ,  feroit  déjà  de  véritables  foyers  ' 
de  contagion.,  si  la  malpro[M*elé  des  prisonniers  ne  les  * 
rendoit  plus  pernicieuses  encore. 
11  est  indispensable  que  les  prisonniers  se  lavent 

4  ■       ■ 


5o  DES  PRLSONS. 

fréqâemnient  V  et  se  baignent  même  de  tei^s  eh 
tenfips.  On  doit  teniir  la  maiu  à  ee  que  les  chambres; 
ateliers  et  réfectoires  soient  toujours  net|oyës ,  et  qu'il 
n'y  reste  jamais  aucun  débris  d'aliment ,  di ,  en  gé* 
néral ,  aucune  malpropreté. 

'  Chaque  matin,  les  chambres  devront  être  nettoyées 
et  balayées,  les  lits  recouverts,  le&  fenêtres  ouvertes 
de  tous  les  côtés.  Les  prisonniers  doivent  être  ha- 
billés ,  aussi  complètement  que  possible ,  et  s'être  lav^ 
le  visage  et  les  mains.  Pour  s'assurer  de  Texécution  de 
tes  règles,  on  ne  distribuera  la  nourriture,  qu^après 
avoir  reconnu  qu'elles  ont  été  remplies. 

Les  ateliers  seront  nettoyés  et  balayés  tous  les  soirs , 
à  la  fin  de  la  journée  de  travail.  On  n'en  laisser^ 
sortir  les  prisonniers  qu'après  l'accomplissement  de  ce 
devoir,  qui  sera  rempli >  soit  par  tous  les  détenus,  à 
tour  de  rôle,  soit  par  quelques-uns  d'entre  eux* qui 
conviendrpient  de  s'ai  charger, 
f  Enfin ,  les  chambres  et  les  ateliers  devront  être  lavés 
entièrement  à  des  époques  >  périodiques  et  rappro- 
chées. On  les  passera  à  l'eau  de  chaux ,  au  moins  deux 
fois  par  an.  Pour  faciliter  ces  dtffërens  lavages ,  le  pavé 
des  pièces  sera  disposé  en  pente ,  avec  nn  ruisseau , 
pour  l'écoulement  de  l'eau. 

Tous  les  dimanches ,  les  détenus  devront  prendre 
un  soin  plus  particulier  de  la  propreté.  On  leur  fera 
laver  les  pieds  toutes  les  semaines,  et  on  les  obligera  à 
ie  baigner,  ou  laver. entièrement,  une  fois  par  mois. 
jOn. choisira  toujours  un  dimanche,  pour  ne  pas 
^interrompre' les  travaux  :  toute  la  journée  y  sera  con« 
iSacrée ,  s'il  le  faut ,  parce  que  les  prisonniers  n'iront 
•qu'un  à  un  dans  la  partie  du  {>réau  intérieur  qui  sera 


DELA  DISCIFUNEL  Si 

dUpofiée  à  cet  efftt-^.  lU  s'y  lavjeront  complëleiiient  eâ 
présence  d'un  seul  employé.  Dans  les  prisons  desti- 
nées aux  'hommes,  le  surveillant  sera  un  homme; 
dans  .celles  qui  renferment  des  femmes  t  ce  sera  une 
femme  :  mais,  dans  certains  cas,  no  .officier,  de  sanlë 
pourra  y  présider. 

L'obligation  de  se  laver,  soit  les  pieds  seulement, 
soit  lé  corps  entier,  pourra  souffrir  dés  exceptions^ 
mais  toujours  purement  individuelles:  c'est  au  gar- 
dien ,  et ,  en  dernier  ressort  ^  au  médecin ,  qu'il  ap-- 
partiendra  de  décider  s'il  y  a  lieu  d'accorder  un  sursis, 
qui  ne  sera  jamais  que  d'une  semaine.  Mais  pour  que 
ces  délais,  qui  pourront  être  prolonger  de  huitaine  en 
huitaine, n'aient.pas  pour  objet  d'éluder  entièrement 
Tobligation^  tous  les  dimanches  il  y  aura  un  certain 
nombre  de  prisonniers  qui  se  baigneront,  et  ceux  qui 
auront  obtenu  un  sursis  la  semaine  précédente , 
seront  nécessairement  compris  dans  ce  nombre ,  à 
moins  qu'il  n'y  ait  encore  quelque  nûson  de  les  en 
exempter.  .        . 

La  discipline  ne  peut  aller  plus  loin  ;  c'est  à  la  mér 
decine  qu'il  appartient  de  prendre  toutes  les  autres 
mesares  propres  à  maintenir  la  prison  dans  un  hon 
état  de  santé. 

SxcTioN  III.  De  l'Ordre. 

VAiiAORAtaB  PBSMttBB.  De  V Ordre  en  général.    - 

L'ordre ,  sous  le  point  de  vue  où  nous  l'envisageons 
.ici,  consiste  dans  l'observation  des  règles,  sans  les* 
/quelles  une  institution  n'atteindroit  point  le  but  pqur 
kqfifd  ^le  est  établi^.  La,destination,des  prisons  étant 


ià  Aïs  PRISONS. 

de  doaser^er,  souB  lamaia  de  Fautbrité:,  les  hommes 
HtBC^ùe  grâfifs  soupçons  >  m  une  condamnation  jdri-<- 
cKqoevfbrctntf de  priver  de  leur  liberté,  Tordre,  dans 
mm  ëtaMisseinens  9  comprend  foutes  les  règles  dont 
l^fiffervatiôii  êsti-nécessaire  pour  que  les  prisonniers 
ne  puissent  pas  s^échapper»  et  que  leur  captivité  pro* 
^ise«  soît  pour  eux,  soit  pour  la  société,  les  bons 
leflets  qu'on  doit  eh  attendre»  IL  faut  donc  faire  en- 
sorte  qu'ils  ne  puissent  compromettre  ni  la  sûreté,  ni 
4a  salubrité  de  la  prison  ;  qu'ils  respectent  la  décence  et 
les  mœurs,  et  ne  causent  aiiCun  tort,  soit  physique^ 
loit  .moraf,  à  leurs  compagnons' d'infortune  :de  là 
résulte  la  nécessité  de  les  assujétir  à  certaines  règles 
Iniiformes,  constante^,,  qui  donnent  le  moyeu  de  les 
surveiller,  et  une 'sorte  de  garantie  de  leur  bonne  con>- 
4hiite.  C'est  éa  cela  que  consiste  Tordre  des  prisons,  et 
le  devoir  àxx  gardteop  est  de  Tentretenir  avec  soin  r 
Jui-nmèvne*  y  »  d'ailleurs  un  intérêt  majeur,  puisque  sa 
vespohsabiKté  et  sa  sûreté  personùelle  en  dépendent 
absolument,  ,  * 

En  imposant  au  gardien  ce  deyoïr^  cette  responsa- 
btiité,  il  faut  nécessairement  lui  donner,  sur  les  déter 
nus,. une  certaine  autorité.  jS^i  (es  prisonniers  ont  la 
faculté  de  s'isoler,  ou  de  se  réunir,  de  ne  pas  se  livrer 
aux  exercices,  communs ,  de  se  nuire  les  uns  aux  au- 
tres ,  et  de  troubler  la  tranquillité ,  sanà  que  le  gardien 
ait  le  droit  et  le  pouvoir  de  les  en  empêcher.,  el  s'il 
fiiut,  dans  tous  ces  cas,  qu'il  attende,  sans  pouvoir  agir 
par  luï-'même,  Tarrivéé ,  toujours  incertaine ,  d'un 
surveillant  étranger ,  il  lui  est  impossible  dé  main- 
tenir la  sûreté  et  le  bon  ordre.  Par  la  même  raison  v  sa 
cesponsabiHtédèviendbroit  illusaii^,  parbe  qu'elle  secbit 


DE  LA  DISCIPLINE.  53 

flOinrerainlenient  injuste.  Quel  jury,  quel' trii^oilal 
poarrèient  le  pimir  de  n'avoir  pas  fait  visage  d'an  poaV. 
vair  qu'il  n'avoit  point ,  lui  faire  un  crime  d-avMr 
laissé  échapper  un  prisonnier,  ou  éclater  une  séditi<in;> 
s'il  n'avoit ,  par  lui-même ,  aucun  moyen  de  prévenir 
ces  malheurs? 

Il  est  donc  indispensable  d'accorder  au  gardien  un€' 

certaine  autorité  :  si  on  la  lui  refuse ,  il.  sera  contraint* 

de  Ttislirper,  et  rien  alors  ne  la  bornera.  Pour  qu'elle 

soit  efficace ,  il  fant  qu^elle  soit  ^respectée  des  détenus, 

et  qu  aucun  retard  n'en  puisse  entraver  le  développe--, 

ment  ;  le  moindre  délai  pourroit  avoir  des  suites  si 

funestes,  que  rien  ne  doit  jamais  pouvoir  le  motiver. 

Tout  ordre  du  geôlier  doit  être  obligatoire  pour  les 

détenus  et  s'exécuter  provisoirement.  Si  les  prison-* 

nier»  avoient  le  droit  de  Texaminer,  avant  d  av^ir 

qbéi. 9  l'ordre  public  seroit  compromis  de  la  manière, 

la  plusgrave ,  ou  plutôt  il  seroit  formellement  anéanti. 

Il  faut  donc  qu'ils  obéissent  sur-le-champ ,  et  sans  la 

moindre  résistance  ou  le  moindre  délai ,  à  tous  le^ 

commandemens  du  gardien.  Cette  soumission  absolu^ 

doit  être  la  base  fondamentale  de  la  constitution  dea 

prisons  ^  et  la  violation  de  ce  principe  doit  être  consi-. 

dérée  comme  un  véritable  délit  et  punie  sévèrement^ 

par  la  loi.  Mais  comme  on  doit  toujours,  autant  que 

possible.,  dpnner  t  à  ceux  à  qui  l'on  commande ,  la, 

connoissance  de  leurs  devoirs  «  un  règlement  affiché^ 

dans  l'endroit  le  plus  apparent  de  la  prison  «  et  lu  ji^ 

hanté  voix  tous  les  dimanches,  instruira  les  prisox^. 

niers  de  toutes  leurs  obligations,  surtout  de  celle  d'o-^ 

béir  aveuglément  à  tous  les  ordres  du  gardien,  et  dep^ 

peines  qu'ils  encourroieut  en  méprisant  cet  ^vis. 


54  :    ©ES  PRISONS- 

'  Cependant/ le$  défenus,  obligiés  envers  le.) gardien 
à  um  soumission  absolu^ ,  ne  doivent  pas  .êtçe  aban- 
donnés sans  réserve  à  tin  de^spotîsme  sans  limites.  Il 
convient  de  détermioer  soigneusement  Fétendue  de 
cette  autorité  9  et  d'indiquer  les  moyens  de  prévenir 
ou  de  réprimer  les  usurpations  qui  pourroient.  lui. 
donner  une, extension  illégale.  Après  avoir  ainsi  établi 
et  régularisé  la  première  et  la  principale  obligation  des^ 
détenus ,  Tobéissance  .à  leurs  supérieurs  légitimes,  nous 
chercherons  en  quoi  consistent  rieurs  autres  devoirs^ 
pour  se  confirmer  à  Tordre. 

VARAORAFHE  II.  Rapport  des  prisonniers  atfee  leurs 

supérieurs, 

XKBMlkBM  J^rnsioix»' J}u  gardien  ei  de  son  aiiisriié, 

L^autorité  du  gardien ,  si  deqiotiqoe  ii  l'égard  des 
détenus,  si  effra3ranfe  an  premier  a^ct ,  quand  on  ne 
Tenvisage  que  d'un  seul  cèté ,  sera  loin  d'avoir  toute 
retendue  que  nous  avons  d'abord  paru  lui  donner.  Si 
tes  détends  lui  doivent  une  obéissance  aveugle  et  ins- 
tantanée ,  cette  obéissance  ne  pourra  jamais  être  que 
j^rovisbire.  Aussitôt  que  le  prisonnier  a  exécuté  l'or- 
dre qu'il  a  reçu ,  il  rentre  dans  tous  ses  droits;  il  peut 
examiner  l'acte  qui  te  blesse ,  il  peut  user  du  droit  de 
pétition ,  de  ce  droit  que  l'homme  ne  perd  jamais 
qu'avec  la  vie^  et  alors,  msAheur  an  gardien,  s'il  a 
franchi  les  bornes  que  hri  tracent  la  loi  et  sa  cons- 
cience. La  loi  doit  être  asses  sévère ,  et  les  citoyens 
chargés  de  l'inspection  des  prisons  assez  vigilans ,  et 
assez  courageux ,  pour  ne  pas  laisser  impunb  les  abns 
^'une  autorité  aussi  redoutable  que  celle  d^un  gardien 
sur  des  prisonniers^ 


DE  LA  BSSCIFUNE.  5S 

Plnscepouvoir  estfort,  parrimposaibilitëde  larésis^ 
tSMice  opposée,  plus  il  doit  être  cireonscr it  dans  la  maia 
^  ceux  qui  l'exercent  /  plqs  les  abns  qu'ils  peuvent  ea 
foire  doivent  être  puni»  sévèrement.  L'autorité  du  geâ^ 
li«r,  assez  forte  déjà  par  rèxécution  provisoire  qui  lui  est 
accordée ,  devra  donc  être  circonscrite  dans  des  bornes 
très-étroites  :  les  prisonniers  devront  obéir  à  tous  les 
ordres  do  gardien^  sans  discussion  ;  mais  le  gardienne 
pourra  pas  tout  ordonner  indistinctement.  La  loi  posera 
desbomes  dont  il  ne  pourra  s'écarter,  et  toute  infraction 
de  sa  part  aux  règles  qui  lui  seront  prescrites,  sera ,  sui- 
'  vaut  les  circonstances,  un  délit  ou  un  crime,  sQsceptiMe 
néanmoins  d'être  excusé  ou  }ustifié  par  la  nécessité. 

Pour  que  ces  défenses  de  la  loi  ne  soient  point  de 
vainesi  menaces ,  il  faut  que  les  citoyens  qui  auront  la 
surveillance  des  prisons  ne  puissent  pas  se  dispenser  de 
dénoneer,  jour  par  jour,  les  abns  d'autorité  qu'ils  re- 
cônnoitroient.  Nous  verrons  plus  loin  comment  on 
aasarera  l'exécution  de  ce  devoir  important.  Celui  des 
gardieiis  sera  de  leur  rendre  un  compte  exact  d^  l'em- 
ploi qu'ils  auront  fait  de  leur  autorité  ;  ainsi,  la  faculté 
laissée  aux  gardiens ,  d'ordonner  en .  souverains  e^  de 
-fdre  exéaiter  leurs  ordres  provisoirement ,  sera  tem- 
•pérée  par  la  nécessité  de  rendre  compte  de  leur  con- 
duite, et  par  la  crainte  d'un  châtiment  inCaillihle  en 
*  cas  d'abus  de  pouvèir.  Ges  considérations,  seront  les 
'  seules  garanties  des  prisonniers  contre  l'ailiilraire  ; 
éks'  seront  paissantes,  si  les  protecteurs  que  la  loi 
kur  donne  ont  assezde  fermeté ,  pour  contienir  les  gar* 
diens  dans» les  bornes  légales  de  leurs  attributions.  ;. 

Quant  à  la  nature  et  à  l'étendue  de  leur  autorité., 
elles  seront  déterminées  par  le  genre. même. d^ifc  leurs 


56  MS  WtïSONS. 

fonctions.  Préposés  à  la  garde  ides  prisonn^eta,  leurs 
jitfrifautions  rentrent  nëeessairéraent  dans  celles  de  là 
police  adtiiinisttative  ;  ee^i  donc  one  autorité  pure- 
ment administrative  que  la  loi  doit  leur  confier,  avec 
les  moyens  coërcitifs  qui  lui*  appartiennent.  Aitisi 
c'est  eux  qui  feront  exécuter  les  règlemens  de  dîsci- 
plinêdressés  par  les  autorités  compétentes,  «t  qui  se^ 
rotit  chargés  c)e  dénoncer  toutes  les  infractions,  assez 
•graves  pour  troubler  l'ordre ,  qui  y  seroient  faites. 
Mais ,  simples  administrateurs  des  prisons,  ils  ne  pour- 
ront,  jamais  et  en  aucune  manière ,  y  exercer  le  pou- 
rvoir judiciaire  ;  et^  s'il  est  inévitable  qu'ils  aient  eittre 
les  mains  quelques  moyens  de  contrainte  pour  assurei* 
Texécution  de  leurs  ordres,  il  faut  que  leur  emploi 
rentre  essentiellement  dans  l'administration,  et  ne 
fasse  pas  de  véritables  châtiniens.  Cette  ligne  de  dé- 
marcation se  trouvera  dam  là  nature  même  des  dëct- 
sions  qu'ils  sont  autorisés  à  prendre,  dans  Texerci^e 
ordinaire- de  leurs  fonctions  de  gardiens.  Maîtres  d'ai^- 
cordér  ob  de  refuser  certains  avantages  aux  détenus , 
ils  trouveront,  dans  cette  double  faculté,  les  moyens  de 
punir  la  contravention  à  leurs  ordi^es  ;  mais  ils  ne  pour- 
ront jamsâs  avoir  recours  à  aucune  mesure  de  rigueur. 
Ainsi  la  privation  de  la  promenade  pourra  être  la  pu- 
^nition  de  cëkn  qui  aura  empêché  iei^  autres  prisoi>- 
niârs  d^n  jouir  tranquillement.  S^il  en  est. qui  fassent 
des  eieeës  de  gourmandise ,  le  gardien  pourra  réprimer 
ce  désordre,  en  prohibant  à  leur  égard  rintroductimi 
d'alimens  particuliers.  Ceux  qniauronl  troublé  Tordre 
d'une  manière  plus  sérieuse ,  pourroient  être  retenus 
rdans  leschambres ,  jusqu'à  ce  qu'on  eût  prononcé  sur 
eux  définitivement.  .      ,      i 


DE  LA  DISCIPLINE.  67 

Ces  moyens ,  tsmtcoërcitifsque  n^pres^ifs  yû'àuroiit.v 
comme  on  voit  ^  rien  de  dangerenx  dans  la  piain  du 
geôlier;  ils  n'ajoutent  rien  à  son  autorité  ;  ils  eii  règlent 
scolenient  Feif ercice  :  ils  ne  lui  donneront  jamais  le 
j>ouvoir  de  f^ire  soppojrter  une  peîncf  positive  aux  d^ 
tenus  j  mais  celui  de  les  priy^  momenlanénieiit 
d une  jouissauce.  Cependant  eomme  cette  privation, 
quelque  légère  qu'elle  poisse  être ,  seroit  un  très  grand 
mal  si  elte  étoit  infligée  injustement  4  le  gardien  en 
sera  toujours  responsable ,  et  tous  les  jours ,  il  rendra , 
aux  personnes  chargées  de  l'inspection  des  prisons,  un 
compte  exact  et  détaillé  de  toute  Tadministration  et 
des  décisions  qu'il  aura  prises  à  l'ég^ril  des  détenus. 
Cette  obligation  étant  une  des  principales  garanties 
contre  les  abus  d'autorité  du  gardien ,  rien  ne  pourra 
l'en  dispenser*  Il  devra  noter,  dans  ce  compte ,  au  tmrii 
de  chaque  individu ,  la  manière  dont  il  a  vécu  ce  jouiv- 
là,  le  travail  qu'il  a  fait,  l'argent  qu'il  a  gagné,  sa 
conduite ,  les  mesures  de  privation  ou  de  rigueur 
qu'on  auroit  été  obligé  d'employer  envers  lui ,  les  ao- 
tîoDs dignes d'éhoges  qu'il  auroit  faites,  etc 

Cette  garantie  seroit  encore  insuffisante ,  si  la  fidé- 
lité des  états  de  situation  n'étoit  assurée  par  le  contrôle 
d'une  personne  étrangère  à  l'administration ,  et  cepen- 
dant intéressée  par  elle-rnéme  à  en  constater  la  vérité. 
On  trouvera  cet  avantage  dpns  la  création  d'un  gref- 
fier responsable,  dont  les  fonctions  consisteront  nq- 
tamment  à  contrôler  les  états  o]a  comptes' reudus  du 
gardien.  Ces*  états ,  certifiés  par  le  gardien ,  qui  les 
signera ,  seront  dressés  jour,  par  jour,  par  le  greffier  : 
l'un  et  l'autre  seront  responsables  de  leur  exacftitude. 
La  destitution  et  les  poursuites  en  faux  criminel  seront 


58  BES  FIUSOMS. 

la  pnnitîon  de  toute  eiretir  volontaire  âms  ceîtt  rë* 
daetion.  On  espère  que  l^adjonction  du  grei%er  sera 
propre  à  prévenir  toute  altération  de  la  vérttë ,  toute 
réticence  non  raoins  eriminelie.  Ce  fonctionnaire,^ 
étranger  à  l'administration  de  la  {Nriaon ,  chargé  senle- 
ment  d'en  constater  Tétat,  aura  le  plus  grand  intérêt  à 
ne  rien  omettre^  à  ne  rien  altérer  dans  les  états  d& 
situation  qu'il  dressera,  conjointement  avec  le  gardien, 
et  si  ce  dernier,  par  quelque  circonstance  particulière, 
•se  trobvoit  engagé  à  rendre  un  compte  inexact  de  l'a 
situation  de  la  prison ,.  le  greffier,  dans  la  crainte  d'une 
$pli<krité  redoutable  t  s'opposerbit  à  une  falsification 
à  laquelle  il  n'aureit  point  d'intérêt  >  et  qui  Fexpose- 
roit  aux  plus  grands  dangers. 

Mais ,  pour  qu'on  soit  assuré  de  l'impartialité  do 
greffier^  il  faut  qu'il  soit  absolument  étranger  à  la  pri- 
son; que  sa  demeure  soit  placée  dans  l'enceinte  exté- 
rieure ,  de  nranîère  que  sa  sûreté  et  celle  de  sa  familh» 
ne  soient  pas  subordonnées  à  la  tranquiUité  des  déte- 
nus :  autrement ,  il  auroit  un  intérêt  personnel  à  ce 
que  la  discipline  fât  phis  rigoureuse.  Il.n'est  pas  moins 
nécessaire  qu'il  soit  entièrement  étranger  à  toutes  les 
entreprises  de  fournitures;  chargé  de  constater  la  si- 
tuation des  prisons  et  la  manière  d'exister  des  prison- 
niers ,  le  greffier  ne  doit  avoir  aucun  intérêt  à  en  dé- 
rober la  connoissance.  Il  y  a  donc  incompalfibilité 
complète  entre  ses  fonctions  et  celles  de  fournisseur^ 
et  toute  infraction  à  cet  égard  devra  être  conisidérée 
comme  un  véritable  délit.  Ces  précautions  nous  pa- 
roissent  propres  à  garantir  la  fidélité  des  états  àa 
situation. 

Il  est  encore  us  moyen  d'assurer  h$  prisonniers 


DE  LÀ  DISCIPLINE.  5^ 

contre  Texercice  arbitraire  de  Tautoritë  confiée  au. 
gardien ,  et  ce  moyen  ne  doit  pas  être  négligé  :  c'est  de 
Tobliger  à  constater  lui-même,  par  écrit.,  toutes  les 
mesures  extraordinaires  qu'il  croira  devoir  prendre  ^ 
€t  lés  motifs  qui  Vy  auront  déterminé»  Toutes  les  fois 
que  le  gardien  prendra,  à  Tégard  d\m  détenu ,  une 
décision  particulière,  il  devra  en  dresser  procès-verbal , 
conjointement  avec  le  greffier,  qui ,  dans  ce  cas ,  ne 
-sera  responsable  que  de  la  rédaction.  Ces  procés--ver- 
baux  seront  transcrits, sur  un  registre  spécial,  sans 
aucun  Uanc ,  et  relatés,  avec  indication  de  la  page, 
sur  Tétat  du  jour.  Toute  décision  prise  à  Fégard  d'un 
détenu ,  sans  qu'il  en  ait  été  dressé  de  procès- verbal , 
sera ,  par  le  seul  fait  de  cette  omission ,  considérée 
comme  arbitraire,  et  engagera  la  responsabilité  du 
gardién/Quant  à  celles  dont  il  aura  été  dressé  procès- 
verbal,  elles  n'auront  jamais  de  force  que  pour  un 
jour,  et  né  pourront  2| voir  d'effet  plus  prolongé ,  même 
par  mesure  de  police ,  sur  L'ordre  do  gardien. 

Ainsi ,  en  résumé ,  l'autorité  des  gardiens  sera  pure- 
ment administrative  ;  levers  moyens  de  contrainte  on 
de  répression  ne  consisteront  que  dans  le  droit  de  re- 
fuser aux  détenus,  qui  l'auroi^nt  mérité,  la  jouissance 
de  quelque  avantage,  sans  jamais  pouvoirexercer  contre 
eux  aucune  rigueur  positive  :  les  prisonniers  leur  de- 
.  yront  une  soumission  aveugle;  mais  pour  contrepoids, 
les  gardiens  n'auront  sur  eux  qu'une  autorité  provi- 
.  soireet  assujétie  à  un  compte  rigoureux.  On  voit  que 
ce  système  rend  nécessaire  rétablissement  d'un  corps 
de  surveillans  ou  inspecteurs,  dépositaires  d'une  por- 
tion d'autorité.  Nous  allons  examiner  quelles  doivent 
être  )a. composition  et  les  fonctions  de  cette  commis** 


6o  DES  PRISONS. 

ôîon^  qui  irons  paroit  indispensable  dans  uneTéformç 
du  régime  des  prisons. 

DEUXIÈME  DIVISION.  l?£s  inspecleurs  des  prisons  » 

Quand  raulQTÎfé  a  pour  objet  Texécution  des  ordre* 
du  sQuverain^.it  peut  être  utile  que  la  hiérarchie  soit 
très-simple,  et  que,  depuis  le  ministre,  jusqu'à  Tagent 
subalterne  chargé  de  l'exécution, directe,  il  n'y  ait  que 
le  petit  nombre  .d'hommes,  nécessaire  pour  éviter  la 
confusion  des  attributions  et  accélérer  le  service.  L'ad->- 
ininistrâiion  est  d'autant  plus  aétiVe ,  d'autant  plus 
.aïsîfolrnie,  que  l'ordre  a  passé  dans  moins  de  mains 
avant  d'être  exécuté.  Il  y  a  donc  de  l'avantage  à  sira-* 
plifiér,  autant  que  possible,  les  rQQajges  de  l'admîâi&'-i 
l^atioh  proprement  dite.  .  > 

Il  n'en  est  point  de  même  des  pouvoirs  destinés  uni-? 
quement  à  garantir,  à  protéger  :  ceux-là  peuvent  être 
multipliés  sans  inconvénient.  Un  degré  de  plus  est  une 
garantie  de  plus.  Nombre  d'abus  particuliers,  toujours^ 
très-fâcheux  pour  les  victimes,  resteroient  nécessaire- 
ment inaperçus  dans  l'ensemble  d'une  surveillance 
trop  étendue;  signalés  par  des  autorités  locales,  qui 
s'en  occuperoient  exclusivement ,  ils  seroient  înfailli-^ 
blement  réformés  et  anéantis. 

*Ces  observations  s'appliquent  directement  aux  ma-» 
tièresque  nous  traitons.  Si  les  rapports  sur  chaque pri* 
son  étoient  faits  au  ministère  ou  à  une  société  centrale, 
il  serait  impossible ,  même  physiquement^  que  4:es  ^ 
autorités  en  prissent  coimoissance ,  dé  manière  à  ,ap-< 
porter  remède  à  tous  les  maUx  particuliers ,  et  acca-* 
blées  d'une  foule  de  détails  qui  ne  doivent  pas  leâ 
concerner,  elles  perdroient  les  moyens  d.' exercer  sup 


DE  LA  DISCIPLINE.  61 

Fensemble'  une  influence  prëcieuae^  Diriger  et  faciliter 
les  réforknes  générales ,'  fonder  un  bon  système  des 
prisons  y  ef  donner  une  ihipulsion  poissante  et  uni** 
forme  à  tous  les  genres  d'àméliôratioti  prpjelés,  voilà 
ce  que  peut  faire  une  autorité  centrale,  voilà  ce  que 
fait  déjà  là  Société  Royale  pour.  Tamélioration  des 
prisons  de  France.  Déjà!»  sur  tous  les  points,  on  res-^ 
sent  les  heureux  effets  de  son  intervention  bîenfai-*- 
santé,  et  toutes  les  réformes  générales  marchent  d'iiq 
pas  égal  vers  leur  perfectionnement.  Mais  si  les  mem^ 
brës  du  conseil  général,  en  voyant  les. résultats  avanr 
tagenx,  produits  par  leurs  visites,  dans  les  prisons  plus 
spécialement  confiées,  à  leur  2èle,  abàndonnoient  leur 
centre  d  activité  pour  se  porter  ^  la  circonférence  ;  si , 
au  lien  de  s'occuper  des  vues  générales  d'amélioratipqi 
qui  sont  l'objet  de  leurs  méditations,  ils  cdnsacroient 
lènr  temps  précieux  à  la  visite  journalière  des  pr?sqn$ 
et  an  soulagement  individnel  des  mi^lheu.reux  qu'eUes» 
renferment,  leurs  soins. auroient  sans  doute  le  plu9 
IR*ompt,  le  plus  heureux  succès^;  mais  ils  ne  feroient 
plus  le  bien  que  partièUeàient.,'  H  leur  vQc^tion  est  de 
le  répandre  sur  toutes  les  prisons  du  royaum.e.  C'est  la 
France  entière  que  la  Société  Royale  embrasse  4ans 
ses  travaux;  quant  aux  détails^  c'est  aux  autorités. log- 
eâtes qu'il  faut  âbandotmer  le  soin  de  le$  surveiller* 
De  cette  manière ,  la  surveilldifcç  s'exercera  continuel-» 
lement  sur  tous  les  points ,  sans  que  des  améliorations 
de  détail  vientierit  absorber  le  teitips  de  la  Society 
Royale,  réservé  à  une  destination  plus  importante. 

Pour  que  les  abus  paKiculiets  cèdent  à  la  réforme 
générale^  il  faut  donc  que  chaq^je  prison  $oit  surveillée 
îoametlrâakent.  Les  personnes  chargées  de  ce  soin  ne 


62  DES  PEISOItS. 

{>eovent  être  que  des  eitoyèns  mêmes  de  la  ville  où 
est  située  la  prison  ;  mais  ils  doivent»  relever  des  auto- 
rités qui  ont  natorellementlà  surveillance  des  prisons  ^ 
^t  notammmt  de  la  Société  Royale.  U  doit  encore  y 
avoir  plusieurs  degrés  entre  le  simple  inspecteisr  et 
l'autorité  centrale,  sans  quoi  l'on  retomî>eroit  dans 
rinecmvéniént  de  l'accabler  de  détailsy  quand  l'ensem- 
ble seul  doit  FocGuper.  Chaque  arrondissement  de 
sous-préfecture  aura  donc,  ootceun  nombre  déterminé 
d'^in^cteurs ,  une  commission  des  prisons^  à  laquelle 
lés  inspecteurs  feront  leursrapport&  Cette  commission 
GorrespondraaveclemembredelaSoeiétéiloyalechdrgé 
de  l'inspection  du  département ,  et  la  Société  Royale 
elte-méme  formera  lé  dernier  anneau  de  cette  chaîne 
.de  surveillance  ^t  de  protection. 

Le  projet  d'établir  des  inspecteurs  des  pii^i^ 
ii'est  point  nouveau  ç  presque  tous  ceux  qui  ont  .écrk 
sur  les  prisons  en  ont  seiàti  la  nécessité  et  proposé  Ja 
création.  Cette  unanimité ,  loin  de  me  détourner  de 
j)résenter  des  idées  dont  on  poucroit  me  contester  la 
découverte,  est  une  raison  de  plus  pour  m'erigager  à 
les  publier  en  me  infirmant  leur  utilité.  Je  le  ferai  avec 
d'autaflt  plusde  confiance,  que,  surplusiera*s  points , 
je  me  suis  rencontré  avec  les  auteurs  qui  ont  pro- 
posé cette  institùticm.  Je  crois  devcûr  citer  ici  d'une 
manière  particulière ,  M.  JBexon ,  auteur  d'un  projet 
dé  code  pour  le  royaume  de  Bavière,  oà  se  trouvent 
réunis  tous  les  points  qui  peuvent  intéresser  la  sûreté 
publique,  et  qui  présenté  souvent  des  aperçus  très- 
Justes  et  très-féconds  dont  j'ai  quelquefqis  tiré»  parti* 
La  législation  même  a  fait  quelques  tootatives^  ponr^ 
intjçoduirè  dans  lùto  pris<mls»  des^cctonaissionS  dHnapec^ 


leois;  jusqa^à  présèDl,  cette  institution ,  ték  que  je 
la  conçois  y  est  encore  i  créer.  Un  projet  de  décret  pré* 
sente  à  la  Convention ,  pour  la. police  intérieure  des 
prisons ,  établissoit  des  eon^misnons  d^nspedeurs*  Ce 
pnqet  n'a  pas  reçu  la  sanction  législatiire ,  et  Ton  peut 
regretter  cpairi(|nes  unes  des  vues  réellement  phiianthro* 
piqnes  qu41  eontencSt;  mais,  en  général ,  il  se  sentoit 
trop  de  la  rapidité  avec  lacfuèlle  il  avoit  été  improvisé^ 
et  du  système  d^administration  que  suivoit  alors  le* 
gtovemement.  Une  seule  observation  fera  voi^en  quoi' 
ce  pn^et  étoit  vicieux:  le  comité  de  légisbtion ,  qui  Ta 
rédigé  1  propose  d'allouer  un  traitement  aux  inspeC'^ 
leurs ,  et ,  par  là^  il  dénaturé  entiàrement  tette  institiH . 
tion.  La  qualité  d'inspecteur  dey  prisons  est  du  nombre 
de  celles  qui  ne  peuvent  être  'que  purement  honoris- 
fiques;  y  attacher  un  intérêt  pécuniaire,  ce  seroit 
l'avilir ,  Ténerver ,  la  prostituer ,  quand  le  déûntéres- 
sèment  seul  des  inspecteurs  peut  loir  donner  Tindépen- 
dance  et  la  puissance  morale  qui  leur  ^ont  nécessaires, 
et  asMirer  la  bmme  conqposition  d'un  corps,  qu'il  faut 
surtoirt  honorer  à  ses  propres  yeux  et  aux  yeux  des 
hommes  soumis  ^  sa  surveillance.  Et  d'ailleurs ,  cette 
offire  imprudente  d'un  traitement  qui  ne  peut  jamais 
être  que  trè»*moâique ,  à  raison  du  nombre  nécessairiK 
d'inspecteurs,  n'est-elle  pas  faite  pour  éloigner  de  oés 
feiK^ioas  bien  des  citoyens  respectables ,  qui  les  lem- 
pliroient  avec  le  plus  grand  zèle,  s'ils  n'y  voyoient 
qu'un  devoir  de  charité,  et  qui  les  rqKNisseroient  avec 
dé^dn  si  on  les  présenloit  comme  l'objet  d'une  ambi- 
tion subaltMtie  ?  Tel  qui  eût  cons^iti ,  qui  eût  même 
demandée  consamrgratoitèment  son  temps  etsessoins 
il  rinspeetion  des  prisons,  ae  voudra  pas  accepter  un 


64  .    BfES  BBISQNS.    ^ 

emploi  pëhihle^  âégràdé  pat  desènlidesappmnfemeiis/ 
Ce  fi'est  donc  pas  seulement  an  nom  de  l'honneuri 
français,  c'est. au  nom  de rintérét  social  n^ême,qiK^ 
Qons  insistom  pour  qu«i  les. fonctions  des  inspecteurs 
soient  enfièreméht  gràîinteâL  ' 

.  Mais  comment  choisir  les  inspecteurs  des  pvisons  ? 
Sur  quelle  classe  de  la  société  Fdudra-t-ir jeter  jesfi 
yèuxi)  pour  y  chercher  ides  hommes  capables  de  remplir 
ces  fonctions.?  Faut-*il  i  comme  pour  le  jury,  désignée» 
des  eat^gôries,  hors  desquelles  il  seroit  interdit  de: 
porferson  choix?  Nous .soaimes  loin  de  le  croira.  An^ 
cune  branche  de. la  grande  famille  n'est  indigne  dtf 
concourirjau  soulagemânt  de  Thumanité^,  ou  incapable 
d'y  traxaillet*.  La  charité ,  Tamour  des  hommes  ne  sont- 
Tapanage  d'aucnne  caste  privilégiée  par  la  nature;  et 
Ton  peut  ipéme  dire  que,  pour,  le  genre  de  garanties 
qu'on. doit  exiger  des  inspecteursrdes  prisons ^  on  n'en! 
trouvera  pas  moiiis  dans^Ies  classes  les  moiiis  élevées  que 
dans  les  plus  hautes.  Sans  doute,  on  a  vu  mainteirfciis  le» 
personnes  ks  plus  éloignées  ^pas*  leur  position  du  Aéacr 
de  Ja  misèrey  montrer  la  compassion  la  plus  iMidre 
poursies  .victimes;  et  le. zèle  le  plus  ardent  pour  sonla-* 
ger  leurs  maux.  L'objet  seul  ^  de  cet  «ouvrage  feit  volrv 
d'ùttfi  manière  bien.  tottdianite,.que  sur  ie%  degrés^mé-^ 
mes  du  trône ,  F  infortune,  trouve  des  ceeurs  sensibles  à 
sespeinësët  constammmt  oçGnpésdu^inde  les  adoucir* 
Mais  une  bienfaisance  aussi  éésintëfesséen'est  hialheb^ 
reusement  pas  une  règle  générale  ;  et  quelque  ehcoiira^ 
géant  que^itrexérnpie  de  la  Société  Royale  desprir» 
sons,  il  seroit  imprudent  de  )uger  tous.les  homRiesipat 
ceux  qui  en  sont  Télite^  comixietpus  les  guerriers  d'une 
année  par  les  héros  qui  les  dirigent.  Loin  donc  d'ex«* 


DE  th  &&GIPL1QIE.  65 

tlé«  9im}iif$  dasi^  de  l<i  Ifu^lté  de  concourir  à  lâ  sur- 
veiliaacedies  prisoo^téteodQQS autant  que  possible,  1^ 
cercle  où  roopourra  chercher  des  personnes  qui  ycuU- 
leot  biea  se  dévouer  à  ^e  service. 

Gelt«  latitude  n'aura  aucun  inconvénient.  Dans  les 
fanclipus  d'inspecteur  des  prisons,  il  ne  s'agit  point 
<)e  fraudes  vues  d'aq^lîoration  générale ,  de  législa-? 
lion ,  de  droit  public ,  etc.  Renfermés  dans  la  ^urveil* 
lance  d'une  iMiule  prison  ou  ,  des  prisons  d'un^  senhr 
ville  «  les  inspecteurs  ne  doivent  s'occuper  que  des  dé«* 
tails ,  de  faire  exécuter  les  instructions  générales  dans 
rétablksement  confié  à  leurs  soins,  et  de  veiller  à  ce 
que  les  prisonniers,  d^nt  ils  sont  les  protecteurs  immé-^ 
tJiaU ,  iieasentent  les  salutaires  effets  des  travaux  de 
l'autorité  centrale.  Ces  fonctions  sont  assez  belles  en 
elles^mâmes,  assez  utiles  à  l'humanité,  pour  que  tou( 
hi^nune  s'honore  de  les  remplir  ;  elles  ne  sont  pas  asse;^ 
diffîcUies  pour  qu'o^  )uge  telle  ou  telle  classe  incapable 
de  le  Ssdve;  et,  s'il  peut  être  utile  que  ceux  qui  en  seront 
investis  jouissent  d'une  aisance  et  d'un  loisir  qui  leur 
peripedent  de  ae  livrer  sani»  réserve  à  une  surveillance 
presque  continuelle ,  le  discernement  avec  lequel  on 
s^effbrcera  de  faire  les  choix ,  et  l'acceptation ,  par  les 
peivonnes  nommées^  de  fonctions  gratuites  et  pénibles» 
donneront  la  certitude  de  leur  aptitude  k  lea  rempliv 
SOQS  le  rapport  de  la  fortune,  du  dévoùment  et  des 
connçiissances  es6en|ieli6s ,  quelle  que  soit  la  classe  où 
on  les  aura  prises.  Qui  sera ,  en  effet ,  plus  propre  à 
renotpUr  ces  fonctions  que  ce  magistrat ,  si  bien  ins- 
truit ,  par  une  longue  ei^périencc ,  du  caractère  et  de 
la  position  ordinaire  des  prisonniers?  que  cet  avocat^ 
qui  a  si  soaymt  diifendu  leur  vie  ov  leur  honneur ,  si 

5 


68  -    DES  PRISONS. 

souvent  reçii  la  confidence  de  leurs  peines?  que  ce\ne-* 
decin ,  habitué  à  voir  les  détenus  dans  les  instants  les 
plus  fâcheux  de  leur  captivité  ?^  Qui  connoitra  mieux 
les  moyens  de  les  occ^lper  utilement,  de  leur  donner 
ime  nourrîlurettout  à  la  fois  saine  et  économique, 
qu'uTï  manufacturier,  qu'un  instituteur;  qu-un  sim- 
ple artisan  même ,  ordinairement  instmits,  par  leur 
propre  expérience,  de  la  nature  des  travaux'qn'on.peut 
leur  faire  exécuter,  et  du  prix  ou  du  choix  des  ali- 
mens  convenables  à  leur  position  ?  Tous  ces  hommes 
sont  bons  pour  remplir  les  fonctions  d'inspecteurs  des 
jprisons;  ils  ont,  au  moins  par  leur  réunion,  les  c(ui- 
noissances  nécessaires  ;  et  quant  au  zèle  et  k  l'indépen- 
dance qu'ils  porteront  daiw  l'exercice  de  ces  fonctions, 

'  ils  en  donnent  une  garantie  suffisante  en  demandant , 
ou  même  en  acceptant  cette  charge.  Nul  d'entre  eux' 
ne  prendra  de  semblables  obi igifit ions,  si  l'état  de  sa 

,- fortune  ne  le  dispense  de  travailler  contînueliemefit 
pour  vivre.  Elles  ne  seront  donc  remplies  que  par  des 
personnes  auxquelles  leur  profession  laisse  assez  de 
loisir  pour  se  consacrer  à  une  surveillance  active  ,  cm 
par  des  hommes  parvenus  au  terme  de  leurs  travaux, 
et  jouissant  en  repos  d'une  fortune  acquise  à  la  sueur 
de  leur  front.  Dans  ces  deux  conditions  se  trouvent 
toutes  les  garanties  nécessaires  ;  et  comme  elles  com- 
prennent l'universalité  des  citoyens,  pris  à  différentes 
époques  de  la  vie,  il  s'ensuit  que  la  liberté  d'élire  ne 
doit  être  limitée  par  aucune  distinction. 

Quant  à  la  désignation  des  inspecteurs,  elle  est  assez 
importante  pour  qu'on  Tentoure  de  précautions  parti- 
calicres.  Ces  fonctionnaires,  comaie  tous  ceux  qui  ont 
poisr  attributions  de  protéger  des  intérêts  locaux ,  dt^i^ 


DE  LA  DISCIPLINE.  67 

vent ,  sans  conlredit  >,  être  hommes  d'après  les  indica- 
tions locales.  C'est  le  seul  moyen  de  découvrir  les 
hommes  à  qui  ces  fonctions  conviennent  véritable- 
ment. Mais  en  cherchant  à  atteindre  ce  but  désiral^Ie 
il  faut  craindre  l'inconvénient  des  afTections  domesti» 
ques,  et  de  ce  système  de  condescendance  mutuelle^ 
qui  cause  si  souvent  de  ridicules  promotions.  Il  n'est 
pas  moins  essentiel  de  prévenir  les  exclusions  arbi- 
traires, qui  pourroîent  priver  la  société  de  la'  chance 
d'avoir  un  bon  inspecteur  de  plus ,  en  dégoûtant  un 
candidat  digne  de  la  nomination.  Enfin ,  il  faut ,  s'il 
est  possible  ,  épargner  au  mérite  modeste/  la  peine  de 
s'offrir  soi-même ,  et  profiter  des  talens  çt  du  zèle 
d- hommes  qu  une  honorable  pudeur  empécheroit  de 
se  mettre  eux-mêmes  sur  les  rangs.  D'un  autre  côté, 
les  inspecteurs  devant  être  dépositaires  d'une  portion 
d'autorité  ,  c'est  au  gouvernement  qu'il  appartient  Ae 
les  nommer. 

Oia  conciliera  ces  divers  intérêts,  en  divisant  en  trois 
degrés  la  nomination  des  inspecteurs.  Pour  les'nomî-' 
nations  ordinaires,  on  n'emploie  que  deux  degrés  :  la 
présentation  et  le  choix  définitif.  II  me  parott  utile, 
d'en  inti*oduire  un  troisième  dans  celle  des  inspecteur^. 

Je  voudrois  donc  qu\ine  autorité  locale,  la  muni- 
cipalité par  exemple,  fât  chargée  de  recueillir  le  nom 
de  toutes  les  personnes  (juî  désireroiçnt  se  consacrer  à 
rbspection  des  prisons  ;  elle  pourtoit  même,  et  devroît 
aii  besoin ,  dresser  une  liste  de  celles  qui  seroîent  dis- 
posées à  accepter  ces  fonctions,  mais  qui  ne  les  auroient 
point  sollicitées.  Celle  seconde  liste  ne  sera  formée  que 
dq  cDoi^ntement  exprès  des  personnes  dont  les  noms 
y  seront  portés.  On  réunira  ces  deux  listes  en  un  rôle 


68  DES  FRIS0î*5, 

général  r  cpii  comprendra ,  i^  tous  ceux  qui  anFQnt  dç» 
inaoclé  la  place  d'in&peçti^ur  { :^*'.  tow  cç^ii^  qni  e>eroient 
disposes  4  Taccepter  si  oifk  la  leirir  ofiroil,  Agcun  nom 
ne  pourra  être  excln  de  cet|ç  li$M  »  SQt  laquelle  pn  de* 
vra  seulement  indiquer  «  par  forme  d'observations  y 
l'àge^  la  profession  9  la  fortune  présumée ,  la  condition 
des  candidats ,  et  tçs  es^pérances  que  Ton  peut  concevoir 
de  leurs  qualité^  intellectuelles  et  morales,  La  forma- 
tion de  cette  listes  ^ra  le  premier  degré  pour  parvenir 
^  ^1  nomination. 

C'est  après  cette  présentation  gé^ërale  de  iéias,  Ie9 
capdidats^  quilj'on  pourra  fair^  entre  eux  pn  ^oix  qqi 
réduira  la  liste  au  nombre  nécessaire,  he  s^ivk  en  serai 
copfié  à  la  con^pagnîe  centrale  «  par  exemple,  à  la  $0^ 
ciété  IVoyale  des  Prisons^  Ijllle  sera  ton)Qnr$  sufl^nv^. 
if^çal  instruite^  par  les  doeumens  )oint$  à  la  liste  génét 
raie,  et  par.  les  cgnnoi$sance&  locales,  recueillies  par,  ^ 
celui  de  ses  membres,  qui  a  sous  son  inspection  le  d4: 
partemiç^t  où  il  se  trouvera  des  placèa  vaca^^tes.  L^  90^ 
ciété ,  et  même  le  memhrei  rapporteur ,  seroni  aaseK 
élevéfi  au-dessus  de  la  sphère  des  intérêts  locaux  pour 
n'être  entièrenxent  dirigés  que  par  de3  vues  d'utilité 
publique.  Tout  donne  lieu  de  croire  que  leur  choix 
sera  éclairé  et  impartial ,  deux  conditions  toujours 
difficiles. à  réunir  dans  la  iiomination  aux  places.  Leur 
list^  réduitç  sera  toujm^rs  d't^^  QombrQ  triple  de  celui 
àe^  places  vaçanlil,  et  s/^ra  suivie  do  nom  de  lo^t^s: 
les  personnes  proposéç%  à  la  désignation  (  f).  £n£in  ^  la 
nomination  sera  faite  par  le  Roi,  dao^Ia  iopsm  ordi- 

(0  Ovt  trovve  une  dispoaitioii  sembltibla  dlaiM  la  o^nstîtatioii 
wurtemh^rgeQ^^ . 


DE  LA  DISCIPLINE.  69 

kiaire ,  et  imprimera  un  caractère  publie  et  légal  à  dei 
fonctioiis  déjà  si  respectables  par  leur  objet. 

Les  nominations  ne  devi*ont  pas  être  à  vie.  Outre  le 
pàidê  cl\ine  Semblable  charge  4  qu'il  pourroit  être  trop 
àùt  de  porter  long-temps ,  il  est  certaines  fonctions 
àsts  lesquelles  il  ne  faut  pas  s'habitueir ,  el  qu'il  fa«t 
surtout  éviter  de  remplir  par  routine^  Le  long  u^ge 
Cfitiodâ^  les  inipresàîons,  et  fatigue  le  tkh  le  plus^r- 
dent^  11  est  donc  utile  de  renouveler ,  de  temps  en 
t&tûpi^  les  inspecteurs  des  prisons^  tant  pour  les  repo-- 
jser  de  travaux  pénibles  que  pouf  profiter  du  ^le,  en- 
core tout  brûlant ,  d'un  inspecteur  nouvellement  ins* 
tallé ,  dont  la  sensibilité  neuve  n'est  pas  habituée  an 
spectacle  de  la  misère ,  et  pour  qui  Teicameinr  des  étati 
àe  situation  et  des  comptes  les  plus  détaillés  n'est  pas 
encore  dévenu  une  ennnyeuse  affaire  de  forme*  En 
même  temps,  il  faut  prendre  garde  de  se  priver  pré-^ 
matiirémeut  de  personnes,  dont  rexpérieuce  et  le$lu«^ 
inièrës  ^quises  seroient  pil^cieuses  pour  l'objet  générd 
de  rinstilution*  Le  terme  de  denx  années  me  paro6t 
devoir  être  celui  des  fonctions  d'inspecteur.  Moins  de 
deux  ans  ne  permettraient  pm  de  profiter  de  Tetpé^ 
rience  âi^quise  ;  plus  de  deux  ans  seroient  propres  à  la^^ 
tiguer"  les  inspecteurs ,  à  lenr  inspirer  pour  hnn  (bne^ 
tiens  Uii  dégoût  funeste.  Mais  pour  jouir  tout  à  la  foie 
de  reitpérience  des  uns  et  de  Tardeor  des  antfes  4  le 
renonveUefneiit  ne  se  fera  que  par  nloitié  chaque  an^ 
âée  i  de  manière  que  la  cdmmissîon  wm  ^otqRonrp  oam^ 
posée  d'une  moitié  ancienne  et  d'bne  moitié  nonvette,  . 
et  qu'il  s'établira  ainsi  mie  espèce  dé  tradition  y  qui'aè 
perpétuera  dans  Tavenir^  et  garaùtira  une  préoieusè 
tfâifotmilé  dans  le  syiième  d'aiiministration  des  pri^ 


70  DES  PRISONS* 

sons.  D'ailleurs^  les  inspecteurs  pourront  toujours  être 
renon'imés,  après  Texpiratiou  des  deux  ans,  s'ils  y 
consentent;  aucun  réglenoeni  prohibitif  né  doit  priver 
la  société  de  leur  bonne  volonté,  s'ils  demandent  à  être 
continué)»  dans  un  emploi  qui ,  en  général,  n'attirera 
pas  beaucoup  de  concurrens,  et  qui  sera  toujours  bien 
rempli  par  ceux  qui  le  demanderont. 

Ces  précautions,  pour  le  .choix  et  la  nomination 
des  inspecteurs^  sont  d'autant  plus  importantes,,  que 
ces  fonctionnaires  ne  seront  pas,  comme  on  pourroit 
le  croire ,  de  simples  surveiUans  chargés  de  vérifier 
l'emploi  des  pouvoirs  d'un  geôlier,  mais  qu'ils  seront 
eux-mêmes  dépositaires  de  toute  l'autorité  admiuis-^ 
trative,  en  ce  sens,  qu'ils  auront  le  pouvoir  d'ordon-. 
lier  tout  ce  qui  se  fait  dans  la  prison.  Si  un  itispecteur 
vouloit  y  passer  là  journée,  il  pourrait  exercer  toute 
l'autorité  administrative,  commander  les  exercices, 
marquer  l'heure  des  repas,  de  la  promenade ^  pro-r 
noncer  les  interdictions,  etc....  Mais  leâ  inspecteurs 
ne  sont  pas  des  geôliers,  et  il  ne  le  faut  pas  non  plus, 
car  alors  il  faudroit  d -autres  inspecteurs  pour  les  sui>t 
veiller  eilx-mémes.  Il  suffit  que,  dans  la  prison  ,  rien 
ne  se  fassf  que  de  leur  consentement  ou  par  leur  ordre. 
Ces  deux  différentes  manières  d'exprimer  leurs  volon-^ 
tés,  divisent  leurs  attributions  en  deux  branches  : 
inspection,  sur  ce  que  le  gardien  peut  faire,  avec  leur 
consentement ,  administration,  pour  les  parties  du  serr 
vices  qui  iie  peuvent  s'exécuter*  que  sous  leurs  ordres. 

Il  suit  de  la,  que  tout  ce  que  le  gardien  fait  ou  or-^ 
donne,  est  censé- fait  du  consentement  de  Finspecteui; 
de  service;  il  n'agit  jamais  que  sous  son  approbation 
expresse,  ou  eii  Vertu  d'une  délégation  tacite  4?  $qq 


DE  LA  BISGIPLKSË.  71 

aut^Hé.  Il  lui' doit  ^Jonc  fin  compte  exact  de  remploi 
qu'il  a  fait  de  ce  pouvoir,  et  Tinspecteur  doit  le  vérifi.e^ 
avec:soio,  puisque  le  geôlier  est  censé  n'avoir  agi 
qu'avec  le  consentement  ou  par  Tordre  de  riospeetei^r^ 
tant  que  ce  dernier  ne  le  désavoue  point. 

Dans  un  tel  système,  les  inspecteurs  n'auront  pas 
un  service  continuel.  Chaque  semaine ,  un  d'entre  eux 
sera  l'inspecteur  de  service ,  chargé  de  tout  le  détail  de 
l'inspection  et  de  radniînistration  ;  et  les  autres  mem- 
bres, réunis  an  moins  aux  deux  tiers  de  leur  nombre 
totale  tiendrpnt,  chaque  semaine,  une  assemblée , 
pour  recevoir  son  rapport  et  prendre  les  mesures  né- 
cessaires :  cette  comn^ission  aura  elle-même  plusieurs 
attributions,  dont  nous  parlerons  plus  loip..   . 

Le  devoir  de  l'inspection  embrasse  tout  l'ensemble 
du  régime  des  prisons,  et  Tinspecteur  de  service  doit 
vérifier,'.jour  par  jour^  et  à  l'égard  de  chaque  prison- 
oier,  ;&i  toi;ites  les  règles  ont  été  observées.  Il  faut  qu'il 
constate  la  manière  dont  ils  ont  été  nourris,  traités, 
occupés  ,  payés  de  -leurs  travaux  ,  ks  putiilions  , 
méoie  les  plus  légères,  qui  ont  pu  être  infligées,  leiir 
causer  le  nombre  des  malades,  la  nature  dçs  mala*- 
dieSf  etc.  Cette  vérification  consistera  dans  l'exan^n 
des  étais  )ournalier$  dressés  par  le  gardien  et  le  gref^ 
fier,  et  sera  constatée  par  le  visa  que  Tinsp^cteur  y 
apposera.  Mais  comme  il  seroit  impossible  qu'il.prit 
coAYiQisswce  par  lui-mêm*' ,  tous  le$  jours,  des  nonir- 
breux  dét'aHs  confiés  à  sa  surveillance,  les  détenue 
auront  toiajours  led^oit  de  lui  représenter  leurs  réçlar 
mations,  soit  de  vive  voix,  soit  par  écrit;  et  tontes 
les  fois  qu'il  n'aura  pas  reçu  de  plaintes,  il  pourra 
considère?  le  seryiçe  comme  régulièrement  fait.  Aussi ^ 


? 


'  hV  ■     DtS  t»R1SG)NS. 

poifr  que  son  înspectîon  rir  soît  pas  îlïosoîi'e^  il  finit 
ijtfîl  n'omette  jamais  de  visiter  tous  le4  prîsoiïnîfers  ^ 
hors  la  présence  du  geôlier,  pour  leur  donner  toute 
liberté  de  se  plaindre. 

Chaque  semaine  \  Tinspecteur  de  service  fera  son 
rapport  à  la  commission  dimt  il  fait  partie.  Ce  rapport 
tie  doit -être  qu'une  relation  très-simple,  et  ^ulement 
assez  ftendue  pour  instrôîre  îa  commisi^iofi  de  ce  qui 
petit  devenir  Tobjet  de  sei  délibérations.  L*înspéctcu^ 
li'aura  besoin  d'y  mentionner  spécialement  que  les 
.  circonstances  particulières,  telles  que  la  maladie ,  Fin- 
tèrtdùite  d'un  prisonnier  ou  d'un  employé^  les  rëcla*- 
mations  des  uns ,  les  griefs  des  autres  ;  en  nn  mot , 
tout  ce  qui  sort  de  Tordre  aceonturtië  :  tout  le  reste 
peiît  être  ^xposë  en  deux  mots  et  collectivement.  A 
l'appui  de  son  rapport  <  Tinspecleur  remettra  li  lia  com^ 
itiission  les  états  de  la  semiiine^  dressés  par  te  gat^ien 
et  le  greffier,  et  revêtue  de  ^  signature  ^t  de  ion^sn  ^ 
cm  de  ses  observations. 

'  L'insfieetéur  devra  pdttel*  son  alteiltiOtf  sur  la  (!ùîi*^ 
doîte  privée  des  gardiens  et  employés,  «t  prendre  ou 
provoquer  les  mesiires ,  tarit  provisoires  que  défraie 
tives ,  qu'elle  peut  rendre  nécessaires.  Dans  les  cad  <te^ 
peu  d'importance,  il  peut  leur  faire  des  représenta- 
tions ,  leur  infliger  même  dés  peines  de  disciplille  » 
comme  la  défense  de  sofrtir,  une  retenue  sur  1^  g»- 
ges ,  etc.  Mais  si  les  fatités  qu'ils  ont  commises ,  soit 
dans  leur  conduite  privée ,  sôit  dans  l'exèreiee  de  leurs 
fbnctions ,  sont  asse%  graves  pour  motiver  l^r  dèsti- 
tutioti ,  il  devra  en  faire  son  rapport  à  là  commission  ^ 
4G|ui  prendra  le  parti  convenable. 

Indépendamment  de  C6  t>mvoir  d'inspeetkui ,  ^ai 


DE  hA  DISCIPUNE.  yS 

fraïqpesnr  tout  ce  qui  concerne  la  sûreté  de  b  priton , 
lasaalé  et  le  bien-être  des  détenus,. ainsi  que  le  fnaia<» 
tien.de  Tordre,  il  est  certainsi points. de  l'adniihlstra*^ 
tioO|.  sur  lesquels  on  ne  doit  pas  se  contenter  de  la  snr*^ 
TdllanCe  des  inspecteurs^  et  qui  réclanient  leur  inter-* 
veution  directe  j  pour,  éviter  les  nombreux  abus  qui 
s  y  introduiaent  jttomellenient  :  tebaqnt  notarôment 
les  fournitures,  d'alimens,  d'habits  et  d^ouvrage  pour 
les  prisonniers ,  et  la  sépression  des  faolea  plna  oo 
moins  graves,  qui  nécessiteroient  l'emploi  de  qudqae 
punition  positive.  Dans  tons  ces  cas,  la  commission 
des.inspecteurs  sera  Cômipission  administrative  pour 
les.prisons. 

Je  ne  viona  point,  proposer  de  transformer  en  four  « 
nisseurs  tes  inspecteurs  des  prisons.  A  Dieu  ne  plaise 
qiieje  veuiUe.souiller.leiKS  nobles  fonctions  par  aucnne 
idée  de  spéculation  intéressée!  Il  est,  au  contraire  « 
de  Tessoice  de  leur  iustitution,  de  ne  donner  que 
leurs  soins  aux  prisons ,  et  de  ne  retirer  de  leurs  tra-* 
vaux  que  le  plaisir  et  la  gloire  d'jStre. utiles.  Mais  )« 
voudrois.  qu'on  leur  confiât ,  comme  aux  commissions 
administratives  des  hospices,  le  soin  de  veiU^,  par 
eux-mêmes,  à  la  fourniture  de  tontes  les  choses  née»»* 
saîres  dans  la  prison.  Le  peu  de  temps  que  durermi 
leiies.peiiroirs,  le  renouvelleraent  hebdomadaire  de 
l^inspecteur  de  service,  et  surtout  lesgaaranties  movalca 
que  présenicroat  ces  fonctionnaires ,  préviennent  |a»- 
qu'à.la  possibilité  de  la  ncioin^  malversation. 
• .  D'ailleurs ,  les  inspecteurs,  ne  seront  réellement  ici 
quedea  r^issews ,  et  ne  pourront  avoir  d'intérêt  dana 
aucune  entreprise.  Les  fooruitnres  se  feront  toujours 
en  détail ,  et.jainiâs  par  entreprise  génécàle*  OtL  peni 


74  DES  FHiSONS. 

même,  dans  certains  cas,  stipuler  qne  les  marchan(T& 
donneront  jour  par  {onr,  suivant  un  marché  conclu 
I    avec  rinspecteor,  tout  ce  qui  sera  nécessaire  pour  l^en- 
t retien  de  ia  priison.  Il  n'y  aura  point  de  marché  à  for^ 
fait ,  point  d'adjudication  au  rabais ,  c'est-à-dire  aux 
dépens  des  prisonniers  ;  mais  les  fournitures  seroient 
faites  )our  par  jour,  et  payées  sur  les  facttu*es  visées  piir 
l'inspecteur  et  par  la  commission.  Quelques  personnes 
seroient  peiit-étre  tentées  de  croire  impraticable  cette 
manière  de  Tdomir  aux  besoins  des  prisonniers  ;  nous 
ne  leur  répondrons  que  par  un  exemple  •  qui  est  pé- 
rem:ptoiré  et  qui  prouvé  ia  possibilité  de  ces  mesures  : 
c'est  celui  du  dépôt  de  mendicité  de  Bourg,  (départe-^ 
ment  de  l'Ain) ,  appelé  Bicétre ,  où  on  les  emploie 
avec  succès,  au  moyen  d'un  régisseur  salarié  qui  fait 
les  avances ,  et  en  est  remboursé  sur  le  vu  des  foctures 
acquittées  et  visées  parle  maire.    . 
.   Ici ,  comme  on.  le  voit ,  ce  n'est  plus  une  simple  sur* 
veiHanoe  qa  exerce  l'inspecteur,  c^est  une  véritable 
administration.  Il  juge  lui-même  de  l'utilité  c^  de  la 
conveifiance  des  fournitures ,  il  en  arrête  le  prix ,  s'as- 
sure.qu'elles*  sont  données  ci^formément  aux'concfi-' 
Uons  convenues,  soit  sur  la  quantité,. soit  sur  la  qua^-^ 
Hié',  vévifie  les  mémoires,  etc.iL'....  Comme  ces  détails 
peuvent  devenir  très*considérables ,  dans  une  prison 
populeuse ,  rien  n'empêche  que,  dans  cette  partie  de 
leurs' fonctions,  les  inspecteurs  se  fassent aid^.p^r  un 
commis,  qui  s'en  occuperbit  sous: leurs  ordr^  imoié- 
dîÂti  et  sans  la  moindre  autorité  ;  il  ne  f^t  même  pas 
qu'il  partage  en  rien  leur  reapons^ilité ,' $i  on  veut 
prévenir  toute  malversation.  Les  inspecteurs  ne  ces-n 
ieront  jamais,  d'être  seuls  comptables  >  et  les  conmiîs 


DE  LA  DISCIPLINE.  75 

qn*îls  eniploieroient  ne  seront  responsables  c|n^envers 
tïix:  ce  sera  donc anxinspecletirs  à  les  choisir  et  à  les 
sorveilleT)  de  manière  à  ne  pas  se  laisser  compromettre 
par  leurs  manœuvres. 

On  sent  bien  que,  dans  ce  système  d'administra* 
^tion,  le  gardien  n'entre  pour  rien  dans  tout  ce  qui 
tient  à  la  comptabilité.  Absolument  étranger  à  Ten- 
tretien  de  la  prison,  il  n'a  d'autres  fepctions  que  de 
garder  les  prisonniers ,  et  toute  action,  de  sa  part,  ffai 
sortiroit  de  ce  cercle ,  seroit  toujours  rëpréhensible. 

Quant  à  la  faculté  de-punir  les  fautes ,  soit  des  déte- 
nus, soit  des  préposés ,  elle  appartient  à  la  commission 
des  inspecteurs ,  ou  à  Tinspecteur  de  service  ,  toutes  les 
fois  qu'il  deviendra  nécessaire  d'employer  des  peines 
positives ,.  et  qu'on  ne  pourra  plus  s'en  tenir  aux  sim-* 
pies  moyens  administratifs,  dont^le  gardien  peiU  faire 
nsage.  Ainsi ,  qu'un  prisonnier  frappe  ses  compara 
gDons,  qu'il  insulte  le  gardien  ou  les  employés,  qu'il 
trouble  avec  viotence  ou  obstination  les  exercices  cpm* 
munsou  Toffice  divin  ^  il  est  évident  que  la  privation 
de  U {promenade ^  :ou  la. défense  de  faire  entrer  eei> 
t^iosatimens^  que  petit  pponoiiceii  le  gardien,  ne  sufà^ 
sent  pas  pour  réprimer  de  pareils  excès.  Tous  ces  cas 
et  les  autres  ^mblables  sont.de  la  compétence  des  ins** 
peeteurs,  aipsi  que  les  fautes.commises  par  les  em-r 
ployés.  M^s  il  e^t  des  délits  beaucoup  plus  graves,  dont 
ks  uns  ou  jes  autres  peuvent  se  rendre  coupables,  et  qui 
peuvent  éveiller  TattentioA  du  ministère  public  :  tels 
sont  les  évasions,  les  révoltes,  le  bris  des  prisons,  le^ 
mauvais  traitemeus  envers  les  prisonniers,  et  d'ailleurs 
tous  les  crimes,  qui  peuvent  être  commis,  dans  les  pri- 
ions, comme  dans  la  société.  À  cet  égard  les  inspecteurs 


76  DES  PRISONS. 

n'ont  plus  d'autorité  ;  eW  le  poofoir  )Odicîaire  qui 
lest  compétent  I  et  ils  ne  peuvent  que  Ini  dénoncer  les 
crimes  ou  délits,  qui  sont  parvenus  à  leur  cOanoiasance. 
Dans  tous  ces  cas ,  il  seroit  souvent  dangereux  de 
laisser  les  détinquana  avec  les  autres  prisonniers.  Alors 
les  inspecteurs  sont  autorisés  à  les  séquestrer  et  à  les^ 
l'aire  enfermer  à  part,  à  la  charge  d'en  faire  Içiu*  rap^ 
port  à  la  plus  prochaine  assemblée  de  la  commission. 
Les  gardiens  ont  la  même  faculté  dans  Tabsetice  des 
iuspecteurs;  mais  anssitilt  que  rinspecieur  de  service 
est  arrivé,  il  doit  lui  eu  faire  le  rapfiort,  et  ^  à  dater  de 
ce  moment ,  le  défenn  doit  être  réuni  avec  les  autres  ^ 
si  rinspectenr  n  ordonne  expressément  dé  le  tenir 
renfermé»  Alors  c'est  Tinspecteurqui  prend  la  décisimil 
sons  sa  responsabilité.  On  conçoit  qu'il  ne  sera  point 
possible  au  gardien  d'étendre  audeki  d'un  jour  ^  cette 
mesure  d'urgence,  puisque  l'inspecteur  doit  tons,  le» 
jours  visiter  la  prison  et  viser  un  état  de  situation,  sur 
Jeqndi  elle  ne  peut  être  omise.  L'état  de  la  prison 
sera  donc  constaté  par  une  visite  journalière  do  gréf-^ 
fier,  qui  n'exposera  pas  légèrement  sa  responsabilité  ^ 
en  'portant  sur  son  état^  dé^  rtuM^pteniens  <|u'il  n'au-- 
toit  pas  vérifiés  lui-même ,  et  par  celle  de  l'iti^peetenr  ^ 
qni  devra ,  tous  les  jours ,  se  faâre  ouvrir  ks  ebambre& 
réservées  pour  retenir  ceux  des  prisonniers*  qu'on  se^ 
toit  obligé  de  séquestrer.  Conmie  attctm  atitre  lieu  ^ 
dans  la  prbon  ,  ne  pourra  ietwt  à  les  enfermer ,  cette 
rinÉple  visite  suffira  pour  loi  faire  reconnottne  ^  0!tte^ 
furlie  de  l'état  de  situation  est  etacte* 


DE  LA  DISCIPLINE.  ?> 

mdzsiBME  DnnsiOK.  Iha  autorités  supérieure.  * 

« 

Ce  n'est  pas  03$q7.  qa\in  i  Qspecteur  acquière,  jour  par 
)onr,  l*a$surance  que  tout  se  passe  daps  l'ordre.  Il  faut 
quç  ce  résultat,  dégagé  successivement  de  tous  les  détails 
(Ipot  peuvent  seules  s'occuper  des  commissions  spécia-^ 
le$,  parvienne  de  tous  les  points  du  royaume,  jusqu'à 
rantorité  centrale,  la  Société  Ruyale,  par  exemple^  de 
^rte  qu'elle  puisse  avoir  les  yeux  sur  tout  TensemblQ 
d^  Tadministratiou,  et  lui  imprimer  une  marché  unin 
foriuQ.  Voici  par  quelle  filière  devront  passer  les  rap- 
ports quotidiens  Sur  chaque  prison ,  pour  arriver  en 
résultat  jusqu'au  centre. 

L'inspecteur  dé  service ,  dans  son  rapport  hebdoma- 
daire à  la  commission  dont  il  est  membre,  fera  déjà 
snhir  un^  réduction  aux  comptes  journaliers  q^nhn 
serpiit  remis;  Il  lui  suffira  d'indiquer,  par  massi»  se^il^* 
ment,  la  quantité  de  pain  et  de  soupe  qui  aura  été  dis-^ 
Inbuée,  celle  du  travail  confectionné  par  les  divers 
ateliers ,  le  prix  des  denrées ,  celui  des  matières  pre- 
mièresetde  la  main  d'oeuvre  gagnée  par  les  prisonniers^ 
i^t  d  exposer  en  détail  tontes  les  particularités  de  cette 
période ,  le  nombre  des  malades ,  le  genre  de  leurs  ma- 
ladies ,  les  dépenses  extraordinaires  de  Tinfirmerie,  les 
punitions  infligées ,  soit  aux  prisonniers,  soit  aux  em^ 
pioyés ,  même  par  simple  correction  de  discipline.  Ce 
compte ,  dressé  danà  la  même  forme  que  ceux  du  gar- 
<|ien,  c'est-à-dire  en  tableau,  aéra  dépèàé,  ainsi  que 
ces  derniers  entre  les  mains  d'un  des  membres  de  U 
commission  qui  fera  les  fonctions  d'archiviste. 

La  commission  des  inspecteurs  ne  sera  elle-même 
qu'une  émanation  d'une  autorité  supérieure  t  dont  elle 


L_ 


^8  DES  PRISONS. 

est  censée  exercer  par  délégation  la  puissance  adminis-^ 
tratîve.  Cette  autorité ,  chargée  de  prendre  les  mesures 
générales,  et  de  faire  les  règlemens  d'adnriinistralîoii 
k)cale ,  d*après  les  bases  qui  seront  posées^  dans  les  ins- 
tructions générales,  sera  établie  dans  tous  les  àrron- 
dissemens  de  sous- préfecture.  Elle  aura  le  nom  de  con- 
seil des  prisons.  Tous  les  trois  mois,  elle  tiendra  une 
séance  de  rigueur,  et  dans  Fintervalle,  elle  pourra  se 
réunir  toutes  les  fois  qu'elle  le  jugera  convenable.  Le 
conseil  des  prisons  sera  composé  du  sous-préfet ,  dHin 
membre  du  tribunal,  du  procureur  du  roi ,  d'un  côré 
deTan'ondissement,  et  de  la  commission  des  inspec- 
teurs avec  VOIX  délîbéràtive. 

Ce  conseil  n'a  plus  aucune  autorité  de  détails;  la 
commission  des  inspecteurs  en  est  cntièremeût  inves- 
tie, au  moins  en  premier  ressort.  Ainsi,  le  Conseil 
ne  doit  jamais  s'immiscer  dans  Tadministration  in- 
térieure des  prisons.  Il  en  est  de  même  de  la  répres- 
sion des  fautes ,  qui  appartient  exclusivement  à  la 
commission ,  et  dont  le  conseil  ne  pourra  jamais  se 
charger.  Mais,  comme  il  ne  faut  pas  enlever  aux  prison- 
niers le  secours  d'une  autorité  protectrice ,  dans  le  cas 
où  les  pouvoirs  inférieurs  seroient  exercés  d'une  ma- 
nière injuste ,  il  leur  sera  permis  d'adresser  an  conseil 
des  prisons,  des  pétitions,  qui  seront  ouvertes  en  séance 
générale,  et  lues  en  présence  de  tous  les  membres  (i), 

*  (i)  La  liberté  due  aux  réclamations ,  et  landcessitë  de  rendre, 
à  cet  ^gard ,  les  détenus  absolument  indépendans  des  gardiens , 
exigent  rëtabiissement,  dans  toutes  les  prisons,  d'une  boîte  desti- 
née à  recevoir  les  pétitions.  Cette  boîte  devra  être  placée  dans  un 
endroit  accessible  à  tous  les  prisonniers  ;  lu  clef  en  sera  déposée 
entre  les  mains  des  inspecteurs ,  et  celui  qui  sera  de   service 


DE  LA  DISCIPLINE.  79 

Si  elles  atiaqùenl  les  mesures  prises  par  un  gardien  ou 
employé,  le  conseil  entendra  le  rapport  de Tinspecteur 
quiétolt  alors  de  service,  et  décidera  selon  les  cir(rons- 
lanceç.  Si  c'est  contre  un  inspecteur  qu'elles  sont  diri- 
gées j  le  conseil  commettra  un  de  ses  membres,  pour 
prendre  les  renseîgnemens  nécessaires,  et  indiquera  une 
séaàce extraordinaire,  pour  entendre  le  rapport  du  com- 
missaire et  les  explications  de  Tinspecteur.  Cette  ht* 
formation  devra  suffire  pour  terminer  l'affaire ,  sur 
laquelle  oâ  votera ,  sans  désemparer^  au  scrutin  secret» 
Le  conseil  sera  d'ailleurs  chargé  de  recevoir  les 
comptés  trimestriels  de  la  commission  des  inspecteurs* 
Ces  comptes  seront  encore  dans  la  forme  de  tableaux , 
et  présenteront  le  relevé  de  tous  les  comptes  hebdoma- 
daires, qui  seront  remis  en  même  temps  au  conseil.  La 
coiDmissiûn  aura  soin  d'insérer  dans  son  état  de  tri- 
mestre, ses  observations  générales  sur  l'état  sanitaire, 
la  natiire  des  travaux,  la  conduite  des  détenus  et  des 
,   employés,  et  les  réformes  qui  pourroient  être  utiles. 
Elle  fera  son  rapport  sur  toutes  les  places  qui  devien- 
(Iroient  vacantes»  et  proposera  des  candidats,  entre  les- 
quels le  conseil  devra  faire  son  choix.  Si  quelques  em- 
ployés en  place  se  montrent  indignes  d'y  être  continués, 
elle  en  fera  également  son  rapport  au  conseil ,  et  provo- 
quera leur  destitution,  s'il  y  a  lieu.  On  arrêtera  dans 
le  conseil  les  mesurés  d'administration  générale,  rela- 
tives à  la  discipline,  au  nombre  et  aux  attributions 
(iesemployés  et  à  leur  traitement ,  et  l'un  des  mem- 
bres du  conseil  sera  chargé  de  dresser  un  procès- ver- 

devra  en'  faire  louverture  lous  les  jours.  Si  les  pëtitîons  sont 
adressées  à  la  commission ,  Tinspecteur  ne  pourra  les  décacheter 
qu'en  séanoe; 


8t>  DES  PRISONS- 

bal  àe  ch^iqne  séance  qui  restera  entre  les  maïkis  dtlt 
préfet  on  sous-préfet,  avec  les  mpports  hebdomadaires 
et  trimestriels.  A  la  fin  de  chaque  année,  la  comnais-* 
sion  des  inspecteurs  remettra  au  même  dépôt  tons  les 
comptes  journaliers,  que  Ton  j  devra  conserver  pen- 
dant trois  ans  au  moins* 

Enfin ,  le  membre  de  la  Société  Royale ,  chargé  de 
iHnspection  de  chaque  département ,  assistera ,  toutes 
le^foisqu^il  le  jugera  convenable ,  aux  séances  du  con«> 
seil  des  prisons.  Tous  les  procès-verbaux  des  séances 
lut  seront  envoyés  fn  expéditiori ,  et  il  fera  tous  les 
ans  un  rapport  à  la  Société  Royale ,  sur  Tétat  des  pri- 
sons confiées  à  sa  surveillance.  Indépendamment  de  ce 
compte"  annuel ,  chacun  des  membres  de  la  Société 
Royale ,  sera  libre  d'appeler  Tâttention  de  ses  collè- 
gues sur  les  objets  qui  lui  en  paroîtront  dignes^  et 
aussi  souvent  qu41  le  jugera  nécessaire.  De  cette  ma- 
nière ,  la  Société  Royale  des  prisons ,  autorité  centrale 
et  protectrice ,  étendra  toujours  ses  regards  sur  toute 
la  France;  elle  connoltra  pour  ainsi  dire ,  jour  par  jour, 
Fétat  des  prisons  du  royaume ,  et  il  n'y  aura  si  fietit 
abus  dans  la  prison  la  moins  importante ,  dont  la  rêvé-* 
kitién  ne  puisse  retiantir  jusque  dans  son  sein.  C'est  ainsi 
quVltéàura  ^assurance  de  l'entière  et  continucflle  exé- 
eutton  de  ses  projets  phiiantropiques. 

Quant  aux  grandes  mesures  d^administration  génë- 
^le ,  comme  celles  rtelatives  à  la  construction  ou  à  la 
réparation  des  prisons ,  elles  seront  votées  par  la  Se* 
cîété  Royale ,  sur  le  raf>p6rt  de  celui  de  $es  membres  ; 
dans  l'arrondissement  duquel  elles  devront  avoir  lieu. 
Les  autres  attributions  de  la  Société  Royale  sont  dé- 
terminées par  les  règlemens*,  y  introduire,  des  cha&- 


DE  LA  DISCIPLINE.  81 

gemens  seroît  TefFet  d'une  présomption  ^  .dont  nous 
sommes  bien  ëloignés;  et,  puisque  la  sagesse  du  législa- 
teuir  a 'prévenu  nos  vœux  à  cet  égard,  nods  nous  esti-* 
rooQs  heureuxf  de  popvoir  appuyer  notre  théorie  snr 
des  institutions  qu^elle  a  créées,  et  dcmt  la  bonté  se  fait 
Sentir  de  plus  en  plus  chaque  jour. 

Telles  sont  les  autorités ,  qui  auront  la  surveillance 
des  prisons.  J'ai  cherché  à  en  faire  une  sorte  de  chaîne 
continue ,  dont  tous  les  anpeanx  eusBent  entr'eux  une 
liaison  naturelle.  Ainsi ,  Tinspecteur  de  service  fait 
partie  de  la  commission,  qui  est  Tantorité  supérieure 
imnAédiate;  la  commission,  elle-même  entre  dans  ta 
con^posiiion  du  conseil  des  prisons  ;  el  le.merobre  du 
conseil  général  des  prisons,  qui  a  également  entrée  et 
voix  délibérative ,  dans  les  conseils  d'arrondissement  é| 
à  la  Société  Royale ,  établit  des  rapports  directs  entré 
rautbrité  centrale  et  les  commissions*  locales.  J*ai  ll^ 
ché,  enméme  temps,  de  conserver  au  gouvernement 
Tinfluence  juste  et  nécessaire,  qui  lui  appartient,  sur 
toutes  1^  branches  de  l'administration  généirale^ 

Nous  avons  indiqué  par  qui  seroient  gouveraés  les 
{tisonniers,  et  quelles  garanties  la  loi  doit  leur  donner 
contrelesabpspossiblesd'une  autorité ,  toujours  voisînef 
du  despcrtisme ,  quelque  soin  qu'on  prenne  de  la  res** 
treindre^  Ces  précautions ,  en  garantissant  tes  détenus 
contre  l'arbitraire ,  ne  lais^nl-  aucune  excuse  à  ceux 
qui  manqueroient  à  l'obéissance.  Il  nous  resté  à  exa^ 
mjner  quels  sont  leurs  autres  devoirs,  dont  la  soumis-* 
sîon  qu*on  exige  d'eux  est' surtout  destinée  k  assurer 
raccomplissement  ' 


S 


8*  DÉS  l'feKONS 

i  i^Xhagrapiie  troisième.  Depoira  absolus. 

Ces  devoIrssoQt  dedeox  sortes:  les  uns  sont  absolmi 
c'est^à-di^e»  posés  dans  Tiatérêt  générâLet  obligatoires 
à  chaqne  instmt;  les  autres  ne  «ont  que  relatifs ,  c'est -^ 
à -dire  qu'ils  résultent  des  rapports  qui  existent  ort 
peuvieùt  naître  entre  les  prisonniers.  Tous  ont  pour 
but  de  nrnintenir  Tordre  dans  la  prison  ^  et^  comme  la 
destination  de  ces  établisse/nens  est  de  conserver  tous 
ceux  que  la  lui  prive  de  leur  liberté  ^  ces  devoirs  ont 
pour  (^jet  de  garantir  les  intérêts  généraux  de  la  pure- 
té, de  la  salubrité,  de  la  tranquillité  intérieure,  et  de 
protéger  les  prisonniers  les  uns  à  Tégard  des  autres. 

Daios  Tordre  des  devoii:»  absolus ,  la  sournission  est  le 
premier)  parce  que,  sans  elle,  tous  les  autres  sont  illu* 
SQires*  Il  reste,  pour  assurer  entièrement  le  lion  ordre,  a 
maintenir  la  tranquillité  générale  et  à  prévenir  toute 
atteinte  aux  mœurs.  Etre  soumis  aux  supérieurs,  res- 
pecter la  tranquillité  générale  et  les  règles  de  la  dé- 
cence,, tels  sont  donc  les  devoirs  absolus  des  prison- 
fiiers  et  même  des  employés  de  la  prison. 
.    I^a  tranquillité  ne  doit  jamais  être  troublée ,  et  tout 
ce  qui  pourroit  y  porter  atteinte  doit  être  puni  sévère- 
ment .Aiu^  rivresse,  de  quelque  manière  qu'elle  ait 
^té  ameuf^f  à  moins  qu'elle  ne  soit  absolument  invo- 
lontaire, les  tumultes,  auxquels  elle  peut  donner  lieu 
f»i  qui  seroient  causés,  par  la  turbulence  de  quelques 
prisonniers ,  les  tentatives  pour  se  réunir  af^ec  des  dé^e* 
i^us  ou  des  ateliers  dont  on  doit  être  séparé,  sont  au- 
tant de  contraventions,  et  même ,  suivant  les  circons- 
tunces,  de  délits,  dont  le  gardien  devra  dresser  procès- 
verbal,  et  faire  son  rapport,  soità  l'inspecteur  de  service^ 


miL\  DISCIPLINÉ.  *3 

%oi!àù  pi'oènreiir  dujroi.  Les  atteintes  à  là  tiP^nquilltté 
des  prisons,  méiriaceïit  Tordre  soci;»l  tout  entier;  on 
doit  donc  les  prévenir  avec  vigilatrce  et  les  réprimeH^ 
proraptement.^  Une  insouciance  apathique  aoreit  Ai 
p]ù$  grands  dâhgiers,  et  ié  gàrdren  lui-même  a  un:  înité^ 
irêtmajeiH^àreqàéfien  fietronfolela  tranquillité,  dané 
ta  pHsoti  confiée  a  sa  garde.  L'insubordinntîon  est  pre^ 
que  tônjotirs  le  signal  prochain  de  la  révolte;  dès  leé 
premiers  symptômes,  il  faut  la  comprimer.  Mais  c'est 
princîpalemetit  datifs  cesoccasionsdffficiles,  que  le  gar-^ 
dîeti  doit  agir  avec  une  modération  et  une  justice 
parfaite ,  et  éviter  surtout  la  ntoindi^e  apparence  d'ar-- 
bitraire;  la  fermeté  contient  les  plus  fectièux,  i'injus* 
tîce  soulève  les  plus  timides  et  lenrdonne  les  armes^du 
désespoir. 

'  Il  u^est  pas  moins  essentiel  de  faire  respecter  dansles 
prisons,  la  décence  et  les  mœurs.  L'expérience  prouve 
que  presque  tous  fes  grands  Criminels  ont  débuté  dans 
la  càJ^iriëre  do -crime  par  le  libertinage.  Dans  le  nombre 
de  ceux  qui  {liassent  devant  nos  tribunaux ,  combien  en 
tompteroil-on,  qui  n'aieht  pas  souillé  leur  vie  par  lea 
excès  de  ladébautîhe,  et  qui  ne  conservent  encore  dea 
liaisons  scandaleuses,  jusque  ckins  les  prisons  où  les  a 
conduits  lent  immoralité?  Les  prisons  seroient  dont 
d'immenses  foyers  de  corruption,  si  une  discipline 
sévère  he  mettoit  de  fortes  batriores  à  ce  débordement 
des  passions  les  plus  violentes  et  les  plus  hontebses^  èl 
te  parvenoit  aU  moilfis  à  comprimer  au  fond  des  cceuirt 
leur  eicpreséion  corruptrice.  Quelques  précautions  gë«- 
nérales  et  une  surveillance  active  préviendront  tons 
tes  désordres,  dont  parolt  menactr  la  réanioni  sous  k 


«  DES  ,WW$aNS. 

mêmt  toit ,  de  tant  d'hooimes  dëpra^s.  Cette  snrveîU 
liiiice  devra  sortoui  s'exen^er  dans  deux  ciixonstances: 
le  coucher  des  furiaofHiier»,  et  les  vUttes  qu'Us  recevront 
A  l^stérietir. 

On  n'obtiendra  îàmiiisde  rësultalsfiatisfaisans,  som 
ie  pveniier  rapport,  si  ks pHaonniers  n'oiit  pasirhacun 
aa  logement  dislinct  pendant  la  nuit.  La  solitude  noc- 
turne ,  recommandée  avec  tant  de  force  par  Howard  ^ 
est  le  moyen  le  plus  sftr  de  prévenir  ces  infânies  et  oc- 
eultes  débauches,  qui  concourent,  avec  tant  d'énergie, 
à  4a  dépravation  totale  des  prisonniers.  Cet  avaoy^ge 
u-est  pas  le  seul  que  présente  la  solitude  nocturne: 
ceux  qu'on  trouve  encorie  à  cet  usage  pour  la  salubrité 
des  prisotts ,  pour  ramendemerit  des  prisonniers»  et 
même  pour  leur  bien-être,  sont  assez  précieux  pour  le 
faire  adopter  généralemeilt,  et  pour  détermine^  Tad- 
n>inistration  à  Tindispensable  angmentadon  de  dé- 
pense ,  qu'entrainera  cette  Mfiélioraf ion* 

D'aiUeups ,  quand  nous^^emandons  que  chaque  fitri- 
sonnîer  ait ,  pour  la  nuit ,  un  asile  solitaire  où  il  puisse, 
affranchi  de  Todiense  société  et  des  exemples  funestes 
de  ses  compagnons,  couler .^ul  et  en  paix  les  heures 
destinées  au  repos ,  nous  sommes  loin  d'exiger  des 
ooMStructions  dispeiidîemâs  et  de;s  travaux  cou^déra- 
klea.  CJoe  siiuple  cloison  de  planches  sai^s  épais^ur 
suffit  pour  établir  cette  ditfisioa  que  nous  réclamons., 
M  u'est  besoin  ni  de  oaohotsni  de  cabanons  pour  isoler 
kafpris0nnîe«s:;U  m^t^  qu'ils  ae  se  voient  point  le^ 
uoa  kai^utresi  pendant  la  nuit  p  et  qu'ils  ne  pgîsseni 
avoir  de  eoromonicatipns  entre  eu:^  Des  cellules ,  pra- 
Uquéca  dM»^  Miâm^fi^eri^^  fempl  iront  suffisamment^ 


DE  lA  IHSCIFLINE.  113 

c^{A]«t)  et  l^ëli^KiMeméiit  0Wâ«rft  pa^liskët  côâtenx, 
pour  priver  ces  priscHWÎers  d'un  avantage  inestimable 
poar  eoïc  et  fkoor  la  société. 

Tbiites  c»  préeantîdâÀ  seroient  illusoires,  si  elie^ 
n'éloiehl  secc^îdéfts  pat  tme  surveillance  active  et  tbn<- 
thMidle,  si  des  visites  ft*éï)MikteSf  si  la  préseMe  ménie 
^Wk  emploie,  fi'iHûnpèehoieitt^  k  chaque  instant,  les  pri- 
soQpiers  d'enfreindre  l'ordre  établi ,  et  de  briser  les 
obstacles  que  la  prudence  oppose  à  leurs  entreprises. 
Les  détenus  ne  devront  donc  jamais  être  sans  surveil- 
lait. Que  dans  ktirs  atdi»^  des  cbéfs ,  des  étreetetirs 
de  travaux  niaintîeai] en t  ce  faon  ordre,  en  inspectant 
là  fâ^|rlca|îon'  des  ouvrages;  que  les  dortoirs,  échiifés 
par  um»  lampe  toujours  aHumée ,  soient  accessibles  s^r 
toQsk»  points  à  la  vue  d'un  guichetier,  qui  y  sé)dur- 
neva  9  et  l'ordre  se  eônsetvem  facilement  dari^  lintë- 
rie«^«      * 

Il  fendra  snrveiHer  âvee  la  méfne  atteniiontf 'lès  [h*i«- 
sowMva»  4aiis  leurs  rapports  avec  les  peisannèt^dii  de^ 
lum^trop  sauvent)  ces  entrevues  n'ont  pouT'bilt  qu'une 
acaddaleose  ck^nlmûnicatîon  des  vié^  de  la  société  avec 
ka  vi^es  de  la  prison;  trep  souvetit  aussi  ^  elles  servent 
à  wm^  des  tmniea  dangerbuses,  ou  à  entretenir  les 
détenaa  dam  de  coupaioles  pensées ,  qui  détmki^éiit' tout 
FeKet  dfes  Immes  instrcretions  qu'lb  reçoivent  dans  ta 
prison,  ba  vîgibnce  ia  iplm  active  est  donc  indi^pen- 
saUeÀ  cet  égard;  et  lénsquë  les  inspe^(eui*s ,  ou  les 
aotrds  magistrats  compétents  ^  auront  cru  devoir  isiuto- 
nser  eeHaînes  visites ,  le  gardien  n'en  sera  pas  moins 
dblifé  à  la  plus  exaete  survetHance.  '  ' 

€>a  èonçoît  aussi  que,  sous  aucun  prétexte,  on  ne 
devra  permettre  aux  personnes  du  dehors  de  séjourner 


S'.ùiê 


I 


8§  ;  M» 

ser  la  nmU  * 

C  est  din&i qti'on assufera,  autant qmpossiUeji  Tois 
dregéaéral  daoaiaprisoii-.  Quant  aoxafteînliesà  IlorAre 
que  ces  précautions  n'auroienl  pu  pfëvenir  «  elkft  ée-^ 
xronl  être  rëpvimëes  avec  soiA.  Une  lîddulf^nce  ééfi»^ 
crfe  seroH  funeste,  à  Tëgard  de  fentes  aoasi'daagwiwiflu 

PAÇAORAPHE  QUATRIEME.  Depoirs  relatifs,  ou  depuixs  „4e9, 
prisonniers  les  uns  envers  iès  autres^. 

L'homme  €|ueki  toi  prive  ^e  sa  Kberlë  «e  dbit  pa» 
étce  dbaAddnné  saas  défense  ^  à  \m  merci  de  ipeux  au* 
milieu,  desquels  il  est  eondamné  it  viVre  ^  on  doit  loi 
(iursHitir ,  corome  dans  la  sodëté  où  il  ^oit  aupara- 
vant ;  la  sâretë ,  ta  propriété,  et  niéipe la  liberté  per- 
scmnelie^  Il  en  réttilfè ,  pour  les/prisonnters^,  un  nouvel 
ordre  de  devoirs,  qui  les  obligent  de  ne  se  faire  aucun^ 
tort  lest^siaiix  autre».  Tout©  atteinte  à  la  personne  où 
aixx  propriétés  d'un  détetiu  doit  done  être  exactement 
réprimé^;  et  cette  protection  éa^  ménieétre  pttis  ac- 
tive, en  faveur  des.prisoaûiers,  qu'à  Tégarddes  citoyens 
libres.  La  captivité  prive  les  détenus  de  la  phipart  d*. 
leurs  ni©yen&  physiques  de  défense,  et  surtout  de  !» 
focultéd^&ir  l  oppression;  d'un  autre  côté,  souvent^ 
dans  k  prison ,  la  terreur  ferme  la  bouche  des  vfe- 
tînies,  par  }a  çfaôate  d^  j»ouvelles  vexations.  Il  ne  faut 
éom  pas  ati^ndre  la^plainte  de  l'offensé,  pour  réprimer 
Tagression ,  et  Tautorité  doit  se  chargeir  elle  même  de 
défendre  le  foible  contre  des  brutalités,  qu'il  n'eAt  pas 
osé  dénoncer.  Le  gardien  ne  peut  jamais  ignorer  les 
,  violences  doiit  un  déténu  seroît  victime ,  ou  plutôt  il 
ut;  le  doit  pas;  et  danç  1^  crainte  que  la  terreur  nç  conw 


DE  LA  OtteiPUNE.  9i 

pii^nt  fgfff  sCNKf6ftt  «Oie  i^akiie  b&m  fondée  «  c^cst  d'of* 
ftce  (pfill  doit  prendre  les  mesures  nécessaires  pour 
p^e^.le  foifele^  et  pfWf0ffaét  la  pinittion  detreloi 
<|i¥f  atte^eroit  à  sa  penèbne  i  soit  par  des:  voieà  de  feit  ; 
soit  mAene  par  des  infuresy  et  de  quelqne  manière  qae 
ce.  soit.  Le  droit  de  répartir  les  prisonniers  par  ateliers 
(bftne  1q  nooyeii  dene  réoniV  que  ceux  qui  ne  se  crai«» 
gnent  pas  réciproquement ,  et  de  délivrer  un  atelrer  de 
ceux  qui  abiiseroient  de  leurs  forces ,  en  changeant 
d'atelier  ei  de  préau  le  prisonnier  turbulent.  Si  ces 
mesures  manqupient  leop.  effet ,  et  ne  poiwoient  èm-^ 
pécher  de  nouveaux  écarts ,  le  coupable  seroit  séquei^ 
tré ,  ei  le  g^diep  ou  riospecteor  de  service  ea  feroient 
leur  ra|)|iart  au  procureur  du  Roi* 

C'est  lûnsi  que  la  discipline  peut  prévenir  et  répri-" 
mer  toi|te  atteinte  contre  la  personne  des  détenus. 
.  Il  ju^esl  pas  moins  essentiel  de  protéger  leurs  pro- 
priéié&t  qoçl^i«  miséria^les  qp'elles  soient  ordinaire^ 
pnent ,  contre  les  entreprises  d'hommes  aussi  habitués 
à.la  rapine  que.  b  plupart  d'entre.eux.  Le  vol  n'est  pas 
U  sfSiÂà  atleïate  à  la.  propriété  que  l'on  ait  à  craindrt 
dans  le^  prisons  j  souvent  un  détenu  voit  s'évanouir , 
en  peu  d'instants,  le  petit  pécule  qu'il  y  aifoit  apporté^ 
sans  qu'il  puisse  se  plaindre  d'aucun  larcin.  Lès  ma-- 
neeuvres  qm  l'ont  dépouillé  n'en  sont  pas  moihs  cri- 
minelies  ;  mais  il  les  a  favorisées  loi  mémef  par  sa  foi- 
blesse  et  sa  soumission  à  l'ascendant  de  qiiielqâes*uns 
de  seis  cona{tàgnonsdec|apti|^ilé.  Lesréglemens  doi^eifâ 
donc  réprimer  ces  criminelles  entreprises  «  et  prémù* 
nir  les  prisonniers  contre  les  dangers  auxquels  les  ex- 
pose souvent  la  facilitéde  leur  caractère,  en  prévenaiYt 


88  rpm  ms$Qm: 

xni^r  effet  de  la  c^^vitQ  e§t  (l'iabatirê  k  conta^b  »  de 
briseï*  tçjatc  Véœr^Ie  ^Mt.VboiMne  e»l  câpat>le;  lesi 
plus,intri9liie&  Téfurouvent  i^omme  les  aotras  honM^ea, 
fit  les.  sc4)^f ^U  W  ptu&  dëteraûiMis  sentant  fléofaîr  leur 
audâc^^^qpand.ils  tofDbeot  eatre  les  maîn$  terribles  de 
M  ju^îçiii  maïs  cbez  eux  celte  pnemière  stupeur  passe 
ir^j^idttiDeiit:)  et  iU  ne  tasrdéot  pss  4  reprend»  dme  les 
prisons,  l'asçeadantqa'ils  avaieitt  conquis  dans*  la  so^ 
f^té^â  force  de  violemces.  U  a'en.estpasden»éilie,ées 
hommes  timides  et,  foibles,  qu'une  &ute  pawgère  a 
piégés  diiiisiés  i^rifiQoiSi  La  perle  irr^arabla  de  leur 
réputottqtnf  les  ronocirds^  la  rigueur  dé  laJoî^  cotttOB 
laquelle  ils  n'onipaS)  long-temps  d'avance  ^  armé  leur 
âme  t  ^^^  brise  en  eux ,  pre9<]pie  a  jamais^  InstresMAs 
à'^n  îifda^iàmsmisê^rtdtié*  CéKc  disposilste  tes  livM^ 
sw^a  défelise  ^  à  la.  falabeTsupëriimté  de  'lama  tompti- 
gftoiis^  dont  ils^ie  tardent  pasà- devenir  lei^dctinies, 
^t  OQi  qxielqué  aorle  les  esolaves*  ft'Iais  c'-eM  suit  oui  fainvs 
misérables  propriétés  que ^puiroîtent  ces  soëlérats.in-^ 
cfîi^rigiltlça-  yîoknoes,  adresse,  |b«rbertes,  toqt  Jienr 
sert  à  dépQuiller  leiirs  DCHd&euretix  eompagmonades 
trist^es  .res^ouFces  quileiu*.reatoieat  èncone*  C'e&l  à.ia 
jpplice*;f}^  pr^ns à  leur  enlever^  s!il  est  possiUe^  lans 
i^-mQy'^nsde  apeUatâoB  Iqu'ifbsamit  meUre  eo  usagé. 
Ii!^p  4es  plus  puts«ans4st  Tanforité  qu'ils  s'fHrrûgent 
sur  kl  antres  d^tenus^^^l^  Mixis^i'ancîien ^  de  pté^ 
<vât  9  etc»  Qutj;e  k  dan^r  qu'il  y  a  leujoiua,  pour  ïm*^ 


DE  LA  DISCIPLINE.  % 

dfi(B'ii«b)fe,^  laisser  tnire  les  inaim  A'oa  pHtonAier 
une  aatorâtë  qiielcoiM|iie ,  i!  est  essealiel  de  ne  pas  to-  > 
léfer^  dans  les  prisons»,  ime  puissance  iHégttime,  qui  a 
swtoiit  pour  objet  de  smnneftre  les  prisonniers  à  des 
exaclioflè^  mineuses  tl  mobipliées.  Ces  malheoreux 
«ont  4é\i  4  pw  leur  posîliofi  t  aelsez  dépodrvns  dn 
inoyens.de  i^nefi  pour  qu'on  ne  sonftre  pas  qn'tls 
soient  encoi^  dëpmitUés  du  pen  ffai  leur  reste ,  sons  Jes 
prétejltes  ordinaires  de  bienvenue ,  d'entrée ,  etc«  j  etc.  , 
Les  r^lei¥ien$  défendent  rigoarensemeni  oes  levées 
d'argcapt ,,  âans  néanmoins  qû^on  ait  jusqu^4  présml: 
réussi  à  les  prévenir.  Je  cron  qne  F  un  dès  moyens  les 
ph»  efficaces  seroit  d'empêcher  cette  usurpaiion  dVine 
aotora^ ,  JMDais  ntile ,  mais  toujcrars  danseuse.  Le 
{;ardien,  loin  de  confier  à  un  prisonnier  le  moindre 
pouvoir  sur  les  antres ,  doit  donc  veiller ,  mi  contmire  i 
avec  l#  plus  grand  soin  à  ce  qu'anonn  d'eux  n'affecte 
une  iU4gale  si^rémati è  ;  et  sa  solUcitnde  dewn  s'éveil» 
kr>,  à  ceè  égard  »  toutes  les  fois  qu'il  verra  les  prison-» 
nîecs  «parquer  à  l'un  d'entre  eux  une  déférence  et  une 
souniissioe^  iudîtes  certains  de  l'eraptre,*  qu'il  auroit  su 
prendre  ^u  «e  faûre  aceoitier»  Dès  qu'il  apercevra»  ces 
sjmiplÀnEkes  oaractérîstiqœs ,  il  multipliera  ses  obser^ 
vations  et  ses  visites,  pour  reconnottre  et  déjouer  une 
puissance  ;qui  deviendroit  faneste.  Il  pourra  aussi,  peur 
prévjenir  |m  suilea  de  ce  «désordre,  changer  le  prison-^ 
nier  kifiiiewl  d'alelier  ou  de  dirtoir,  de  manière  à  romh 
proses  tmmêav  et  a  kii  finre  pdhire  tout  f ascendant 
qu'il  anroit  acquis.       « 

H  rv'estpos  HH»ins  essenèiel  d'interdire  absolument 
toute  tmnsactiott  intéressée  entre  les  détenus.  Cet  iné^ 
vitaMe  empire  de  la  force  sur  la  foiblesse ,  dont  nous 


5é  »ES  PRISONS* 

«voii»â#)à  signalé  quelques  résiill»ts ,  iiofirpeil  kicftiH^ 
aer  bi  ruine  des  «las,  pour  foarair  «m  alimeftl  pelssâ^r 
aux  pawons  des  aoties^  U  fMt  donc  èter  à  tous  les  prî^ 
sonaiersiiidistioctenierifvonefiicùltëfquin.'aiirôftd'aiï' 
Ire  ^et ,  qvie  <lê  mettre  encore  le  foibleàbi  discrétion 
du  fort.  L'interdiction  légale,  qui  frappe  les  coupables^ 
condamnés  pour  crimes,  ne  semble  permettre,  dan^ies, 
pidsoos  qiii  les  ranfenneor,  aucune  circulation  de  câpi- 
tmXt  aucune  liransactîon.  Quant  aux  autres  dëtênnsV 
cette jper^mission  nesercniVàleur  égard ,  ni  moins illé^ 
gale,-  ni  moins  dangereuse.  Quelle  liberté  de  consente-^ 
ineat^  peuarot^on  espérer,  dans  de  semblables  engage- 
mena  ?  Tonte  aliénation  ,  tonte  oUigation  ,  quelles 
•  qn^eUeSi  soient  »  doivent  donc  être  formellem»^  inter- 
dites aux  prisonniers,  soit  entré  eux ,  soit  avec  lés  eiti^ 
plejrés.  Quant  aux  actes  qu'un  détenu ,  non  ff^ppi^ 
d'interdiction  y  poin*roit  avoir  le  droit  et  le  besoin  de 
faire,  avec  les  personnes  du  dehors,  ib  ne  ponri*ont 
âtve  .passés,  qu'en  présence  et  avec -4e  consentement' de 
l'inspecteur  de  service  et  d'un  officier  du  mini^èrt 
public ,  pour  la  conservation  des  droits  du  fisc ,  et ,  en 
,  outi*e ,  avec  les  précautions  nécessaires,  pour  assurer  lia 
liberté  du  conseotement ,  :et  ne  pas  compromfettre'Ia. 
sûreté  de  la  prison* 

'  ;  Il  est  encore  un  autre  fléau,  dont  ilfaut'absolumeni 
délii^rer  les  prisons  :  c'est  la  fureur  du  jeu,  qui  s'exerce, 
avec  plus  de  force  que  piÉtout  ailleurs,  dans  ces^lienx , 
on  Tpn  a  peu  de  distractions.  Ijc  jeu,  qui'  est  toujours 
un  moyen  de  ruine,  est  souvent  un  moyen  d'escro^ 
querie;  lesdétenps  ne  s'épargnent  pas  entre  eux;  c'est 
une  arme  qu'il  faut  leur  enlever.  Ainsi ,  jamais  ni 
çjirifS',  ni  dés,  ni  auçôu  autre  instrument  des  jeux  de 


D£  LA  diSeiPLtNE.  91^ 

baaM.«  Be.ilevioiat  èf ne  tbiràrfmts  dans  les  pr^i»;  H 
emx  ifo'ofi  «n'traevcimt  porteurs  devront  être  pbnk 
^ieS' mêmes  "peines  de  discipline  que  ceux  qni  en  au- 
loieM  hh  usage. 

Jlnesleàgafaottrles  dëtenns^^o^tre  le  danger v près 
que  .«eg!lata ,  d^étre  volés  par  leurs  compagnons*  Le 
ffi^y»n  le  {d»s  sài;  de  prévenir' ea  désordre ,  c'est  de  ne 
lipœcjr  à  lear  djsjfH>sitiQn  que:  ceux  de  leurs  effets,  dont 
ils  ont  un  besoin  pressant  et  acloel ,  et  de  conserver 
tuiis  les  antres  dans  un  dépôt  général.  Ainsi ,  on  wt 
leur  laissera  )amai$«  qqe  les  habits,  dont  ils  peuvent  se 
3iervir  tous  les  jours  ,  quand  même  Us  en  anroiént 
d'autres  que  ceux  de  la  prison;  de  sorte  qu'ils  n'auront 
rien  à  garder,  si  ce  n'est  quelques  menus  meubles / 
d'un  usage.  }4Kirnalier,  et  que  Ton  petit  porter  sursoî* 
Dç  cetta  manière,  la  matière  des  vols  sera  plus. rare, 
la  finrveittance  plus  facile  «^t  le  vol  même  prestquarimr 
PdAfible. 

.  Si  néanmoins  ces  précautions  ne  suffisent  pas  pont 
le  prévenir ,,  le  gardien  013  Tiiispectenr  devront  dén^ffi- 
cer  le  prisopnier  voleur  ,  qui  sera  traduit ,  ponrc^ 
délit,  devant  les  tribunaux  :  il  en  est  de  même  de  la 
violation  de  tous  les  devoirs  retracés  dans  ce  pai;a|^a-^ 
phe.  Toutes  les  fois  que  les  précautions  auront  été  im* 
poissantes,,  le  prisonnier  coupable  devra  être  pimi,  mi- 
vaçt  la  gravité  de  sa  faute.  . 

.  Enipn ,  la  discipline  doit  ciwcoiirir  avec  le  régime 
moralf  à  prévenir  njsk  mal  considérable ,  la  corruption 
iXHiMii^Ue  des  prisonniers.  Lès  conversations,  soit  géné« 
i^f!^^  sait  particulières^  en. sont  les  principaux  stgpmx 
c'est  à  ei|  prévenir  ou  neu^is^r  les  funestes  ^els, 
qu'elle  d(>it  surtout  s!appliquev.  Les  moyens,  qui  apparu 


$3  DES  HIISONS/ 

UeniMRt'àki  €l)scî{^iie  générale  conststeirï  dansta  r^r: 
^tio&d««4éf  enosek)  atelier&^etdans  la  faculté  delcatrans^ 
Urer  d'uii  atelier  dans  on  ailtre.  On  peut  «  à  l'égard  des^ 
condamnés,  prendre  des  mesures  plusrigoutfiilses,  et 
par  eela  méiiie ,  plus  ef&cacês.  Nous  les  inditjuerons 
lorsqu'il  eo  sera  iemps;  quant  à  pr^nt,  il  R^est  ques- 
tion 4ue  des  réglés  qui  eonyiennent  à  toutes  les  prisons^ 
queb  que  soient  le  genre  et  Torigine  de  la  captif!  lé.    ^ 

,  CHAPITRE  IL  De  la  discipline  pour  les  simples 

préi^erms^. 

Les  prévenus  n'ont  perdu  ancun  de  leurs  droits.  Le 
sacriiice  de  leur  liberté ,  qu'ils  font  à  l'ordre  public,  ne 
doit  être  aggravé  par  aucune  rigueur.  Ainsi,  les  règles 
de  la  discipline  générale  doivent  seules  leur  élre  appli-^ 
qoées,  parce  qu^elles  sont  indispensables  pour  garantir 
la  sûreté  et  lé  bon  ordre;  mais  on  ne  doit  jamais  y 
rien  ajouter  :  et,  s'il  peut  être  permis  de  les  modifier  en 
quelque  clfose ,  que  ce  ne  soit  famaîs  que  pour  adoucir 
une  rigueur ,  inutile  à  raison  de$  circonstances  locales. 
On'a  prévu  les  cas  généraux,  et  les  règles^  que  Ton  a 
tracées,  sont  nécessaires  pour  l'ordre,  dans  une  prison 
considérable  et  avec  un  gt*and  nombre  de  prîsonniers  ; 
mais  st  la  prison  est  petite ,  si  elle  ne  renferme  que 
très-peu  de  détenus ,  comme  il  arrive  souvent  dans 
quislques  maisons  d'afrêt ,  on  peut,-  sans  dang^er,  se  re- 
Mcher  de  la  rigueur  de  certains  réglemens.  C'est  même 
un  devoir  pour  le  gardien  de  ne  point  faire  usage  à^^ 
moyens  de  rigueur,  que  la  loi  lui  met  dans  la  main , 
toutes  les  fois  que  la  sûreté  jdu  le  bon  ordre  ne  l'exigent 
pas  impérieusement.  La  discipline,  dont  nous  avons' 
donné  les  règles,  est  un  maximum,  qu'ils  de  peuvent 


DE  LA  DISCIPLINE.  §3 

dépasser,  et  non  une  ^le  iavaris^ble,  qu'il  fiiiyeexëei»- 
ter  «m  son  entier,  dans  tous  les  cas.  Il  doit  sonventélve 
permis  de  l'adoucir  ;  cependant,  comme  cette  facultét, 
employée  mal  à  propos ,  pourroit  être  dangereuse  et 
compreoft^ttre  la  sûreté  générale  ^  c'est  au  conseil  des 
prisensv  dans  chaque  arrondissement  y  qu'il  app3H*(ien- 
dra  d'examiner  si  l'on  peut  se  relâcher,  sur  quelques 
points ,  de  la  sévérité  du  règlement  général  ;  mais  ce 
ne  pourra  jamais  être  que  dans  les  prisons  defiftinées 
aux  simples  prévenus.  Quant  aux  condamnés,  ils  doi-t- 
vent  être  irrévocablement  soumis  à  la  règle  générale. 
Pour  lés  prévenus,  au  <:on  traire,  oti  doit  saisir  toutes 
les  occasions  d'adoucir  leur  position.  Une  règle  cons^ 
tante ,  et  dont  ne  doivent  jamais  s'écaiier  leurs,  gar-»- 
dîens,  c'est  de  dissimuler  le  plus  possible  eux  personnes 
contes  à  leur  garde  ^  l'exercice  d'un  pouvoti* ,  toi»- 
jours  si  fâcheux  pour  cenxqui  y  sont  soumis*  La  sorveii^ 
lance,  qui  est  leur  principal  devoir,  doit  s  exercer 
avec  la  plus  grande  douceur  et  sans  cet.  i^pareil 
de  visite  et  d'inquisition  continuelle,  qui  est  un 
véritable  tourment.  Cependant  le  gardien  aura  tou- 
jours le  droit  d'employer  tous  les  moyens  nécessaires 
à  la  sârelé  dç  la  prison.  Seulement  il  choisira  de  pré*- 
férence  les  plus  doux  9  les  plus  inaperçus ,  et  réservera^ 
pour  les  cas  d'une  nécessité  indispensable ,  ceux  qui 
séroient  pénibles  pour  les  détenus.  Ainsi,  ce  sera  sur*- 
tout  à  Textérieur  que  la  surveillance  aura  lieu.,  1^ 
solidité  de  la  prison,  l'exactitude  de  la  garde  qui  i^eilU 
autour  de  ses  murs  en  seront  les  objets  principaux.  Le 
gardien  et  les  inspecteurs  peuvent,  s'ils  le  jugent  con- 
venable ,  se  dispenser  de  mettre  un  surveillant  dan^ 
chaque  -atelier.  Les  raisons  qui  défendent  de  lai^ 


ô4  DES  PJMSONS. 

ser  les  éjt>i|4^iiiTi!$8  ^uis .  .entï^'eûx ,  ^e  sqbafi^ent  j^ 
tpvec  la  ménieforçje,  à  Têtard  des  pré.ve^qsMGependanl 
rien  n'empêche  qae^  dan$  tous  les  ca^s,  et  inîvaivt  les  cir-« 
constances,  oa  employé  les  moyens  indiqués  dans  les 
règles  de  diàciplinegéiléralei  tont^  les  fois  qu'ils  pour- 
reiU.étre  utiles ,  pour  garantir  la  sûreté  ou  le  bon  or- 
dre ,  but  nécessaire  de.  toute  discipline^ 
'  -  Les  prévenus  ne.  pouvant  êjtre  obligés  au  trayajfl  ^se- 
jroat  toii^ours  les  maitrcss  de  s'occuper  ou  de  ne  rien 
faire.  Des  ateliers  seront  disposés  pour  les  uns  «  et  les  au- 
tres resteront  d^nsdes  préaux  ou  des  salles  particulières! 
suivant  les  dispositions  de  Tatmosphère.  On  peut  sans 
inconvénient.,  permettre,  dan$  les  prisons  de  prévenus 
ou  d'accusés,  rétablissement  de  chambres  particulièresf 
>où  les  prisonniers  coucherotent^  et  même  restera ient, 
s'ils  le  vouloient  ^  pendant  le  jour.  Us  pourront  égale- 
lement  y  avoir  un  coucher  plus  délicat  que  les  autres^ 
et  s'y  faire  apporter,  sous  l'inspection  du  gardien,  des 
alimens  particuliers,  en  se  conformant  d  ailleurs  aux 

réglemens  généraux. 

Les  prévenus  se  trouveront  ainsi  partagés  en  trois 
classes  :  ceuy  qui  travaillent  |  ils  seront  enfermés  dans 
les  ateliers  :  ceux  qui  ne  travaillent  pas ,  mais  s'astrei- 
^entd'ailleui*s  au  régime  ordinaire  de  la  prisoii;  ceux- 
là  devront  rester  dans  les  préaux  ou  dans  les  salles  qui 
leur  seront  destinées^  sans  pouvoir  se  réunir  aux  tra- 
vailleurs :  enfin  ^  ceux  qui  ont  des  chambres  particu-* 
lières,  soit  qu'ils  y  travaiBent  ou  non;  ces  derniers 
seront  enfermés  dans  leurs  chambres.  Us  pourront  y 
être  plusieurs,  si  le  gacdien  n'y  voit  pas  d'incoavé- 
nient;  mais  ils  ne.  pourront  jamaisy  recevoir  personne^ 
sint  de.la  prisQB,  soit  du  dehqip&. Quand  ils  voudront 


DE  LA  DISCIPUNE.  9S 

^)er  àun  détenu  ou  à  un  étranger ,  ils  ne  poiirronl 
4t  faire  qu'au  parloir.  C  est  une  xègle  générale ,  qui  ne 
pourra  souffrir  aucune  exception»  Elle  s'applique  à 
tontes  les  classes  de  prisonniers,  indistinctement.  Les 
intérêts  qui  motivent  la  séparation  îles  prisonniers ,  y. 
90Qt  intimement  liés.  « 

CHAPITRE  IIÏ.  De  la  discipline  pour  les  condamnés. 

Section  itREMiims.  Des  condamnés  correctionneUemenL    ' 

tiA  disciplîtle  ne  peut  plus  être  la  même ,  quand  il 
Va^t  de  condamnés.  Ces  prisonniers  ne  sont  plus  des 
mnocens  présumés^  ils  »onc  plus  droit  à  ces  égards,  à 
tes méoageniens>  que  Ton  ne  pouvoit,  sans  injustice, 
refuser  aux  prévenus.  La  sûreté ,  le  bon  ordre  ,  Texé-^ 
colien  des  arrêts  de  la  justice ,  doivent  être  les  objets 
cajHtaux,  dans  les  prisons  qui  les  renferment.  Tout 
Mt  tendre  à  ce  but  nécessaire  ;  mais  rien  ne  doit  le 
dépasser  :  on  11e  doit  négliger  aucun  des  moyens 
qiiipeoventy  contluire;  il  ne  faut  ajouter  aucune  ri- 
gneor  aux  règles  qui  suffisent  pour  l'atteindre  \  en  un 
aior,  la  discipline  des  condamnés  ne  doit  être  ni 
rigotireuse, ^li  indulgente,  mais  exactement  juste  et 
basée  sur  Texécutionia  plus  complète  des  lois  et  des 
arrêts. 

D*api^tees  principes,  on  sent  qu'il  est  indispensables 
dedistingaertrenx  qui  subissent  une  condamnation  cor- 
fectioiinelle,  de  ceux  qni  sotot  condamnés,  pour  crime^ 
à  dies  peines  infamantes*  La  cause  de  Temprlsonne- 
ment ,  la  nature  rde  la  peine,  ses  accessoires  et  lesrésui* 
tats  qu'elle  doit  avoir  pour  l'avenir,  établissent,  entre 
cesdeax  classes  de  condasanés,  des  différences,  qui  doi- 


S6  DE&  PRISONS. 

▼eut  influer  sur  leur  régime.  Les  premiers ,  soayèni 
eondamnés  pour  des  fautes,  que  ropiuion  volt  avec  une 
rerlaine  indulgence,  conservant  toujours  rintégrké 
de  leurs  droitset  la  jouissance  de  leur  fortuite ,  pendant 
la  durée  de  leur  peine,  et  exempts,  aprèsson  cxpiraticm, 
de  l'infamie  légale ,  qui  elle-même  est  une  peine  véti-. 
table,  surtout  quand  elle  est  sanctionnée  par  Tinfamle 
morale,  ne  doivent  pas  être  confondus  dans  le  .même 
local  et  assujétisaux  même  règles  que  les  autres,  dont 
la  condamnation  n'est  presque  toujours  que  l'expres- 
sion de  l'indigoation  publique ,  et  qui,  privés  de  4pus 
kors  droits  de  cité  et  même  de  celui  de  possession ,  ne 
sortent  des  prisons  que  chaînés  de  i' opprobre  insépara- 
ble d'une  pimîtion  iofamanle.  Il  faut  donc  encore 
sépareir  cesdeux  classes  defirisonniers,  ou,  aa  n^c^ina,  si 
l*on  est  obligé  de  les  réunir  dans  la  méaae  prison ,  afi-i 
signer  à  chacun  un  local  distinct. . 

Ce  qui  commande  d'ailleurs  impérieusement  cette 
séparation ,  c'est  la  différence  qui  doit  se  trouye»*,.  daa^ 
la  discipline,  pour  ces  deux  classes,  Néiressairement) 
aostère  à  l'égard  des  condaaiaés  pour  crime^v  ^lU.s'é-' 
cariera  peu  des  règles  généralesde  discipline poqr  p^ux 
qui  subissent  des  peines  correctionnelles.  Seqlon^ottt  oni 
peut  prendre,  pour  la  sûreté,  desprécautions  plwxigou*- 
reuses  et  plus  ostensibles  qu'à  l'égard  des  prévenais.  U 
B'est  plus  nécessaire  ici  de  cacher,  à  leurs  yevxoae  sur- 
veillance, qui  fait  partie.de  leur  peine  t  et  qa(e.  cooi-, 
mande  la  prudence.  Partout ,  daiis  lesateli(dr<99  deos  lœ 
préaux,  dans  les  dortoirs,  ils  Vivent  avotr«  des  s9r- 
veillans  spéciaux ,  dont  ils  ne  puisseoit  éluder  le^  visi-- 
tes,  ni  tromperies  regards.  ..... 

C'est  encore  une  coin^quKce  de  leur  éUt  àfi  CQPin 


DE  LA  DISCIPLINE.  ^y 

ticalières  ou  pistoles.  La  loi  «st  la  même  povr  toÉs,idb 
la  richesse  ne  doit  avoir  aucune  infliience  sur  «on  «xë* 
tutîoa  :  lorsqu'elle  prononce  une  (^ine  ^  tous  ceux  qui 
7  sont  condamnés  doivent  la  subir  d\ine  manière  uni- 
forme, et  sans  que  le  plus  ou  tnoins  d'aisance  des  pri^^* 
sonniers  puisse  y  appotler  ta  moindre  modificâtioiii. 
Pourquoi  te  panvre  seroit-il  réduit  à  coucher  kur  la 
paille,  au  milieu  d'un  nombreux  dortoir,  tandis  que  le 
riche  reposeroit  seui,  sur  la  plument  le  duvet  ?  jii  l'uci 
tt  Fautre  sont  condamnés  à  la  même  peine ,  p6ulrqix>i 
Texëcation  de  deux. arrêts  analogues  pi;ésenteroit-eHë 
ane  bigarrure  si  choquante?  L  immoralité  n'a-t-elle 
donc  pas  suffisamment  efFacé  entre  eux  toute  inéga^ 
Kté?  et  le  riche  doit-il,  jusque  dans  les  fers,  jouir  des 
avantages  d'une  fortune,  trop  souvent  scandaleuse^ 
mais  toujours  indifférente  aux  yeux  de  la  loi  qui  1'^ 
condamné?  • 

On  accusera  peut-être  cas  principes  d'exag^j^ràtioii  s 
on  citera  des  exemples  de  condanmés  par:  voie  de  po^. 
lice  correctionnellfl* pour  lesquels  cette  exécution  lit'* 
téralede  la  loi,  seroit  presque  révoltante;  on  deman- 
dera s'il  est  juste  que  l'écrivain ,  puni  de  quelques  mois 
d'emprisonnement  y  pour  une  phrase  Lrnprudente  ^ 
soit  confondu  avec  tous  les  voleurs  et  '  les  geiis  sans 
aveu,  qui  subissent  la  même  pieine,  et  si  Ton  peut,  sans 
une  rigueurvoisinederinjusticcy  lui  refuser  le  ipoyea 
de  foir  cette  odieuse  compagnie,  en  prenant  une 
chanibre  particulière.  En  convenant  de  ces  cohsé-* 
quences  fâcheuses,  nous  répondrons  que  ce  n'est  point 
à  Tadmitiistration  des  prisons  à  les  réparer  par  une 
exécution  inégaie  de  la  loi;  que  la  loi- doit; toujours 

7. 


90  DiÊs  misoNs. 

s'esf cntdr  teHe  qii'eUiBefil^  ot  qti*^^  \tif^\v0fé^M  àè 
détails  tiô.peflVent  entrer  jeti  compiiraîsôn  fivec  Udai)^ 
gër  de  la  vider.  $î  lé  lëgidateàr  a  puni  de  lar  Tfi^mjé 
peitié  èeim  tlassesdhe  coupables,  c'i^st.  qu'ils  <^ni  )^^ 
mémi^s  moyens  de  réprci^olt  eohvenablés  a\î)(  nos  ei 
aè)c  i^ïrÉfd;  -^et,  sous  ancïin  pr^teitt^*  H  ti@  vlôilétre 
^rmls  dé  rompre  cette  égalité.  Jarn^î^  l0  îpî  ne  4pît 
èirè  'ëfi)d^>  {ainais  elle  ne  dbît  recevoir  vin^  tfx^cutîqii 
itimmplëtt»^  Si  iëlle  est  bonne ,  on  ^n  t^^neilieF^  les 
avantagés;  si  dte  est  tiianvaiiè ,  Qn  en  ^Utira  la  durieté 
ôci  rinjustfte ,  et  oh  la-  réformerai  ^ài^  potni  de 
dëmi-^exécatîon,  |)oint  d'indulgence  illégale;  (fsyain^ 
palliatifs  ne  servetit  qu'à  fermer  te&yeUx  ^^T 1^  vice  de^ 
lois  ;  n  font  iqu^ôn  lès  exécute  têltes  q^'ellfis  sont  t  pouf 
qu'on  puisse  les  appvécier»  Gè  printtpe*  doit  ^ervîf  de 
règle  fondamentale  pour  rexécution  des  j|rr$la  de  la 
)usticp.- 

Ces  cotiséquenpés  prouvent ,  avec  une  nouvelle  évi- 
dence^ I21  nécessité  de  distinguer  les  condamné^  pai^ 
voie  de  police  correctiomieH^ ,  des  condaAiué$  poqr 
ednies.  Le  peu  de  tem{j8  que  àta^  ordinairement  la 
captivité  des  premiers^  via  perversité  moil^s  profonde 
^n'on  leur  supposé ,  leur  iloihbre^  i^néraletnel^t  plus 
patlt ,  dans  les  arrondissemens  ou  Us  sont  ré^artis^  ^ue 
celui  des  condamnés  pour  crimes ,  qui  s'^ccuujiuleiit  t 
fendant  deB  années  entières,  dans  les  prU<>o$  cen- 
trales »  elc*  été. ,  toutes  ces  circonstance»  doivent  in-; 
fluerâur  ladiscipKne^et  diapen<«iii  de  prend ret  àr^ard 
'  des  condamnés  par  voie  de  police  correctionnellls^  des 
tai$ia^  aussi  sévères  que  contre  ceux  qui  Subissent 
des*  condamnations  infamantes^  Cotte  diatincttcin  est 
sârtQut  n<kessâîre^  Tégard  des  condamnas,  dopt  la 


M^ntioii  doit  être  très-€ourte.v<l9*p(tiplirl  ^jrègl^ 
fjDÎ conviennent  à  la  rëclusÇottr^  sont  s^ns  apfiUcuUQa  n 
«(luind  il  s'agit  d'ian  empnaonneflieoàUe  qu^tqiie&iiioÎAi 
Il  n'en  est  pas  tout-à-fait  de  même  de  conac  dQOt  .la 
^ine  doit  durer  plusieurs  années.  Les  règles :de  disci- 
pline, relatives  au  travail  et  à  lliabUletn.ent  des  CQftt 
damûës  pour  crimes,  doiirent  leur  être  commune^^ 
«ur  tous  les  antres  points  »  ils  doivent  rentrer,,  ^nâ.qw 
ceux  qui  sont  condamnés  à  atoins.de  six  mois.d'çmr 
prisonnemeot ,  dans  Tapplication  àe$  règles  qi}^  nai# 

venons  d'établin 

» 

Section  ii.  Dest  condamnés  pour  crimes. . 

La  nécessité  de  garantir  plus  fortement  la  sâreté  des 
prisons,  qui  renferment  les  condamnés  à  des  peines 
infamantes,  est  la  première  cause  qui  oblige  de  pren-^- 
dre,  à  leuir  égard  ,  des  précautions  beaucoup  plus  sé^ 
tëres  qu'à  Tégard  des  autres.  Là  v  l'outes  les  règles 
doivent  être  obs»îrvées  à  la  rignein*,  et  il  ne- peut-être 
permis  de  se  relâcher  d'aucun  article  du  règlement. 
La  présence  continuelle  d'un  surveillant^,  dans  chaque 
atelier,  pendant  les  heures  de  travàth  et  dans  les  préayx, 
à  Finstant  de  la  promenade ,  e^f  absolument  indispen^ 
sable.  On  ne  doit  jamais  souffrir  que  les  condamnés 
restent  seuls  ,  abandonna  à  enx-* mêmes:  les  p\m 
grands  intérêts  y  sont  attachés;  la  sâreté  pubKque, 
l'amendement  des  prisonniers ,  etc.  On  aura  donc  sein 
de  mettre  un  préposé  dans  chaque  atelier,  et  Ion  exi- 
gera qrfîl  n'en  sorte  jamais',  sans  être  Relevé.  Qu^on  ne 
s'effraie  pas  du  nombre  de  surveîllans,  que  ces  me- 
sures semblent  exiger;  les  entrepreneurs  des  tràvatax 
sont  intéressés  eux-mêmes  à  faire  inspecter  leurt/dttr 


idè  DES  PUISONS. 

^rieiB  «  *el  Pon  fera ,  de  TobUgation  de  fournir  iiti  chét 
par  alelier^  une  des  cb«rges  de  leurs  marchés.  Us  se 
l^rétéront  volootitors  À  une  condition  qui  leur  sera 
)>1qs  utile  t|a'onéreifse. 

Ces aorveillans seront  chargés  de  la  police  ijutérieùre 
des  ateliers,  d'etnpécber  les  prisotiniers  de  causer  du 
tronbte  ^  ou  de  quitter  leurs  métiers.  Obligés  à  un  Ira* 
vailtrontinuel,  les  condamnés  devront  y  être  occupés, 
«QtantHile  tempsiqu'H  sera  possible,  sans  compromettre 
leor  santés  Les  surveiUans  tiendront  la  main  à  ce  qu'ils 
soient  toujours  en  activité  :  cette  application  continue 
sera,  en  même  temps,  un  moyen  de  police,  et  pré- 
viendra bien  des  désordres. 

Il  n'est  pas  moins  essentiel ,  pour  la  police  et  la 
sûreté  des  prisons  destinées  aux  condamnés,  d  y  intro- 
duire Tuniformité  des  vêtemens.  On  conçoit  combien  i) 
est  important  que  Ton  puisse  reconnoître,  sur-le-champ 
jei  à  la  première  inspection ,  un  détenu ,  soit  dans  riii- 
téneur  de  la  prispYi ,  soit  à  l'extérieur,  en  cas  d'évasion  $ 
.et  rien  n'est  plus  propre ,  qu'un  vêtement  uniforme  et 
remarquable,  pour  rendre  les  évasions  diflàciles,  et 
signaler  le  prisonnier  fugitif,  ayant  qu'il  ait  eu  le 
lemps  de  changer  de  costume.  Cette  uniformité  n'est 
pas  moinsutile  dans  la  prison ,  pour  faire  distinguer^ 
d\in  coup  d'oeil,  les  prisonniers  des  préposés ,  soit  dans 
les  cas,  assez  rares ,  de  sédition ,  soit  même  dans  toutes 
les  occasions  de  rassemblement,  comme  l'office  divin 
ou  les  instructions.  Leur  habit ,  et  celui  des  employés , 
qui  doit  en  êtreérès  différent,  et  néanmoins  uniforme» 
serviront  très-utilement  à  distinguer  les  groupes  et  à 
en  prévenir  la  confusion ,  toujours  très-dangereuse  » 
dans  une  prison  considérable. 


\ 


DE  LA  DISCIPLINE.  t0> 

L'habit  uniforme  des  prisonniers ,  pour  procurer  les 
avantages  qu'on  en  attend ,  devra  être  d'une  couleur  et 
même ,  s'il  est  possible ,  d'une  forme  aiséeâ  à  reconnot- 
tre  et  difficiles  à  aItëreir.|Nous  indiquerons ,  en  parlant 
de  rhabillement,  la  coulèu^  et  la  forme  qui  nous  pa- 
roissent  convenables.  Quanta  présent^  il  nous  suffit 
davoîr  fait  septir  la  nécessité  d'un  vêtement  unifor- 
me, sous  le  rapport  de  la  discipline. 

Il  est  clair  que  cette  règle  exclut  absolument  la  pei^ 
mission  d'apporter  du  dehors  aucun  vêtement  aux 
condamnés.  Ceux  avec  lesquels  ils  auront  été  amenés 
leur  seront  retirés  en  arrivant;  on  les  déposera  dans  le 
magasin ,  où  ils  les  retrouveront  à  l'expiration  de  leur 
peine  ;  et,  dans  tout  cet  intervalle,  ils  ne  porteront  que 
l'habit  de  la  prison.  Il  ne  peut  y  avoir  d'exception  que 
pour  le  linge  ;  comme  il  ne  peat  jamais  faire  un  signe 
de  reconnoissance  très-remarquable ,  et  que  la  société 
tonte  entière  est  intéressée  à  ce  que  ce  moyen  de  pro* 
prêté  et  de  salubrité  ne  manque  pas  aux^  détenus, 
on  pourra  leur  permettre  d'en  recevoir  du  dehors* 
Mais  le  gardien,  sous  sa  responsabilité ,  aura  soin  de 
l'examiner  avec  la  plus  grande  attention  et  de  ne  l'ad- 
mettre que  déployé,  pour  qu'on  n'y  puîsse^rien  cacher. 

La  discipline  doit  encore  avoir  pour  but  de  coopérer 
à  l'amendement  moral  des  détenus,  en  les  empêchant 
d'y  porter  mutuellement  obstacle.  Le  premier  et  1e 
pins  puissant  des  moyens  qui  lui  appartiennent,  con- 
siste ^  entretenir  le  silence  dans  les  ateliers  ou  les 
antres  lieux  de  rassemblement,  et  surtout  à  empêcher 
les  conversations  générales  entre  les  prisonniers.  Ou- 
tre que  Tordre  seroit  toujours  troublé  d'une  manière 
sérieuse,  par  des'entrelteusjàécessairement  bruyans^  Ul 


V 


if^'i  HES  PMSOM.     ' 

êsî  toiifmirs  indispensable  '  de  prévenir  ie  seaèdbré 
<|o'ils  peuvent  occasioner.  C^est  dans  ees  occasions 
qae  les  grands  criminels  se  plaisent  à  donner  auic  ab- 
é'es  détenus  leurs  infânies  et  fonèstes  iiistraetibnsf 
qn'àfFrànchîs  du  jonç'^e  Topinî^î^rt  éi  d'estnénagemens, 
que  leur  conseîlloît  encore  aiifrefois  TîntérÉt  de  leur 
défense,  ils  se  plaisent  à  raeôater  tous  tes  détails  de 
leurs  honteux  exploits.  La  discipline  doit  prévenir 
jûsqu^à  la  possibilité  de  semblables  désordres»  pro- 
pres à  détrui^-e  tout  reffèt  à^  leçons  de  morale  que^* 
PoD  dohàê  aux  prî^nniers,  et  des  réflexions  salutaires,^ 
que  doit  naturellement  inspirer  ta  situatk>n  où  ilâi  Se 
trouvent. 

Moins  contraires  à  Tordre  public  ^  leséjEiCretlens  par- 
ticuliers et  intimés  ne  sont  pas;  peur  l'ordinaire,  moins 
pernicieux.  Souvent  entremêlées  de  leçons  enipoison- 
liées  >  ces  fatales  confidences  sont  presque  toujours  des 
itistrumens  de  corruption  ;  et  la  discipline  doit ,  en  gé* 
lierai ,  avoir  pour  ob}et  de  les  interdire  entre  les  con^ 
damnés. 

Il  faut  avouer  que  cette  tâ^è  n'est  pas  s[ins  diffienl** 
tés;  il  est  presque  impossible  d*empêcher,  à  touè  les ins- 
tauîi,  des  prisonniers,  qui  vivent  ensemble,  d'avoir  des 
conversations  particulières.  Il  y  auroit  même  une  sorte 
de  cruauté  à  priver  tous  les  détenus,  indistinctement  ^ 
dé  la  cônsolatioii  d'épancher  leur  eœor  dans  celui  d'un 
de  leilrs  compagnons,  et  de  confondre  leurs  peines  ponr 
en  adbticir  ramértumë.  Le  cœiir  de  l'homme  e^  fait 
pour  aimer,  et  c'est  surtout  dans  le  malheur,  qu'il  en 
sent  le  besoin  avec  plus  de  force.  Telle  est  l'énergie  de 
ce  sentiment^  que  l'homme  le  plus  vertueux,  con-^ 
damné-  à*  passer*  ses  jout'S^tins  une  prisoh ,  confinodri 


DH"  LA  mSCGPLINE.  i  o3 

avec  dé$  crinlinek,  ne  pmttth  se  «Mfeadce  ooiMtjim^ 
tnent  du  désir  d^aîniei*  i^ii  d^  dfs  proteriUf  et  de  lot 
accorder  ttne  confiance  (jtii  lui  eàt  hit  Horreur,  daiis 
(ies  temps  pins  heureux.  Par  an  tous  te^  hbrnmes  dés^ 
ho/iorés,  il  s'en  trouvét'à  qile^ii'nn,  dont  Teitërieur 
pins  aimable ,  le  caractère  pkis  dôtix  i  la  faute  liioins 
odîense  ,  lui  paroltront  d*eë  lilôtifs  de  prtférencé  et 
'd^iniérét  :  si  quelque  l^er  àèirice ,  si  (fuelques  rap*^ 
ports  de  travail  ou  de  chambrée ,  vi^nhent  encore  les 
rapprocher,  ils  seront  presque  amis;  et,  pùut  peu  que 
le  coupable  ait  le  repentir  de  sa  fiiuté ,  tt  le  désir  de 
rentrer  franchement  dans  la  route 4e  la  vertu,  Tunlon 
de  ces  deux  hommes  peut  devenir  une  vëi^iféble  ami-^ 
lié.  La  discipline  dbit-élle  proscrire  une  liaisen  aussi 
pare ,  aussi  respectable  ?  ne  doit-elle  pas ,  au  Montrai  re^ 
Fencourager,  comme  un  g^aîîd  p$ià  dé  fait  vers  son  bot 
principal,  la  correction  du  côtipâblé?  Si  cette  intimité 
n^a  rien  de  criminel,  peut-on,  sens  barbarie,  priver 
de  cette  consolation  des  malheureux,  qui  en  ont  si  pea 
sur  la  terre  ?  D*un  autre  côté ,  le  danger  de  la  corrup-** 
tion  est  imminent;  il  faut  donc  le  prévenir^  mais  le 
prévenir  sans  vexation.  Tel  est  le  problème  que  doit 
résoudre  là  discipline. 

Le  moyen  d'y  parvenir,  seroit  dé  pi3sér  en  règle 
générale  la  prohibition  dèë  énti*etiens  particuliers.  Oh 
ne  pourra  jpoint ,  sans  dôtité ,  les  empêcher  toujours  : 
il  y  a  tant  dlnstans  oi\  deux  pirisoniiiérs  peuvent  se 
réunir  sans  témoin^!  Mais  la  surveillance  qu'on  exerce 
à  cet  égard ,  et  la  craiiite  du  chàlimeilt  réservé  à  toute 
désobéissance ,  serviront  au  moins  à  rendre  plus  rares 
les  occasions  de  s'isoler ,  et  ^  |^ar  cela  inéme,  déjoueront 
tes  projets  de  ceux  qui  voudroient  essayer  de  séduire 


io4  DESPWSQNS. 

leors  compK^ons,  en  ne  l^ar  perna^tt$Bt'â^ar(Ar  avec 
€QX  que  des  entretieiH  p9V^  fréqriçDS.,  et  sbweni  în«- 
terro^pos»  Ce  n'est  qoe  par,  insiniiation  ^  qu'à  Taide 
de  longs  détours ,  que  k  crime  .peut  gagner  des  prosé- 
lyte». La  répétition  des  mêmes  idées  ^  présentées  d'a- 
liQrd. avec  les  pins  grands  m^nageniens,  peut  seule 
habituer  à  la  pensée  du  crtrae,  et  y  entraîner  l'impru- 
dent, qui  écoute  de  pernicieuses  leçons.  Il  y  eût  peut- 
être  résisté  ^  si ,  pressé  par  le  temps,  et  Cbrcé  de  se  cir- 
conscrire dans  de  laconiques  invitations-  au  *mal ,  le 
séducteur  n'ayoit  pu  éviter  de  montrer  à  nu ,  et  .d^nr 
:totite  sa  laideur,  lé  spectacle  du  crime  cherctiant  à  re- 
çiruter  des  complices.  On  évitera  donc  les  principaux 
dangers  de  la  corruption ,  en  rompant ,  par  une  sur- 
veillance assidue,  les  enlfetiens  particuliers  des  déter' 
nus ,  et  la  consigne  des  employés  sera  de  séparer  ton-*^ 
jours  les  prisonniers  qu'ils  verront  s'isoler  >  pour  se 
£»ire  des  confidences,  et  de  ne  jamais,  laisser  seuls  en- 
semble deux  condamnés^  soit  dans  les  ateliers,  soit 
clans  les  dortoirs ,  soit  danS:  tout  autre  Ueu» . 
^  L'exécution  de  cette  règle  générale  empêchera ,  nous 
l'espérons,  que  les  plus  scélérats  n'entreprennent  avec 
succès  de  corrompre  leurs  compagnons ,  sans  ôter,  à 
tous  ces  malhenreux  indistinctement,  la  consolation  de 
verser  quelquefois  leurs  larmes  dans  le  sein  d'un  coufi-^ 
dent.  Un  seul  regard ,  une  main  serrée  avec  tendresse» 
réchange  de  quelques  phrases,  suffisent  pour  adoucir 
les  tourmens  de  la  captivité,  pour  faire  goûter  à  un 
malheureux  les  charmes  de  Famitié.  Il  ne  faut  qu'un 
moment  pour  cette  consolation.  La  dépravation  est 
plus  lente;  illui  faut  plus  de  temps  pour  faire  ses  déplo- 
rables conquêtes;  et  la  même  surveillance^  qui  aura 


DE  Î.A  ©USCIFLiNE.  loS 

MtQtM  les  projets^ Il  ^éduetivqr,  aura  laisse  à  deax  ior 
fcH'tQi^S'le  lernps  de  se  confiier  leurs  pieines;  et  de 
.pleurer. ensemble  sur  leurs  familles. 

Au  surplus,  le  gardien  et  les  inspecteurs  ont,  dans 
1<!  dmit  de.  répartition  des  prisonniers  par  ateliers  et 
dortoirs,  le  moyen  le  plus  efficace  de  prévenir  tous  les 
daufçersde  la  corruption  mutuelle,  sans  plier  aveuglé- 
ment ^us  le  même  joug,  tous  les  détenus.  Parmi  tes 
condamnés ,  et  surtout  parmi  les  criminels  condamnée 
à  la  réclusion  ,  il  en  est  beaucoup  qui  ne  cherchent  pas 
à  faire  des  prosélytes;  et  qui,  frappés  pour  une  pr^ 
mière faute ,  dont  souvent  la  misère  fut  la  cause,  su- 
(bîssem  avec  résignation  }eur  peine,  et  aspirent  à  re« 
tourner  à  leurs  anciens  travaux,  quand  ils  auront 
.satisfait  à.  la  justice.  Ces  condamnés  ne  sont  ps  dange* 
rçux  les  uns  pour  les  autres;  loin  de  s^engager  mutuel- 
lenaentau  crime,  ils  s'entretiendront  plutôt  dans  le 
souvenir  des  occupations  et  des  jouissances  domesti- 
ques, qu'ils  regrettent,  et  dans  Tespérance  de  les  re- 
trouver, à  Vexpiratidn  de  leur  peine.  Avec  ces  déte- 
tuA,  on  n!aura  pas  besoin  d'une  «discipline  trop  soup-* 
çonneuse,  et  il  suffira  de  tenir  la  main,  d'une  manière 
générale ,  à  Vjeaiécution.des.règlemens. 
.    Mais  il  est  une  auti^e.classe  de  condamnés,  à  Tégard 
desqneU  on  ne  peut  jamais  prendre  trop  de  précau- 
tions, et  sur  qui  les  préposés  devront  avoir  conti- 
nuellement les  yeux.  Une  légère  expérience  suffira 
pour  les  faire  distinguer  des  premiers.  On  y  verra  tous 
les  condamnés  par  récidive;  tous  les  gens  sans  profes- 
sion, ou  9  dont  la  profelteion  apparente  n'est  qu'un^ 
manteau,  qui  couvre, celle  4^  voleur;  tous  les  vaga- 
bonds; tous  ceux  qui ,  sans  moyens  connus  d'existence. 


:2»fr 


j«5  6ES  MISONS. 

oiit-étë  arrêts  et  c6i»darâtiëfr,  poiiiracriimedod^',  16fat 
du  Ireii  ()e  leiir  fiaissàffce.  O'e^tl  psktmt  tes  homme$  qiie 
se  recrutent  les  bandes  de  voleur^;  c^est  toujours  eux 
qui  chei«eheut,  par  la  séducttou^  à  s'acqtiérir  des 
jvdeptes.  Avec  ces  prisonniers ',  il  ne  faut  jamais  souf* 
frir  le  moindre  îrelâdhèmeât  à  là  dtàçipliné  $  ôq  aura 
soin  de  ne  pas  les  confondit ,  sans  n^cessit<^ ,  avec  les 
antres  condamnés;  mais ,  atitâilt  que  possible ,  en  1^ 
réunira  dans  les  ateliers  particuliers,  et^  si  on  est  obligé, 
par  les  localités ,  de  lès  bisser  àv^c  tous  les  antres ,  on 
l^j  Surveillera  de  près^  11  leur  s6ra  absolument  défendu 
de  cbmmtiùiquer  en  particulier  avec  les  autres  déte- 
lius  ;  et ,  aussitôt  qu'on  s'appércevra  qu'ils  se  livrent  à 
des  conversations  cônfidêntiéltes»  oti  les  changera  dia- 
teliërs ,  pour  rompre  leurs  liaisons  et  déconcerter  lenrs 
projets.  Le  gardien  pourra  toujours  prendre  la  même 
mesure,  à  Tégard  de  tous  défends,  dont  le^  relations 
avec  les  autres  lui  paroitroiént  su^etes  :  cette  (agilté 
rentre  essentiellement  dans  les  attributions  de  l'auto- 
rîté  administrative  qui  lui  est  confiée. 

Ces  précautions;  qui  Vottt  pour  objet  qnô  te  jour 
proprémciït  dit,  sei^pient  illusoires,  si  les  prisonniers 
étoient  réunis ,  pendant  là  nuit ,  sans  surveillans ,  et , 
surtout ,  si  on  lesfaisoit  coucher  à  deux  dans  chaque  lit. 
Cette  communauté ,  beaucoup  trop  intime,  appelle , 
sollicite  même  les  confidences  et  la  séduction  ;  c'est  uii 
piège,  qu'il  seroit  impossible  d'^ter,  méÉne  pour  les 
caractères  les  plus  fermes;  Un  compagnon  de  lit  est 
presque  un  ami  ;  el  d'ailleurs,  comment  empêcher  un 
"^cours  complet  de  séduction,  entré  deux -hommes  qui 
habitent  la  même  chambte ,  qui  reposent  sur  la  même 
touche  ?  Les  plus  fortes.considérations  morales  se  rëo- 


L^ 


DE  LA  BISCIFtlNE.  a^ 

iMSdnt'  déhc'  ai^  motifs  cfue  not»  'a?crins  'd^  indt^ 
«foies;  pônv  ftitre  sentir  la  nëcieissilé  de  Ut  soUtnde 

CH APITï!^E  jt.V-  JD^  la  discipUne  pour  hs  fsmmes 
,      .      .         et  Jes  ,0nfans^  . 

L£s  principes  de  la  dUdplîne  sont  les  mêmes  ppiit" 
ioas  tes  sexes  et  pour  tons  les  âges.  Les  fenimes  et  les 
enfans  oût  les  mêmes  devoirs  que  les  détenus  mâles; 
comme  eux ,  ils  doivent  rbbéîssaiice  aux  supéneiirs  j 
la  soumission  aux  règlemens,  le  respect  à  la  déceticé 
et  à  Tordre  général.  Les  mêmes  autorités  doivent  avoîi^ 
^administration  des  prisons  qui  tes  renferment,  Toutes. 
les  bases'3pnt  donc  les  mêmes .  et  il  ne  pourra  y  avoir 
<le  différence  dans  la  manière  de  les  traiter,  que  rela- 
tivement  au  service  de  santé  et  au  genre  des  travaux^ 
Ce^  modifications,  purement  de  détail  ,  seront  du 
ressort  du  médecin  et  du  conseil  des  prisons,  et  ne 
peuvent  être  exposées  dans  un  traité  général. 

La  nature  des  choses  indique.- également  que  Ton 
n^aura  presque  jamais  besoin  d^emplo^er  les  grandes 
âiesaresde  discipline,  avec  ces  deux  classes  de  détenus,^ 
iloât ,  en  général,  on  n^aurà  pas  à  craindre  la  violence^ 

ais  les  administrateurs  seront  toujours  les  maîtres 
^'y  recourir  au  besoiii,  et  sous  leur  responsabilité. 

CHAPWRE  V.  Delà  sanction  de  là  discipline. 

ïh  n'y  a  qu'un  moyen  d'assurer  rexéeutioii  det 
règles.que  nom  veuâosde  trueer,  el  d'empêcher  qu'eUe» 
ne  restât  in^puis^i^tefi ,  entro  les  mains  des  autorilÀ 


>««  DES  PRISONS. 

• 

changées  rie  les  faire  respecter;  c'est  d-atlâchcr.des 
peines  à  leor  violation ,  et  de  faire  en  sorte  qu'elle 
soient  toujours  appliquées  aux  contrevenans.  Il  faut 
donc,  pour  compléter  le  système  de  discipline  des 
prisons  ',  déterminer  les  peines,  que  feront  encourir  les 
infractions  anx  règles  qui  la  composent ,  et  la  compé- 
tence des  pouvoirs ,  chargés  de  leur  application. 

Nous  ne  parlerons  ici  lii  des  fautes  des  gardiens,  ni 
de  celles  des  préposés  :  c'est  aux  inspecteurs  des  prisons, 
c'est  au  ministère  public  à  poursuivre  les  actes  arbi* 
traires,  les  malversations,  tb  en  général,  toutes  les 
actions  répréhensibles  qu'ils  peuvent  commettre,  et 
que  leur  gravité  éleveroit  au-dessus  des  simples  fautes 
de  discipline.  Quant  à  celles  qui  n'excéderoîc^nt  point 
ces  limites,  elles  ne  d<^vent  pas  être  punies  par  les 
mêmes  moyens  que  celles  des  prisonniers  :  la  destitu- 
tion ou  le  renvoi  en  seront  ordinairement  la  peine  ;  et 
c'est  aux  inspecteurs  à  provoquer  ces  mesures ,  auprès 
du  conseil  des  prisons ,  toutes  les  fois  qu'ils  les  croiront 
nécessaires. 

*  Notre  objet ,  dans  le  moment  actuel ,  est  de  déter- 
miner le  genre  de  punition  qu'on  peut  employer  à 
l'égard  des.  prisonniers.  Il  faut  d'abord  distinguer  si  la 
faute  qu'ils  ont  commise  rentre  dans  la  classe  des 
crimes  on  des  délits,  ou  si  elle  n'atteint  pas  ce  degré. 
Dans  le  premier  cas,  c'est  aux  tribunaux  ordinaires 
qu'il  appartient  d^en  connoitre;  les  autorités  adminis- 
tratives des  prisons  n'ont  ici ,  comme  chargées  de  la 
police  9  que  le  pouvoir  de  dénoncer  le  fait  et  son  auteur 
présumé ,  et  de  rassembler  les  renseignemens  qui  peu- 
vent faire  connoitre  la  vérité.  Elles  ne  peuvent  aBer 


DE  LA  DISCIPLINE.  109 

«lû-ddà  ;  ^sëtâèmeilt  elles  ont  le  droit  de  prendre  f 
tomme  lïièstire-administràtive ,  tontes  les  précautions 
i{uileQr  sembletoîent  nécessaires,  ponr  empêcher  le 
désordre  de  se  perpétuer^ 

Dans  le  secoiid  cas,  c'est-à-dire  lorsqu'on  n'aura  à 
reprocher  ^uX  détenus  que  de  simples  fautes  de  disci- 
pliae>  comme  le  refus  de  travailler,  le  bri^it  dans  les 

ateliers  ou  dortoirs ,  Fivresse,  etc ,  ou  de  cescon* 

traventions  légères,  qui  n'excèdent'poînt  la  compétence 
de  la  police  municipale  v  comme  les  injui^s  sans  voies 
défait ,  etc. ,  les  autorités  surveillantes,  c'est-à-dire  les 
inspecteurs,  «t,  dans  certaines  Uniites ,  le  gardien , 
auront  le  pouvoir  d'infliger  les  pimitions  convenables, 
à  la  charge  d'en  dresser  procès-verbal ,  et  d'en  faire 
leur  rapport  à  l'autorité  immédiatement  supérieure.  * 

On  se  rappelle  que  nous  avons  divisé  les  peines  de 
discipline  en  deux  classes  :  les  unes  consistent  dansja 
privation  d'un  avantage,  dans  le  rçfus  d'une  permis- 
sion ,  ou  dans  un  simple  changement  apporté  à  la  dis- 
position des  prisonniers  dans  l'intérieur;  les  autres 
sont  plus  proprement  des  peines,  |t; consistent. d#ns 
l'addition  d'une  mesure  de  rigueur,  assez  légère ,  aux 
règles  ordinaires  de  là  discipline.  Les  premières  seu^ 
lement  seront  à  la  disposition  du  gardien  ,  parce 
qu'elles  sont  la  conséquence  naturelle  de  ses  attribua 
tions  ;  mais  les  unes  et  les  autres  pourront  être  pronon- 
cées par  les  inspecteurs..- 

Dans  le  premier  ordre  de  ^es  pçin^  ^  on  ^rangera  ^la 
privation  de  là  promenade  dans  les  préaux ,  la  défense 
de  recevoir  des  vidtes  pendant  un  temps  déterminé , 
celle  de  jk  prociurer  les.aUme99  ou  les  boissons,  tolérés 


flaoslaprifiiOn*  $ans  faire  partie  du  régitY)e.'<)F4Jl:ilMr^a 
latratislalioTi  <1f>s  déteims  d'qn  atelier  ou  d'pn  dortoif 
4aqs  UA  autr^»  ete.^i»..  Le  gardien  puisera. ,  dans  cet 
usage  de  son  pouvoir^  la  force  nécessaire  pour  faire 
i&xécnter  ftçs  cwdres»  et  les  détei^u$  y  trouveront  ^une 
garantie  contre  se$  caprices.  Quapd  le  gardien  nç 
pourra  priver  de  certains  avantages^  et  refuser  cer-f 
XeAnm  pernii«3ipî?3.«  qne  dans  de^  cas  déterjfipiîpié^^  çt  à 
ja  charge  d'en  dresser  procès- verbal ,  il  y  a  tout  lieu 
xi^  croire  qu'il  n^.le  fera  point  i^rbitrairemc^t, et^saos 
motifs  légitimes.  - 

Dans  la  leçondia  ^la^^»  se  trouverpnt  /Jes  peines  po;- 
^itîve$  ;  les  uaes  seront  afQjctives,  et  les  autres  pure-r 
msnt  igOomipieuses*  H  est  impossible ^  dans  un^tçaité 
qui  embraj^se  tout  ren$eiDbIe<^esprisonsd'un  royanmef 
4e  spécifier  tputçs  les.  peipe^;»  qui  peuvent  être  infligées 
mvi  prisonniers.  Les  considérations  locales  et  les  habi- 
tude de  chaque  provirice  doivent  nécessairetnent  y 
introduit»  des  différences,  qyi  empêchent  qu  on  ne 
puisse,  avec  WGçès,. établir ^H  système,  dç  péq^lité 
gëdéral  et  uniforpie  pour  les  prisons,  parce  quejes 
mêmes,  peines  ne  peuvent  être  employées  partout  ^i| 
moins  qu'on  ne  se  borne  à  ces  peines, générales  et  va- 
gues^ qiii  font  peu  d'inxpressîçi^ ,  parce  qii'elles  n^ 
tiennent  pas  auiiL  habitudes  et  aux  affections  particu- 
lières à  chaque  localité.  ÏJ  yai^t  jdppp  piieux,  tai^^en  aux 
conseils  des  prisons  à  déterminer^  dans  chaque  arron- 
rondisseaient ,  les  peines  qui  pourront  être  les  plus 
efficaces,  et  en  même  t^emps  les  plus  appr^furîé^  à 
leur  «tuation.  Nous  nou$  boruerpu»  ici  à  fi^oser.  de$ 
règles  géiiéiiJ«&,  qui  réduiront  àt  un  $y$t^e^nj£o;i^ç 


1)Ë  tA  ÇISCIPUNE.  Ml 

kk  variété  des  peities. de  dî$cipUnfi  qui  pourront  6tre 
tifablies^  par  les  fèglemens  particuliers,  dans  chaque 
département.'* 

^  Dans  le  thoîx^  cammt  d^ns  Tapplication  des  peines 
de  discipline ,  on  prendra  l^ii)Ouris  en  coDsldération 
rage  et  le  sexe  des  détenus^  On  remarquera  aussi  que 
certaines  pHYatiouSt  très«^(Skensiblé9  pour  les  uns,  s^-^. 
Foiént  ahsfi^iiment  indifférentes  peur  tes  autres;  telle- 
serol^,  par  exemple  ly  l'interdietfon  dit  tabac  à  fuiper; 
H  en  rÀnlte  la  nécessite  d'établir  trois  sortes  de*  pei-« 
nés,  applicables  sftix  hon[>m^sfailSt  aux  femmes  etauK 
enfansi  fixais  comme,  indtfpendainni^nt  de  cette  pre- 
mière dfofindtion ,  la  natpre  de  la  faute  commisie^  le. 
caractère  dn  prisonnier ,  ses  habitudes  cpunnes,  etc. , 
peuvent  avoir  une  grande  influence  sur  l'effet  q«e  les 
peines  produiront  *stir  lui',  il  semble  utile  de  lais^r 
aux  inspecteurs  Une  assez,  grande  Ifitit^de  dans  le  çhpix. 
des  peinf  s  applicables  à  telle  on  telle  faute. 

Notis  avons  déjà  fa^t  entrevoir  de  quH)c  nature^ 
pourrdièiit  éti^e;  ces  peines  4 1  obligation  de  porter  un 
habit  parlicc^er ,  Tapplscalipu  à  certains,  ouvrages , 
moins  agréabies  bu  fans  pénibles  que  les  travaux  ordi* 
nairés»  le  séjour  dans  urle  enceinte  étroite  et  grillée', 
an  milieu  des  préaux,  tandis  que  les  autres  prison  1 
niers  fomroient  tibpement  de  la  promenade,  enfin  le 
séquestré  absolu  dons  les  cas  les  plus  graves  :  telles  sont 
quelcfues-^nnes  de  celles  qu'on  peut  iniU|;^  3ux  dé* 
tcDos ,  avec  toutes  lès  modifications  qu'entratnerofient 
les  localités. 

•  La  dernière  peine  doùt  on  a  parlé ,  le  séquestre*  ne 
eoa;isterai.)âmaisqu'à  être  séparé  desàutres  p^sonniersi 
denaaaièreànepQuvi^rseréuQirà  f  nx.  Toute  .rigCifuri( 


iiîÉ  mS  PRISONS. 

<|rii  n'ianfolt  pas  directement  cet^abjet  en  vue ,  eh  sefâ 
soigneusement' écartée  ^  et,  si  le  bon  ordre  exige  qu^uo^ 
prisonnier  soit  temporairement  privé  déxomt^cmib 
quér  avec  ses  compagnons ,  la  justice  et  rhtimatiité 
s'opposent' à  ce  <|ne  cette  mesure  puisse  jamais'compro- 
mettra?  sa  santé  ou  ses  facultés  morales,  par  les  rigueurs 
accessoires  qu'on  y  ajout  eroit-.  Aussi,  quand  tut  prison-* 
ilfer  devra  être  séquestré,  oh  ne  lè  pbngetrân  point 
dans  un  cachot  humide,  infect,  creusé  à  vrngt.pieds 
sous  terre,  où  le  moindre  des  maux  soit  ehèore  de 
vivre  dans  une  obscurité  complété'  et  perpéttielie  ; 
mais  une  chambre  ,  placée' dans  la  partie  la  plussainB 
et  la  pluS'éleVée  de  la  prison,  sera  le  lieu  de  fôrceet  de 
correction,  où* lès  prisonniers  tnrbulens  ou-sédilienx 
seront  réduits  à  Timpossibitité  de  nuire,  ou  punis  des 
délits  qu'ils  auroîent  coronrHS.  L'air  et  la  lumière  n'en 
seront  point  exclTis ,  comtne  si  c'étoit  des  moyens  d>ë- 
vasion  ou  de  révolte.  Des  portes  épaisses ,  de  gros  ver- 
roux,  des  barreaux  rapprochés  ^  et  nnesurveiUance 
iévère,  remplaceront  avantagensement  Phonîicide  pro- 
fondeur des  basses  fosses,  et  la  sûreté  publique  serë^a- 
ranf  ie>  sans  que  Thumanité  ait  à  gémir  de  voir  Tappa- 
reil  d'une  vengeance  cruelle,  dans  les  lieux  consacrés  à 
l'exécution  des  ordres  de  la  justice.  ' 

Tellessontlesbasesfondameutales  dusystèmede  pë-* 
nalité,  qui  convient  dans  les  prisons;  il  nons  reste  à  dé- 
terminer la  compétence  des  personnes  auxquelles  sera 
confié  le  soin  de  maintenir  la  discipline^  Chargéspâr- 
culièrement  de  cette  honorable  et  pénible  mi^ion ,'  les 
inspecteurs  des  prisons  devront,  par  cela  même,  être 
investis  d'une  portion  d'autorité  judiciaire  sur  les  pri- 
sonniers. Il  seroit  peu'G0nvefia|^e  que  des  personnesL 


DE  Î.A  01SC/l?LmÊ.  Hî 

étim^b'esà  la  priiaofi  viussent  >  elgercer.utie^iiJîeUQà 
cxtraor(liiiaii*e.  C'est  à  l'autpritë  chargée  de  T^xéciUiott 
desrèglemens^  qu'il  fatit  remettre  le  droitet  le  pouvoir 
de  l'assurer ,  et ,  en  la  confiant  aux  inspecteurs^  on  sera 
ceriaiu,  tout  à  la  fois>  de  rexécutioa  complète,  ck^ 
règlemeus  et  de  la  justice  sans  rigueur  .qu!exèreeroiit 
ces  niagistrats  paternel»; 

^  Quaièt  aux  bornes  dans  lesquelles  celte  aoloriti  de^ 
vra  être  circonscrite,  elles  soat  naturellement  celles 
des  tribunaux  de  police  municipale.  Les  in$pecteui*s 
sont,  pour  les  prisons»  ce  que  les  officiens  municipaux 
sont  pour  les  comnrumes.  Tout  ce  qui  ne  sort  pas  de  la 
classe  des  coiHraventioi^s  sera  donc  de  laurcompét^dce. 
U.&aii:  de  laquelle  s'étendraà^deuxgwcesd^ jfai^t^i 
les  âi^raetions  m^x  règlement  iptérieur^  4es  prîsom  » 
qui  ne^seraieiit  pas  légalenieut  répi*^hei:isible^  darqSiia 
société  «  m^is  qui  le  deviennent  par  h  qualité  d^  dér 
jtenu^ ,  et  le^  fautes  que  la  poUce  municîpa^ei  e^K  WJ^^ 
nàirenieot  chf^rgé^?  de.  réprifuer.  Çellesrci  pputr^^t 
aeQkséire  j>ii»iesde  peines  anaio^ii€>s à  celles qu'appl^ 
queat  les  tribunaux  de  police;  quant  aux  autres,  dm^ 
.ples.cQanLtrave«Mioi]fsii  des  règlemisns  d^  disciplineintér 
lâenr^.  elles  ne  devront  :pas  entraîner  des  peÂœs  ^aas 
graves.    .  .    .    ; .  ; 

Getta  distii^ction  établiraïune  nouvelle  ett  impottante 
division  de  la  compétence.  Les  impectencs  de  service 
l^urriint V seub et  de  leurs  propre  autorité,  pranostoer 
les  peines  encourue^s  pour  la  v)<>lation  des  règlement 
intérieurs.  Quant  aux  autres,  ils  ne  pourront  ks |)ro^ 
xioncer.qiie  provisoiremejat^.  et. à  la  charge  àjt  lés  ftârfe 
ratifier  à  la  prochaine  assemblée  de  la  commiâ^ioR^ 
Mais  ces .  assemblées  n'ayaut  Ueu  que  tous  les  Juatit 

8 


î  i4  DES  PRISONS. 

jours  9  le»  sentences  *de  Tiuspecteur  de  service  devront 
s'exécuter  provisoirement,  à  moins  que  le  prisonnier 
condamne  n'ait  déclaré  en  appeler  à  la  commission. 
Cet  appel  aura  TefFet  cle  suspendre  Texécution  jusqu'au 
jour  d'assemblée.  Dans  tous  les  autres  cas,  elle  aura  lieu 
provisoirement,  et  sous  la  responsabilité  de  l'inspecteur 
de  service,  qui  ne  pourra  s'en  décharger  qu'en  faisant 
ratifier  par  la  commission  la  décisioii  qu'il  auroit  prise*^ 

TITRE  IV. 

nu    RÉGIMB    PHYSIQUE^ 


L'flfOMME  condamné  à  perdre  sa  liberté  a  toujours 
droit  à  l'existence;  et,  si  le  résultat  de  la  captivité  est 
de  lui  enlever  tous  les  moyens  qu'il  avoit  de  subvenir 
aux  besoins  physiques  qui  l'assiègent  continuellement, 
la  loi  doit  suppléer  à  toutes  les  ressources  dont  elle  le 
prive  f  en  lui  fournissant  les  choses  nécessairies  à  la  vie, 
qu'il  ne  peut  plus  se  jN^ocurer.  L'autorité  doit  égale*- 
ment  prendre  des  mesures  pour  préserver  la  santé  des 
détenus  contre  les  maladies  qu'engendre  la  captivité , 
et  pour  réparer  les  ravages  qu'elles  y  occasioneroient  ; 
car,  les  prisonniers  étant  dans  l'impossibilité  de  trou*- 
ver  par  eux-mêmes  les  secours  dont  ils  ont  besoin,  la 
loi  doit  leur  laisser  tons  les  moyens  de  soutenir  et  de 
conserver  leur  existence,  ou  les  remplacer  par  une 
protection  et  des  soins  équivalens,  tant  que  les  arrêts 
de  la  justice  n'ordonnent  pas  leur  mort. 

A  la  vérité ,  quand  la  société  prive  un  de  ses  mem- 
bres de  la  liberté ,  dont  il  a  fait  un  usage  criminel , 
elle  ne  peut  s'engager  à  le  faire  jouir,  dans  les  prisons, 
de  toute  l'aiisance  et  de  tons  les  agrémens  dont  il  jouis^ 


DtJ  REGIME  PHYSIQUE.  iiS 

wii  ail  teni(Jk  de  sa  prospérité*,  elle  ne  lui  doit  que  te 
strict  nécessaire,  c'est-à-dire  les  choses  dont  la  priva- 
tion coDfipromettroit  sa  vie  et  sa  santé.  L'austérité  de 
cette  règle  est  basée  sur  la  justice  la  plus  exacte.  Celui 
qui  a  mérité  d'être  privé  de  sa  liberté  ,  doit  supporter 
tous  les  résultats  directs  de  la  peine  qu'il  a  encourue* 
«  Le  prisonnier  qui  se  conduit  le  mieux  »,  a  dit ,  avec 
tout  l'ascendant  de  la  raison  ,  un  Pair  de  France  ^  qui 
a  consacré  sa  vie  entière  au  soulagement  de  tous  les 
maux  9  et  dont  le  nom  s'attache  à  tous  les  bienfaits  que 
reçoit  l'humanité ,  «  le  prisonnier  doit  toujours^sentir 
«  qu'il  est  en  prison ,  et  que  la  prison  est  une  peine  du 
<c  crime  ou  délit  qu'il  a  commis.  —  La  prison  où  le 
ce  condamné  serait  assez  bien  pour  ne  pas  souhaiter 
«  toujours  d'en  sortir,  seroit ,  par  cela  même ,  un  dé* 
a  sordre  dans  l'intérêt  de  la  justice  j  dans  Tintéréfl 
«  social.  » 

Le  régime  physique  doit  donc  avoir  pouix  objet  de 
maintenir^  par  les  moyens  les  plus  simples,  les  pri-^ 
«onniera  dans  le  meilleur  état  de  santé  possible  en  cap- 
.tivité.  Il  doit  tendre,  d'une  part,  à  conserver  leur 
santé  ^  s'ils  jouissent  de  cet  avantage  ^  et  de  l'antre ,  à 
réparer  les  désordres  qui  pourroient  l'altérer.  C'est 
sous  ce  double  point  de  vue  que  nous  examinerons  le 
régime  physique,  qui  nous  paroîtroit  convenir  dans 
les  prisons  >  soit  pour  l'état  de  santé,  soit  pour  celui 
<le  maladie« 

CHAPITRE  P^.  Des  prisonniers  en  état  de  santé. 

Avant  d'entrer  dans  le  détail  des  moyens  propres  à 
conserver  ou  à  réparer  la  santé  des  prisonniers,  j'ai  à 
remplir  un  devoir  que  m'imposent  la  jRstice  et  la 
reconnoissance  :  c'est  de  publier  les  secours  précieuse 


ïi6  DES  prisons: 

que  m'a  fournis  un  rapport ,  qu'on  m'excusera  facile* 
ment  de  ne  pas  louer  ici ,  et  dans  lequel  un  méidlécin 
justement  célèbre  ,  dont  le  dévoûmént  pour  l'humà^ 
nité  s'exerce  sur  toutes  les  classes  et  t^hez  tons  les 
peuples  ,  a  consigné  le  fruit  de  ses  réflexîoiis  et  de  sou 
expérience  isur  le  régime  de  santé" à  introduire  dans  lefc 
prisons.  Etranger,  par  ma  profession ,  aux  connois- 
sances  médicales ,  j'ai  été  heureux  de  trouver,  dans  leè 
écrits  mêmes  des  membres  de  la  Société  Royale  des 
prisons  5  des  autorités  à  l'appui  de  mon  opinion  ^  on 
des  lumières  dont  j'avois  besoin  pour  éclairer  ma 
marche  datïs  une  carrière  nouvelle  pour  moi.  J'y  ai 
puisé  des  aperçus  pleins  d'utilité,  et  surtout  des  dec-- 
trtnes  irrécusables  et  fécondes  en  conséquences;  j'y  ai 
recoïinu  quelquefois  des  erreurs  que  j 'a vois  commises, 
des  détails  qui  m'étoie^it  échappés;  et  quelquefois  aussi 
j'y  ai  vu  confirmer,  par  l'autorité  la  plus  encoara- 
geante ,  des  idées  que  je  n'eusse  présentées  qu'avec  dé- 
fiance, si  elles  m'eussent  appartenu  exclusivement*    » 
Loin  de  nH)i  cependant  la  lâche  flagortierie  de  m'é^ 
clîpsèr  entièrement,  pour  mettre  à  couvert  sons  de» 
tionis  illustres  des  pensées  q«i ,  bonnes  oii  mauvaises  y 
m'appartiennent  en  propre,  et  dont  je  dois  porter 
toute  la  responsabilité.  Je  ne  dois  pas  dissimuler  ici  que, 
malgré  ma  juste  défiance  de  mes  forces,  je  n'aï  pas  cm 
,   devoir  sacrifier,  toujours  et  aveuglément,  mon  opinion 
à  celle  d'hommes  dont  le  nom  seul  est  presque  une 
autorité,  mais  qui  repousseroient  eux- mêmes  avec 
indignation  un  hommage  aussi  servilé.  J'ai  cru  pou- 
voir examiner  les  raisons  qui  les  ont  décidas  à  em- 
brasser certaines  idées,  peser  celles  que  je  crois  avoir 
de , penser  ilifféremment;  et,  «quand  il  ne  m'a  pas  été 
possible  de  changer  ma  manière  de  penser,  j'ai  regardé 


DU  REGIME  PHY3IQUE.  1 1  ^ 

ç&n}me  tpon  devoir  <lç  dénoncer  courageusement.  La 
inodestie  est  iipe  excuse  aussi  fausse  qi^nsuffisantet 
qiiand  il  s'agitdii  bien  de  l'humanité)  il  ny  a  point 
de  motif,  quelque  spécieux  qu'il  soU^  qui  piiijfse  dis- 
penser de  publier  une  vérir«  que  Ton  croit  utile.  ^' 
'  L'hygiène  des  prisons.,  ou  cette  partie  du  régime 
physique  qui  co.ncern^  les  prisonniers  dans  Tëtat  de 
santé ,  a ,  elle-même ,  un  doublç  objet  à  remplir  t 
jM'éserver  la  santé  deS  fléaux  qui*  peuvent  l'altérer,  et 
fournir  aux  prisonniers  tous  les  secours  nécessaires 
.pqur  Tentrelenir.  Ecarter  les  choses  nuisibles,  procu- 
rer  les  choses  nécessaires,  tels  sont  tes  moyens  qui 
doivent  conduire  au  but  de  Thygiène,  la  conservation 
de.  la  santé.  Nous  verrons,  dans  un  second  chapitre, 
comment  on  doit  chercher  à  réparer  la  santé»  quand 
plie  csst  compromise,  ou,  en  d'autres  ternies,  en  quoi 
consiste  le  régime  des  prisonniers  dans  Tétat  de  maladie. 

Section  \^^.  Des  mesures  préservatrices^,  ou  des 
moyens  pr^res  à  préserver  la  santé  du  danger  du 
séjour  dans  les  prisons. 

La  santé ,  d^ns  les  prisons ,  est  ordinairement  oom-» 
promise  par  des  causes  générales,  qu'il  faut  découvrir 
et  combattre,  si  Ton  veut  y  entretenir  un  état  satisfais 
sant  de  santé. 

De  toutes  les  choses  nécessaires  à  Texistence  de 
rhômme,  il  n'en  est  point  dont  il  ait  un  besoin  plus 
pressant ,  et  surtout  plus  continu,  que  l'air:  il  n'en  est 
peat-être  p^s^non  plus  dont  les  mauvaises  qualités  lui 
soient  plus  funestes.  Dès  qu'il  cesse  de  remplir  le» 
conditions  qui  le  rendent  utile,  il  devient  un  poison 
redoutable  ;  il  porte ,  au  sein  des  hommes  les  plua;ro- 


n8  DES  PRISONS. 

bustes ,  la  mort ,  accompagnëe  de  toutes  ses  horreur? , 
la  langueur  et  la  décomposition ,  ou  les  fièvres  putrides 
avec  toufe  leur  fougue.  Jamais  aussi  ses  résultats  ne 
sont  plus  terribles  que  datis  les  prisons,  parce  que^ 
nuHe  part  ailleurs ,  Tair  ne  se  décompose  aussi  rapw 
dément.  L'air  vicié  est  donc  le  premier  ennemi  que 
l'on  ait  à  combattre  dans  les  prisons,  pour  maintenir 
la  santé  des  détenus. 

Pour  que  l'air  soit  salubre,  il  faut  qu'il  soit  sec  et 
pur  :  sans  le  concours  de  ces  deux  conditions,  on  n'a 
qu'un  air  vicié ,  plus  propre  à  empoisonner  les  sources 
àe  la  vie ,  qu'à  faire  jouer  le  double  ressort  de  la  circu- 
lation du  sang  et  de  la  respiration. 

La  première  condition ,  la  sécheresse ,  tient  absolu  - 
ment  à  la  situation.  Une  prison ,  bâtie  dans  un  terrain 
marécageux ,  et  enveloppée  de  brouillards  continnels , 
ou  privée,  par  sa  position  ^  de  la  bénigne  influence  des 
rayons  solaires ,  ne  peut  jamais  être  remplie  que  d'une 
atmosphère  humide ,  et  l'on  s'accorde  à  regarder  l'hu- 
midité comme  l'un  des  vices  de  l'air  les  plus  dange- 
reux. Ce  n'est  point  ici  le  lieu  de  dérouler  l'effrayante 
et  incontestable  nomenclature  des  maux  qu'engendre 
cette  funeste  qualité  de  Tair  ;  mais  qu'on  lise  ces  pages 
éloquentes ,  on  des  médecins ,  aussi  éclairés  que  sen- 
sibles, signalent  les  effets  désastreux  de  l'humiditc 
permanente ,  et  l'on  verra  que ,  s'il  est  im  danger  dont 
il  soit  urgent  de  préserver  les  prisonniers ,  c'est  surtout 
celai  de  vivre  dans  une  prison  que  sa  position  rendrott 
naturellemenl  humide.  Qu'on  ne  croye  pas  y  remé- 
dier jamais  par  des  précautions  dé  détail ,  par  des  me- 
sures sanitaires;  ce  sont  de  vains  palliatifs  qui  peuvent 
bien  dissimuler  le  vice  radical  d'un  mauvaise  exposî- 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  i  j  9 

tioii ,  mais  qui  ne  rempl^ercNat  jamais  l'avantage 
indîspeusabte  d^une  situation  feyorable. 

C'est  donc  dans  rétablissement  même  des  prisons^ 
et  dans  le  choix  de  leur  emplacement ,  qu'il  faudra  se 
préeautionner  contre  Thumidité*  Quant  aux  moyens 
d'en  corriger  les  effets,  lorsqu'on  n'a  pas  su  s'en  ga- 
rantir, réservons-les  pour  les  cas  où  des  prisons,  déjà 
construites ,  seroient  assez  malheureusement  situées^ 
pour  élre  plongées  dans  une  humidité  permanence.: 
Jes  palliatifs  sont  précieux,  quand  on  ne  peut  pas  atta- 
quer le  mal  à  sa  racine. 

Nous  avons  vu  que  l'air,  pour  être  salutaire,  doit 
être  sec  et  pur.  L'exposition  peut  seule  garantir  la  pre- 
mière de  ce2|  qualités;  la  seconde  ne  peut  résulter  que 
du  concours  de  c^  tte  condition  avec  certaines  précau- 
tions, et  surtout  avec  la  propreté  la  plus  scrupuleuse  : 
autrement,  l'air  pourra  bien  être  sec,  mais  il  ne  sera 
point  pur,  et  la  s^li1brité  ne  sera  pas  moins  compro- 
mise dmis  un  cas  que  dans  Tautre.  «^  . 

L'air  où  nous  vivons  est  incessamment  altéré  par 
les  émanations  étrangères  dont  il  se  charge  :  de  là  ré- 
sulte le  danger  des  grandes  réunions  d'hommes,  où 
Ton  ne  respire  plus ,  après  un  ceatain  temps ,  qu'un  * 
air  empoisonné.  Les  prisons  y  sont  plus  exposées  ea- 
eore  que  tout  autre  établissement;  le  rassemblement 
sar  le  même  point  d'un  nombre  d'hommes^  souvent 
di^roportionné  avec  l'étendue  du  local ,  les  mauvaises 
dispositions. physiques  de  beaucoup  d'entre  eux,  et 
quelquefois  aussi  la  nature  des  I  ravaux  auxquels  ils  se 
livrent,  concourent,  avec  activité,  à  dénaturer  l'air 
qu'on  y  respire.  On  sait  d'ailleurs  qu'il  Suffit  de  la, res- 
piration et  de  la  transpiration ,  pour  cori*ompre  en 


ï2t)  BESPRKQNS.. 

peu  de  temps  nne  assev  grande  massé  d'ath  Le  e^nn 
ordinaire  des  choses,  mèrhe  satis  qu^aiicon  accident 
4*aît  aggrave,  exige  donc  des  soine  conlinueb  pour 
entretenir  la  pureté  de  Taîr. 

•  Iid  première  précaution  à  premlre^  c'est  de  tie  ja^ 
-mais  entasser  dans  une  prison  plus  de  prisoDoiers 
qu'elle  n'en  peut  contenir,  et,  quand  onn'y  aur^  admis 
que  ie  nombre  convenable  de.  prisoiitiiersy  il  faudra 
encore  avoir  soin  de  renoui^eler  fréquemment  la  masse 
d'air,  sriit  d'une  manière  générale ,  mais  temporaire , 
en  ouvrant  les  portes  et  les  fenêtres  dans  toute  leur,  larr 
geur ,  soit  d'une  manière  plus  insensible ,  mais  conti- 
nuelle, an  moyen  de  courans  d'air  entretenus  par  dâs 
veMilateurs  :  on  doit  toujours  faire  concourir  ces  deuic 
moyens  de  salubrité.  ^ 

On  parviendra  bien ,  par  leur  secours,  .à  purger  I^ 
bâtimêns  de  Tair  vicié  qui  s'y  étoit  accumulé,  surtout 
si  les  fenêtres  s'ouvrent  jusqu'au  haut  des  apparte- 
meus,  et  que  les  ventilateurs  soient  placés  «dans  les 
angles  et  le  plus  près  possible  du  plafœid ,  à  cause  de  la 
tendance  de  çert;lins  gax  à  s'élever  toujours  et  à  sé- 
journer dans  les  coins;  mais  il  n'est  pas  moins  impor-* 
tant  de  retarder,  autant  que  possible,  cette  décompo- 
sition de  l'air,  qui  force  de  lui  donner  un  écoulement 
)>ériodique.  La  seule  présence  de  l'hûrame  étant  suffi- 
saute  pour  altérer  l'air  et  en  nécessiter  le  rénouvelle-* 
ment ,  il  faut  écarter  avec  soin  tout  ce  qui  pourroit 
augmenter  ou  accélérer  cette  altération.  La. malpro- 
preté est  Tune  des  causes  qui  y  concourent  avec  le  plu& 
d'énergie ,  par  la  nature  et  la  quantité  des  miasmes 
putrides  qu'elle  accumule  et  abandonne  dans  leslieox 
•sôuiMés<pdr  sa  présence ,  et  qui  ne  tardent  pa$  à  infcc* 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  i^ii 

1er  i'âlr  ati  ils  sont  ]>oinpës;  i>'ailleurs  ki  malpropreté 
expose  les  prisonniers  aux  accidens  les  plus  fâcheuxs 
aggrave  les  >  maladies  les  plus  simples  aîonte  une  ef- 
frayante énergie  à  celleS'  qui  ont  des  caractères  pins 
prononcés;  elle  engendre;  même  souvent  ces  maladies 
honteuses  )  dont  les  résultats  sont  aussi  dégoÂtans*  que 
«rorigine  en  est  ordisiairement  repoussante.  Far  là  elle 
-ten4  encore  indirectement  à  corrompre  Tair,  plus  ra<- 
pidement  vicié  par  des  malades  que  par  des  hommes 
sains. "Tou^ ces HéauxV nés  d'un  seul,  prouvent  la  né- 
^cessité'de  le  combattre  avec  persévérance.  Nous  avons 
indiqué,  en  parlaàtde  la  discipline ^  les.moyens d'en- 
tretenir la  propreté  des  personnes  et  des  lieux  qu^elles 
'fîaiiitent;'  on  devra  tenir  soigneusement  la  main  à 
l'exécution  de  tous  les  règlemens  de  ce  genre. 

Les  bains,  dont  nous  avonsdéjà.recomDfiandé  Ta- 
rage, sont  un  des  plus  surs  préservatirs  coptre  tous  lés 
niàux  enfans  de  la  malpropreté.  Utile  en  fout  tempes, 
te  moyen  de  salubrité  Test  peut-être  plus  encore  en 
hiver,  que  dans^  la  belle  saison.  Destinés  principale- 
-mept  à  dégager  les^  pores  de  la  peau  de  twiteé  les  stih- 
•stances  étrangères  qui  les  obstruent,  les  bxiins  sont 
surtout  nécessaires  peiidant  l'hiver,  ou  le  chauflage, 
-toujours  grossier,  quW  peut  fournir  aux  prisonniers, 
4es tient  continuellement  plongés  dans  une  atmosphère 
'poudreuse»  Les  bains  y  pris  en  hiver,  doivent  toujours 
être' chauds,  Xa  dépense  qu'entraineroit  le  chauffage 
d^ine  quantité  d'eau  suffisante  pour  tous  les  prison-^ 
iiiers.^  paraîtra  peut-être  excessive  ;  mais  on  peut  la 
dimimier  de  beaucoup ,  et  même  la  rendre  presque 
insensible,  en  faisant  servira  cet  usage  le  feu ,  (onjours 
nëceçSfiire  dans  les  prisons ,  pour  la  confection'  des  ali- 


123  DES  PRISONS. 

mens  et  là  préparation  des  médieamens  :  on  peut 
même  y  appliquer  le  feu  destiné  au.chaufTage  des  ate- 
liers. Un  appareil  assez  simple  sutBra  pour  tirer  parti 
de  la  chaleur  produite  par  les  poêles  ou  par  les  four* 
neaox ,  sans  augmenter  sensiblement  la  dépense  géné- 
rale* On  doit  accueillir  avec  faveur  tous  le^s  moyens 
économiques ,  dont  Teffet  serc^t  d'assurer  aux  détenus 
un  avantage  y  que  la  crainte  de  la  dépense  auroit  peut- 
être  fait  ajourner. 

Les  moyens  employés  pour  chauffer  Teau  des  bains 
•donneront  en  même  temps  la  facilité  de  passer  au  fea 
les  habits  et  les  bois  de  lit ,  pour  détruire  la  vermine 
et  les  germes  de  Tinfection. 

.'  C'est  encore  une  attention  indispensable,  pour  le 
maintien  de  la  salubrité ,  que  de  préserver  les  prison- 
niers sains  de  tous  rapports  avec  ceux  qui  seroient  at- 
taqués de  ijialadies  contagieuses.  C'est  dan»  le  second 
chapitre ,  destiné  au  régime  des  prisonniers  dans  Tétat 
de  maladies,  que  nous  détaillerons  les  moyens  d'exé- 
cution de  cette  mesure. 

Quant  à  la  surveillance,  qui  aura  pour  bat  la  pro- 
preté des  bâtimens,  elle  devra  s'exercer  sur  toutes  les 
^parties  qni  les  composent,  mais  particulièrement  sur 
uî)  objet  trop  important ,  pour  n'avoir  pas  déjà  occupé 
les  méditations  de  ces  hopomes  qui  ne  dédaignent  au- 
cune occasion  de  servir  leurs  semblables ,  quelque 
méprisables  que  paroissent ,  aux  yeux  du  vulgaire ,  les 
sujets  qui  attirent  leur  attention.  Je  veux  parler  des 
lieux  d'aisance,  dont  letat  a  une  infkience  très-grande 
sur  la  salubrité  des  établissemens  dont  ils  dépendent 
Jusqu'à  ce  jour,  il  faut  en  convenir,  ils  sont  loin  d'at- 
teindre le  point  où  il  seroit  à  désirer  qu'on  les  portât  : 


DU  REGIME  PHY  SIQUE.  1 23 

soh  qae  les  moyens  employés  n'aient  pas  été  assez  ef- 
ficaces ponr  diminaer  les  inconvëniens  sensibles  qu'ils 
eniminent ,  soit  qa'on  ait  exécuté  avec  négligence  les 
mesares  proposées ,  dans  tontes  les  prisons ,  les  lieux 
d'ais^mce  sont  disposés  avec  si  pen  d'adresse ,  que , 
malgré  les  soins  asndos  que  Ton  prend ,  dans  quelques- 
imes ,  pour  les  entretenir  dans  un  état  satisfaisant ,  ils 
présenient  toujours  un  foyer  d'infection ,  qui  répand 
dans  tout  le  bâtiment ,  et  surtout  dans  les  chambres, 
dont  ils  sont  ordinairement  voisins,  les  exhalaisons 
les  phjs  pernicieuses.  Le  seul  moyen  de  parer  à  cet  in- 
convénient majeur,  est  peut-être  l'emploi  des  fosses 
mobiles  et  inodores,  déjà  en  usage  dans  les  prisons  de 
Turin ,  et  dans  plusieurs  autres  établissement  publics. 
La  nécessité  d'une  vidange  fréquente  et  périodique, 
est  moinsnne  charge  qu'un  avantage  incalculable  pour 
k  salubrité.  L'introduction  de  ces  machines,  dont  Tu* 
tilité  a  déjà  été  reconnue  et  appliquée ,  seroit  donc  une 
amélioration  très-précieuse  dans  le  régime  des  prisons^ 
C'est  par  l'emploi  de  semblables  moyens,  que  l'on 
parviendra  à  écarter  des  prisonniers  les  principaux 
,  dangers  auxquels  leur  position  les  expose.  Nous  avons 
du  nous*  en  occuper,  avant  de  passer  au  détail  des 
choses  nécessaires  à  l'existence,  que  l'administration 
doit  leur  procurer  :  ayant  de  conserver  la  saiïté,  il  fal- 
loit  la  garantir.  * 

Section  ii.  Mesures  conserçairices ,  ou  moyens  d'en- 
tretenir la  santé  des  détenus. 

TARAGRAPDE  PREMIER.  De  la  nowriture, 

La  nourriture ,  l'habillement ,  le  logement ,  sont 


124  ÏMES  PRISONS., 

des  besoins  communs  à  tous  les  hommes.:  lés  "ptfSQf^rr 
fiiers  les^éprouveiit  .cotnmo  les  autres;  ilsiromt^A^ 
perdti  le  droit  de  leis  satisfaire;,  mais  ils  eo. ont  pep4o 
tes  moyens.  La  société  doitdcHic  y  suppléer  :  iel  est  l'ob-^ 
}et  de  cette  partie  du  régime  physique  ^  qm  ji  pour  but 
de  conserver  la  santé  et  l'existence  des  prisonniers,  ^ 

Leur  nourriture  )  le  premier  des  besoins  de  rhon»mey 
doit  être  abondante  et  salubre,  c'est-à<-<lire  capable 
de  réparer  leurs  forces  et  d'entretenir  lettr  santé.  La 
nécessité  de  la  leur  fournir  une  fois*  reconnue.,  ilest 
clair  qu'il  faut  le  faire*  complètement  et  ne  pas  y 
pourvoir  à  den^,  on  d'une  manière  préjudiciable  à 
leur  santé.  L'économie,  indispensable  dans  toi^  le 
service  des  prisons ,  et  surtout  dans  cette  pantie  du  ré- 
gime qui  occasione  des  dépenses  journalières,  oblige 
en  même  temps  de  ne  leur  donner  qu'une. nourriture 
fort  simple.  Heureusement  c^est  ici  un-vérttable  avanr 
tage  que  produit  la  nécessité  :  la  simplicité  des  alimens 
est,  pi'esque  toujours,  une  garantie  de  leur  salubrité; 
elle  seule,  d'ailleurs,  peut  donner  les  moyens  de  ne 
pas  restreindre  la  dose  nécessaire  au  soutien  des  forces 
de  l'homme,  et  de  nourrir  suffisamment  les  prison-* 
nîers,  pour  une  somme  modique.  Leurs  besoins  réels 
sont  si  grands,  elles  ressources qu'on^ peut  y  oppos^r^ 
si  éloignées  de  les  atteindre ,  que  la  prudence  et  l'hu- 
manité font  un  devoir  de  l'économie  la  plus  sévère, 
dans  l'emploi  des  fonds,  qui  seront  alloués  pour  Ten^ 
tVetien  des  prisons.  On  ne  devra  donc  donner  aux 
détenus  que  des  alimens  simples  et  peu  coûteux,  mais 
toujours  abondans.  Ge  n'est  pas  sur  la  qu^intité  néces- 
saire qn'il  faut  chercher  à  faire  des  épargnes ,  cest  sur 
la  nature  des  alimens  :  pourvu  qu'ils  soirnt  sains  et 


Dû  REGIiyiE  PHYSIQUE.  lafi 

eon venabrlenrent  pi  épatas ,  conditions  ^ui  ne  coi^lèiit 
qu'tin  bbi)  4boix  èiqt)elque$.8CHmt  on  devra  sW  conr 
tenter^  sans  chercher  le  pltfsrou  moins  de  délîcatesf q. 
La  société  doit  a«x  prisotitiiers  le  nécessaire,  eUe  ne 
leur  doittp^int  de  ^ùoissdflces  ;  et  d'aîlteurs ,  aiimnt  de 
péu^Faiti  Mpei^flo,  ii  f^ndlroit  attendre  qu'on- a'eât 
pin»  rien  d'es^i^l  à  dési  rér « 

Gefi^ndànt,  «  i'adminiatràtkai  tie  pênt  se  croire 
obligée  de' fournir  aux  prisonniers  phis  que  la  nourri  ^ 
fute  iaéceiQ9ail*e,  qui<sera'  inévitablement  fr^igale'y  il  f 
auroit  une  ci^uaufë  inutile  et  contraire  à  Teapritet^H 
bntde4ia'loi  à  refuser  aux  détenus,  qui  en  auraient  le 
moyen»,  là<permissiofei  de  se.prO€uretqueiqne3)alijnn(0i||^ 
exiro0rdisaires ,  soit  en  ï^é  achetant  da  pHrix  de  leu|* 
travail,  soit  eii'  les  i^cevant  des  per^nitQi^  du  dfihor^ 
Si  la  loi  ledi''  donne  la  f^cullé  de  faif  e  qi^ellpies  l^gei'^ 
profits,  il  faât  biètn  qu'ils  puiil^eiit  les  âfpploj'er  à  h\Vf 
usage  :  cette  permission  a  mâme  l'atyailt^e.de  lies  tor 
coura^r  4u  tj^avail^  qui  leûli  prcHrure  un  adou(;ias^- 
ment  pasâagerw  L^s  prisi^nniers  pourront  donc  aj outer 
d'ettx-nciéf%i^s  un  suppMnoent  aMx  vmes  que.  Tad^aifiisr 
tration  leîir  fournira;; aiiisL  leur  ïtontriture  se  «ompp^- 
sera  des  aiiflàens  qui{40itr  àeroRft  dotinés  ,  à  tous  ^ 
conikne  régime  ordinaire  de  la  pârîspn^  et  de  teul:  qu'ils 
pourroni  y  a|outer  comme  supplémentaires. 

Là  nourri^re  ordinaire  des  détins  doit  être  abour 
dàiïte,  c'est'à'idii'e  au  moins  égale  aux  besoins  de  ceux 
à  qui  oo'  1^ donne;  car  ce^  de  ia  rélatioti  entr^  le 
besaîn ,  et  les  moyen»  d'y  satisfaire ,  que  résultant 
Tabondance  ou  1^  pénurie,  11  e^t  sans  doute  impossible 
de  proportionner  la  quantité  de  la  nourriture  aux  bèr 
aoios  de  chaque  prbonnier  en  ^af*ticuliery  et  il  faudra 


126  ^ES  PRISONS. 

nëcessairement  se  contenter  d'un  terme  commtiti  c5t 
approximatif,  qui  contienne  à  la  généralité  des  déte-^ 
nus;  mais  l'abondance  résultera  de  la  fixation  de  ce 
terme  à  un  taux  assez  éleré ,  pour  qae  nul  de  ceux  à 
qui  on  l'appliquera  n'éprouve  de  privation,  sur  la 
quantité  d'alimens  qui  lui  est  nécessaire.  Si  un  seni  des 
prisonniers»  abstraction  faite  toutefois  dt  ces  hommes 
dont  l'appétit  extraordinaire  forme  une  véritadbile  ex- 
ception y  n'a  pas  une  dose  d'alimens  équivalente  à  ses 
besoins ,  la  nourriture  n'est  pas  abondante  ^  et  doit 
^tre  augmentée.  * 

'  Pour  concilier  l'économie  avec  cette  abondance  re-^ 
lative ,  dont  tous  les  prisonniers  doivent  jouir,  on  peut 
les  partager  en  plusieurs  classes ,  auxquelles  on  doime-» 
roit  la  nourriture  à  plus  ou  moins  forte  dose ,  suivant 
la  proportion  de  leurs  besoins.  Cette  distribution  pro* 
portionnelle  ,  impossible ,  si  on  vouloit  l'étendre  aux 
individus,  devient  d'une  application  facile,  lorsqu'on 
la  restreint  aux  masses.  Ainsi  on  peut  faire  des  détenus 
deux  classes;  l'une  composée  des  enfans  au-dessous  de 
quinze  ans ,  et  l'autre  de  tous  les  adultes,  et  donner  à 
la  seconde  une  plus  forte  quantité  de  nourriture  qu'à 
la  première  :  la. même  division  pourroit  être  établie 
entre  les  hommes  et  les  femmes,  lesvhommes  faits  et 

lès  vieillards,  etc Par  là  on  éviteroit  l'altenaative^ 

soit  d'une  perte  réelle ,  en  donnant  trop  de  nourriture 
à  ceux  qui  mangent  le  moins;  soit  de  l'inconvénient 
fâcheux  de  réduire  ceux  qui  mangent  l#  plus  à  une 
portion  insuffisante  .pour  eux  :  chacun  auroit  ce  qu'il 
lui  faut ,  et  rien  au-delà  ;  il  y  auroit  abondance  sans 
dilapidation. 
Mais  il  ne  suffît  pas  que  la  nourriture  soit  aboo^ 


I 

■  \ 


i 

DU  REGIME  PHYSIQUE.  127 

jante ,  il  faut  encore  qu'elle  soit  saine ,  et  cette  vérité 
n'a  pas  besoin  de  démonstration.  Les  alimens  qu'on 
donnera  aux  prisonniers  doivent  réparer  leurs  forces , 
entretenir  leur  santé ,  et  non  pas  devenir  pour  eux  un 
fardeau  inutile  ou  dangereux.  Chacun  est  convaincu 
de  l'évidence  de  ces  principes ,  mais  peut-être  n'a-t-on 
pas  assez  cherché  à  les  appliquer  dans  la  pratique.  La 
salubrité  des  alimens,  comme  leur  abondance,  est 
parement  relative  ;  on  ne  peut  l'assurer  par  des  règles 
invariables.  Des  alimens  très-propres  à  soutenir  les 
forces  des  uns,  sont  souvent  capables  de  détruire  la 
santé  des  autres.  Il  ne  peut  donc  pas  y  avoir  à  cet  égard 
de  règles  absolues;  elles  dépendent  toujours,  plus  ou 
moins,  des  circonstances  particulières. 

Ces  principes,  incontestables  en  eux-mêmes,  seroient 
sans  doute  inapplicables  dans  un  détail  trop  minu- 
tieux; il  faut  savoir  se  borner,  même  en  demandant 
des  choses  justes  et  utiles.  Aussidans  cet  instant,  .comme 
plus  haut ,  en  traitant  de  la  quantité  des  alimens ,  je  ne 
parle  que  des  masses  et  jamais  des  individus.  Sans 
doute  ce  n'est  pas  une  chimère  que  de  chercher,  d'une 
manière  générale,  à  approprier  la  nourriture  à  ceux 
à  qui  on  la  donne.  Uexemple  de  certaines  classes,  pour 
lesqudles  on  a  souvent  proposé  et  exécuté  des  règle» 
partîculièresde  diététique,  les  gens  de  guerre,  les  mate^ 
loU,  etc.,  prouve  qu'on  peut  très-bien  s'occuperdu  choix 
des  alimens  les  plus  convenables  en  général  pour  telkou 
telle  classe,  telle  ou  telle  profession ,  et  appliquer  dans 
la  pratique  le  résultat  de  ces  spéculations.  Des  méde- 
cins estimables  ont  consacré  leurs  veilles  laborieuses  à 
tracer  ces  règles  d'hygiène  spéciale.  Auroient-ils  con- 
aumé  un  temps  précieux  à  ces  méditations ,  ^'y  sergient- 


liS  DES  PHISONS. 

ils  livres  successivement  avec  une  ardéitr  tbujônvl 
nouvelle,  les  aufoîent-ils  enfin  publiés  i^i-  des  époqne» 
difrérentes,  s'ils  n'avoieut  cm  fermement  à  leur  .utilité 
ëi  à -la  possibilité  de  tes  mettre  en  pratique?  Mais  ce 
qu'ils  ont  fait  p6ur  tes  marins  et  pour  kssoldats^  pour-» 
quoi  ne  le  ferôit-on  pas  pour  les  prisonniers?  Pour-» 
quoi  ne  chercheroit-on  pas  quel  est  le  genre  de  noar^ 
riture  qui  leur  convient  le  mieux?  La  nonriritiire  âani 
les  prisons  né  peut-elle  pas  ètre^appropriëe  à  Tëtat  crà 
met  ordinairement  la  détention  V  et  nrnérai!  modifiée 
suivant  les  différences  qn'ent rainent  encore  les  circons^ 
tances  locales  et  les  conditions  partieolières  à  chaque 
triasse  de  prisonniers  ? 

Les  prisonniers,  à  raison  de  leur  captivité  et  du 
genre  de  leurs  travaux  ordinaires,  doivent  être  rangés 
dans  la  classe  des  ouvriers  sédentaires.  On  sait  que  ces 
iiommessont,  en  général,  ceuxdowt  la  santé  est  la  pliié 
mauvaise ,  chez  qui  les  digestions  se  font  le  plus  diffici-* 
fement  et  qui  ont  le  plus  besoin  d'un  bon  régimrè  dië-^ 
tétique;  leurs  altmeiis  doivent  être  asftz  nnnrrissans 
pour  réparer  leur  forces  altérées  par  un  (ravaU- assidu 
et  pénible ,  et ,  en  même  temp$9  d'une  digestroii  assez 
fac.ite  pour  ne  pas  incommoder  des  hommes  toujours 
Renfermés  dans  des  afïpartemehs  étroitsetprivésd'airv 
et  souvetit  forcés  de  travailler  dans  une  posifioô  gé-^ 
Yiante.  Il  en  est  dé  même  dés  prisonniers,  et  ces  condi- 
tions de  la  nourriture  sont  encore  plus  essentielles 
pout  ttix  que  pdtir  les  ouvriers  ordinaire^ ,  parce  que 
les  causes  qui  les  rendent  nécessaires  agissent  sor  eak 
avec  bien  plus  d'énergie  encore.  Je  voudrois  àttasl  que 
leur  nourriture  fâè  choisie  dû  manièreà  combattre  ries 
fune&tes  eifetisde  la  captivité^ 6t  du  chagrin ^  Paittnie^ 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  x  ag 

la  flaccidité  de^  solides,,  la . disposition  aax  affections 
scorbqtiqueÀ  où  adynaaiiques.  Peat-être  seroit-il  asse^; 
facile  d'atteindre  ce  but,  dans  âncon  accroissement  de 
dépenses.  Nous  allons  exposer  nos  vues  à  cc)l  égard. 

Un  usage,  fondé  sur  la  loi ,  donne  pour  nourrîturt 
ordinaire  aux  détenus,  du  pain  et  une ^upe.  Je  suit 
loin  de  proposer  aucun  changement  à  ces  dispositions, 
qui  me  paroissent  propres  à  remplir  mes  intentions  ;  et 
même ,  s^il  est  un  vœu  que  j'aie  à  fornieï*^  sous  ce  rap- 
port, c'est  qu'on  exécute  partout  Tordre  du  législa-^^ 
tenr,  et  que,  dans  toute  la  France,  les  prisonniers  aient^ 
tous  les  jours,  la  soupe  qui  leur  est  due,  et  ne  soient  pas 
l*édults  à  la  seule  ration  du  pain. 

•  Mais ,  tout  en  approuvant  ces  bases ,  qui  me^parois-^ 
sent  suffisantes  pour  atteindre  mon  but ,  je  Voudrois 
qu'on  les  appliquât  de  la  manière  la  plus  favorable  à 
la  santé  deis  détenus,  et  qii^on  leur  fit  trouvek*,  tout  à  la 
JTois,  dans  leur  nourriture ,  Taliment  nécessaire  à  leur 
existence  et  un  préservatif  contre  les  maux  qui  les  me-* 
nacent  continuellement.  La  soupe ,  qui  £ait  partie  né-* 
cessaire  de  ce  régime,  est  susceptible,  par  sa  composi- 
tion, de  remplir  très*faciiement  cette  indication  ;  la 
nature  des  légumes  qu'on  y  fera  entrer,  et  dont  une 
partie  peut  se  cultiver  dans  la  prison  même ,  me  sem- 
ble un  moyen  très-puissant,  soit  comme  préservatif, 
soit  même  comme  curatif ,  que  Ton  ne  doit  pas  négli- 
ger. Le  choix  des  viandes  est  encore  loin  d'être  indif- 
férent ,  puisqu'il  en  est  qui  disposent  précisément  aux 
maladies  qu'on  a  le  plus  à  craindre  dans  les  prisons.  II 
est  donc  vrai  qu'on  peut ,  par  le  choix  des  denrées  que 
l'on  emploiera  à  la  confection  de  la  soupe,  lui  donner 
des  propriétés  plus  ou  moins  convenables  à  ceux  ppur 

9 


i3o  DES  PRISONS. 

qnî  elle  est  destinée.  Cela  étant ,  ne  seroît-on  pas  réelle- 
rnenl  coupaBlè,  sî  on  ne  s'applîquoît  pas  à  lui  donner 
celles  qui  peuvent  étfê' utiles  aux  prisonniers?  C'est 
ici  le  Heu  d'entrer  dans  quelques  développemens. 

En  général ,  là  sôupé  des  prisonniers  devra  avoir 
pour  objet  de  neutraliser  les  résultats  fâcheux  de  la  clô- 
ture perpétuelle ,  du  peu  d'exercice  que  prennent  des 
déténus,  et  de  l'effervescence  ordinaire  de  leurs  hu- 
hfieurs.  Il  me  semble  que  beaucoup  de  végétaux  frais 
doivent  y  entrer,  et  qu'on  doit  surtout  choisir  ceux 
dont  l'effet  est  de  purifier  la  masse  du  sang  et  de 
calmer  Tirritation  des  nerfs ,  toujours  exaltée  par  le 
chagrin  et  par  le  genï'è  de  vie  des  prisons  :  c'est  au 
niédecin,  dans  chaque  ville,  ou  même  dans  chaque 
'ariondîssement,*a  încfiquer,  concurremment  avec  les 
autorités  que  ce  soin  concerne,  celles  des  plantes  indî* 
^ènes,  qui  lui  paroîtront  les  plus  convenables»  et  les 
liioins  difficiles  à  se  procurer.  On  aura  surtout  égard, 
pour  celte  prescription,  aux  circonstances  du  lien,  de 
la  position  i  et  des  maladies  endémiques  ordinaires,  à 
la  contrée  ou  à  la  prison.  On  aura  soin  également  de 
déterminer  les  viandes  qui  devront  être  exclues,  comme 
ifnalsàines ,  de  la  fourniture  des  bouchers  :  ces  précau- 
tions seront  suffisantes  pour  le  règlement  général. 

Mais  il  sera  bien  d'examiner  ensuite,  surtobt  dans 
les  prisons  considérables,  comme  les  maisons  cen- 
trales ,  si  tous  les  prisonniers  devront  manger  la  même 
soupe.  Les  mêmes  raisons  qui  nous  ont  déterminé 
à  réclamer  leur  division,  relativement  à  la  quantité 
de  la  nourriture,  subsistent,  pour  nous  y  engager  de 
même  pour  la  composition  de  la  soupe.  Celle  qui  con- 
viendf oit  aux  enfans ,  ne  sera  probablement  pas  celle 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  .i5i 

qui  seroit  boqne  pour  les  hommes  faits  .on  .pour  les 
vieillards.  Pourquoi  n'y  mettroit^on,pas  lesdlffércinccis 
qtie  cçs  circonstances  comnian^nl?  Objectepa*t-on 
le  surcroît  d^nibarras  q,u!entraineroit  la  confection 
de  trois  soupes  diCTerentes?  Mais  quel  est  le  caisinieir 
qui  ne  suffise*  très -facilement  à  une  besogne  ao^i 
simple?  Craindi:oitf-OQ  une /augmentation  de  de'pensf}, 
à  raison  du  plujs  grand  nombrede  vaisseaux  qu'il  fau- 
droit  échauffer?  Cette  crainte  seroit  mal  fondée,  puis^ 
qu'un  $eul  fournea4i ,  rempli  de  charbon  de  terre ,  hetft 
échauffer  à-la^fois ,  par  plusieurs  orifices ,  cinq  à  six 
chaudières  qu  bassins  :  on  en  a  des  exemples  dans 
beaucoup  d'établissemens  publics.  C'est  donc  sans  rai- 
son valable  ,  qu'on  se  refuseroit  à  une  amélioratipn», 
qui,  sans  aucune. augmentation  dans  les  dépenses ,  eét 
capable  dC) produire  de  très-grands  avantages. 

Qua^it  au  pain,  objet. principal  de  la  nourriture, 
on  ne  rpeut.pas  lui  donner  de  qualités  ^particulières  : 
.celles  .qui  lui  sont  .propres  sont  assez  salutaires  pour 
qu'on  s'en  contente;  niaifi^il  faut  qu'ilôt  bien  con- 
.fectionné  avec.de  bonne  farine.  Le  mauvais  pain  est 
un  alinieut  dangereux;  et, .comme  c'est  le  fond  de  ki 
nourriture  des  .prisonniers ,  on  doit  veiller,  avec  le 

•  plus  grand  soin  ,  à  ce  qu'il  soit  de  bonne  qualité. 

La  nourriture  des  prisonniers  se  composera  donc  du 
pain  y  à  La. dose  qui  seraTixée ,  proportionnellement^ 
l'âge  des  prisonniers  ;•  par  exemple ,  une  livre  et  demie 
pour  Jes  ^nfans,  et  deux  livres  pour  les  adviltes,  et 
d'une  soupe ,  tantôt  aux  légumes ,  tantôt  à  la  viande. 
,Ici  la  division  religieuse  de  la  semaine  nous  pai*oit 
bonne  à  suivre,  même  sous  les  rapports  physiques.  11 

•  est  bon  de  couper  chaque  semaine  par  deux  jours,,  où 


i32  DES  PRISONS. 

la  nourriture  soit  toute  végétale  :  les  autres  jours,  la 
soupe  sera  composée  de  viande  et  de  légumes.  M.  le 
docteur  Pariset  a  rendu  sensible  l'avantage  de  faîfe 
concourir  la  gélatine ,  extraite  des  os ,  avec  la  viande , 
|)Our  la  confection  de  la  soupe  grasse  :  il  a  démontré  ^ 
qu'en  substituant  une  foible  dose  de  gélatine  à  une  bien 
plus  grande  quantité  de  viande,  qu'on  pourroit  ainsi 
soustraire  à  Tébullition,  on  auroit  une  soupe  aussi 
bonne,  et  beaucoup  de  viande  de  reste,  qu'on  pour- 
roit faire  rôtir;  et,  ci^mme  la  viande  rôtie  ne  perd 
qu'un  tiers  de  son  poids ,  tandis  que  la  viande  bouillie 
se  réduit  de  moitié ,  les  prisonniers  y  trouveroicnt , 
tout  à-la-fois,  une  nourriture  plus  succulente,  plus 
copieuse  et  plus  agréable.  Ces  avantages  précieux  doi- 
vent engager  à  introduire,  dans  toutes  les  prisons, 
l'usage  de  la  gélatine  :  son  prix  modique  ^  et  la  grande 
quantité  de  substance  nutritive  qu'elle  contient,  la 
rendent  infiniment  ntile.  On  a  calculé  que  deux  onces 
de  gélatine,  qui  ne  reviennent  pas  à  cinq  sons,  nour- 
rissent autant  que  trois  livres  de  bœuf;  il  est  aisé  de 
voir  par  là  combien  son  usage  est  avantageux.  Toute- 
fois, il  ne  faudra  point  la  substituer  entièrement  à  la 
viande  ;  les  prisonniers  y  perdroient  la  nourriture  so- 
lide qu'ils  ont  encore  après  la  soupe,  et ,  si  on  emploie 
la  gélatine  pour  faire  la  soupe ,  ce  ne  doit  être  que 
pour  avoir  le  moyen  de  conserver  plus  de  viande  à  rô- 
tir. On  sentira  l'utilité  de  cette  réserve ,  en  pensant 
qu'elle  sera,  en  grande  partie,  applicable  à  l'infir- 
merie. 

Les  jours  maigres ,  on  réservera  tous  les  légumes  , 
qui  auront  servi  à  faire  la  soupe ,  pour  que  les  prison-- 
niers  les  mangent  ensuite  ;  et  la  soupe  se  composera  dti 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  i33 

paîn,  trempé  dans  l^eau,  qui  aura  été  employée  pour  la 
caisson  des  légumes,  et  qui  sera  assez  chargée  de  leur 
substance,  pour  faire  un  bon  bouillon.     , 

Les  boissons  sont  encore  an  puis^sant  moyen  de  pré- 
venir,  ou  de  repousser  des  affections  dangereuses.  Le 
ym ,  pris  modérément ,  et  dans  les  circonstances  con-^ 
venables,  a  des  qualités  que  rien  ne  peut  remplacer 
et  qui  le  rendent  précieux ,  sans  que  son  usage  jouma^ 
lier  soit  indispensable.  Quant  aux  autres  liqueurs  fer^ 
meotées,  elles  peuvent  quelquefois  être  bonnes,  comme 
anti-sepliques,  mais  on  n'en  doit  pas  désirer  l'usage 
habituel  pour  les  prisonniers  ,  parce  que  leur  utilité  ^ 
comme  breuvage  ordinaire ,  n'est  pas  bien  reconnue  : 
d'ailleurs ,  la  raison  d'économie  ne  permettra  guère 
d'en  fournir  aux  détenus.  La.  boisson  générale  ne  pourra 
donc  être  que  de  l'eau  ;  il  nous  semble  même  qu'on 
n'en  doit  pas  fournir  d'autre  aux  prisonniers. 

Mais,  comme  les  liqueurs  fermentées. peuvent  être 
utiles  dans  certains  cas ,  et  qu'il  est  des  hommes  aux- 
quels l'habitude  les  a  rendues  presque  nécessaires ,  il 
devra  être  permis  aux  prisonniers  de,  s'en  procurer  à 
leurs  frais  :  cette  permission  ne  pourra  jamais  s'éteur* 
dre  aux  liqueurs  fortes  et  distillées;  jamais  on  n'en 
doit  souiTrir  l'introduction  dans  les  prisons.  L'èau-de- 
vie.  Tes  liqueurs  de  cette  famille,  et  celles  qu'on  en 
compose,  loin  d'être  jamais  utiles,  sont  toi^jours  peir- 
nicieuses  pour  la  santé;  elles  détruisent  l'estomac,  en- 
ildniinént  le  sang,  augmentent  T irritation. nerveuse, 
et  favorisent  ainsi  le  développement  de  presque  toutçs 
les  maladies  qui  désolent  les  prisons.  On  doit  donc  les 
proscrire  entièrement 

Quciiit  aux  liqueurs  fermentées,  il  esi  si  facile  d'on 


i34  Î>ES  PïllgÔNS. 

aËuser,  qae  leur  emploi  doit  méfne  être  scM^is  à  une 
surveillance  ri^goureiise  et  à  des  règles  exactement  ob- 
servées. Le  vin  ,  par  exemple ,  la  plus  salutaire  de 
toutjes'ces  liqueurs,  est  la  cause  la  plus  générale  et  la 
plus  commune  de  l'ivresse  :  contment  parvicndra-t-ori 
à  en  garrantir  toujours  les  prîsomiîers,  si  on  laisse  du 
vin  à  leur  disposition  ?  Sera-ce  en  fixant  la  quantité 
que  chaque  prisonnier  ftourra  s'en  procurer  chaque 
jour?  Ce  moyen  seroît  bon,  s'il  ii'étoit  pas  aussi  facile 
de  F'élodert  en  achetant  du  vin  sous  plusieurs  noms. 
Celui  qui  auroît  plus  d'argent  que  les  autres,  se  pro- 
curerbît  aisément  dés  prête-noms,  qui ,  pour  un  foîble 
partage,  lui  feroient  avoir  autant  de  vin  qu'il  en  pour- 
roît  désirer.  De  cette  manière ,  il  seroit  impossible  de 
prévenir  l'abus  dont  nous  voulons  nous  garantir,  et  les 
règlemens  les  plus  sages  pourroient  se  trouver  éludés. 
Pour , empêcher  cet  abus,  il  n'est  qu'un  moyen,  qui 
paroîtra  peut-être  rigoureux  à  certaines  personnes» 
mais  qui  me  semble  indispensable ,  et  pris  dans  l'in- 
térêt même  des  prisonniers.  Le  vin ,  pour  être  utile , 
n'a  pas  besoin  d'être  pur;  un  mélange  d'eau,  à  juste 
proportion ,  né  le  rend  même  que  plus  sain ,  et  pré- 
vient toute   possibilité  d'ivresse.    Je  voudroîs  donc 
qu'on  ne  permît  de  vendre  aux  prisonniers  que  du 
virt  mêlé  d'un  tiers  d'eau ,  ce  qui  n'empêcheroît  pas 
de  fixer  encore  la  quantité  que  chacun  pourroît  s'eh 
procurer.  Au  moyen  de  ce  règlement,  on  pourroit 
laisser  jouir  les  prisonniers  de  l'usage  du  vin ,  avec  ses 
avantages^  et  sans  aucun  de  ses  inconvéniens. 

Nul  n'auroit  le  droit  de  se  plaindre  de  cette  mesure. 
Si  le  régime  commun  de  la  prison  doit  se  borner  aux 
choses  nécessaires,  l'utilité  doit  être  la  règle  des  per- 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  x35 

missiops  qu'on  accordera  aux  prisonniers,  à  reffet  d  y' 
ajouter  un  supplément.  On  ne  doit  leur  laisser  la  fa- 
culté de  se  procurer  que  des  alimens  pu  des  t^pisson$ 
qui  puissent  être  utiles,  et  surtout  qui  ne  puissent  ja- 
mais être  nuisibles.  Les  permissions  qu'on  leur  accor- 
dera ne-  doivent  pas  seulement  avoir  pour  objet  de 
leur  procurer  une  jouissance ,  mais  de  leur  procurer 
une  jouissance  profitable  :  à  plus  forte  raison  encore , 
ces  permissions  ne  doivent  contrarier  en  rien  le  bon 
ordre  et  la  régularité  de  la  discipline,  autrement'elles 
deviendroient  un  mal  réel.  Ainsi  on  ne  devra  jamais 
permettre  aux  prisonniers  de  boire  ou  de  manger  hors 
des  heures  destinées  aux  repas  :  une  légère  infraction 
à  cette  règle  transformeroit  bientôt  la  prison  en  une 
scandaleuse  taverne ,  où  les  journées  entières  se  passe- 
roient  en  débauches.  C'est  assez  faire  entendre  qu'on 
doit  en  chasser  absolument  ces  cantines  permanentes , 
sources  fécondes  de  désordres  pour  les  détenns,  de  p;*o- 
fils  illégitimes,  et  de  véritables  exactions  pour  les  geo^ 
liers.  Des  voix  éloquentes  se  sont  déjà  élevées  avec 
force  contre  une  tolérance  aussi  funeste,  qui  devroit 
être  révoquée ,  pour  le  seul  inconvénient  que  i?ous  si- 
gnalons en  ce  moment,  celui  de  fournir  un  aliment 
continuel  au  plus  bas  des  vices,  si  beaucoup  d'autres 
raisons ,  plus  fortes  encore  ,  n'en  commandoient  ini- 
périeusement  la  suppression. 

Au  lieu  d'une  cantine ,  tenue  par  le  gardien ,  je  vou- 
drois  que  l'on  permît  à  plusieurs  marchands,  ri^çqf 
et  agréés  par  la  commission  des  inspecteurs,  de  verjidre^ 
à  l'heure  des  repas  seulement,  aux  prisonniers,  qnelr 
qnes  alimens  et  quelques  boissons  particulière^ ,  <\ut07 
risés  par  les  règlemens.  Ce  marché ,  qui  auroit  lim  en 


i36  DES  PRISONS. 

présence  d'nn  employé ,  seroit  a$suj[éti  à  tontes  jtesme-^ 
sures  dé  précautions  nécessaires  ponr  prévenir  les  ajbn;^ 
qui  pourroient  s'y  glisser  :  le  gardien  n'y  anroit  d'autrç 
rAie  que  celui  de  surveillant.  Quant  aux  prix,  ils  se- 
roient  fixés,  semaine  par  semaine,  d'après  une  mer- 
curiale ,  et  affichés  dans  les  ateliers  et  préaux  :  on  évî- 
teroit  ainsi  tous  les  ipconvéniens  des  cantines  des 
prisons  ,  Tinvitation  continuelle  à  la  débauche ,  les 
exactions ,  le  monopole ,  et  la  dissipation  subite  des 
foibles  ressources,  que  Içs  dét^nuji  se  procurent  par  leur 
travail. 

£n  permettant  aux  marchands  accrédités  d'arriver 
jusqu'aux  prisonniers  directement ,  pour  leur  vendre 
certiiines  denrées,  il  faut  prendre  garde  que  ces  com- 
munications ne  deviennent  dangereuses  ,^  et  ne  four- 
nissent aux  détenus ,  soit  des  moyens  d'évasion,  soit 
seulement  la  possession  de  certains  objets  prohibés^ 
C'est  par  la  craitite  de  ces  inçonvéniens,  qu'on  a  cru» 
jusqu'à  présent ,  devoir  laisser  aux  geôliers  le  monopole 
des  comestibles.  Mars  il  seroit  facile  de  les  éviter,  avec 
un  peu  de  soin,  et  en  employant  certaines  précau- 
tions, pour  régulariser  less^chats  de  bors^nset  de  vivres, 
que  Ton  pourra  permettre  aux  prisonniers.  Les  mar-r 
chands  n'auront  jamais  ta  permission  d'entrer  dans  1^ 
prison  proprement  dite ,  c'est-à-dire  dans  la  partie 
des  bâtimens  occupés  par  les  prisonniers,  mais  ils  de-^ 
vront  s'arriêter  dans  le  prëaq  extérieur,  ou  préau  de 
séparation.  Chaque  atelier,  dans  le  plan  que  nous  pro- 
posons, ayant  un  de  ses  rnurs  commun  avec  ce  préau  , 
on  y  ouvriroit  une  tuearneon  œil  de  bœuf,  suffisant 
seulement  pour  le  passage  des  objets,  q^ne  (es  marchands 
pourroient  apporter  aux  prisoniiieri.  Dans  les  prispn^ 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  187 

coo3iroites  sur  un  antre  plan ,  et  où  les  ateliers  né 
donneroient  point  sur  un  préau  extérieur,  on  établi-^ 
roit  ces  lucarnes  dans  un  corridor,  dans  un  réfectoire, 
on  dans  'tout  autre  appartement  placé  convenable^ 
ment,  et  les  prisonniers  y  seroient  admis  à  Thenre 
fix^e  pour  la  vente  ;  les  marchés  se  feroient  par  ces  ou* 
vertnres ,  qui  seroient  assez  élevées  au-dessus  du  sol , 
pour  qu'on  ne  pét  y  atteindre  du  préau  sans  faire  un 
certain  effort.  De  cette  manière ,  on  verroit  toujours 
facilement  ce  que  les  marchands  introduiroient  dans 
rinlérienr,  et  ils  ne  pourroient  jamais  rien  donner 
aux  prisonniers ,  à  Tiusu  du  gardien  ou  de  son  préposé. 
De  leur  côté ,  les  prisonniers,  se  trouvant  dans  les  ate* 
liers,  toujours  exhaussés  au-dessus  du  soK  verroient 
très-bien  toutes  les  marchandises,  mais.ne  pourroient  les 
atteindra ,  de  sorte  que  les  marchés  se  concluroiént  de 
part  et  d'autre,  en  connoissance de  cause,  et  sans  mo- 
tif d'inquiétude. 

Ces  lucarnes  auroient  f/^  outre  l'avantage  d'établir, 
dans  les  ateliers ,  un  cour^Éht  d'air,  qui  y  est  indispen- 
sable. D'ailleurs  elles  seroient  sans  danger  pour  la  sa- 
retéy  quelques  barreaux  de  fer,  de  bons  contrevents, 
et  surtout  les  dimensions  de  ces  ouvertures,  suffiroient 
pour  prévenir  tout  inconvénient. 

.J'avois  d'abord  pensé  que  Ton  pourroit  se  passer  de 
réfectoires,  c'est-à-dire  d^appartemens  spécialement 
consacrés  aux  repas.  Les  dangers  de  la  réunion  des  pri* 
sonnierasur  le  même  point,  l'accroissement  de  dé- 
pense que  nécessiteroit  cet  établissement,  et  la  crainte 
que  des  motifs  rigoureux  d'économie  ne  forcent  à  y 
sacrifier,  ou  seulement  à  ajourner  d'autres  améliora- 
tions non  moins  précieuses,  m'avoient  amené  à  cher- 


i38  DES  PRISONS. 

•        •      • 

cher,  si  Ton  ne  pourroît  pas  suppléer  à  Tusage  des  ré-^ 
fejctoîres,  au  moyen  dçs  ateliçrs,qjiî  fournissent  d'eux- 
mêmes  june  répartition  des  prisonniers  commode  ei 
permanente  :  ce  plan  n'a  pas  obtenu  le  suffrage  4u 
Conseil  général ,  et  je  n'hérite  point  à  y  renoncer.  Les 
réfectoires  ont  des  avantages,  qu?  rien  ne  peut  rem- 
placer^ pour  la  régularité,  dont  il  est  $i  important  à% 
faire  une  habitude  avix  prisonniers,  pour  la  possibilité 
de  distribuer  commodément  et  avec  ordre  les  alim^Qs, 
de  faire  observer  un  silence  rigpi^reux ,  et  d'occuper  lô 
temps  des  repas  par  une  lecture  instructive  et  /édifiante: 
D'un  autre  côté ,  il  serQÎt  fort  difficile  f.  même  avec  les 
plus  grands  soin^.,  d'entretenir  une  exacte  propreté 
dans  des  ateliers  où  les  prisonniers  pr^ndroient  leut 
nourriture.  Sous  ces  divers  xapport^,  on  ne  peut  donc 
que  recommander  l'usage  des  réfectoires;  et.  je  me  faiç 
un  devoir  d'abandonner  un  projet ,  que  j'aurois  peut^ 
être  hésité  à  proposer,  si  je  n'eusse  cru  y  trouver  iin 
moyen  de  faciliter  et  d'acc^^er  la  réforme  du  système 
des  prisons^  ^ 

Quant  à  l'inconvénient  de  réunir  les  prisonnier^ 
dans  le  mêqie  lieu,  qui  me  paroît  toujours  menaçant 
pour  la  tranqmllité  générale ,  on  pourroit  l'éviter,  en 
divisant  le  réfectoire  en  plusieurs  sections.  On  choisira 
entre  ce  ^loyen  et  les  césures  d'ordre  et  de  sûreté , 
que  nous  avons  indiquées ,  pag.  42 ,  à  l'occasion  du 
jiassage  çt  du  séjour  des  prisonniers  dans  le  lien  destiné 
aux  leçons  de  l'instituteur  et  aux  exercices  r#)igieuxv 
Des  précautions  spéciales  seront  toujpurs  ii^cessaires  à 
^instant  des  repas,  surtout  dans  les  prisons  d'une  po- 
pulation considérable. 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  iSg 

PARAcnAFHE  DËUXiiME.  Des  vêteifnens^ 

Les  vétemeaa  sont  encore  un  objet  très -important 
dans  le  régime  physique.  La  santé  des  prisonniers,  le 
bou  ordre  et  le  maintienméme  de  la  discipline  y  sont 
intéressés.  On  a  vu ,  lorsque  nous  traitions  de  la  disci^ 
pliae ,  combien  des  vétemens  uiiiforipes  et  faciles  à  ^ 
reconnoître,  sont  utiles  dans  une  prison;  mais  s  il  est 
à  déârer  qu'ils  présentent  aux  fonctionnai i*es  chargés 
du  maintien  de  la  tranquillité,  les  moyens  d'atteindre 
ce  bat  plus  sûrement ,  il  ne  Test  pas  moins  que  les 
prisonniers  y  trouvent  la  commodité  et  la  salubrité 
convenables^  et  qu'ils  soient  suffisamment  garantis 
contre  les  rigueurs  de  Thiver ,  sans  être  obligés  de  gar-* 
der  l'été ,  des  vétemens  bous  pour  le  temps  des  froids  i 
mais  incommodes  et  même  dangereux  pendant  la  sai» 
son  des  chaleurs. 

L'expérience  des  plus  habiles  médecins  a  établi  que 
Inùe  des  causés  lesplusfctives  du  typhus,  ce  redoutable 
fléau  des  prisons  et  des  camps ,  étoit  l'accumulation 
d'habits  en  laine ,  dans  un  endroit  fermé  et  habité  par 
deshommei^.  La  facilité  avec  laquelle  la  laine  se  charge 
de  tous  les  produits  de  la  respiration  et  delà  transpira- 
tion, fait,  des  étoffes  qui  en  sont  composées,  dtf  véritables 
foyers  de  Contagion,  quand ellesont  été  imprégnées  de 
ces  miasmes  délétères.  Ces  dangers  ne  sont  jamais 
plus  imminens  que  dans  l'été,  où  la  chaleur  plus    ^ 
forte  développe  des  émanations  plus  abondantes,  que 
l'air,  privé  d'élasticité,  ne  peut  chasser,  comme  dans  les 
gelées  de  l'hiver.  C'est  donc  surtout  en  été,  qu'il  faut 
éviter  de  déposer  des  vétemens  de  laine  dans  les  cham- 
bres habitées  par  plusieurs  personnes.  Heureusement 


,4o  DES  PRISONS. 

aussi,  la  chaleur  nous  force,  à  cette  époque  de  Tannée; 
à  quitter  les  vêtemens  chauds ,  dont  nous  ne  sentons  le 
besoin  que  lorsque  la  saison  ,  devenue  rigoureuse ,  leur 
ôte  tout  danger.  Admirable  combinaison  de  la  boiité 
divine ,  qui  nous  avertit,  par  les  sensations  purement 
physiques,  delà  convenance  ou  des  dangers  de  nos 
habillemens  !  Cet  avis  de  la  nature  ne  doit  pas'  être 
perdu  pour  les  prisonniers;  il  faut  leur  donner,  comme 
aux  antres  hommes,  des  habits  d'hiver  et  des  habits 
d'été ,  et ,  si ,  ce  que  je  ne  puis  croire  ,  Tintérét  de  ces 
malheureux  ne  suffisoit  p«'iSi,pour  déterra  iner  au  surcroit 
de  dépense,  que  nécessitera  cette  amélioration,  c'est  au 
nom  de  la  société  toute  entière  que  nous  solliciterions 
une  réforme,  qui  la  délivrera  de  \a  crainte  de  voir,  à 
chaque  instant,  la  contagion  sortir  de  ces*prisons,  que 
notre  avarice  auroit  refusé  d'assainir.  Cette  dépense 
sera  d'ailleurs  si  légère ,  eu  égard  à  l'utilité  qu'on  doit 
en  attendre;  que  l'épargner  seroit  une  économie  anssi 
.  frivole  qu'imprudente  et  inhumaine.  Ce  seroit  même 
un  faux  calcul  pour  l'économie^  car  les  maladies  pro- 
duites par  les  vices  de  l'habillement  coùteroient  bien 
plus  en  frais  de  cûrë ,  que  la  fourniture  des  vétemens 
convenables»  Voici  au  surplus  les  règles  que  l'on  pour- 
roit  suivrife  à  cet  égard. 

Les  prisonniers  seront  tous  vêtus  de  même,  qqd 
que  soit  leur  âge;  les  femmes  même  seront  habillées 
des  mêmes  étc^es  que  les  hommes,  et  la  iorme  seule^es 
vêtemens  distinguera  les  sexes.  L'hiver ,  tout  rhabille- 
ment  sera  composé  d'étoffes  de  laine,  teintes  d'une 
couleur  uniforme ,  et  qui  sera  la  même  pour  les  hom^ 
mes  et  pour  les  femmes.  Dans  l'été ,  une  portion  de 
l'habillement  sera  en  toile  de  chanvre ,  mais  il  y  eia. 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  i4i 

4iara  tobjours  une  partie  en  laine ,  surtout  dans  left 
départ emens  septentrionaux.  La  forme  devra  égale- 
ment ètredifTërente  suivant  la  saison ,  et  propre  à  te^ 
nir  chaud  en  hiver  et  à  ne  point  surcharger  en  été. 
Ainsi,  Içs  hommes,  qui  se  contenteront,  Tété,  d'une 
simple  veste  à  manches  en  laine ,  et  d'un  pantalon  de 
toi  tel,  auront  en  outi'e,  l'hiver,^une  capote  et  un  païiUft- 
Ion  de  la  même  étofle  de  laine.  A  la  même  époque, 
les  femmes  recevront  une  camisole  semblable.  Dans 
rété,  un  seul  jupon  de  laine  et  une  camisole  de  toile  , 
pourront  ftire  leur  habillement.  Les  habits  d^hiver 
resteront  tout  Tété  dans  le  magasin  ,  et  ne  seront  ren- 
dus aux  prisonniers  qu'au  commencement  des  gelées 
seulement. 

Ces  vêtémens  doivent  être  uniformes ,  nous  l'avons 
déjà  fait  voit  ;  mais  le  choix  de  la  couleur  qu'on  leur 
donnera  n'est  pas  indi£férent.  On  doit  faire  en  sorte 
qu'elle  soit  solide,  éclatante  et  facile  a  distinguer,  de  ma- 
nière qu^on  reconnoisse,  sur  le  champ,  un  prisonnier  à 
Thabit  qui  le  couvre.  La  couleur  rouge ,  par  son  éclat 
et  sa  solidité  est  très-propre  à  cet  usage  ;  mais,  comme 
elle  est  affectée  aux  galériens,  et  que  rien  n'est  indiffé- 
rent dans  les  (caractères  extérieurs  des  peines ,  il  faut 
éviter  de  confondre  avec  eux  les  condamnés  à  la  réclu- 
sion ou  à  l'emprisonnement. 

La  couleur  jaune  paroit  convenir  parfaitement  à 
cette  destination.  Eclatante  et  peu  susceptible  de  chan- 
gement ,  elle  auroit  l'avantage  de  faire  voir  de  loin  et 
même  dans  l'obcurité,  les  prisonniers,  qui  en  seroient 
revêtus.  On  y  trouveroit  donc  la  plus  grande  facilité 
pour  surveiller  tous  leurs  mouvemens ,  soit  dans  les 
ateliers ,  soit  dans  les  préaux ,  et  pour  les  apercevoir 


i4o  DES  PRISON& 

'tde  plus^aiii'^  s'ils  cbercihoierrt  à  s'évader ,  tandis  cpi'im 
iiabit  d'une  coiiletir  terne  lenr  doaneroit  bien  plus  de 
tnoyeas  de  se  soartraireà  la  surveillance  ou  aux  recher>- 
ches.  La  couleur  ^aune  ia  encore  l'avantage  de  n'être 
yportéCi'paraHCiine  classe  delà  société,  et,  en  la  donnant 
aux  prisonniers ,  oa  'n'a  pas  à  craindre  d'avilir  un 
iiabit  honoreible.  'Elle  ^evîendroit  donc  le  caractère 
r^écîfique  des  prisonniers,  qu'elle  empêcheroit  de 
•confondre  jamais  avec  aucune  autre  personne. 
»  D'un  autre  c6té  le  choix  d'une  couleur  inusitée, 
'<jon»me'leJaune,1eurrendroît  les  évasions  très*dif&ciles 
et  très-périlleuses ,  en  leur  ôtant  la  ressource  d'échanger 
'leurs  vétemens  conti^  d'autres ,  dans  le  cas  où  ils  se- 
roient  parvenus  à  échapper  aux  recherches,  pendant  les 
'premiers  moment  de  leur  fuite.  Qui  voudroîtse' charger 
d'un^habit  infâme  et  dangereux,  et  s'e^poserà^élre  pris 
pour  un  condamné  fugitif,  -ou  signalé  comme- le« com- 
plice de  «on  évasion  ? 

•  'On  peut  encore  rendre  ces  échanges  plus  imprati- 
«cables,  en  imprimani  a^<K  habits  des  prisonniers  un 
second  earactère^pëcifique^ celui  de^a forme, qui ser- 
virdit  encore  à  les  faire  reconnoilre ,  dans  le  cas,  sans 
doot«  très-rare,  où  un  prisonnier,  échappé  depuis 
qtiéiqnè  Uemps ,  seroit  parvenu  à  changer  la  couleur 
de  son  habit  au  moyen  d'une  teinture.  Pour  t cela,  il 
'faudroit  adopter- une  coupe  différente  de<  celle  des  véte- 
mens que  portent  les  personnes  Mbres ,  et  difficile  à  dis- 
simuler^  LeS'  moyens  d'exécution  rentrent  dans  les 
fonctions  de  l'ouvrier  ;  il-  a  suffi  d'indiquer  ici  ces  pré- 
caution»d'une  mapière  générale. 

Ces  règles  seront  communes  aux  hommes  et  aux 
ifemmea.,- lésions  ^t  les  autres  porteront,  comme  on 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  143 

»Ta  vn,  les  mêmesiéloflFes,  et  Totî  potirra  suivre,  dans  la 
coTifectîon,  de  leurs,  vêteïnétis les  ïnâîcatîoTis  qîîe  nous 
avons  données.  Les  toudâiimés  ne'p'oui^rônt  se  dîispen- 
seride  porter  ce  cdstiYiYi^.  Quant  àiiîç  prévenus  ,  il  se- 
roit  înjti^e  de  les  y  astreindre  d^urie 'rhanîère  obliga- 
toire. La  ptésômptîon  de  leur  innocence  ne  permet 
pas  qu'on  les  force  de  porter ,  avant  le  jugement ,  cette 
livrée  du  criitie-  ïls  conserveront 'donc  toujours  le  droit 
de  se  vêtir  d'hal^hs  ordinaires,  et  dVn  faire  venir  du 
dehors  ,  sous  Tinspection  du  g;ardieh.  '  Cependant , 
tomme  les  habita,  avec  lesquels  ils  àùroh't  été  arrêtés, 
dévrôrtt  ordinaîrèàient  ëtçe  mis  en  réserve ,  comme 
pièces  de  côrivîctiôft ,  et  que,  soit  par  cette  raison ,  soit 
par  dënitfnent ,  ils  pbùrroiènt  se  trouver  privés ,  tem- 
porairement'ou' toujours,  des  vêtemens  nëcessâîres  ; 
toutes  fés  ibis  que  lés  habits  qu'ils  aùroîent  né  suffi- 
ront pas  pour  les  vêtîr  cônlplefttcméhf ,  '  on  devra  y 
suppléer,  e'ù  leur  fo'urnissatit,  sur  lé  mobilier  de  la 
prison',  déé'têteméns'suffisans  pour  les  mettre  à  Fabri 
deVîncféttiencé  des  saisons,  et  leur  procurer  une  ténue 
décente.'  Lé  coéûr  saigné  et  la  pudeur  gémit,  à  la  vue 
de  ïûâthedreux  priisonriiers ,  dont  quelques  lambeaux 
épàfs  déguisent  à  peiné  la  hudifé.'Cet'  état  déplorable 
n*est  pas  inoinspernîcîëiix  que  contraire  au  boii  ordre , 
et  il  est  toujours 'de  la  nécessité  la  plus  urgente  de  le 
faire  éeS3er,  quand  6n  n'a  pu  le  prévenir. 

'Les  niênies  motifs  régleront  la  conduite  de  Taclmi- 
ili^ration  dans  la  distribution  rfu  linge.  Si  des  vête- 
mens appropriés  à  la  saison  sont  nécessaîreis  a  toutes 
les  classes  de  détenus  ^^  le  .besoin  de.  changer  de  linge 
est  encore  plus  pressant ,  soit  dans  l'intérêt  privé  des 
priâonniiers ,  soit  dam  celui  <le  la  santé  générale.  C'est 


i44  DE!â  PRISONS, 

an  défaut  de  linge  blanc  qu'on  peut  attribuer  un  grand 
nombie  d'épidémies;  il  est  donc  urgent  de  préserver 
contre  te  fléau  la  société  toute  entière.  Les  ^prison- 
niers ne  devront  pas  garder  plus  de  huit  jours  leur 
linge  de  corps»  ni  coucher  plus  d'un  mois  dans  les 
mêmes  draps.,  Condamnés  et  prévenus,  tous  doivent 
suivre  cette  règle  générale.  Il  leur  est  permis  de  se  ser- 
vir dé  linge  à  eux  appartenant ,  mais  en  se  confor- 
mant au  règlement  pour  les  époques  de  changement. 
Ceux  qui  n'auroient  pas  assez  de  linge  pour  en  chan- 
ger aussi  souvent ,  en  recevront  de  la  maison,  dont  ils 
seront  tenus  de  se  servir.  Comme  Fobservation  de  ces 
règles  intéresse  directement  Tordre  public  ,  on  y  tien- 
dra strictement  la  main.  Toute  contravention  sur  ce 
point  sera  punie  de  peines  de  discipline. 

Ces  détails,  et  surtout  Tinspection  sur  le  lavage  et 
l'entretien  du  linge  ne  pourroient  convenir  aux  ad- 
ministrateurs ordinaires,  dont  nous  avons  plus  haut 
demandé  l'institution»  Ce  n'est  qu'à  des  femmes  qu'il 
appartient  de  prendre  ces  soins  assidus  et  minutieux, 
dont  le  genre  de  leurs  connoissances  et  leur  active  et 
obligeante  charité  les  rendent  plus  capables  que  les 
hommes.  Je  proposerois  donc  de  confier  l'adneiinistra'- 
tion  du  vestiaire  et  de  la  lingerie  à  des  dames  charita- 
bles, qui  se  livreroient  à  cette  régie,  sous  la  direction 
des  inspecteurs.  Ces  mères  des  prisonuiei's  ne  devant 
être  revêtues  d'aucune  autorité,  nous  n'avons  pas  dû 
en  faire  mention  dans  la  nomenclature  deé  fonction- 
naires chargés  de  la  surveillances  des  prisons. 

PABAQBAFHE  TROISIÈME.   Vu  COUcher, 

Lfi  but  de  l'administration  dans  la  disposition  des 


DU  REGIME  ^PHYSIQUE.  {4^ 

prisons^  Toe  doit  pas  être  d'accumuler  le  ptu^  {jf^nd 
oomj^re  d  hommes  possible  dans  uû  espace  (^QQoé  i 
naais  de  feire  ea  sorte  que  tous  ceux  qu'il  dpit  copr^ 
tenir  puissent  y  loger ,  san^  s'incommoder  mutuelle- 
mÊBt  et  surtout  sans  empoisonner  l'air ,  quelquefois  sjl 
raret  qp'on  y  respire.  Comme  c'est  surtout  pejadapt  1^ 
nuit  que  les  émanations  des  corps  sont  plus  abQndap.te« 
et  plus  pernicieuses,  c'est  aussi  sur  les  lieux  où  les  pri- 
swniers  doivent  passer  ce  temps  »  que  l'atte^Uoa  doit 
se  porter  plus  spécialement.  Les  observations  i^e  noua 
avo0s  à  £aire  sur  cet  impartant  objet,  rouleront  donc 
sur  deu%  poiots  principaux ,  la  disposition  et  l'ei^tre-* 
tiea  des  cbaaibres  ou  dortoii^ ,  et  la  manière  don^ 
clique  Ut ,  individuellement ,  doit  être  tenu* 

]!fans  ^vons  déjà  fait  sentir  un  avantage  de  la  soli*- 
tude  Qocturne ,  povu*  le  maintien  du  bon  ordre  ;  c^ 
Q$a|^  n'est  pas  moins  nécessaire  dans  l'intérêt  de  la  aalu- 
brilë.  RLen  n'est  plus  propre  à  vicier  Talr,  à  faire  naître 
et  i  propager  la  contagion  que  la  communauté  de  cou* 
cher.  D'aîUeiirs  la  désastreuse  facilité  qu'elle  donne  y 
point  multiplier  outre  mesure  le  nombre  des  prison,- 
«iers  que  peut  contenir  chaque  dortoir,  est  une  .non- 
yeUe  raison  pour  ne  pas  cesser  de  réclamer  une  di- 
vision des  pri^n^iers ,  qui  leur  assurera  toi]joqi:s  un 
Ipgement  plus  spacieux  ^<yielques  effortSique  l'on  fasse 
pour  en  mettre  le  plus  possible  dai^^  I^  mèçie  prisoj). 

Sans  doute  I  cette  grande  réformuç  entraînera  de^ 
dépenses  nouvelles ,  surtout  si  elle  force  d'agrandir 
TeoM^einte de  certaines  prisons,  ou  d'ea  cpnstruire  dei 
nouvelles  pour  suppléer  à  ri^ufBsance  de  celles  qui 
existent;  peut-être  un  légef  surcroîjt  d'iinpdts  sera-t-il 
i^iMM^e  pour  y  parvenir.  M^  cas  coQsidçration^  * 


lO 


tJ6  DÈS  MISONS. 

ce  me  semble ,  ne  doivent  pas  faire  reléguer  pstttâ 
les  théories  impraticables  ^  une  amélioration,  dont  l'u« 
tilîté  est  si  généralement  reconnue.  Quand  les  classes 
les  pins  heureuses  de  [a  société  détacheroient  quelques 
diamans  de  leur  parure  et  retrancheroient  à  leur 
table  quelques  snperfluités ,  pour  sauver  les  détenus 
des  dangers  de  la  contagion  et  de  ceux  de  ta  cornip-' 
lion  morale,  quel  impôt  seroit  plus  juste ,  plus  res*-* 
pectable,  que  cette  contribution  imposée  au  luxe  en 
faveur  de  Tinfortune?  C'est  surtout  dans  Tintérét  des 
hautes  classes  que  le  législateur  cherche  à  prévenir  et 
à  réprimer  la  plupart  des  ci*imes ,  c'est  à  ellesà  subvenir 
aux  dépenses  qu'entraînent  leur  poursuite  et  leur  pu- 
nition ;  et  l'impôt  destiné  à  Tamélioration  des  prisons 
devroit  surtout  frapper  sur  les  superfluités  du  luxe , 
qu'elles  sont  en  grande  partie  destinées  à  garantir. 

Si  Tétat  des  finances  permet  un  jour  d'exécuter  le 
voeu  que  je  forme,  et  j'en  ai  la  douce  espérance,  cha- 
que prisonnier  aura  une  chambre  particulière  et  y 
sera  toujours  seul ,  pendant  la  nuit.  La  nécessité  de 
la  surveillance  exige  que  ces  chambres  ou  cellules 
soient  toutes  de  la  même  grandeur,  placées  sur  la 
même  ligne  et  toutes  accessibles  à  Tœir  du  préposé  ^ 
qui  couchera  dans  chaque  corridor,  où  les  chambres 
donneront  d'un  côté  et  de  l'autre.  Un  corridor  et  les^ 
deux  rangs  de  cellules  formeront  un  dortoir,  corres-' 
pondant  à  un  atelier,  dont  il  sera  la  contre-  partie.  Cha- 
que cellule  ne  pourra  contenir  qu'un  lit ,  et  ce  lit  sera 
assez  étroit  pour  ne  pas  admettre  plus  d'une  personne  ^ 
mais  asse2  large  pour  lui  laisser  une  juste  liberté  de 
mouvemens.  Qn  aura  d'ailleurs  le  soin  de  fermer  la 
porte  de  chaque  cellule  au  moyen  d'uae  grille  en  bois^ 


DU  RÉGIME  PïttîSlQUE.  i^j- 

garnie  crtm 'rideau  de  toile.  Le  prisonnier*  ffeMirra  oi?-^ 
dinairement  ouvrir  dette  gritle  lui-métne ,  mais'  en 
fK>urra  la  fermer  en' dehors,  quand  on  le  croira  néces-- 
$aîre.  Il  est  bon  aussi  que  les  dortoirs  soient  toujours 
éclairés  pendant  la  nuit, tant  pour  la  facilite  de  la^mv 
veiHatbce  que  pour  la  commodité  des  prisoanîers*.   - 

Ces  dispositions  générales  et  pe^rmarventes  ne  sali&« 
roient  pas  à  elles  Seules  pour  'assurer  la  salniifjté.dea' 
dortoirs.  Il  faut  y  joindre  des  précautions,  quefr«expë^ 
rience  a  fait  regarder  comme  iudispensabIes.'Môu^  eii 
avons  déjà  indiqué  plusieurs ,  eii  parlant  âes  moyens 
d'entretenir  la  salubrhé  en  général  :  tels  sont  le  sohi 
de  laver  plusieurs  fois  dans  l'année ,  à  Teau  de  ^ciiaurf 
les  murs,  les  plafonds,  les  lits^et  toutes  les  boiseries; 
de  placer ,  comme  dans  les  ateliers,  des  véntilateort 
dans  les  angles  les  plus  élevés  de  la  pièce,  et,  dans  cern* 
tains  cas,  de  faire  des  fumigations  aciduleSr  propres  à 
neutraliser  ou  à  absorber  les miasmes  putrides,. qn€ 
l'air  tient  toujours  en  dissolution  dans  les  lieux  habi-^ 
tés.  Mais  le  détail  de  ces  mesures  d'hygiène  appartient 
à  la  médecine  ;  c'est  aux  savans  qui  la  professent  qu'est 
réservé  le  droit  de  lès  prescrire;  et,  satisfait  d'avoir  in-- 
diqoé  les  points  sur  lesquels  on  devra  recourir  à  leur 
expérience,  je  me  hâte  de  rentrer  dans  mon  sujet> 
en  traitant  des  soins  qui  sont  du  ressort  de  i'admims>'r 
tration  pour  le  maintien  de  la  salubrité. 

Les  dortoirs  étant  disposés  et  assainis,  suivant  toutes 
les  règles  de  la  prudence  et  de  l'art ,  on  devra  tenir  la 
main  à  ce  qu'ils  soient  toujours  entretenus  dans  un 
état  de  propreté  qui  ne  rende  pas  infructueuses  les  pré* 
cautions  qu'on  aura  prises ,  lors  de  leur  établissement. 
C'est  par  des  soins  jpumaUers  qu'on  obtiendra  cer^sult^ 


les  clMmb^>f»nett^4eifet  j«&fi^tFflSQ]}|(çe^^ 
que  saison  ique  icie  mt  t'w  m^Fi^  ^ilfffHft  l#  fi^ 
graoiie  attention  à  n«  bi^P  ^jouni^f  49W  Iff  I^H-? 
meBS  aucune  mslfvrQpristé. 

Qoaiil  au  coucher  eo  l^i  méi^  t  U  sepr^  '^W^.im^J 
é'uiie  couchette  en  bois,  4'ui»p  (^i|(jm^a  4>ji|ltr^7er- 
•ia ,  d'ww  paire  de  éf^^  ^4'\mp(0i^  ^Pi^  KQMKierJKAf/^ 
en  faune,  6|]ivant  la  l^ifo»  ^t  h  J^Mno^t  q^uf  t^i^ii^ 
ia>a  «<i)4e  U  prwn-  ftn  *»W  9pîp  ^  r^pWYeler  t^u» 
kd  c|u|i»9e  )o)ij^  L?  ^MMe  iJe  1^  P9i)^9|$$p  fl  <îi>  >r»y^§î» 
fiCd'avoirqoeU|ues^fs  cje  r/eçhiGii^,  PPPi^  PP}?Y4Mr  H* 
^r  âOQces*!  veipppi  fit  w  wp»  W  WÇ  j&>i?  9^  »pn^  7  JVi?- 
yeloppe  de  W  paiU^ssp  et  dp  |ra|/:çr?)fî  fJe  «^ag/a/e  prir 
eonuier*  L^s  dfap»  ^pvroijt  être  lay^  e^ changés,  911 
moins  une  fofe  p^r  TOo» ,  e^  niéipp  plps  spnyepjf,  $f^  1^ 
ntfcewté  rey.ig€pU-  l^f  àf>Ttoîr^  puiji-jmêipe^  ?«W»i 
fréqqeotivoent  Ij^yës  9  graphe  i^fi ,  et  Ton  ^pra  t^jaJQim 
eoiu  d'en  iaypir  m  ^\^wi4^nç6,  ffij^fmi  d^Pf  te«  ««?gpf 
supérieurs  9  p<)ur  les  l>e§oîn^  ^^  1^  prppr^é^ 

C'est  eu  Tèle  de§  iosp^teuf$  et  9  l'e^fictjitqdç  d^ 
gardiens  et  prép^^ésique  sera  rés^fv^  le sipip d'j^^smr^ 
la  stricte  exéirutioii  ^.?  to^tf s/çes ri^l^es ,  dos)t  ^e  Cffn^^fs^ 
[a  pi^niière  p»rtîe49  SÇgÎBRP  physîqu/e  ^  l'hy^îèpii  i^A> 
prisons. 

CHAPITRE  n.  Du,  r^me  des  prisqnniefs  ^ 
'  maladie. 

'  Les  précautions  les  phis  sages ,  les  soins  lee  plus  aaai* 
dus  ne  peuvent  prévenir  tons  lesacddens,  j^xquels  fitf 
«xposée  la  santé  des  hommes,  même  dans  Tétat  d9 
liberté.  La  captivité  repd  eaoor^  yliis  fréquttititt  I0 


DU  Rl^fMfe  ftfV^UE.  f4$ 

éffeé^né mmdSiyf^.  Lé  fêgimé  t^tié iibn§nt»m&in^ 
àitj^t^  hbH  (Jôûr  con'^ér^ér  là  sâi^té ,  m  p^i  cou^éfrif 
à  ceai  qfdf  l'orit  pérdèë.  Il  est  d'aiUteitrs  àk  h  p\tA 
^fitndé  imp6t*tafriicéy  pdikv  éniei  là  éoiitaf»?<ni ,  de  n4 
poSht  Msser  les  mafàclè^  avec  teût  qai  soût  éftcôini 
sains.  If  faut  donc  nécessairement  qne  chaque  pftfkih 
aH  ifner  infirmerie ,  6i]i  Ton  cnverf à' ,  sans  détei ,  tdns 
les  prîsdririi^rs  doht  la  satitë  parottrôlt  altérée. 

CcHMHenl  céYfé  pafrtie  importante  de  la  prison  doii*' 
élè^ëtte  ctfristroîté  et  distribuée;  comment  lés  pt\éb)Êk^ 
t^en  y  ééront-ils  adr^is  ëi  traités,  et  qnèl^eS  ^éi^èùt 
Béir  phrUMiiés  c^à^^éës^  dé  la  desservir  et  de  FadiVimis^ 
firër  :  t'est  ce  que  nousf  allons  èxan^i^r  dans  les  tf  oié 
sèfèlions  sui-i^antes. 

SEQtion  rv  Pu  matériel  de  V infirmerie. 

On  se  fappelfera  que  nous  avons  réservé  pour  Fin* 
firmerîe  le  préau  contenu  entre  les  quatre  ailes  de  bâ- 
timent ,  qui  forment  la  prison  proprement  dite  :  il 
nous  semble  que  cet  espace  sera  suffisant  pour  y  ééablir 
une  inûrmerie^  propo^rtionnée  à  ïa  prison,  et  que 
cette'  position  centrale  sera  avantageuse,  sous  plusieurs 
rapports.  La  surveillance  est  toujours  moins  exacte 
dans^  les  infirmeries  qne  dans  la  prison  commune  : 
là ,  on  pourra  s'en  dispenser  presque  entièrement  ;  Tes 
malades  seront  suffisamment  gardés  par  la  disposition 
seule  des  lieux,  puisque,  s'ils  parvenoient  à  s'échapper 
de  Tinûrmerie ,  ils  n'y  gagneroient  que  de  retomber 
dans  la  prison  générale,  où  ils  trouveroient  toujours 
nne  surveillance  active.  Un  autre  avantage  que  pré- 
sente cette  situation ,  c'est  la  fadilité  d'isoler  de  tous 
côtés  l'infirmerie  des  bàtiméns ,  en  réservant  tout  au- 


*5o  ^      HE»  PItt$OH3v 

tour  im«|irtfaa^  nécessaires  soit  pour  là  promenade  de% 
inaiadestf'fioit  pour  le  service  de  Tinfirineirie  ;  enfin, 
lesniatladés  y  jouiroient  d'un  cakne,.qni  ne  seroit  trou- 
blé i  ni  par  le  tumulte  des  autres  prisonniers ,  aux 
heures  de  délassement ,  ni  par  aucun  bruit  venu  du 
dehors.  * 

On  pourra  faire  à  ce  projet  une  objection ,  qui , 
au  premier  coup  d'oeil ,  a  quelque  chose  de  spécieux , 
mais  qui  ne  me  parent  cependant  point  «fondée  :  on 
dira  qu'une  infirmerie  a  surtout  besoin  d'air,  et  que 
ce  seroit  l'en  priver,  presque  absolument,  que  de  l'en- 
fermer dans  une  double  enceinte  de  bâtimens»  Pour 
apprécier  cette  objection ,  il  faut  d'abord  remarquer 
que  ces  deux  enceintes,  dont  on  exagère  les  eflPets,  ne 
^sont  pas  assez  rapprochées  l'une  de  l'antre  pour  s'op- 
poser simultanément  au  libre  accès  de  l'air,  et  pour 
en  entraver,  d'une  manière  sensible,  la  circulation. 
Le  large  préau  qui  les  sépare ,  suffit  pour  établir  un 
courant  d'air,  à  l'intérieur,  assez  considérable  pour 
assainir  la  prison.  Quant  à  la  seconde  enceinte ,  c^est- 
à-dire  aux  bâtimens  occupés  par  les  prisonniers ,  les 
constructions  dont  elle  se  composera ,  seront  toujours 
plus  basses  que  l'infirmerie»  à  raison  du  plus  grand 
terrain  qu'elles  devront  couvrir,  proportionnellement 
à  leur  population.  Une  prison  doit  être  habitée  sur 
tous  les  points,  et,  par  conséquent,  il  est  inutile  de 
lui  donner  plusieurs  étages,  quand  un  seul  suffit  pour 
loger  tous  les  prisonniers.  Ces  bâtimens  pourront  donc 
n'avoir,  pour  l'ordinaire,  qu'un,  ou ,. tout  au  plus, 
deux  ëtages  :  l'infirmerit ,  au  contraire ,  resserrée  dans 
un  terrain  beaucoup  plus  étroit ,  devra ,  presque  tou- 
jours, en  avoir  un  plus  grand  nombre.  On  pourra 


ou  RËGIMB  PHYSIQUE.  i5i 

d^nUleurs ,  en  exhaussant  davantage  le  plafond  des  ap- 
fiartenEiens ,  la  faire  dominer  sur  la  prison ,  et ,  comme 
«Ue  en  sera  séparée,  de  tous  les  côtés,  par  une  espèce 
de  cour,  Tair  y  circulera  toujours  facilement^  les  bâ- 
timens  de  la  prison  n'intercepteront  pas  davantage  les 
rayons  du  soleil,  qui  arriveront  toujours  librement  a 
Tinfirmerie,  surtout  dans  les  étages  supérieurs. 

Quant  aux  dimensions  de  Tinfirmerie ,  elles  seront 
déterminées  par  le  nombre  de  prisonniers  que  devra 
contenir  la  prison  ,  et  la  proportion  présumée  du 
nombre  des  malades  à  la  totalité  des  détenus^  On  a  re- 
marqué ,  dans  certaines  prisons ,  dans  celles  de  Paris 
notamment,  que  le  nombre  des  malades  s'y  élevoit 
presque  au  cinquième,  dans  lequel  entrent ,  pour  un 
treizième  au  total ,  les  galeux.  Cette  proportion ,  qui 
est  très-forte ,  n'est  heureusement  pas  une  règle  géné- 
rale :  j'ai  vu  des  prisons  très-considérables ,  dont  l'in- 
firmerie ne  renferme  pas  le  dixième  de  la  population. 
Le  terme  moyen  seroit  également  éloigné  de  l'un  et 
de  l'autre  de  ces  résultats.  Mais j  ici ,  il  ne  s'agit  point 
de  moyen  terme;  il  faut  calculer,  non  sur  ce  qui  est 
probable ,  mais  sur  ce  qui  est  possible;  et  l'expérience 
ayant  prodvé  que  le  nombre  des  malades  peut  s'élever 
au  cinquième,  ce  seroit  s'exposer  au  malheur  d'avoir 
une  infirmerie  insuffisante,  que  de  s'éloigner  de  cette 
base.  La  prudence  commande  donc  de  disposer  tou- 
jours rinfirmerie  pour  recevoir  le  cinquième  de  la 
population  générale ,  et  dans  les  prisons,  où  cette  pro- 
portion est  ordinaire ,  de  mettre  l'infirmerie  en  état 
de  recevoir  le  quart  des  prisonniers ,  pour  parer  aux 
ëvénemens  imprévus.  Il  ne  s'agit  plus  maintenant  que 
4e  déterminer  l'espace  que  demandera  chaque  malade. 


iHi  DES  PRISONS. 

p©tif  connoltre  exademetit  la  grandeur  qwe  doîf  stmît 
tiiïtstrùttie. 

C'est  tin  principe  admis,  pènr  la  comstrnétîoù  des 
hôpitaux,  que  chaque  malade  dort  avoir  six  toisds  et 
demie  cubes  d'air  à  respirer.  On  â  crfcuié  que  cette 
quantité  étoît  indispensable ,  ftiaîs  sufltsatïte,  pour  ïes 
)>esoins  de  la  respiration ,  et  qu^une  qoâTitité  moindre 
^eroft  trop  promptement  ahérée.  Cette  règle  doit  s'ap- 
pliquer aux  infirmeries,  comfmc  aux  hèpîtatix  ordr- 
îiairés  :  elle  détermixie  ainsi  d'afvanfce  la  dimension 
des  salles  destinées  aux  malades,  qcret  qu'en  sort  le 
lïombre.  II  est!  d'àïHeurs  looîonrs  facile  de  la  concilier 
avec  réïtehdue  dtf  terrain  dont  on-  pettt  tîîsposer,  en 
éïevant  plus  on  moins  le  pfafond  des  salles ,  ftisqtï'à  c)e 
que  l'on  ait  atteitit  la  proportion  convenable  r  mats, 
dans  aocon  casr,  les  saïles  à  deux  rangs  de  lits  ne  doi- 
vent avoir  moins  de  vîiîgt-sept  pieds  de*  fergenr,  sa*- 
voîr,  douze  pieds  pour  la  longoenr  des  lîfs ,  et  quinze 
pieds  d'intervalle  entre  les  deux  rangées  de'  Et's ,  espace 
nécessaire  pour  le  service  de  l'infirmerre.  Quant  à  Ia( 
longueur,  elle  est  subordonnée  au  nombre  des  malades, 
et  doit  être  caktilée  à  raison  de  cinq  pieds  ejt  demi  par 
chaque  lit ,  y  compris  on  întervafle  de  trois  pieds  entre 
les  lits,  dont  la  largeur  sera  de  deux  pieds  et  demi. 

Ces  dimensions  excéderoient  la  longueur  du  terrain 
que  nous  proposons  d'affecter  à  Pinfirmerîe,  si  Pon 
voutoii  réunir  tous  les  malades  dans  une  même  salle  ; 
maïs  rien  n'empêche  de  lesdiviser  ;  nous  verrons  même 
lo«t-à-rheure  qu'il  est  enttre  eux  des  divisions  néces- 
saires. Alors  on  aura  récours  aux  éfrages  supérieurs 
•pour  y  .placer  une  partie  des  mafadès;  mais  an  aura 
soin  d'observer  que  le  séjour  (fens  les  salles  du  haut. 


DU  RE6ÏME  PHYSIQUE.  xS5 

ati^desstt^uè  desqd^sf  sfe  t!^oi!iMrolkttt  d^atftre^  sàllès 
dëjà rempHëâ  dé  rtidlâde^,  est  moitié  sain,  à  l'aison  de 
Fâ^enKsioA  coiitiDu«lle  â'éé  rûissuïùés,  (jfdi  y  eotrompent 
1-air  phis  ^otâpl^fiïefît  ef&t  dsim  h  bas.  tf  fdudrd  dodc 
tetqoar^  j  mmtë  fi^ôihs  de  ^abd^s ,  priypof Hbûtiené- 
mBât  à  U  massé  d'air,  et  y  survèWer ,  avec  plus  d'af- 
t^tîofi^  k  pureté  de  cfè Hoide.  Saîvaâft  ta  disp^sitioti 
^ëraltè  de  l'infilt^erie ,  qm  dépendra  fonîotirs  du 
piaû  adopté  pQN>#  VêûsettMt  de  la  prison ,  on  pouriti 
s'arrafvger,  daM  bdistrîbtilion ,  pour  mettre,  h  moins 
possibkf,  tessaâiéidé  i«ialad«i9 Ftnie  au-dèsiâus  de  Fan- 
tre,  ât  ker  altériiet  B¥€t  kfs  divers  appafrtenhfens  libres , 
dont  on  a  hésaSm  dûm  toute  infirmerie.  Dans  notre 
pkaii>  cettts  ob^tvation  ne  reçoit  pas  une  applicatf oà 
nécessaire  ;  mais  il  a  feikù  prévoie  te  cas  orf  tin  antre 
plan  seroit  ^^vi ,  et  tracer  dés  règles  applicables  à  tous. 
L^infirmériedèd prison^ se  composera,  !•  des  salles 
destûiées  au  s^our  dé  tons  les  malades  ;  2«  d'une  pbtir- 
made;  3^  d^u«fé €hanrd[)'re  de  quarantaine,  à  laqtielté 
sera  smti^xée  une  ^tle  de  consohations  ^  4^  de  salleà 
de  bains  et  pièees  de  décharge. 

Les  salles  de  malades  doivent  être  divisées  an  moins 

♦ 

en  tFins  parties  :  l'une  ,  pour  les  maladies:  ordinaires , 
qtri  soM  du  ressort  de  Itf  médecine ,  proprement  dite , 
et  q«i'on  peut  ,  sans  inconvénient ,  réunir  dans  1^ 
même  loc^ ,  en  prenant  les  précautions  en  usage  dans 
les  hApitâux  ordinaires;  une  autre  pour  lés  ajfFections 
exférîenres ,  qni  concernent  la  chirurgie ,  et  peuvent 
donner  Heu  à  des  opérationsjjHenfin ,  une  froisrème; 
susceptible  eïte-même  d'iincn^Ptivision ,  pour  les  ma- 
ladied  contagîeoses>  ou  sotipçonnées^ de  l'être,  )et  pour 
celtes  qui  sont  incompatibles  avec  Tordre  et  le  calme 


i54  DES  PRiSOî^S; 

qui  doivent  régner  dM^isun  hàpitalt  tdletiiittexrëpi* 
Jepsie.  On  plaeerolt,  dans  cette  portion  réservée ,  les 
prisonniers  atta<]ués  de  la  gale  y  de  la  phiktsie  pulmo* 
naire,  ou  des  maladies  vénériennes.  Qnant  aox  in- 
firmes par  vieillesse,  on  suite  de  maladie  «  commeils 
né  sont  pas  positivement  malades,  et  qu'ils  n'ont  pas 
tm  besoin  conjltant  des  secours  de  la  médecine,  on 
peut  leur  assigner  un  local  particulier,  même  dans  le 
bâtiment  ordinaire  des  prisonniers.  L'air  par  et  abon- 
dant est  leur  principal  besoin ,  et  on  y  anra  pourvo ,  en 
assignant  pour  leur  logement  la  partie  la  plus  saine, 
la  plus  élevée  et  la  mieox  exposée  du  bâtiment.  Les 
n^aladies  caractérisées ,  mais  sans  soupçon  de  conta- 
gion ,  peuvent  être  rangées  sous  une  règle  commQnet 
et  réunies  dans  les  mêmes  salies. 

La  pharmacie  consistera  en  un  simple  laboratoire , 
propre  à  faire  des  infusions ,  décoctions ,  et  autres  pré- 
parations de  ce  genre ,  desservi ,  suivant  le  besoin  qu'on 
en  aura,  par  un  ou  plusieurs  hommes  de  peine  9  et  ac- 
compagné d'un  dépôt,  subdivisé  en  cave,  grenier  et 
montre ,  contenant  toutes  les  drogues  dont  le  pharma* 
cien  devra  faire  usage. 

.  Pour  la  distribution  intérieure  et  le  détail  du  mobi- 
lier nécessaire ,  on  ne  peut  donner  de  règle  plus  sûre^ 
que  d'inviter  à  prendre  poqr  modèle  et  à  imiter  sera- 
puleusement  les  hôpitaux  des  principales  villes  de 
France ,  et  particulièrement  ceux  de  Paris.  En  géné- 
ral., ces  établissemens  ont  été  l'objet  d'améliorations 
très-utiles  et  très-biea^rigées ,  parce  qu'elles  ont  été 
confiées  aux  homniedj^BpIus  capables  d'en  sentir  la 
nécessité ,  et  d'en  survemer  l'exécution.  Honneur  aux 
médecins  »  dont  les  lumières  et  le  zèle  ont  concouru 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  i55 

^\me  m^mière ^  active  à  la  réforme  des  hâpitaux,^ 
qa^IIs  avoient  sollicitée  avec  tant  de  force  !  Honneur, 
aux  Goavememens  qui  ont  entendu  leurs  éloquentes 
réclamations,  et  qui  ont  fait^  du  séjour  de  toutes  les 
douleqrs. ,  les  plus  beaux  monumens  de  la  charité 
publique  ! 

En  appliquant  aux  infirmeries  les  priaclpeè  admis 
dans  les  hôpitaux  ordiiiaires ,  on  évitera ,  autant  que 
possible ,  de  mettre  des  malades  au  rez-^e-chaussée  ; 
^t ,  si  Ton  y  e&t  contraint ,  on  emploiera ,  pour  pallier 
cet  inconvénient ,  toutes  les  précautions  qu*indiquent 
la  prudence  et. la  science  médicale.  Le  plancher  des 
.  salles  sera  suffisamment  exhaussé  au-dessus  du  sol;  il 
sçr^  pavé  en  dalles,  avec  une  rigole,  pour  favoriser 
les  lavages  fréqnens;  les  lits  seront  eux-méniçs  élevés 
à  plus  d'un  pied  et  demi  du  plancher.  Mais ,  en  géné- 
ral ,  on  fera  mieux  de  mettre  les  malades  dans  les  étages 
supérieurs,  et  de  réserver  le  rez-de-chaussée  pour 
toutes  les  dépendances  de  Tinfirmerie.  On  peut  voir 
(pi.  III,  fig.  5  et  6)^  la  distribution  du  rez-de-chaussée 
et  du  premier  étage  d'une  infirmerie,  telle  que  je  la 
conçois  :  on  lui  donneroit  trois  étages;  le  second  con- 
tiendroit  seulement  huit  lits^  et  le  troisième  sept ,  ce 
qui,  joint  aux  dix  du  premier  étage,  feroit  vingt-cinq 
lits  disponibles,  nombre  égal  au  quart  de  la  population, 
dans  une  prison  de  cent  détenus,  que  j'ai  prise  pour 
base  de  mes  calculs.  Au  moyen  de  la  disposition  que 
j'indique,  les  malades  auront  toujours  de  l'air;  le  so- 
leil parviendra  toujonrsgi'riiifirmerîe,  et  tous  les  vents 
avu'ont ,  au  besoin  ,  accès  dans  leurs  salles  :  la  salubrité 
dépend  ,  en  grande  partie ,  de  ces  conditions. 
Les  sallçs,  pour  profiler  de  ces  divers  avantages, 


m  DÈS  ^Rlkijïâ 

tàtûs  éh  éptédvetâ'iTïcor\iréîûetï&,  iélrdnf  pêtëéék  èe  fe^ 
ûëives  opposées  les  titfe^  Mix  àntre^,  siticeptîMéisr  èè 
^'ouvrir  jtisqu'avi  haut  de  la  pièce ,  él  garrtîes  dSe  carfreîJ 
dé  grosse  toile,  p'Oiir  s'opposer,  en  été,  à  la  trop  gratiicfé 
àrdètit'  du  sbleiî.  K  y  atirâ  toujdarà  lïne  fenêtre  âpi'M 
chaque  Ht ,  et  sa  largeur  sera  celle  de  rintérvalle  laissa 
éïitre  détix  lits  ,  c^est-à-dîre  trois  pieds* 

l^uaiït  au  mobilier,  ît  &efà  égalerhëirt  caïqué  sirf 
detuldés  hépitai^x.  Chaque  malade  aura  son  lit  garni 
éfutïë  paillasse,  d'édeux  matelas,  d'un  tVàversiri,  éé 
deux  draps ,  et  de  deux  eoutérturcs  de  laine.  Les  Kti 
seront  disposés  de  manière  à  ce  qu'on  puisse  f  ^âàplét 
des  rideaux,  quand  fé  médecin  lé  jugei*a'  coÙvenaMê. 
On  donnera,  erf  ôuti^e ,  à  ehaquë  malade ,  toui  les  pe- 
tits meubles  à  son  usage  personnel  f  sans  en  excepter 
lés  plus  vils  en  apparence ,  qui  souvent  sont  les  pluà* 
utiles,  quoiqu'on  néglige  assezî  souvent  d'en  muiiir 
chaque  fit  :  les  objets  dont  se  composera  ce  riiériù  mo- 
bifièr,  seront  une  cuiller  et  urie  fourchette,  liri  gobeîét, 
deux  ou  trois  pots,  des  sandales,  un  bassin,  uti  cra«- 
choîr,  et  une  chaise  percée.  Auprès  de  chaque  Itt,  on 
placera  deux  piaïichés,  Tune  pour  lés  alîmètts,  fatrfre 
pour  les  mé^icamens;  le'  toyt  sera  matqué  du  m&ne 
numéro  que  le  lit. 

Un  conçoit  qrte  Firifirmérie  doit  être  gà'jpnié  d'une 
quantité  suffisante  dé  linge,  soit  poiir  lés  besoins  or- 
dinaires, soit  poui^  faire  des  Bandages  où  compresses, 
dans  les  cals  d'accidens ,  ou  d'opérations  chirurgicales. 

SBGTroTf  ir.  De  ^admission  et  du  iraiiefnent  des 

mtdcfdes' h  Vinfitmerie. 

Nous  avons  vu,  au  chapitre  de  la  discipline ,  par 


DU  RÇfilME  PHYSIQUE.  >57 

gqielles  mesures  4e  priiçaptipn  on  ponrroit  emplchejr 
rintrodiiçtion  de  germes  peslileotiels  dans  la  prison } 
il  n'est  pas  moins  important  de  prévenir  les  ravages  « 
et  d'arrêter  lies  progrès  des  maladies  qui  $'y  déclafe- 
rpient^  en  mettant  ^  san^  l^^'^i^  a  Tinfirmerie,  çep^ 
des  dëtenvis  qui  eq  seroient  attaqués.  11  en  résulte,  pouf 
le  méd^cjq,  robligatipii  de  faire,  à  la  prî^ii,  de^ 
visites  jourpa}ijères ,  poqr  3'^;ssiirer  d^  Tétat  de  s^ntff 
des  prisonniers.  Ces  visites  nç  çeroipn^  pas  toujours 
suffisantes  pa,r  elleç-nièmeç,  §prtout  dans  les  pri$on| 
considérables,  pu  le  médecip  ne  peuf:  p^s  donner  k 
chaque  jndiyidii  pn  exarp.en  asse^  approfondi,  pour 
reçonnottre  des  syjqqptômes,  $p:uy(ent  inaperçu^  4e  tou^ 
autre  qqe  du  maladç,  §i  Top  pe  Irpqvpit  le  moyefj 
^'intére^er  les  prispqnier/i  eux-mén)es  à  provoquer 
leuf  envoi  à  rinfir^^ejpîp.  l\  ep  est  nn  bien  simple  ^t 
bif p  patprel  :  ç'e§t  (^is  leur  r^ndrç  au^i  agréable  qui( 
possiblje  le  séjour  ^  Tinfirm^rie,  Pour  c^l^,  il  suffif 
qu'ils  y  trouvent  un  régime  convenable ,  et  par  cpn- 
sé(|uenjt  plus  dpii:f  que  dan^  Tét^t  ordinaire  ;  alor$  i\f 
ne  négli|f  rppt  aucune  pcçajsiop  de  passer  à  Tinllrm^r 
né.  JLçs  mojlndre^  opcidçiis  qu'ils  ^prouverpîept,  ;çe- 
ront  (exactement  anpoçcé^  ap  aiédeçin  f  et  Ton  o}^-^ 
tiendra  ainsi  le  résultat  «ïésiré ,  celui  de  n'i|nprçy  au- 
çqQf  f]es  circonstance^  propres  à  donnçr  de$  inquié- 
tpde$  $i3r  Yii^X  '^nitair^  de  la  prison  :  oç  sera  ensuit^ 
ap  m^d^çip  ^  y^^^  ^^  1^  nécessité  d'envoyer  à  Tinfir'» 
merîf  ç^xkif,  ipui  1^  demapderopt.  Il  devra  souvçpt  fair^ 
jpstiçe  des  piptîfS|  simples  pu  factices,  dont  quelque^j^ 
détenus  se  servirpiept  pppr  être  adçi^  à  l'ipQrmerie  ;; 
fnai^ ,  4ans  apçqp  çnç^  up  malade  n^  restera  jamais  j  à 


i58  DES  PRISONS. 

n'y  laissera  que  ceux  qu'une  indisposition  passagère  ne 
niettroit  point  dans  le  cas  d'exiger  des  secours  parti- 
culiers. 

Quant  aarég^e  intérieur  de  l'infirmerie,  au  traî-- 
tement  qu'y  recevront  les  matader ,  et  ao  tefnp6  qu'oa 
les  y  laissera,  c'est  au  médecin  qu'il  appartiendra  de 
donner  tous  les  ordres  de  détail.  La  diversité  des  ma- 
ladies ,  et  les  différences  que  doivent  apporter  dans  le 
traitement  et  le  régime,  l'âge ,  le  sexe  et  le  tempéra^ 
ment  des  malades ,  ne  permettent  pas  de  poser  ici  de^ 
règles  générales»  qui  ne  feroient  que  circonscrire  le 
pouvoir  dxi  médecin,  auquel  il  est  indispensable  de 
laisser  beaucoup  de  latitude.  Gomme  nul  autre  que  lui 
ne  peut ,  avec  connoissance ,  donner  les  ordres  néces- 
saires ,  et  qu'il  y  à  souVent  des  mesures  d'urgence  à 
prendre ,  le  principe  fondamental  du  service  de  l'in- 
firmefrie  sera  l'exécution  littérale  de  tous  ses  ordres, 
pour  ce  qui  a  trait  à  l'administration  journalière  ;  mais 
quant  aux  mesures  générales,  et  à  celles  qui  n'auroient 
jpour  objet  qu'un  changement ,  sans  nécessité  urgente , 
dans  le  régime  de  l'infirmerie,  il  ne  pourra  que  les 
provoquer ,  soit  auprès  de  la  commission  des  inspec- 
teurs ,  soit  même ,  dans  les  cas  importans,  auprès  du 
conseil  des  prisons  pour  l'arrondissement. 

Subordonné  aux  circonstances,  le  régime  des  ma- 
lades doit  être  abandonné  à  la  prudence  du  médecin , 
et  varier  suivant  ses  indications.  Mais  on  peut  toute- 
fois poser  certaines  règles  générales,  qui  feront  le  ré- 
gime commun  de  Tinfirmerie  et  dont  on  ne  s'écartera 
que  d'après  Tordre  exprès  du  médecin, 

La  nourriture,  ordinaire  sera  celle  en  usage  dans  les 
hôpitaux  :  quand  le  médecin  jugera  nécessaire  de  là 


BU  RÉGIME  Ï<HYS1QUE.  tSg 

éhànger,  ît  en  fefa  l'objet  précis  d'une  preseriptïom 
Dans  tons  les  cas  elle  sera  toiljonrs  meiiienre  et  plus/ 
agréable  qne  celle  des  prisotiniei-s  en  boiine  sauté,  et 
surtout  on  y  joindra  ordinairement  do  vin ,  à  moin? 
qne  le  médecin  ne  le  défende.  Cette  addition  suffiroit 
seole  pour  faire  désirer  aux  prisonniers  de  passer  à 
rinfirmerie  ,  but  que  nous  voulions  atteindre. 

Les  vêtemens  bons  pour  Tétat  de  santé  sont  insûffi- 
sans  en  cas  de  maladie.  L'homme  souffrant ,  toujours 
plus  sensible  aux  change  mens  de  terhpérature  que  dans 
l'état  ordinaire,  et ,  presqoe  toujours,  privé  d'une 
partie  de  ses  forces,  a  besoin  de  vêtemens  qui  puissent 
Fenvelopper  et  le  tenir  chaudement ,  sans  gêner  ses 
mouvemens.  Il  sera  donc  utile  d'avoir  des  habits  d'in* 
firmerie,  qu'on  fera  vêtir  à  tous  ceux  qui  y  entre- 
ront :  on  y  trouveroit  un  bien  précieux ,  celui  de  ne 
pas  renvoyer  les  malades,  après  leur  guérison ,  au 
milieu  des  autres  prisonniers,  avec  des  habits  qu'ils 
auToient  portés  pendant  tout  le  temps  de  leur  séjour  à 
l'infirmerie,  et  qui  pourroient  infecter  la  prison  toute 
entière  ,^en  y.répandant  les  miasmes  pestilentiels  dont 
ib  se  seroient  chargés.  Aussi,  dès  qu'nn  prisonnier 
aura  reçu  Tordre  de  passer  à.  l'infirmerie ,  on  lui  fera 
quitter  ses  habits  ordinaires,  que  l'on  gardera  en 
dépôt  dans  le  magasin  général ,  à  moins,  toutefois,' 
que  la  maladie  ne  soit  contagieuse,  auquel  cas  ils  se- 
ront mis  dans  un  dépôt  particulier',  après  avoir  été 
soigneusement  désinfectés;  on  lui  donnera,  en  échange, 
les  habits  d'infirmerie  ^  qui  seront  composés  d'iin  bon«^ 
net^  d'un  pantalon,  et  d'une  robe  de  chambre  ou  grande 
capote ,  eh  toile  pour  l'été,  et  en  éta£Pe  de  laine  pour 
l'hiver  :  ils  changeront  aussi  (le  Unge ,  et  en  prendront 


^a  i^ielqiVuoe  de  ces  msiliidie^  coiit^^Q^^s  ^^i  Ma" 
gent  à  une  ^p^ra^on  absolue  ^  comme  l^s  yéo4ri@9$. 
912  tes  galeu?£,  auront  pour  leur  s^lie  4u*}ii^  99^f\p' 
euliier ,  qui  ^  pour  éviiçr  la.  pi*opagatîpa  (4e  lç«:u^^  ai4a«- 
(jies,  ne  sera  jamaU  appliqué  à  un  aqtr^  iji^a^^.  IVi^t  çç 
qui  leur  aura  servi  seni  exclusivement  ré$efvé  ppur 
lepr  saile  ;  le  séquestre  doit  être  akao}!! ,  §m  tpu«  )e$ 
pQÎnt^,  entr^  ces  ipdlade$  qt  les  autres  d^tepus,  spU  dau$ 
\^  prison  commune ,  ^it  h  ripfiriwrîe-  .^ 

ïmlëpendammçnt  de  ce^  soin^  puremeut  physiques» 
que  réclament  les  p/îspnpiers  ^diuiis  à  l'infirmerie  ^ 
leur  état  exige  encpre  des  secpurs  de  plus  d'up  geure- 

|jf  moral  ^  sppvent  I4  plus  grande  influence  sur 
la  s^nté  de^  prison^ier^v.  Souvent  les  maladies  qui  Iç» 
pppgept  f  PPt  PPW  fcausç  le  chagrip  <le  la  ca^plivit^,. 
Vi^uinilîation ,  Ifi  4^plaisir  des  mauvais  tr9itemens  :  jC^ 
^ça  doi^iç  up  gran^d  iPpy^P  d^  cgire.  qpe  d^  «^haoger 
<^t  état  si  fâcheux  e|  de  leur  faj.re  oublier  f  aula^t  qffi^ 
ppssibl^,  lef  pein^  qui  oqt  fdtéré  leur  cop^itutipo. 
Combien  n'eH'îl  p^  d«  çes,  m^lheureu^^  que  Tidëe, 
s^/s  cessa  renai/sisante  de  Fétat  ignomituieux  et  pénî-^ 
l^e  ofài  il  sont  rédqitSi,  la  brutalité  dés>  commande* 
m^u^Si  ripjuMice  et-^ l'arbitraire  qui,  tr^p  souvent, 
p^^is3ent  les  dicter  et  surtout  T^m^ui  d'up  long  séjour 
dans  une  triste  prison  conduisent  à  p^  précipités  dans 
la  tombe  !  H  ne  faut  peut-être  pour  combfitcre  ces  fu- 
nestes effets ,  qu'attaquer  directen^ent  la  irause  qui  les 
produit  9  écarter  de  lesprit  des  malades  les  idées  affli- 
geantes qui  l'assiègent  s^ns.eess^,  et  y  faire. çpplerl^ 
baume  du  repos  et  de  l'oubli*  C'est  en  substUpapt  d« 
faosts  traitemeus  k  une  discipliue  upccss^irepien^  apf * 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  161 

1ère  et  souvent  exercée  avec  dureté  ^  que  Ton  obtiendra 
ce  résultat  désirable.  On  ne  peut  donc  trop  fecom- 
nriander  aux  employés  de  l'infirmerie  la  ^plus  grande 
douceur  et  les  raénagemens  les  plus  attentifs  pour  ces 
malheureux ,  qu'on  leur  confie,  non  plus  pour  les  pu<- 
nir ,  rnais  pour  les  rendre  à  la  vie  et  à  la  santé.  Qu'ils 
ne  traitent  jamais  durement  les-  malades ,  qu'ils  les 
servent  avec  complaisance,  qu'ils  s'abstiennent  sur-^ 
tout  de  parler  devant  eux  de  ^rs,  de  cachots,  de 
supplices ,  de  tout  ce  qui  pourroit  troubler  le  calme, 
dont  ils  ont  tant  besoin ,  en  retraçant  à  leur  esprit 
des  images  sinistres.  Il  sera  facile   à  ces  employés 
de  leur  montrer  une  aménité,  qu'ils  ne  connois- 
soient  plus  dans  leur  triste  situation.  Ils  n'auront  que 
peu  d'efforts  à  faire  pour  que  les  détenus  sentent  la  diffé- 
rence du  régime  des  guichetiers  à  celui  des  infirmiers. 
C'est  ainsi  que,  par  des  traitemens  doux,  une  con- 
duite humaine  et  des  égards ,  on  parviendra ,  en  grande 
partie  <i  à  détruire^es  impressions  morales  qui  influent 
d'une  maxiièresi  fâcheuse  sur  la  santé  des  prisonniers. 
A  ces  moyens,  purement  moraux,  qui  dépendent  en- 
tièrement des  préposés,  on  peut  en  joindre  d'autres, 
qui  tendront  au  même  but,  en  paroissant  ne  s'adresser 
qu'aux,  sens.  Ainsi  il  faut  éviter,  dans  l'infirmerie, 
tout  ce  qui  rappetleroit  l'idée  de  supplice  et  de  capti- 
vité. Qu'on  n'y  entende  jaijiais  le  bruit  des  chaînes  ou 
des  verroux;  que  ces. sinistres  barreaux  qui,  dans  les 
salles  ordinaires,  affligent  et  brisent  les  regards,  dîs- 
paroissent  de  ses  fenêtres.  La  sûreté  n'en  souffrira  pas, 
si  les  malades  sont  g^^rdés  à  vue ,  comme  on  doit  tou- 
jours le  faire  ^  et  si  l'infirmerie  est  placée  au  centre 
des  bâtîmens ,  comme  nous  l'avons  proposé. 

1 1 


i6i  DÉS  *RÏS6î<S. 

Ô'n  peut  aussi  déguiser  âdroiterhieni  Fàspect  des  ap« 
parteiiieris  ei  leur  Àter  ,  par  differehs  moyens,  toute 
appâréhcè  dfe  prison.  Un  idiedecin  ,  doué  d\irie  longue 
expérîentè  dans  le  service  d'une  îtifiririerîè  bîèn  con- 
nue, a  proposé  d'introduire  dans  lèshàpitàux,  Tiisage 
d'y  âîttactiér  des  îirâncliés  d'artres  vertes.  Il  y  trocive 
le  dbublfe  avantage  de  fournir  un  ventilateur  agréable 
et  naturel  et  d'écarter  lès  însécles  du  lit  des  malades. 
J'îgiiôre  jùsqu*à  quel  point  on  pourrait  compter  sut 

.  ieïiè  ûiilîté  dés  rameaux  îr&is  ;  mais  je  crois  que ,  dans 
tous  les  cas,  on  gagneroit  beaucoup  à  appliquer  cette 
idée  à  l^infirmerîe  des  prisofts.  Là  décoration  riante  et 
gracieuse  que  présenfe  le  feuillage  ,  lés  idées  douces  et 
paisibles  qu'il  rappelle ,  cette  imagé  imparfaite  ,  mais 
précieuse ,  dés  beautés  de  là  nature ,  qu'il  retraceroit 

.  ^u  milieu  des  cachots ,  èôntribuèiroiént ,  plus  d'une  fois 
peiit-étré ,  à  charméi-  lés  dôûléùrs  d'iirt  malheureux  et 
à  accélérer  sa  guérisort.  <2ûé  dans  Un  dé  CéS  niomeus 
trop  rares ,  où  le  câlmè  de  rabattement  succède  à  de 
vives  et  ïongues  sbuffrHncés,  Ses  yedît  se  pointent  Sut 
une  verdure  agréable ,  qu^îl  îi'àvoit  pafs  éAcôré  àpéf- 
çue,  une  douce  agîlatîon fait  palpiter àon  cCfetir, depuis 
long-tempsfl'étriparï'irifortune,  des  idéësmoins  som- 
bres ont  frappé  son  esprit;  le  premier  regard  Ta  Iràns- 
porlé  loin  de  celte  prison,  àéjotir  dé  larméS,  dôhtîes 
murailles  nues  et  unifoflfiéS  atlîrisloiént  ^n  âmé  et 
vérsoîent  dans  son  coèùr  le  pôiSOn  d'un  énntii  mortel, 
iîarévu  t^s  bois,  lèà  champs,  lé  haméâd,  témoins 
dés  Jeux  de  son  ênrancè,  dîs  plaisirs  de  éâ  jéuùessé,  dés 
travaux  dé  son  âgé  liiûr.  Son  vieux  père,  sa  fendre 
épouse ,  ses  petlts-énfans  se  présentent  à  sâ  pensée , 
non  plus  tels  que  leâ  lui  peîgnoîeni  seé  sombres  rêve^ 


.        DU  RE&iMÈ  PHYSIQUE.  i65 

rîès ,  eri  pfble  à  \à  ïnîsère  ,  à  la  honte  et  maudissant 
Ifautéûr  de  lëin»  opprobre,  hiaU  conservant  de  lui  un 
soûveniir  iâdulgentet  afPectnéux,  appelant  de  tùu^' 
leoirs  vœiit  l'époque  de  s^on  retour  et  travaillant  avcd' 
airdeuf  pout  ^  détivraticé.  Potif  la  premièi^è  fols  peut- 
être  depuis  sa  cajptivité,  îl  a  pu  pemer  sanà  doùléiir 
âu:x  personnes  qu'il  aime;  pour  la  prenîièré  fois  il' 
prononce*  avec  un  plaisir  pur  leurs  noms  chéris  et  iiè 
èraint  pé^  dé  reposer  son  àdië  dans  leur  souvenir: 
tantesl  puissante,  sur  toute  une  suite  d'idées,  rih- 
fiùencè  des  jprèmières  impre^ions.qui  l'ont  accom- 
pagnee! 

**  Bîëntàt ,  il  èàt  vrai ,.  ces  illusions  se  dissipent  et  font 
'  ptàidè  a  la  triste  réalité;  mais  le  bien  produit  par  cet  ins- 
tant dé  bàhliéùr  hé  &è  perd  point.  Le  prisonnier  retrouvé' 
ses  souvenirs,  mais  désormais  dépôiHUés  de  cette  amer' 
tunie  qui  empoisonnoit  toute  son  existence  ;  de  douces 
lârines  baignent  ses  paupières  et  soulagent  enfin  un^ 
douleur  trop  long-temps  concentrée.  Une  mélancolie' 
traiiquille  remplace  le  désespoir  sinistre  qui  lé  ifé- 
chiroît  et  lui  permet  de  reconnoître  et  d'apprécier  leè 
soins  dont  il  est Tobjet:  heureux,  autapl  qu'un  prison- 
nier peutrètre,  il  se  voit  entouré  d'une  active  soUîci- 
tade^qui  prévient  ses  besoins,  adoucit  ses  maux  et  veillé 
sur  ses  jours.  Au  lieu  de  ces  paroles  dures  et  menaçan- 
tes, qui  retentissoient  toujours  à  son  oreille,  ou  dé  cette 
'   indifférence  cruelle ,  qui  accueîUoit  avec  des  sai*cas-' 
mes  ses  plaintes  les  plus  justes,  il  n'entend  que  des 
discours  de  paix  et  de  consolatiori ,  des  ordres  salufai-* 
Tes  9  des  informations  soigneuses  sur  son  état.  Il  bénir 
les  hommes  de  bien  ,  qui  se  consacrent  au  soulagement 
Je  ses  Couleurs  et  la  société,  dont  ils  représentent ,  il       ^ 


364  DES  PRISONS. 

son  égard,  la  bienfaisante  protection.  Le  calme. rendit 
dans  son  âme,  ses  nerfs,  long-temps  exaltés, par  la 
douleur,  se  relâchent  doucement,  le. repos  ferme  ses 
paupières,  et  un  sommeil  paisible  vient  lui  rendre  des 
forces  et  un  bien-être  depuis  long-temps  .perdu  pour 
lui.  La  vie  d'un  homme  est  sauvée ,  et  les  soins  de  la 
charité  ont  fait  ce  prodige.  Tels  sont  les  effets  que  Ton 
peut  aUcndre  de  la  mesure  la  plus. simple,  pourvu 
qu'elle  soit  en  harmonie  avec  le  cœur  de  Thomme.  Il 
n'est  pas  une  seule  branche  du  régime  des  prisons,  qui 
ne  présente  le  moyen  de  concourir  au  bien-être  et 
même  à  la  réforrne  morale  de  leurs  tristes  habitans. 
Mais ,  pour  savoir  tirer  parti  de  ces  ressources»  il  faut 
joindre  à  la  connoissance  du  cœur  humain,  cet  ardent 
amour  de  Thumanité,  dont  nous  avons  le  bonheur  de 
connoître  plus  d'un  modèle^ 

Section  m.  Des  personnes  employées  à  tinfirmerUm 

On  voit,  par  tout  ce  qui  précède,  que  le  choix  des 
personnes  chargées  du  service  de  Tinfirmerie  est  loin 

*  « 

d'être  sans  importance  ;  on  y  aura  besoin  de  deux 
classes  d'employft ,  les  of&ciers  de  santé  et  les  hommes 
de  service.  . 

Dans  les  prisons  peu  nombreuses,  comme  les  maisons 
d'arrêt  de  certains  arrondissemens,  oùdixàdouze  hom- 
mes, tout  au  plus,  attendent  Taudience  de  police  cor- 
rectionnelle ou  la  mise  en  accusation,  qui  les  fera  trans- 
férer à  la  maison  de  justice  du  département,  le  nom- 
bre des  employés  de  l'infirmerie  ne  devra  pas  être 
considérable.  Un  seul  médecin,  un  seul  infirmier 
pris  parmi  les  prisonniers ,  sufBront,  dans  tous  les  cas^ 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  i65 

^ut  làdesseryir.  Mais  il  n'en  sera  point  de  même,  dans 
'les  plaisons  centrales,  où  les  détenus,  accumulés  deplu' 
'siénrsdépartemens  sur  le  même  point  et  destinés  à  une 
longue  captivité ,  élèvent  quelquefois  la  population  jus- 
qu'à six  ou  sept  cents  et  même  au-delà.  Alors  le  système 
d'infirmerie  doit  être  plus  compliqué ,  plus  de  persoQr 
nés  y  seront  employées,  et  les  fonctions  y  seront  plus 
réparties.  C'est  de  ces  grandes  prisons  que  nous  nous 
occupons  surtout  en  ce  moment. 

Le  premier  et  le  principal  des  employés  de  l'infir- 
merie ,  est  le  médecin  ;  c^est  sur  lui  que  roule  tout 
Téusemble  de  l'administration ,  de  lui  que  relève  tout 
ce  qui  tient  à  l'infirmerie.  Ses  ordres  sont  d'une  im- 
portance tellement  grande  et  surtout  tellement  ur- 
gente ,  que  rien  n'en  doit  jamais  entraver  ni  retarder 
l'exécution.  Aussi  le  médecin,  dans  l'intérieur  de  l'in- 
firmerie ,  doit  jouir  d'une  entière  indépendance  et 
d'une  autorité  absolue  ;  il  peut  et  doit  commander 
tout  ce  qu'il  juge  nécessaire  $ous  le  rapport  du  régime, 
et  les  proposés  doivent  exécuter  aveuglémentses  ordres, 
«ous  peine  de  châtiment  pour  les  uns,  et  de  destitution 
ou  suspension  pour  les  autres. 

Il  sera  souvent  indispensable  d'adjoindre  au  méde- 
cin, un  chirurgien,  chargé  spécialement  du  traite- 
ment et  de  la  suite  des  maladies  extérieures  et  surtout 
des  grandes  Opérations  chirurgicales.  Le  chirurgien 
devra  être  aussi  indépendant  que  le  médecin ,  dans  les 
salles  qui  lui  seront  réservées;  mais  quant  à  l'ensemble 
de  l'infirmerie ,  comme  il  faut  nécessairement  un  chef> 
ne  fùf'Ce  que  pour  éviter  des  conflits  négatifs ,  qui 
tourneroient  au  désavantage  des  malades,  il  est  im?- 
possible  de  ne  pas  accorder  cette  suprématie  au  mé-:^ 


i66  DES  FRISONS* 

decin  ,  parce  qiie ,  dans  toii$  leç  cas  et  it^Mi 
prisons >  il  y  aura  toujours  \\ti^  Tnid^lm\  ou  dq  ws4xj(f^ 
lin  docteur  réunissant  le$  deux  protections,  V^f^iS^ 
quHl  n'y  aura  de  chirurgien  spécial  que  dans  (^  pri- 
sons les  plus  considérables.  J)u  reste ,  quand  Iç8  face- 
ttons seront  divisées ,  le  rnédecîu  et  le  cbiruffiei]^  [ouï- 
ront tous  deux  des  méuEi^.  av^ta^^s  et  des  xnè^i/^ 
prérogatives,  sauf  le  droit  de  çoXnn^^Mider  en  çbe£» 
toujours  réservé  au  médecin; 

Tous  les  jours,  Iç  médecin  et  le  chirur^^ien  ,  soit  en 
commun ,  soit  séparément^  devront  faire  la  visite  d^ 
salles  de  malades.  Ces  visites ,  $elon  Tuss^ge ,  i^^rqift 
tpyjours  lieu  le  matin.  Ils  devront  également  vi^tef 
leis' prisonniers  arrivans,  qui  auront  été  déposa  dai^ 
la  chambre  de  quarantaine  et  ceux  qui,  4étçnqs  U^pui^ 
quelque  temps,  paroitroient  malades  ou  se  déclarer 
roient  tels.  De  temps  «n  temps  çt,  s'il  étpit  possib^ç  « 
au  moins  utie  fois  toutes  les  semaine^ ,  ils  inspçctep 
roiçnt  la  prison  toute  entière  et  port  croient  leur  çxamiçp 
sur  la  tenue  des  chambres  et  des  ateliers.  Ils  auront 
également  soin  de  surveiller,  d'une  manière  générale^  / 
Texécution  de  leurs  prescriptions,  et  cpust^teront ,  ft 
des  époques,  indéterminées,  mais  assc;^  fréquentes, 
Tétat  desalimens  et  celui  des  médicameas,  soit  em,- 
ployés,  soit  à  la  pharmacie.  Le  méidecin  et  le  chirurgien 
seront  les  maîtres  de  se  réqnir  pour  ces  diverses  fonc- 
tions ou  de  les  exercer  séparément  j  cependant  ils  de- 
vront toujours  procéder  ensemble  k  1,9  vi^^te  des  pri- 
sonniers entrant  ou  soupçonnés  de  ^]^al^die. 

Ces  soins,  assidus  et  souvent  péjriibles,  devront  ^tre  ré- 
compensés convenablement.  Dans  les  grandes  prisons, 
le  médecin  et  le  chirurgien  auroient^  indépendamment 


DU  I^QIWS  fWfSHQVE.  167 

gtm  traîtf ment  f^xe  et  9v^(fi$^ ,  un  Iq^ejmtnt ,  ^E^umni 

C9(térieare^  dan^  If^  pHfÇns  maîn^  Qqpsiî()érabl?9  f  cp 
logement  et  Içî  titre  ^  naédacl^  4^  prUqn$  «piliraiil 
pour  in^eamiaer  le  médeciu  ft  fMiPiie  pwr  ^fre  <}é»r 
rer  ces^  foaoctions  à  de^  bpmime^f  ?ri  géi^^r^l*  pln^ 
avides  de3  moyens  dç  sp  rendre  vtU^  e^  <t'étettdre 
les  limites  de  la  science ,'  qvie  d'én^oUimens  et  dr 
prorogatives,  Toqtes  le^  fois  i^iW  ^'agir^  d'un  aersîee 
public ,  on  troqyera  toaÎQV^s  des  o^çciioiî  ^ËAposés  à> 
s'y  livrer  avec  dévouement» 

11  y  auroitles  plu^gr^nd^  av^nt^es  k  dpnmr  pour 
aide  au  médecin  et  au  çbirurgieix  de  rinfirmeriei  ui> 
élève  qui  y  resteroît  ordinaireniQnt  yntilît^desftprd^ 
s^ce^  pendant  Vi^tervaUe  îuévît^ble  àesi  iiîsites,  est 
évidente  ;  un  ^âèye  1  djf  jà  îqitîé  a  |a  pqnnwwwifte  dp 
l'art  de  guérir ,  et  qui  auroft  s^ivî  et  éU|di^  cl^UP 
maladie ,  dè^  son  origine ,  seruit  $?wl  çagfikk  M  Ifts 
veiller ^veç frujt  1.  déporter  un  prompt,  r^ipède  9uic 
accidens  imprévus,  qui  peuvent  ^^v^nx^  ^i  néiiîf^iter 
des  mesures  urgente^ ,  eî  d'ep  repdre  91^  roédflfsî©  uii^ 
compta  détaillé  et  satis£fisaut.  )\  e«t  d'a^lWurs  b&wt 
coup  de  parties  du  service,  qui^xig^pt  pli;^  çpffi  deTijee 
telligenee^  dpnt  la  muUipliçitf$  a];>aprlpeçQit  tout  le 
temps  du  médecin  et  qu/ç  Toq.  ni^  sa^TQit  ^il^dad^nns»! 
9m  ii^firmier^ .  Qn  pourra  les^  cp^fiev  à  l'élève, 

^crçi^ion  de  cet  eï^spW  douqprft  w^wre  m  mfiyen 
fepile  et  précieux  dç  recueillir  %w^  les  r^iwjgMmenir 
utiles  à  ravjnï,çemept  de  la  ^cieutce  médicale^  que.  prpr 
d^irop^  k§  çfc^çryatiops  fftite§  ^  rîrifiriî3t?rfe*  On  i^b^rr 
j^rpit  Vftlèye ,  sftqs  la  direction  d\i  m^dpçlRi  dfr4enlr 
t^rçgi^trç  def  p^^diçis  et  d'y  (consigne?.  ton^aW 


ï68  DES  PRISOm 

marques  auxquellieÂ' elles  aiiroîênt  donne  lieu.  Cette 
mesure,  qui  semble  d'abord  n'avoir  pour  objet  que' lés  -^ 
progrès  de  l'art  de  guérir  en  général,  tburneroît  eh 
même  temps  à  l'avantage  réel  des  prisonniers,  en  don-^- 
nant  à  l'autorité  des  renseignemens  exacts  et  répétés 
sur  l'état  sanitaire  dans  chaque  prison ,  sur  les  itiala- 
dies  qui  s'y  déclarent  le  plus  fréquemment ,  ou  qui 
résistent  le  plus  au  traitement,  sur  les  causes  qui  peu- 
vent donner  lieu  à  ces  résultats ,  sur  les  moyens  de 
les  combattre,  etc....  Ces  rapports,  envoyés  au  côn- 
èeil  général  des  prisons,  indiqueroient  les  améliora- 
tions dont  le  régime  de  santé  seroit  susceptible,  sur  tous 
les  points  à  la  fois  et  prépareroient  ainsi  une  réforme 
continuelle  et  générale. 

A  ces  trois  fonctionnaires  il  faudra  nécessairement 
joindre  un  pharmacien ,  qui ,  suivant  IHmportance  de 
la  prison ,  sera  tenu  d'y  résider  ou  seulement  d'y  ve- 
nir plus  ou  moins  long-temps  chaque  jour,-  poitr  les 
besoins  de  l'infirmerie.  Il  devra  trouver  une  pharma- 
cie toute  montée  pour  les  préparations  qui  ne  consis- 
tent que  dans  l'emploi  des  médicamens  simples,  que 
l'on  fera  toujours  venir  tiu  dehors.  La  pharmacie  d'une 
prison  ne  peut  être  une  manivfacture  de    produits 
chimiques,   mais  on  doit  y  préparerions  les  médi- 
camens composés  qui  peuvent  être  ordonnés. 
.  Tels  sont  les  hommes,  doués  d'une  instruction  spé- 
ciale ,  qui  seront  attachés  à  l'infirmerie.  Ils  devront  être 
secondés  parun  plus  grand  nombre  de  personnes ,  des^ 
quelles  on  n'exigera  que  la  force  physique  et  une  intel- 
ligence ordinaire.  Le  pharmacien  aura  souvent  besoin 
d'hommes  dé  peine  chargés  de  F^ider  dans  la  partie  pu- 
rement mécanique  de  ses  fonctions.  Le  service  des  salles 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  169 

•  •  •  •  * 

n<?cessîte  également  l'emploi  ^l'un  certain  nombre 
d  hommes  qui ,  sons  le  nom  d'infirmiers ,  seroîent 
chargés  dé  tous  les  détails  qu*il  comporte.  Leurs  fonc- 
tions ne  sont  pas  toujours  les  mêmes ,  à  raison  da 
genre  dé  malades  auxquels  ils  donnent  leurs  soins; 
quand  ceux  qu'ils  gardent  sont  seulement  attaqués  de 
ces  maladies  contagieuses,  qui  forcent  à  les  séquestrer  et 
à  les  assujétir  à  un  traitement  fixe,  mais  qui  ne  leur 
enlèvent  point  leurs  forces,  les  infirmiers  ne  sont 
charges  que  de  surveiller  ces  malades  et  de  leur  ren- 
dreles  offices,  pour  lesquels  leur  intervention  est  in- 
dispensable. Mais,  dans  tous  les  autres  cas,  les  infir- 
miers sont  chargés,  outre  les  soins  à  donner  aux  ma- 
lades, d'entretenir  la  propreté  dans  les  salles,  et  généra- 
lement de  tout  ce  qui  en  concerne  le  service. 

Cette  différence  en  mettra  une  grande  dans  le  nom- 
bre d'infirmiers  qu'on  devra  employer  dans  l'un  et 
l'autre  cas.  Ainsi,  dans  les  salles  de  galeux,  qui  ren- 
trent dans  cette  première  classe  de  malades  dont  nous 
avons  parlé ,  les  soins  relatifs  à  la  propreté  et  à  la  tenue 
des  lieux  devront  être  abandonnés  aux  détenus  eux- 
mêmes.  Quant  aux  infirmiers,  ils  ne  seront  chargés 
que  des  communications  nécessaires  entre  ces  salles  et 
Textérieur  ;  ils  auront  également  l'emploi  d'aller  cher- 
cher les  médicamens,  de  faire  les  frictions  et  de  soi- 
gner  ceux  des  malades,  que  des  circonstances  particu- 
lières rendroîent  incapables  de  se  servir  eux-mêmes. 
Les  fonctions  de  ces  infirmiers  ainsi  restreintes,  il 
n'en  £audra  qiAn  assez  petit  nombre  pour  faire  ce 
service.  On  a  calculé  que  trois  infirmiers  suffisent  pour 
soigner  qiiatre-vingt  galeux. 

U  n'en  est  pas  de  même  des  épileptiques:  comme 


lyp  DBS  PRISONS. 

leur  m9ladie  $e  manifeste  par  des  accès,  dont  la  violçft^ 
ne  peut  être  contenue  que  par  la  force ,  il  faut  toqjomps 
dans  les  salles  qui  leur  sont  destinées,  un  uopabre  de 
«uryeillans  double  de  celui  des  malad^^  Sa;ns  çc^le 
précaution,  on  seroit  exposé  à  de  fréquentes  al^riiicis  ^t 
les  malades  eux-mêmes  ne  seroieut  pas  soignés  convena- 
blement. Les  lits  de  ces  déténus  doivent  aussi  être  garnis 
de  Vappareil  usité,  ponr  contenir  les  épileptiques  dai^s 
les  accès  qu'on  a  su  prévoir. 

Qqant  aux  salles  destinées  aux  malades  ordinaîr^^, 
qui. bien  loin  de  devoir  être  contenus,  n^ont  plus  i|i 
la  force,  ni  la  possibilité  de  se  servir  eux-mêmes, 
elles  sont  comme  le  moyen  terme  entre  les  autres.  11 
y  faut  plus  d'infirmiers  que  dans  les  salles  de  galeux  ;  il 
en  faut  beaucoup  moins  que  pour  le^  épileptiquçf. 
Dans  les  hôpitaux  l  ojn  met  ordipaurement  un  iôjEir- 
mier  pour  dix  ou  douze  lits;  il  sefoit bon  d'adopter  c^t 
tisage  dans  les  infirmeries  des  prisons. 

Tous  ces  employés  pourroîent  être  pris  parmi  las 
détenus  eux-mêmes';  outre  l'économie  évidente  que  ce 
choix  présenteroit,  mais  qui  n'€;st  jamais  qu'un  avan- 
tage secondaire ,  on  y  trouveroit  celui  de  pouvoir  don-- 
ner  ces  places ,  à  titre  de  récompense ,  à  ceux  qui  9'cn 
seroient  rendus  dignes  par  leur  bonne  conduit^  et  de 
faire  servir  les  malades  par  des  camarades ,  nécessaire^ 
ment  plus  doux  que  des  étrangers,  soit  à  cause  de  Leur 
position  dépendante ,  soit  à  cause  de  l'idée  où  ils  ^ot 
toujours,  qu'eux-mêmes  peuvent  avoir  un  jour  besoin 
des  secours  qu'ils  administrent.  On  vya  plus  loîq  que 
ce  genre  de  récompenses  entrera  pour  beaucoup  dan3 
notre  système  de  réforme  morale. 

Quant  aux  ^roolumeqs ,  propres  à  faire  désirer  ces 


DU  REQIME  PHYâlQUE.  %n 

pl^eâ^  aqx  déteousi  *  il  e^t  inuUle  <de  s  en  otcupt r*  lit 
prix  des  cQmiDbçîqns,  qui  serqiit  payéea  d'après  oà 
tarif  publié  et  afEché^  et  1^  .i^oi^rriture  commnae  de 
Tinfirmerie,  qui  sera  donnée  aux  infirmiers,  suffiront;, 
avf  c  rédemption  de  travail  ordinaire ,  pour  les  leur 
Fendre  tries  -  a^éables.   De^^tinëes  à    être   doiuiées 
comme  récompeip^,  les  places  d'infirn^iers  seront dis«- 
tribuées  d^ps  la  forrpç  qi>e  nous  iqdiqueroiis  ultërieu>- 
rement,  mais  tou}ours  avec  l'avis  du  médecin,  qui 
aura  un  veto  absolu  contre  les  sujets  qui  ne  lui  con«- 
viendroijent  pas.  Cette  exclusion  ue  le§  rendra  pas  in>- 
dignes  d'une  autrç    récompense ,    mais  empêchera 
<|u'ilsne  puissent  recevoir  àc^  titrée  la  place  d'infirniieo. 
Quand  le  médecin  aur^  de$  mécontentemens  graves 
contre  un  infirmier ,  il  pqi^rra  le  suspendre  provisoire- 
ment et  provoquer  $a  destitution. 

Les  fonctions  des  infirnf^ierscQBsisterqHt  à  servir  et 
sqigner  lef  mj^lades,  à  se  feuir  prêts  à  exécuter  tous  les 
f^nbresdu  médecin,  à  f^iire  les  lits,  balayer  les  salles, 
ouvrir  îfs  fenêtres ,  allumer  et  entretenir  les  poêles,  ser- 
rer et  porter  le  linge.  Leurs  Uts  seront  placés  aux  quatre 
coins  desselles  et  ils  veilleront  alternativement  pendant 
la  nuit.  Mais  cqmrpe  il  i^K  toujours  un  chef  eKtre  plu- 
sieurs hommes  chargé^  concurremment  des  mémos 
fonctions,  il  y  ap^a  W.  infirmier  principal  ou  major, 
dont  remploi  sera  de  maintenir  Tordre,  de  surveil- 
ler la  distrjbA^tion  de^  médicamens  et  lexécution  des 
ordres  immiédia^ts  d[q  médecin  aux  infirmiers  ;  il 
'  tieiidra  le  cahier  dej^  visites  et  veillera  sur  la  conduite 
de  seç  sikihordoqnés. 

Cet  infirmier,  à  raison  d^  la  plus  grande  importance 
de  ses  attributions ,  pourra ,  si  le  médecin  le  juge  né- 


\^^  DES  PRISONS. 

cessaire,  être  pris  hors  de  la  prison  et  recevoir  uoe 
haute  paye.  Cependant,  s'il  se  troavoit  nn  détenu  ca- 
pable de  les  remplir,  il  faudroit  le  choi^r  de  pré- 
férence. 

11  convient  de  rappeler  ici  une  règle  générale,  qui 
est  surtout  applicable  aux  infirmiers  :  c  est  de  ne  jamais 
permettre  aucune  communication  entre  Tinfirmerie 
«t  la  prisqn  et  de  ne  pas  soufirir  que  les  mêmes  em- 
ployés servent  pour  Tune  et  pour  Tautre.  Les  infir- 
miers, chargés  tout  à  la  fois  de  soigner  les  malades  et 
de  les  garder,  seront  les  seuls  préposés  que  Ton  puisse 
,y  mettre  ;  ils  ne  pourront  jamais  aller  dans  la  prison 
.commune  ;  de  leur  côté ,  les  guichetiers  ne  pourront 
pas  aller  dans  Tinfirmerie.  Si,  pour  plus  grande  sûreté 
^t  pour  mettre  sa  responsabilité  à  couvert ,  le  gardien 
croit  devoir  mettre  un  préposé  à  sa  discrétion  dans 
Tinfirroerie,  il  en  sera  le  maître;  mais  ce  surveillant 
ne  pourra  pas  plus  que  les  autres  passer  de  la  prison  à 
rinfirmerie ,  ni  retourner  ensuite  à  la  prison.  Ces  pré- 
cautions sont  indispensables,  pour  empêcher  les  mala- 
dies contagieuses  «le  se  répandre  hors  de  Tenceinte  qui 
leur  est  assignée.  Enfin  ce  préposé  sera  au  compte  du 
geôlier' et  n'aura  d'antres. fonctions  que  de  veillera  la 
.  sûreté  -,  sans  pouvoir  se  mêler  en  rien  de  l'infirmerie , 
.si  ce  n'est  pour  aider  les  infirmiers  sur  Tordre  exprès 
du  médecin. 

Telles  sont  les  règles  d'après  lesquelles  on  peut  éta- 
blir le  régime  physique  des  prisons,  soit  pour  Tétat 
ordinaire ,  soit  dans  le  cas  de  maladie.  Avec  ces  soins , 
on  parviendra  sans  doute  à  prévenir  les  épidémies ,  à 
entretenir  l'existence  des  prisonniers  et  à  leur  conser- 
ver, aptant  que  possible,  une  bon|y  santé.  Ce  sera 


DU  REGIME  PHYSIQUE-  173 

beaucoup  assurëitient ,  et  plût  à  Dieu  que  nos  vœux 
pour  cette  partie  importante  de  ramëlioration  du  sort 
des  prisonniers  pussent  un  jour  se  réaliser  entière- 
ment ! 

TITRE  V. 

DU    RÉGIME    UOBAL. 


CHAPITRE  I",  De  Vohjei  du  régime  moral  des 

prisons.    . 

Le  régime  physique  a;,  en  général,  pour  but  de 
conserver  les  prisonniers  dans  Tétat  où  iksoht  et  de  les 
rendre ,  à  Vexpiration  de  leur  peine ,  aussi  forts  et  aussi, 
bieaportans  qu'ils  Tétoient  lorsqu'elle  a  commencé. 
Le  régime  moral  doit  faire  bien  plus  :  il  doit  rendre 
les  prisonniers  meilleurs  qu'ils  iri'étoient  à  Fépoque  de 
leur  arrestation.  Si  lés  condamnés ,  qui  ont  subi  leur 
peine ,  sont  encore  aussi  enclins  à  Toisiveté  ^  à  la  dé** 
bauche,  au  crime  qu'ils l'étoient  auparavant ,  le  régime 
moral  est  radicalement  mauvais ,  et  il  faut's'empres^ 
ser  de  le  réformer.  Toule  peine,  qui  ne  tend  pas  à  cor- 
riger t!elui  qui  la  subit,  est  un  acte  de  tyrannie  inutile 
et  atroce.  Elle  expose  même  la  société  toute  entière 
aux  plus  grands  dangers;  car  une  détention  temporaire, 
infructueuse  pour  l'amendement  du  condamné,  ne  sert 
qu'à  irriter  cette  âme  perverse  et  à  la  précipiter  de 
nouveau  dans  la  carrière  du  crime.  Enchaînez  un 
animal  domestique  et  paisible,  il  deviendra  féroce  ; 
l'homme  sans  honneur,  qui  aura  subi  un  supplice  inu- 
tile pour  le  ramener  au  bien,  ne  rentrera  dans  la 
société  que  pour  Fépou vanter  par  de  nouveaux  forfeiti 


i74  i>ES  FRISONS. 

C€6t  att  ré^rtie  moral  à  prévenir  tfe  ïnâlhenret  a  jus- 
iMter  l'^t^t^iîcdtibn  des  peintes  pat  lèùrS  résultats.  Telle 
e^lë  tfitbé  împôrifaiite  et  difficile  dont  iious  allons  es- 
saj^er  de  tracer  lesrègles>Trop  heureux,  si  nos  réflexions 
présentent  quelques  aperçus ,  dont  pourront  tirer  parti 
les  hommes  puissanset  éclairés,  dont  le  zèle  et  les  lu- 
mières préparent  ûite  grande  et  sahitaîre  réforme,  dans 
le  système  des  prisons  firançoises! 

Jusqu'à  nos  jours,  on  paroît  avoir  constammetit  fifc- 
culé  devant  les  difficultés  de  cette  entreprise,  qu'exagè- 
roient  encore  de  pernicieux  préjugés.  On  se  figure,  ou 
répète  trop  souverit  queJès  pn^onnierà  sont  des  hom- 
mes pt^lUs  pour  lÀ  société,  et  qu'une  juste  défiance 
duît  tbujtiurséloîgnW  d'eux,  ftprè*  TexpiratioVi  d^  leur 
peine.  Funeste  erretijf ,  qùî  réégît  iilr  ëile-mème ,  et 
qui  \  en  6tânt  au:st  coildat}it)ê!s  libét^és  la  faculté  d'exer- 
cer une  pj^c^eèsion  utite  et  hotiorâMë,  lés  poussé  au 
criihè  ifxar  le  dtfsespùil*  et  troUvë  ,  dans  lès  nouveaux 
désordres  dttnt  elle  est  lA  èàuàe  première ,  de  nouveaux 
motifs  de  s'affermir  !  Oii  ëroît  les  priisouuiei^è  incorrî- 
giisles  et  oïl  lès  àbandô^tië  à  eU^^-mémèé  ;  on  èé  con- 
tente d^enclialher  pbui-  itti  x^ïtipâ  leurs  mains  coupables, 
et  oti  ne  daigne  p^s  s'occupe^  de  toucher  leui*  c'dbilr  et 
defarrather  au  erttné.  Fàltt  il  i'ëtôrihër  âi^th  eeïa 
que  remprisontteniettt  sttlt  sôùvèht  une  sorte  tïé  pré- 
Heiaînntioti  à  l'échafeéd  ?  Combien  dé  riiâlïieuffeoi , 

après  avoir  Subî  ëvèt  tëëîgnatidh  îa  fiénie  d'hurlé  pte- 
ttilèîifc  faute,  rentrolénl  daùs  là  société  aVéc  le  &ésiv 
siïirtre  de  rëparer  les  ét^Hs  de  iéur  jeunesse,  (jdi,  re- 
pousses par  litiè  ptiivërtHoh  iiiJuMeilSe  èl  àvéuglfc,  pri- 
vés de  travail  et  as^llU^  de  tentatibtis  trop  fortes  pour 
iiti  eœur  (Vaglle ,  fetoînbënt  dans  dè^  ègareméiis  qu'il 


DU  ïvEGïME  Moral.  ,75 

«àt  été  facile  de  leur  faire  éviter ,  si  Ton*  n^eût  pas 
comntencé  par  déclarer  l'entreprise  imposslble^et  vien* 
nent  grossir  la  liste  effrayante  des  condamnés  en  réci- 
<]ive!  Tels  sont  les  funestes  effets  d'une  opinion  injuste 
et  cruelle,  qui  ,  aprës  avoir  empêché  que  la  détention 
légale  ne  devînt  un  puissant  moyen  d'aiàend^ment 
moral  pour  Id»  condamnés,  punit  encore  ses  victimes 
du  mal  qn^elle  leur  a  fait. 

Est-ce  donc  là  ce  qu'a  voulu  le  législateur,  lorsqu'il 
a  prononcé  la  perte  de  la  liberté  contre  ceux  qui  en 
abuseroient!  Est -ce  pour  qu'ils  apprennent  tons  les 
secrets  de  la  scélératesse,  pour  qu'ils  dépouillent  les 
derniers  sentimens  de  rhonneur,  qu'il  les  condamne  à 
une  captivité  temporaire  ?  Non ,  non  :  c'est  interpré- 
ter d'une  manière  trop  lâche  et  trop  cruelle  s^s  inten<r 
lions  généreuses,  que  de  croire  qu'il  n'a  cherché,  dans  la 
répression  du  crime ,  que  le  triste  plaisir  d'une  ven- 
geance facile  sur  un  scélérat  obscur,  ou  une  garantie^ 
aussi  insuiBsante  qu'illusoire.,  contre  les  futurs  dépor  - 
lemei^s  d'un  homnie  dangereux.  C'est  Tamendement 
du  coupable  qu'il  a  surtout  voulu  préparer,  au  moyen 
de  ces  peines ,  qui  donnent  en  même  temps  un  salu; 
làîre  exemple.  Si  les  prisons  ne  pouvoient  produire  ces 
résultats  néèessaireS;  il  faudroit  fermer  lespriisons,  et 
renoncer  à  des  institutions  aussi  funestes. 

Mais ,  non ,  la  captivité  n'est  point  le  noviciat  dii 
crime.  Gardons-nous  de  désespérer  de  tous  ceux  qui 
ont  le  malheur  de  perdre  leur  liberté!  On  peutsortîç 
vertueux  dés  prisons  destinées  à  renfermer  les  cou- 
pables, et  il  existe  des  moyenç  d'empêcher  la  corrup- 
lion  morale  de  s'y  répandre-,  comme  une  maladie 
contagieuse,  et  d'empoisonner  tous  ceux  qui  les  habi- 


176  DES  PRISONS. 

tent;  il  est  même  permis  d'espérer  la  diminotion  de 
son  désastreux  empire ,  et  de  lui  arracher  une  grande 
partie  de  ses  conquêtes.  Qu'un  régime  moral,  sage- 
ment combiné ,  ramène  à  la  vertu  ceux  des  prisonniers 
qui  ne  Font  pas  quittée  pour  toujours,  et  qui,  heureu- 
sement ,  forment  le  plus  grand  nombre  ;  que  des  res- 
sources suffisantes  et  assurées  attendent ,  à  leur  sortie, 
ceux  qui  anroieht  l'intention  de  travailler,  et  qu'une 
funeste  méfiance  laisseroit  sans  ouvrage  ;  de  nombreux 
exemples  prouveront  bientôt  que  tous  ceux  qui  sortent 
des  prisons  ne  sont  pas  voués  irrévocablement  àa 
crime.  Jamais  l'homme  n'est  incorrigible;  celui  qui 
paroît  le  plus  dépravé ,  est  encore  susceptible  de  ren- 
trer en  lui-même ,  et  d'abandonner  la  mauvaise  route 
où  il  s'est  égaré  :  mais  il  faut  savoir  le  toucher,  il  faut 
trouver  les  moyens  de  rendre  de  l'énergie  à  son  âme 
avilie;  et  si',  trop  souvent ,  les  efforts  demeurent  in- 
fructueux ,  à  l'égard  de  criminels  plus  endurcis  que 
les  autres ,  ce  n'est  pas  qu'il  soit  absolument  impos- 
sible de  les  ramener ,  mais  c'est  qu'on  n'en  a  pas  su 
trouver  les  moyens. 

D'ailleurs ,  les  hommes  d'un  caractère  aussi  rebelle 
ne  sont  pas  aussi  nombreux  qu'on  poui^roit  le  croire. 
Ces  criminels,  que  certaines  personnes  peuvent  re- 
garder comme  incorrigibles  ,  sont ,  heureusement , 
assez  t*ares,  surtout  dans  les  prisons  proprement  dites. 
C'est  dans  les  bagnes  que  l'on  rassemble  presque  tous 
ces  brigands  de  profession ,  qui,  en  petit  nombre  eux- 
mêmes  ,«sont  les  moins  susceptibles  de  repentir  entre 
les  condamnés  ;  presque  toujours ,  les  crimes  qu'ils 
commettent ,  ou  leur  vagabondage ,  les  conduisent 
aux  travaux  forcés  :  mais  dans  les  prisons ,  dont  nous 


DU  REGIME  MOiVAL.  1,7 

noiis  occupons  spécialement ,  quels  hommes  voyons^ 
nous  pour  Tordinaire  ?  des  misérables ,  qui  ont  volé 
quelques  poignées  de  blé ,  ou  ^u'on  a  condamnés  pour 
tout  autre  vol ,  accompagné  d'une  circonstance  ag|ra- 
vante,  comme  la  nuit  >  la  domesticité,  TintroductioD 
dans  une  maison  habitée  ;  des  fripons  maladroits ,  qui 
ont  altéré  une  date  ou  un  chiffre;  souvent  'un  malhea- 
renx,  qui  a  levé  la  main  contre  Thuissier,  qu'Hun  créan- 
cier impitoyable  envoyoit  saisir  ses  modestes  proprié- 
tés ,  ou  un  chasseur  fougueux ,  que  la  chaleur  de  la 
passion  a  poiissé  à  une  sorte  de  rébellion  armée.  Qui 
oseroit  désespérer  de  ramener  au  bien  la  phipart  de 
ces  hommes,  et  peut-être  même  de  les  y  ramener 
tous?  Qui  niçroit  la  possibilité ,  la  facilité  même  de 
les  rendre  à  l'honneur,  en  soutenant  leur  repentir,  et 
.CD  donnant  a  quelques-uns  les  moyens  d'éviter  la  mi- 
sère ,  après  l'expiration  de  leur  peine  ?  Cette  correc- 
tion sera  plus  aisée  à  opérer  qu'on  ne  le  pense  généra- 
lement ,  pourvu  que  de  pernicieux  conseils  et  la  sociétjé 
des  grands  criminels  ne  détruisent  pas  l'eifet  des  soins 
qu'on  prendra  pour  y  parvenir.  C'est  dans  cette  vuç 
surtout  que  nous  avons  recommandé ,  au  titre  de  la 
discipline ,  la  division  des  prisonniers. 

Lie  régime  moral  a  un  double  bot  à  atteindre  :  uon^ 
seulement,  disposer  les  prisonniers  a  s'abstenir  du  mal, 
mais  les  amener  à  pratiquer  le  bien.  Il  ne  doit  pas  sç 
borner  à  arracher  de  leurs  cœurs  les  penchans  déprar 
vés,  qui  les  entrainoient  au  vice ,  mais  y  faire  germer 
des  inclinations  heureuses ,  qui  lés  conduisent  et  les 
soutiennent  dans  la  carrière  de'  la  vertu.  Nous  exami- 
nerons, dans  deux  chapitres  «  les  moyeos  d'^irrivQrà 
l'un  et  à  l'autre  de  ces  résultats. 


17«  DES  PRISONS. 

ïîïtÀPlTRE  II.  Des  moyens  d'écarter  du  mal  tes 

détenus^ 

Le  premier  objet  du  régime  morai  sera,  ainsi  que 
nous  venons  de  le  voir,  de  détourner  les  criminels, des 
égaremensqui  ont  attiré  sur  eux  la  sévérité  de  la  loi  et 
de  leur  faire  éviter  d'y  retomber.  Pour  y  parvenir ,  il 
faut  détruire ,  autant  que  possible ,  tes  causes  qi'ii  les 
ont  entraînés  au  crime,  et  qui  pourroient  les  y  préci- 
piter de  nouveau.  Ces  causes  peuvent  se  rapporter  à 
trois,  Toisiveté,  la  débauche,  et  les  erreurs  qui  faus* 
sent  le  jugement  au  point  d'influer  sur  les  sentimens. 
Chacune  d'elles  agit  avec  une  telle  énergie  ,  qu'il  est 
essentiel  de  les  combattre  individuellement  et  aVec  la 
plus  grande  vigueur. 

Sans  doute  il  ne  suffira  point ,  pour  compléter 
l'œuvre  importante  de  Tamendement  des  prisonniers, 
d'avoir  détruit  les  causes  qui  auroient  empêché  leur 
retour  à  la  vertu.  Ces  résultats ,  purement  négatifs,  ne 
seroient  pas  assez  puissaus  pour  les  soutenir  et  les  diri- 
ger dans  cette  carrière  nouvelle  pour  eux.  Mais  ils  sont 
indispensables  pour  préparer  leur  âme  à  recevoir  des 
impressions  plus  positives  et  plus  efficaces ,  en  les  déli- 
vrant d'inclinations  perverses,  qui  faisoient  autant 
d'obstacles  aux  bons  sentimens  qu'on  cherchera  à  leur 
inspirer.  C'est  des  moyens  de  détruire  ces  obstacles 
que  nous  nous  occupons  dans  ce  chapitre, 

Sectiow  I".  De  la  nécessite  et  des  moyens  de  comhatUi 

Voisiçeté. 

Cause  infaillible  de  la  misère  et  trop  souvent  du 
crime,  l'oisiveté  a  entraîné  la  perte  de  presque  tons 


DU  REGIME  MORAL.  179 

câéûx  qn'enferihe  l'enceinte  des  .prisons  et  lès  jprécipûi- 
tera  dans  de  nouveaux  abîmes ,  à  l'expiration  de  leur 
peine,  si  Ton  n'a  pas  soin  de  les  en  garantir  pour  Tave- 
nir.  Tout  pi^ressenx  indigent  est  d^à  criftiiqel  ^  au 
moins  dans  le  cœur:  En  butte  au  bespiq,.  sans,  avoir 
l'énergie  nécessaire  pour  le  combattre  d'une  manière 
honori^le»  il  succombera  bientôt  à  une  tentation,  trdp 
lorte  ponr  une  Âme  énervée  par  la  .fainéantise  ;  il  pas- 
sera le  jour  à  mendier  un  pain  qu'il  auroit  pu  ^agner^ 
la  nuit,  à  enlever  par  la  violence  ce  que  ses  importuni- 
tés  n'auront  pu  arracher  pendant  le  jour;  et  la  loi, 
protectrice  de  Tordre  social ,  ne  t^rdera^pas  à  lui  enle- 
ver de  nouveau  la  liberté  »  dont  il  fait  un  si  indigne 
usage. 

On  ne  peut  se  flatter  de  quelques,  succès  pour  l'a- 
mendement de  ces  coupables,  qu'autant  qu'on  les.pr^- 
muniroit  contre  l'oisiveté ,  source  première  de  leurs 
égaremens. 

Mais  l'oisiveté  n'est  pas  seulement  dangereuse , 
comme  trateiant  à  sa  suite  la  misère  et  ses  conséquen- 
ceales  plus  déplorables.  Elle  est,  par  elle-même.,  une 
cause  active  de  dépravation  ;  et  quand  même  elle  ne 
devroit  avoir  aucune  influence  sur  les  moyens  d'exis* 
tence,  i\  faut  en  garantir  tout  hotnme,  que  l'on  veut 
conserver  à  la  vertu ,  ou  ramener  dans  son  sein.  L'inac- 
tion, en  laissant  errer  au  hasard  un  esprit  inoccupé, 
l'abandoime  sans  défense  aux  inspirations  les  plus 
pernicieuses.  Une  occupation  continuelle  et  réguU^e 
peut  seule. éloigner  ces  dangers.  Il  faut  donc  faire  en- 
sorte  qne  les  prisonniers  ne  restent  jamais  entièrement 
désceuvrés,  si  l'on  veut  les  soustraire  aux  pensées  cor- 
mptrices ,  aux  rêveries  criminelles,  auxquelles  est 


]6o  DES  PRISONS. 

continadlènlieiit    lifté    Vhommè    qoi   né   trâvsfiRê 
point. 

Oecuper  tous  lés  moniem  des  prift^ntiiers,  p<Air  )^ 
délivrer  ded  dangers  actnetl  do  dësceovreme»t  ;  le^  gi^ 
ranlir  pour  Favenir  contre  le  goût  dé  ToisiTetë  ^  en 
les  amenant  par  degrés  à  ramonr  du  trarail;  tdi  est  le 
double  rapport,  sotis  lequel  on  doit  elier éher  à  corakaC- 
tre  la  première  cause  de  leurs  écarts  ^  i'oisiveté.  Ce  sera 
l^objet  de  deux  [i^aragraphes  distiticts. 

dfis  prisonniers* 

Pour  mettre  les  prisonniers  à  Tabri  ^è  pemicienx 
conseils  de  l'oisiveté ,  il  faut  avoir  soin  de  ne  les  aban- 
donner jamais  à  un  désœuvretttent  r ohiplet  et  de  les 
occuper  continuellement,  fèt-ce  même  dans  Tumque 
but  de  remplir  leurs  momens.  Lorsque  le  corps  î^ 
gite ,  que  Tesprit  s'applique  à  un  objet  déterminé,  les 
idées  importunes  s'éloignent,  le  callme  rënatt  dans 
l'âme,  à  l'insu  tnéme  de  celui  qui  éprouve  cet  heéreux 
changement ,  et  l'habitude  du  travail  peut  souvent 
même  en  damier  le  goût. 

Une  occupation  constante  et  unifonne  a  d'ailleurs 
Tavantage  de  concourir  ptiissamment  au  maintien  de 
L'ordre ,  en  prévenant  tous  ces  complots  qu'enfantent 
le  désœuvrement  et  Feimui ,  et  qu'on  ne  pense  jamais 
à  ourdir,  cfiiand  on  se  livre  habituellement  au  travail. 

Sous  ce  premier  rapport,  le  travail  n'étant  consi- 
déré que  comme  un  moyen  de  prévenir  les  dangers 
actuels  de  l'oisiveté ,  il  suffit  qu'il  soit  proportionné 
aux  forces  des  condamnés  et  qu'il  n'expose  leursantét 
ta  par  l'emploi  de  substances  insalubres  ^  ni  par  des 


& 


DU  REGmE  MORAL.  iSi 

pertUfe^  gênantes  et  incommodes.  L'humamlë  ne 
f>éiit  rien  demander  de  plus»  et  tes  pcëcHutions  suffi- 
sent poQt  qae  les  prisonniers  évitent  fous  les  naaux 
^'«^traine  l'oisiveté ,  sans  être  eKcédés  par  des  tra- 
va«ix  4rop  pénibles. 

L'homme,. dans  toutes  les  positions  ,a  besoin  de  dë-f 
tassement,  et  pom*  qnele  tisraildes  prisonnii^rs  ne  dé- 
tienne pas  meurtrier  pour  eux,  il  fant  Bécessairemeal 
leor  accorder  quelque  rel&che.  Mais  il  est  si  important 
d'empêofter  qu'ils  soient  jamais  complètement  dé-» 
sœovrés,  que  Von  doit  faire  4Xk  sorte  4|ue  leors  promet 
nades  ou  récréations  soient  ton)oars  4!împloy«es  d^one 
aâiamè|«  positive  et  non  pas  abandonnées  à  uae  sittiplis 
cessation  de  travaux  on  à  des  conversatioBâ  icorruptrir 
ces.  li^exe^iple  desmatelots,  que  Ton  oblige  souvent  de 
danser  sur  le  tîtlac ,  est  \me  leçon  dont  on  doit  profi- 
ter pour  les  prisonniers ,  en  a  jant  ^gard  à  la  difiei'ente 
position  des  on$  et  des  autres.  Ainsi,  on  devra  favoriser, 
par  t4Ms  les  moyens  possibles ,  rjotraductâon  dans  les 
priions  de  ces  jeux  d^'oxercice,  qui  procnreot  lin  mou-r 
ornent  salutaire  et  une  distraction  réelle  par  Tintérêt 
que  l'esprit  y  prend.  Tels  sont  tous  cens  <des  écoliers 
et  quelques  autres  plus  populaires  aicor^ ,  auxquels  les 
bomAes  de  tons  les  Agés ,  iJans  certaines  classes ,  s'exer- 
cent «ntve  eux  les  joorsde  réjouissance.  Outre  les  }eux  ^ 
qwé'^tt  permettrpit  akisiaux  prisosmiersdese  procuirer 
par  eux- mêmes ,  en  se  conformant  aux  rè^leatiens ,  on 
peyirroil  mjême  leur  fournir  quelques-uns  des  objets 
qoi  y  servent ,  par  exemple ,  des  balles  ou  «des  quilles. 
Cetl^aUention  ne  seroit  pas  perdue ,  surtout  dans  nos 
prisons.  En  France  t  plus  qn  aiUenrjs  fw>nt-étre^  on 
trauvv  4lana  les  bémmes  de  tous  les  âgesi  une  disposi*^ 


)S3  ©ES  PRISONS. 

lion  a  agir ,  qui  feiroit  saisir  avidiMikept  eefte  otehèmk 
de  passer  le  temps,  tobjoerssi  long,  de  La  caffiivité» 
et  les  prisonniers  y  trauvei^ient ,  toot  à  la  fois,  une 
distraction  ifinoçente  et  un  exercjise  utile  ]pour  la  santéi. 
Quant  aux  dimanches,  où  les  travaux  seront  nécessai- 
rement interrompus,  ils  seront  occupes  par  les  offices 
et  les  instructions  religieuses  et'parks  soinj»parlicu->' 
tiers ,  que  les  prisonniers  seront  'tenus  de  donner  à  là 
propreté.  Le  reste  de  la  journée-^sëra  consacré  aux  dé*- 
lasseihens,  dont  nous  avons  déterminé  la  nature ,  mais 
toujours de-manièreà  éviter  l-înaction. 
'    Cette  activité  continuelle ,  outre  les  avantages  réel^ 
qu'elle  aura,  pour  maintenir  Tordre  et  pom  empéchep 
les  prisonniers  dese  livrera  des  réflexions  dangereuses, 
aura  de  plus  celui  de  faire  connottre  el  apprécier,  le 
travail  à  des  hommes  qui,  souvent,,  ne  le  détestent 
que  faute  d'y  avoir  été  habitués  dans  la  jeunesse*  Sans 
doute  on  a  essayé  dé  iàire  travailler  la  plupart  d'eotrii 
eux ,  on  leur  a  proposé  de  l'ouvrage;  mais. on  n'a  pas 
assez  insisté  pour  les  y  assujétir  y  et  la  première  r^jni*-' 
gnànce  a  suffi  pour  les  éloigner  à  jaroaîsil- un  ^tat  dont 
les  côinmencemens  son t' toujours  difisioiiesw  II  en  résnlte 
que 'ces  homnies  ne  connoissent  du  travail  que  lesépi-> 
nés ,  parce  qu'on  ne  les  a  pas  ferces.de  surmonter  les 
premiers  obstacles  qu'ils  renconiroient^  De  là  cette 
horreur  presque  innée  de  beaucoup  de  prisonniers 
pour  le  travail. 

Il  est  vra  que  ce  n'est  point  avee  des  pai^oles  ^e 
l'on  parviendra  à  rectifier  le  jugement  faussé  des  cri- 
minels par  fainéantise  ;  tous  les  motifs  qui  peuvent  les 
engager  au  travail ,  leur  ont  déjà  été  présentés  et  il$ 
lès  Oint  dédaignés  ;  il  seroit  donc  presque  tcEQjouTs  itm^ 


DU  REGIME  mOI^AL;  î«Ç 

tile  d^essayèr  de  noureau  un  moyen  foible  et  më*. 
Mais  ce.  que  Ton  n'a  pas  tenté,  reste  à  faire-,  et  Toa 
ne  doit  pas  le  négliger  :  c'est -de  les  assn}étiir  an  travail» 
pendant  un  temps  assez  long,  pour  qu'ils  aient  vaincu 
cette  première  répugnance,  qui  écarte  toulours  leij 
hommes  trop  foible&pour  la  surmonter  d'eux-mêmes 
et  sans  contrainte.  Dans  la  société,  nulle- fosce  ne  pou-« 
voit  les  obliger  à  s'occuper  d'une  manière  constante  et 
régulière  ;  les  premiers  pas  ^ont  toujours  pénibles,  dans 
quelque  carrière  que  ce  spit  ;  les  premières  difficultés , 
les  premières  fatigues  rebutaient  ces  esprits  sans  éner- 
gie ;  ils  abandonnoient  leur  métier ,  et  ne  connoissant 
du  travail .  que  la  difficulté  de  l'entreprendre ,.  et  le 
plaisir  de  s'y  être  soutraits,  il$  a  voient  dû  lui  vouer 
une  répugnance  presque  invincible. 

Msâs  obligés,  dans  les,prisons ,  à  un  travatleontinu 
et rég^é,.  pendant  uacertain  temps;  ils  s?hsd)itueront^ 
sans  y  penser,  à  une  vie  laborieuse ,  dont  ils  n'avoienl 
aucune  idée.  Le  travail  est  lui-même  leremèdl;  de  la 
pat%sse;  c'est  en  s  occupant  qu'on  eq  prend  le.goût  et 
l'habitude;  tel  souvent  a  est  fainéant  qc^e  pour  n'ar 
voir' pas  été  contraint  au  travail  Faisons  donc  trar 
vailler  les. prisonniers,  pour  les  dégoûter  de  l'oisiveté. 
Mais  gardons  bien  que  l'occupation,  qu'on  leur  dour 
mera,  ne  soit  propre  à  fortifier  leur  première  répu- 
gnance et  à  la  justifier  dans  leur  esprit.  Que  leur  ou^ 
vrage  ne  soit  ni  trop  pénible ,  ni  rebutant,  qu-îl  offre 
un  gain  assuré  et  suffisant  »  et  l'on  pourra  ^  ayec  quel- 
ques attentions,  amener  les  condaroi^és  les  moins  la- 
borieux à  s'y  livrer  sans  répugnance.  Si  l'on  obtient 
ce  premier  résultat ,  leur  amendement  est  presque 
^eciiÂn.>  tontes  les  idées  d'ordre  «'encbaînf  ot  :  le  tra- 


1^  ÔÊS  PRISONS. 

▼aM'dfeiïrtê  Hèéé  la  pltis  iiéltè  et  ia  ptas  Ibrte  èthi  ^iro-' 
priétë;'  et  de  l'idée  dé  propriété  ai  <îelles  d'oTpdrelsocîal  ; 
de  proMté,  Se  justice,  î!  n'y  a  qu'an  pas.  C'est  ainsi 
^e  le  travail  peut ,  seul ,  plus  que  tous  les  autres 
moyens ,  avancer  là  eoUrectîon  des  coupaWes. 

Nous  allons  chercher ,  dans  tin  second  para^aphe , 
eomihent  On  pourra  garantir  les  pfisonnîers  contre  le 
goAt  de  roîdveté ,  en  faisant  naitre  en  eux  Tamonr  du 
travail. 

.  T^A^onAVUS  PXUiLmiE.  J}eê,mfiyp^d'ameuer  les  prison^ 

rmrH  à  l^  amour  4^  travonU^ 

PREMIKBE  DIVISION.  Dcs  4noyens  de  faire  dësirer  le  travail  aux 

prisonniers. 

Obliger  les  prisonniers  aii  travail'ne  snftt  poiht: 
cette  contrainte,  botine  pour  lès  délivrer  â'un  ictfsit 
S«stippcH*tablé ,  et  pour  les  tenir  assajétis  À  vm  joug , 
qu'il  faut  avoir  porté  qnelque  temps  pour  tresser  de  k 
trouver  pesant ,  seroit  capable  anssi  de  leur  inspirer 
mi  nofiv^l  éloignement  pour  le  travail ,  par  sisile  de 
cette  indépendance  akière  ^  l'honmle ,  qui  s'irrite 
de  la  contrainte  et  s'indigne  de  l'obéissanise  forcée.  H 
faut  de^c ,  autunt  que  possible ,  la  dëgoisér  on  lai  don- 
ner pour  appui  le  consententetit  des  prisonniers ,  et 
faire  en  sorte  qu'ils  paroissent  suîvire  leur  penchant;, 
on  du  moins  se  déterminer  par  cboix  au  travail  ^  qui 
doit  foire  1^  règle  générâtes  On  y  arrivera  plus  fincile- 
ment  qâ'on  ne  le  pense  peut-être.  Les  prisenmers  « 
même  les  plus  paresseux ,  ne  «ont  pas  aussi  éloignés 
fpj'on  le  croiroft  4n  désir  de  travaiHer.  La  captivitét 
le  régime  austère  auqnel  ils  sottt  soumis  pour  ia 


DU  flËGIMË  MOttÂL.  i«$ 

H^one,  l'un  ^des  ressorts  les  pkis  pmssans  sar  le  ccèué 
de  ci^s  hommes ,  rimpossibiltté  de  se  procurer,  autre* 
meut -que  par  4eur  travail,  les  moyens  d^adoucir  leur 
pdsilioii ,  et  surtout  le  poids  du  temps,  le  plus  pénible 
de  tous  leurs  maux ,  inspirent  à  presque  tous  les  pri- 
souaiers  ie  désir  salutaire  du  travail.  On  a' vu  les 
femmes  les  plus  vicîeiases,  les  hommes  les  plus  îndo- 
lens.,  les  brigands  les  plus  rebdles ,  tous  ennemis  dé- 
clarés du  travail  dans  la  société,  soumis  dans  les  pri- 
sons ail  besoin  général  de  fuir  Tennui  et  de  soulager 
leur  misère,  demander  avec  instances  une  occupation,* 
<pii'pAt  les  distraire  et  apporter  quelque  adoucisse- 
mefê  à  leur  sort.  Quand  des  députés  de  la  Convention^ 
vÎMfèrent ,  en  l'an  IH ,  les  prisons  de  la  capitale ,  c'est 
à  la  Salpêtrîère,  c^est  dans  la  bouche  des  femmes  les 
plu»  dépravées  par  la  débauche  ,  qu'ils  entehdirént  ces 
mots  :  "  Donnez-nous  du  t  Aivail ,  nous  ne  demandons^ 
«  que  du  travail.  »  Tant  il  est  vrai  que  l'homme  n'est 
ennemi  du  travail  qu'autant  qu'il  trouve  des  moyens 
plus  prompts  ou  plus  faciles  et  plus  conformes  à  ses 
goûts,   d'acquérir  Fobjét  de  ses  besoins  naturels  6ii 
faeticesc,  et  que  lui  enlevftr  ces  moyens,  c'est  le  fendre 
*labàrienx< 

Cette  vérité  jette  un  ^rand  jour  sOr  le  problème  qui 
nous  occupe ,  et  met  sur  la  voie  pour  le  résoudre.  Les 
Criminels  ont  commencé  à  être  paresseux,  parce  que 
te  vwl ,  la  falsification  des  actes ,  l'escroquerie ,  leur  ont 
paru  des  moyens  'plus  faciles  et  plus  agréables  de  sa- 
lîsfeîre  leurs  passions ,  qu'un  travail  continu' et  sé-i 
tlentaire.  L'emprisonnement ,  qui  les  enchaîne'  ati 
tmlieu  d%ommes  sans  propriétés ,  et  par  conséquent 
leor  renél  impossibles  le  vol  ^  le  feux  et  toa*;  les  autres 


m  DES  PRISONS. 

acles^  d^io^^robitë  9  sur  lesquels  ils  a  voient  fondé  leors 
espéirances ,  ie^  dispose  dé)à  par  lui-même  à  prendre 
la  seule  voie  qui  leur  reste  pour  améliorer  leiff  situa- 
tion, celle  du  travail.  Pour  les  y  déterminer  toat-à- 
(ait ,  et  leur  faire  même  désirer  ardemment  de  Toccu- 
patipn ,  il  suffira  qu'ils  aient  senti  la  privation  de 
quelques-unesde  ces  jouissances  9  dont  tous  les  hommes 
§e  font  une.  habitude,  et  Timpossibilité  de  se  les  pro- 
curer, autrement  qa'en  travaillant. 

L'expérience  justifie  cette  théorie;  si  les  prisonniers, 
Q^iéme  simples  préveJius,  demandent  du  travail;  s'ils  se 
plaignent  souvent  de  la  modicité. de  son  produit ,  sans 
néançioins  cesser  de  s'y  livrer  avec  ardeur ,.  c'est  qu'ils 
n'ont  pas  d'autre  moyen  de  se  procurer  quelque  aliment 
ou  quelque  autre  substance,  comme,  le  tabac ,  dont  le 
besoin  est  devenu  plus  fort  en  eux:  que  la  paresse,  qui 
a  terrai  leur  vertu.  Cetteftndication  de  la  nature  sera 
notre  règle  ;  elle  nous  montre  les  moyens  de  détermir- 
ner  les.  prisonniers  au  travail  :  il  faut  employer  ces 
moyens ,  et  n'employer  qu'eux  ;  ce  sont  d'ailleurs 
peut-être  les  seuls  justes  et  les  seuls  efficaces* 
.  Je  proposerois  donc  de  n'y^  contraindre  les  prison- 
niers par  aucune  violence;  les  mesures  qui  en  sont- 
empreintes  sont  trop  voisines  de  l'injustice ,  et  trop 
propres  à  révolter.  Le  travail ,  imposé  par  la  violence, 
est ^ une  sorte  de  supplice,  et  notre  but  est  de  le  faire 
aimer  autacit  que  possible.  Il  est  une  autre  sorte  de 
contrainte  plus  douce ,  plus  juste  en«méme  temps ,  et, 
selon  nous,. bien  plus  efficace >  sous  tous  les  rapports-: 
elle,  consiste  à  n'accorder  aux  prisonniers  les  foibles 
douceurs 'que  peut  comporter  le  régime  des. prisons, 
que  lorsqu'ils  s'en  seraient  rendus  dignes ,  en  travail»- 


DU  REGIME  MORAL.  187 

hùt ,  et  de  ne  leur  laisser  parvenir  âucm».  somme 
d'argot  avant  cette  époque.  Au  lieu  de  recevoir  la 
«oupe  et  les  légumes  ou.  la  viaade,  le  prisonnier  va-* 
lide  ne  recevjrott  que  sa  ration  de  pain,  tant  qu'il  n'an- 
roit  pas  demandé  à  s'occupier  ;  séquestré  pendant  les 
jouTii^  entières ,  de  manière  à  ne  pouvoir  détourner 
les  compagnons  laborieux,  il  ne  jouiroit  point  des 
promenades,  et  des  récréations  communes*  Aucun 
^conrs.  du  dehors ,  soit  en  argent ,  soit  en  vivres ,  soit 
en  vêtemens,  ne  pourroit  lui'  être  remis  pendant  ce 
temps  de  privations,  qni  commenceroit  dès  Tinstant 
de  Tanivée  des  condamnés  dans  une  prison  pour 
pônes ,  et  se  continueroit  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  de^ 
mandé  de  l'ouvrage. 

Aussitôt  que  les  condamnés  arriveront  dans  une  pri- 
son, montée  d'ateliers  en  nombre  suffisant  pour  les 
occuper  tous,  on  les  enfermera  séparément  dans  des 
chambres  fortes,  éclairées  seulement  par  un  entodfinoir, 
qui  admette  la  lumière ,  sans  permettre  à  la  vue  de.se 
porter  au  dehors.  Ils  y  resteront  jusqu'à  ce  qu'ils  aient 
demandé  de  Touv^-age;  et,  pendant. cet  état  de  sén 
questre,  ils  ne  pourront«pàrler  à  personne.  Le  prépo- 
sé ,  chargé  de  leur  porter  la  nourriture ,  ne  leur  adres* 
sera  jamais  la  parole ,  et  ne  leur  répondra  que  lorsqu'ils 
demanderont  à  travailler.  Seulement ,  en  les  amenant 
^ans  la  chambre,  il  leur  donnera  lecture  des  règlemaas 
dont  nous  expliquons  les  dispositions,  et  qui  seront 
inscrits  en  gros  caractères  et  affichés  dans  l'endt^jjt  le 
plus  apparent  ^e  la  chambre.  Les  murs  seront  entière- 
ment nus  et  unifprmes;  l'affiche  seule  coupera  cette 
vue  nM>notone ,  et  les  regards  du  prisonnier  n'auront, 
panr  s'arrêter,  qu'un  sei4  Ql^et,  qui  lui  rappellera  con* 


i»  DES  PRISONS. 

linwUemêttt  le  setil  moyen  «fu'il  ail  péur  •  sertir  dé 
e€tte  ennuyeuse  posUion*  Il  iioa^  aeaiMe  que  ces  pri- 
▼atioBi^f  ce  régime  faslidieux  et  sévère  y  Im  feroîent 
bienlât  désirer  le  travail ,  et  que  kii*mèm«  vieodroit 
démander  une  occupation ,  qu'il  eût  peut-être  repeus- 
sée  avec  horreur^  si  on  avoit  voulu  Ty  rontraindre  par 
la  force,  et  qu'il  embrassera  avec  joie,  en  y  trouvant 
le  remède  de  lous  ses  mauXi 

Ainsi  amené  à  désirer ,  à  solliciter  ce  travail,  qu'il  a 
fui ,  souvent  au  péril  de  ses  jours ,  (^  toujours  aux  dé- 
p^as  de  son  honneur ,  le  prisonnier  en  sentiroit  bien- 
%àt  kt  dottce^ret  les  avantages.  A  l'ennui  de  la  solitude 
suecéderoient  ces  jouissances  de  la  société,  aiTxqueÙes 
le  cœur  de  l'homme  est  toujours  si  sensible  ;  une  noor-^ 
ritureplusabdndante,  et  plusagréable  en  même  temps, 
répareroit  ses  forces  abattues  par  les  maux  de  Tâme  et 
du  corps  ;  le  système  absalu  de  privations^  sous  lequel  il 
géfiiissoit,  cesseroit  de  l'affliger;  il  pourroitvoir  ses 
amis ,  ses  parens ,  recevoir  leurs  secours  et  leurs  ccHfr' 
solaticHis;  il  ponrroit ,  du  produit  de  ses  sueurs,-  se  pro- 
curer tjuelques  soulagemens ,  qu'une  administration 
éeettome  né  peut  lui  fournir.?  et  c'est  au/lravail  qu'il 
devroit  cet  heureux  changement  !  Combien  ne  seroit- 
il  pas  tKsposd  à  aimer  ce  bienfaiteur,  cet  ami  ^  ce  con- 
solatcnr,qu'îl  avoit  toujours  méconmi,et  àqm'il  devroit 
le»  premières  larmes  de  joie,  qu'il  aît<  versées  depuis  la 
pert  e  de  sa  1  iberté  l  Et  sa ,  un  seBljo^ir,  il  pouvoir  regarder 
le  trwKiiMbmme  l'unique  sourcedubonbeurqii'i4puisse 
attendre,  combien  Tamendementde  ce  cœur  perverti , 
mais  susceptible  de  correction ,  ne  seroit^ilpas  avavycé  ! 
Chaque  jùur  fortifieroit  les  impressions  du  premier, 
chaque  joue  verroit  crodtne  son  amour. pour  le  travail, 


DU  REGIME  MOHAL.  i6$ 

son  cofirag^  poor  en  surmonter  les  difficultés;  et  si 
parfois  on  moment  de  découragement  venoit  le  sur^ 
prendre  ,  il  ne  faudrott ,  pour  lui  redonner  toute  sort 
énerj^,  qtie  lé  souvenir  de  l'état  malheureux  d'dù  Vu 
tiré  le  travail  î  et  ta  comparaison  des  avantages  et  de 
la  douceur  de  la  vîtf  Ijaborieuse ,  même  dans  les  pri- 
sons. Le  travail  ne  lui  présenteroît  que  des  idées  con- 
solantes, et  il  s'habitueroit  à  penser  avec  plaisir  à  xm 
devoir,  <jne  ^  mauvaise  éducation  lui  avoit  rendu  in- 
supportable. ' 

9Bnxx£M£  jDiTisio:(r.  Des  moyens  de  rendre  le  travail  agréable 

aux  prisonniers. 

ARTICLE  P'.  Vu  choix  des  travaux. 

Cè  ne  seroît  point  asseas  d'avoir  astreint  les- prison^ 
niers  à  une  vie  laborieuse ,  si  Ton  tie  savoit  pas  ies  re- 
tenir dans  cette  excellente  voie,  en  leur  inspirant* Ta^ 
mour  du  travail.  On  n'y  parviendra,  avec  quelque 
certitude,  qu'en  leur  donnant  des  travaux,  qui  ne  leur 
déplaisent  point.  &)ns  doute,  dans  le  choix  de  ceux 
qae  l'on  imposera  aux  ékmdamnés,  et  qui  font  partie 
de  leur  peine ,  on  ne  devra  pas  se  décider  uniquement 
par  leur  gtiât  particulier;  mais  il  seroit  dangeroix  et 
contraire  à  un  bon  sjsIènSe  d'amendement  moral  ,de 
ie  négliger  tont-<-à-fait.  Les  condamnés,  surtout  ceux 
qui  ont  croupi  dans  une  longue  oisiveté,  ne  peuvent 
pas  être  traités  comme  des  hommes  ordinaires.  Leutf 
esprit  est  comme  celui  defs  enfans,  il  faut  le  Éménager, 
ie  former  avec  soin ,  le  diriger  vers  les  objets  <pi'il  doit 
i»nbrasser,  iieudre  aimables  ceux  qu'il  doit  aimer  ^ 
odiènrceux  qu'on  veut  qi^'il  haïsse^  et  surtout  se  gar-» 


igo  BÉS  PK1S0N& 

derde  refran£U4&bef^  par  l^appareil  da  devoir,  qu'on  dé« 
sire  l'amener  à  remplir  par  inclination.  Il  faut  donc 
ménager ,  avec  la  plus  grande.attentioii  ^  les  heureuses 
impressions' que  produira  sur  eux  le  retour  à  xme  vie 
active,  et  ne  pas  émousser,  par  le  dégoàt  qu'inspirent 
des  occupations  pénibles  ou  ennuyeuses^  ce  commen-> 
cernent  d'amour  du  travail ,  qui  est  comme  le  signal 
de  la  renaissance  de  la  vertu. 

Ainsi ,  on  devra  écarter  du  choix  des  travaux  qu^.on 
établira  dians  les  prisons,  ceux  qui  sont  si  |>énil>le$  on 
sirebutans,  qu'ils  sont  par  eux-mêmes  un  supplice. 
Les  ouvrages  dont  on  charge  les  galériens ,  depuis  qu'ils 
ne  sont  plus  employés  comme  rameurs,  ajoutent  poa^ 
beaucoup  à  rhorreur  qu'inspirent  lès  bagnes,  et  s'op-* 
posent  avec  force  à  la  conversion  des  criminels  qu'on 
y  renferme.  Croit-on  que  les  malheureux,  que  le  fouet 
du  comité  Contraint  de  se^traîner  dans  les  égoûts,^our 
les  débarrasser  des  immondices  qui  les  encombrent, 
ou  dans  le  bassin  des  ports  qu'il  faut  souvent  débon« 
cher,  conçoivent,  dans  ces  déplorables  journées,  le 
moindre  goût  pour  le  travail?  £t  ces. Hollandais  qui, 
enchaînés  à  une  scie  énorme ,' passent  tout  le  temps  de 
leur  captivité  à  débiter  des  bois  de  teinture ,  pense-t  on 
qu'ils  trouvent  un  grand  attrait,  à  des  travaux  aussi 
mécaniques?  Ils  travaillent,  la  rage  dans  le  cœur ,  et 
ce  travail  devient  pour  eux  le  plus  horrible  des  sup- 
plices;, il  ne  se  présente  à  leur  esprit  qu'entouré  de 
î'appareildes  rigueui^s,  qui  peuvent  seules  les  y  assnjé- 
tir  et  de  tous  les  dégoûts  qui  l'accompagnent  ;  et ,  reu;- 
dus  à  la  liberté,  ils  repoussent  bien  loin  d'eux  toute 
idée  qui  ramène  au  travail,  et  se  plongent  de  nouveau 
dans  labime  d'où  on  auroit  pu  les  tirer  par  un  régime 


DU  REGIME  MORAL.  191 

pkis  ]nAe  et  moins  pénible.  Aussi ,  le  nom  de'  forçat 
libéré  inspire  presque  autant  de  terreur  que  celui  de 
brigand ,  parce  qu'on  sait  que  les  condamnés  aux  tra- 
vaux forcés  sortent  presque  toujours  des  bagués,  aussi 
•ignorans  et  plus  ennemis  du  travail  qu'ils  ne  Tétoieut 
auparavant. 

.  S'il  en  est  quelques-uns  qui^;  à  l'expiration  de  leur 
peine,. trouvent  encoi'e  le  moyen  d*exercer  une  pro- 
fession estimable,  c'est  toujours  parmi  ceux  qu'une 
industrie  particulière,  ou  la  faveur  de  quelque  personne 
influente  a  séparés  des  autres  condamnés,  et  fait  em- 
ployer à  des  travaux  moins  rudes  et  moins  ennuyeux. 
Souvent ,  dans  les  ports,  un  condamné  qui  a  de  l'ins- 
truction ,  trouve  à  s'occuper  dans  les  bureaux  ;'  il  en 
est  d'antres  que  les  habitans  de  la  ville  prennent  chez 
eux  en  qualité  d'ouvriers  ou  d'hommes  de  journée  ; 
presque  toujours,  ce  sont  des,  forçats  qui  cultivent  les 
jardins  du 'gouverneur.  Tous  ces  malheureux  passent 
assez  doucement  le  temps  de  leur  peine  ;  quand  il  est 
écoulé ,  ils  exercent  encore  dans  la  société  l'industrie 
qui  les  a  soulagés  dans  les  fers,  et  l'opinion  publique 
semble  leur  tenir  compte  des  efforts  qu'ils  font  pour  la 
reconqnérir. 

Ainsi ,  parmi  les  forçats ,  tes  uns  sont  perdus  à  ja- 
mais, tandis  que  les  autres  parviennent  à  reprendre 
dans  la  société  le  rang  d'un  de  ses  membres.^Cetle  diP" 
férence«dal)S  la  destinée  prend  sa  source  dans  le  régime 
moral,  et  surtout  dans  le  genre  du  travail  auquel  on 
lefra  assujétis.  Les  uns ,  occupés  d'ouvrages  dangereux 
etpâdibles.,  qu'ils  n'ont  pas  choisis,  mais  auxquels  on 
les  a  contraints  par  la  force;  les  autres,  chargés  de  tra- 
vaux conforoies  à  leur  inclinatijon  ^  à  leUPS^Connoi^- 


r 


i^a  DES  PRISONS.     ' 

sanceSy  à  leurs  habitudes  primitives;  ceux-ci,  té&ÈM 
avec  tous  les  brigands  du  royaume ,  portunt  en  com- 
mun un  )oug  intolérable ,  qu'ik  cherchent  4  rendre 
moins  pesant  en  se  racontant  leurs  horribles  exploits , 
et  en.  s'eucourageant  à  en  commettre  de  nouveaux  ; 
ceux-là,  disséminés  au  milieu  d^hom mes pi^J^es,  auxr 
quels  ils  feroient  horreiir,  s  ils  ne  parotssoient  repen- 
tans  de  leurs  fautes ,  et  avec  lesquels  ils  ne  reçoivent 
que  des  leçons  d'honneur  et  de  niépris  pour  le  crime  : 
voila  les  différences  qui  font  de  ces  malheureux  deuic 
classes  si  distinctes  Tune  de  Tantre.  L^expérience  nous 
montre  comment  .les  uns  se  dépravent  encore,  tandis 
que  les  atitres  reviennent  à  la  vertu ,  en  subissant  \^ 
même  peine,  modifiée  par  le  régime  moral  et  surtout 
par  le  genre  de  travail.  Tâchons  d^étendre  auxsimples 
.prisonniers  les  principesdont  les  galériens  llpus  offrent 
d'avance  l'application. 

Pour  que  les  travaux  qu'on  leur  imposera  concou- 
rent à  leur  amendement ,  il  faut  qu'ils  se  rapprochent, 
siutant  qne  possible ,  de  ceux,  dont  nous  reconnoissons 
les  bons  effets  sur  certains  galériens.  Nous  verrons  uU 
térieurement  comment  on  poorroit  pousser  les  cooser 
quences  de  cette  analogie,  jusqu'au  point  de  lui  faire 
^produire  ,  de  la  manière  la  plus  étendue  «  les  fitiits 
qu'on^  peut  en  espérer.  Mais  pour  que  les  travaux  ne 
déplaisent  point  aux  prisonniers  et  ne  les  dégoûtent 
point,. par  eux-méme§,  d'une  occupation  réglée,  il  faut 
qu'ils  n'y  soient  pascontraints,  au  moins  d'une  n^aniàre 
apparente,  qnél'ouvrage  en  lui-même  ne  soit  pas  rebu- 
tantt  et  qu'il  convienne;,  autant  qne  possible,  à  chaque^ 
prisonnier  en  particulier,  à  raison  de  son  industrie  pror 
pre  et  de  son  goût ,  en  sorte  qu'il  s'y  puisse  déterminer 


.    BU  REôrME  MORAL.  igî 

par  choix ,  etf  c^n'il  caAlhuieik  s-y  livrer  de  bonne  vcm 
](mlé,  après  P^ivoirâotrepi'bssintrépiigoAnco* 

OuetffoeS'^imteiirs  <Hit:  proposé  .de  ne  peirnieÉtre  qo 
choÎK  qu'à  une  cerimritt  clofine  de  coodamnés,  pao 
exemple,  à  ceux  qui  sotit  conékmvtiës  à  uusinipieeinH 
prisonnemettt',  et  de  tre  poîçl  oonsulter  Içs  autres  sot 
les  travaciK  qui  leor  coiiviond^poient' phis  ou  méiiis/ 
Cette  dbliiietmn  meparott  an  inaîds>lnès-riigoiiFeii(e;i 
mais  eiiead'^iîlienrsk  dangci-^  rëol  et  inévitable ,  de 
compromeltre  lontei»  les  cspéraocesd'aïuendenciefit^qnè 
IW  ponrrok  avoir^  pour  tes  c&iidamnës  à  {a  réchisioii.* 
Nom  avons  dë)Ji'  Unk  seiilir  cen^blc^  i  1  esl  importait 
pouf  k  r-ëforme  morale  que  le^» détenus  se  livrent  âveq 
une  certaine  lionne-  vukintë  au  travmt  qu'en  leur  im-* 
posera.  Il  fmidpaî4  y  renoncer  presque  tonjaors,  sib 
ne  ponvtHeiit  \ras  choisir  ieiirs  travaux.  Pourquoi  donc< 
j)ar  ui)e  application  tn>p  sévère  et  »ia)  coRubinëe  dô 
principe  de  la  gradation  des  |^»e9,  initrodoirait-on 
(lan»cel4^d«  la  rëd^^^on  une  tigiieiH*,  absekiment  con-! 
traii%  an  bn^dè  la  loi,  Kameadément  du  condamBoél 
Qq  on  le  force  atr  l^dvsnl,  rien  db  pins  juste  :  la  loi  et  la 
raison  {e^comniaiKl  en  t;  maisqn'cHi  moins  on -loi  laissa 
la  liberté  de-  choisie  ToinVrage ,  qui  Iwi  eovHrient'  te 
mieux,  parnviceuxetaM^s  dans  la*  prison.  Qùy  gagnera 
S(His  tous  fes  rapports  :  Tonvrage  sera  naieu*  feît ,  lé 
prisonnier  sent  nnilns  mëcoiitent  ^  par  conséquefit 
moins  indofcîle,  et  sa  correct ioti  s'avancera  de  tout- èa 
penchant  qui  l'entrahiera  vers  son  travail. 

Ia  liberté'  du  choix  n'aura  de  bornes  q«ie  dans,  tel 
règles  que  nous  avons  posées  plus  haut,  pouP  la  népar-» 
tition-  des  prisonniers  dans  leîsfitelîersv  ainfei  uii<eqm 
itoimé,  signalé  comnie  gratidfcpîttwnrt,  we  ptinvra 

ï3 


Î94  DES  PRISONS. 

choisir  un  métier,  qui  seroîi  exclusiveiuent  et  néces- 
sairement attaché  à  un  atelier,  dont  il  ne  poqrroit  être 
ouvrier ,  parce  qu'on  y  craindroit  sa  présence.  Mais  à 
cette  ,exception  prés ,  on  lui  permettra  de  choisir  tel 
ouvrage  qu'il  pourra  faire  dans  son  atelier.  Les  autres 
prisonniers  pourront  toujours  choisir  le  métier  qu'ils 
voudront ,  même  quand  il  n'exisleroit  pas  encore  dans 
la  prison ,  s'il  peut  y  être  introduit  sans  inconvéniens. 
D'après  ces  principes ,  on  conçoit  qu'il  faut  établir 
dans  les  prisons  plusieurs  genres  de  travaux ,  surtout 
de  ceux  auxquels  s'occupent  particulièrement  lesciasses 
les  plus  pauvres  de  la  société.  Ainsi ,  dans  tous  les  dé- 
partemens,  on  devra  établir  des  ateliers  de  tailleurs,  de 
cordonniers,  de  couturières,  etc.;  on  fera  bien  aussi 
d'en  établir,  où  puisse  s'exercer  l'industrie  locale,  qui 
varie  d'un  département  à  l'autre ,  et  souvent  même 
dans  les  divers  arrondissemens  d'im  même  départe- 
ment Dans  cette  classe  se  r^ngentles  drapiers ,  les  tis- 
serands, les  chapeliers ,  soit  en  feutre.,  soit. en  paille, 
les  bonnetiers  9  etc.  Tous  ces  ateliers  conviendront  à 
ceux  qui  connoissent  déjà  lesniétiersqui  y  sont  établis, 
et  ceux  qui  n'ont  pas  d'industrie  spéciale  pourront 
également  y  être  employés  cofume  apprentis ,  suivant 
lenrs  dispositions.  On  aura  soin  de  n'admettre  dans 
les  prisons  que  des  métiers,  qui  n'altèrent  pointla  sauté 
iie  ceux  qui  les  exercent,  et  qui  çie  soient  pas  tellement 
méeaniqoes ,  qu'on  ne  puisse  s'y  livrer  sans  ennui. 
L'exercice  que  Irait  l'esprit,  pour  exécuter  avec  intelli- 
gence un  ouvrage  un  peu  compliqué ,  est ,  pour  ceux 
qui  en  «ont  capables,  une  excellente  introduction  aux 
leçons  d^  Uti  morale.  Il  ne  faut  négliger  aqcun  de  ces 
moyens,  (et  surtout  ne  pas  abâtardir  sur  un  bloc  de 


DU  REGIME  MORAL,  tgS 

marbre  un  esprit  capsible'des- calculs  dtt  totïiitietce 
et  des  combin^iisons  de  là mécamque.-CSepeiidant  H  est' 
des  homhies^ponr  quiies  travaux  puremeutn^arritiels' 
sont  les  seuls  convenables ,  soit  que  leur  esprît'u'Mt* 
pas  le  ressort  nécessaire  pour  s-élever* au-dessus  d'une- 
occupation  corporelle,  soit  qu'habitués  à  un  travail  de 
ce  genre ,  ils  n'en  désirent  point  d'autre*  On  fera  bien 
de  leur  réserver  cette  ressource ,  et ,  sur  leur  deinaude, 
on  pourra,  autant  que  le  permettront  les  localités,  leur 
donner  les  moyens  de  s'y  livrer.  L'habitude  qu'ils  en  - 
ont  depiiis  leur  enfance  leur  fera  envisager  sans  repu-- 
gnance,  et  méaie  avec  plaisir,  un  genre  dV>uvrage/ 
qui ,  pour  tout  antre,  seroit  insupportable^ 

Jusqu'à  présent,  nous  n?avous  parlé  que  des  travaux  * 
auxquels  on  peut  se  livrer  dans  Tint érieilrt  des  maisons 
de  forcer  la  loi  française  et  la  manière  dont,  on  rap- 
plique semblent  exclure  entièrement  le^  travaux*  en* 
plein  air  :  car  je  ne  donnerois  pas  ce  nom  à. ceux  que> 
l'on 'peut  faire  indistinctement  dans  les  préaux  ou 
dans  les  -  ateliers.  L'espace ,  qu'on  pourroit  leur  consa- 
crer^  seroit  nécessairement  toujours  si  élroit ,  qu'on  ne: 
doit  pas  compter  sur  les  ouvrages,  en  petit  oonibreet 
peu  lucratifs,  que  l'on  pourroit  y  faire.  IX'ailleurs  ces 
travaux ,  restreints  au  seul  temps  de  Tété,  ne  seraient' 
pas  d'une  utilité  bien:  grande  et  ne  foraieroient,,dans 
tous  les  cas,  qu'une  exception  peu  importante;  On  peut 
donc  regarder  nos  détenus  comnie  irrévocablement' 
condamnésà  des  travaux  sédentaires,  dànsles  bâtimens. 

îl  faut  en  convenir,  toutefois;  cette  réclusion  peiv 
pétuellè ,  ce  séquestre  absolu  de  la  société,  qui  ne  laisse  ' 
ensemble  que  des  hommes  frappés  de  La  réprobation^ 
légale ,  et  quilesrend,  pour  des  années  enttères,;éâraa«  * 


1^  nm^  mû&oam 

^1^  àr  \mm  wpcîlk>)if»s  ^  ^t  pet»  pn-op^e  à  prodiûne  lea 
<^i9iiK  qtt/<H)f4^t  aJtemke  dinM  f»m»  légale  >  pour  Far 
i|fii»4«E]^ent<^m9ff^  (kl  eoeilaii»i^«  J>e&  qanMLératîoojs 
dfvtn  intérêt, pl9$  pyos^Âot pootréii^eoeoye, senfiblecU 
sQllîcUeir,  ea  fsNva»i>  d^  prâoimibca^  VemfAoi  des>lcar 
ym^%  ^jdir'mwê  et  en  ptei^.  ain.  Il  y  a  uae  sorte  d'î»- 
jl^ticeeldf'inhnfiSMijUé  àknr  reftiser  uae:fdoulté9dont 
joiiUsieot  les  candafpiii^3  aiix  travaux  foncés,  qneJaloi 
a^K)nln  pniMn|»U]$:sévèneinent;  et  quand  on  voU.  le& 
canditfiKiés.Y  malfca  les  fetignea  et  le  réginie  désespé- 
raoli  des  bagi^»',  prëfisDer  qxaelqiiefois  la  peiue  plm 
f^rwedesgalèneft  à.cell^  de  lartfabistuft,  pour  ceoaep- 
ver  le  droit  jda  Bespiiieff  encoire  un,  sàr  pur  ei  se  déiîvner 
iha  k'enou^ux  et  insalubre  séjour,  des  pcisons.,  ou  se 
demande  pourquoi  le  peine  inférieure  compoi^e  une 
rîfjueuF  quiin'esl  pas  dans  la  plnsu  forte.  La  réclusioii,. 
cpii  duJEê  au  n^oiilsi  cinq  ans  y  qui  peut  s'élendre  à  dix 
et^Q^éfue  à  vngt  ans^,  eu  cas-  de  séci^ive,  est,  âous 
^  oeotains  rapports^  tisop  pénible ,  pour  1«  degré  qu'elle 
occaope  dans  nokise  législation  pénale^  Gondemner  un 
iBalheui]9uii  à  passer  vingl  ansde  sa  vie  daiisi  une  pri- 
mn  9  sans  pouvoir  m»  ssml  jour  sortir ,  ifiénie.  pour  trar 
^laâler,  dé-eette  atmosphère  empoisoimée,.  c'est  lui 
eâÂlever  la/oonsoIatioR,  qu'on  ne  veSùhe  pas  aux  gale- 
rians,  de  respirer  tsir  commun.:  c'est  presque  le  de- 
vimer  aux  maladies  età;  une  mort  lente,  mais  cer- 
tame» 

Là  loi  n'a  p»  vouloir  ce»  bonaibles  résultats,  mais 
Testéeution  littérale  desesdisposiUoaalesproduiti.  Tant 
qu'oa  les  exécutera  de  roâme ,  il  faudra  s'y  at^eudce , 
et  la  peine  de  la  reelusîqn  poumt  étse  coosidjérée,  dans 
ceEtains<cas et  pour  certains  individus,  oomm^  plus. 


DU  REGÎIVIE  MORAL.  tg^- 

pàiiblé'cpié  celle  deslravaiiK  forcés.  ]Viaisf)Cmrqiièî^N& 
'|»ernnèttrèk^o«i  fiah  Au«  èûndafAnësà  la  rëdârion ,  ou 
fkHàt,  à  lu 'petite  qtfi  ta  remplaeerolt,  daYis^âticttiVe^Ci 
'système  ^f^criité ,  àe  se  livrera  ilés  travaux  êfti^pleSn 
i»ir,  ai  >0Kt^^etir  des  maisons  et  force.,  oii  j^h  seroAëM: 
enferteé»,  ff^nôà^t  là  troît ,  0ù  penèar^tlteh  ^sm^Wcfp 
^i^gdirrenses  ^dam^rtains  dépiftietntm?  Atitnôym  tite 
t!e  chan^mewt ,  i>es  prisons  ne  Ber€fi'efy|'^«fs'c|tie'd^  ^^ 
fèx>cs>(k  i«|giie&,  d^uti  degré«:m(yfffôf4>g0ui%iit^«ét  «iidinis 
:inimians*qiiéi6s>bagtiesi^aHtiMeis.  1^ 
tMiToil  |rtas  fe  'rept^clre 'îrfe  c^rn'proiiîettre  te  s^méi^v 
«û  retmmt  4>a  ifbèi^é^  'et  tde  ^d^il^  ll^  pëhi^  KKN^t  i^ 
peu  ée  itiseèriKEfment ,  ^«l'^eMre  d^ik  f^è»Kes  &e  Hiveim 
àegtéSj  ie  «hôk  îsôU  pudique  tdii}6âils  iHkdi^ttM 
at}xx!ondamné^^  et  qii  on  ne  piafvtenn^  à^otiSfel*Vëf  à 
lafttisgraveisa  trtsfte  Bit|irériei«Fté,  qt^  par  Cfïgis  crolMés 
iUëga!lé3  et  ta  <\ùt(^é  â  UM  lîîscipiiTie  $fi(tdlen)b)«;  lié 
^ondan^ftë ,  en  «ntfaûi  dans  la  pristm ,««  Wôî'MlpIf*^ 
'destendtift  thins  scm  towi&èao;  îa  p^iï)àrt  dô  pîrfeibh- 
niertse  Irvrerôîent»  avéc»SïiCéè»t<t  tkdtttè,  à^e^tiDiiiiiiiK, 
qiV'îls  connolttettt  ffreséfi^  tèlià ,  et  «è  ^s^c^tà  fih  t*^ 
diiîtsàfaire,  dam  l'ftgeJrtiAt-,  V^pjwhtî^^'d'iift  Th«- 
lt«5r ,  fpi'îls  Tïe  pontrôîent  faÀUftb  sàK^éW  èfa'4i»^>Jftftrîfë- 
ment. 

Les  trâvîMit  etfërfeûrs,  «^t  cbhh^W^»  ^iii  pfenv^A 
*tré  îhdivîdaèh  V  pi^ècnfei^^  Ààx  ëonàattii^  «en- 
tres dans  la  société  les  moyens  tte  i^ctrrtpBfr  tifflertièWtv 
cSiâtUtt  daiifi  èon  pays.  Uh  ttt<èoh>  tm  j^éR^r,  uu 
tetraasîier  troutietït  twjbôrs  de  i^tfufvtàgé  ;  tittife  crrtni 
Tpil^îdaAs  Tènc^éW'e  tùti  îjftîïhertt ,  a  appris  mi  de 
ces  fftêlietSj  <fni  tfô  pèfivèVtt  à'exe*cèr  que  dans  une- 
manufacture  ti  à  là  ftivtfor  â\nre  entrbprîsè  gftiéifafe^ 


igS  DES  PRISOTs^S. 

ne:  trouve  pliis  chez  lui  les  moyens  de  subsister;  son 
industrie,. qu'il  d  tournée  vers  la  fabrication  d'objets 
•commerçables ,  lui  devient  inutile  dans  son  hameau. 
D'ailleurs,  la  plupart  des  métiers  qui  s'exercent  en 
iipianiiracture  exigent  des  ressources  au-dessus  de  celles 
d'un  individu,  et  les  grands  capitalistes  peuyentrseuls 
rassembler  les  fonds  nécessaires,  pour  entretenir  leurs 
ateliers  d-instrumens  et  de  matières  premières.  Les 
condamnés  n'auroient  donc  pour  ressource,  à  l'expo- 
.ration  de. leur. peine,  que  ces  manufactures,  déjà  si 
difficiles  à  contenir ,  par  le  nombre  d'hommes  qu'elles 
Tas^rilibleut  sous  les  mêmes  lois,  et  pour  lesquelles  des 
criminels  libérés  ne  peuvent  être  que  de  dangereux 
'lauxiliaires.  Ils  quitteroient  leur  ancienne,  demeure, 
leur  famille ,  le  foyer  paternel ,  soutiens  précieux  des 
bonnes Tésolutions,  pour  aller  s'entasser  dans  des  vUles, 
.^Q  naili^i  d'une  population  inquiète  et  remuante,  où 
ils.  a<$qtterroient  bienlôtje  goût  de  la  débauche,  de 
la.paresse  et  de  l'insubordination.  De  tels  ouvriers,  si 
la  misère  vient  encore  ajo^iter  à  leurs  défauts  l'aigreur 
du  mécontentement ,  seront-ils  bien  éloignés  d'exciter 
,ces  mouvemens  tumultueiix,  qui  agitoicut  naguçre  une 
puissance  voisine  de  la  France  ?  11  y  a  donc  %in  danger 
réel  à  n'apprendre  aux  prisonniers  que  des  métiers  de 
manufacture ,  et  Temploi  de  leurs  forces  à  des  travaux 
d'utilité  publique  en  plein  air  es^  très- propre  à  les 
remplacer  avec  avantage^ .  .    ^ 

Le  Gouvernement  lui-même  trouveroît ,  dans  cette 
modification,  des  avantages  marquans,  même  sous  le 
rapport  de  l'économie.  D'abord ,  il  pourroit  employer 
les, prisonniers. à  une  foule  de  travaux  d'une  uJLilité 
universelle ,  dont  plusieurs  même  sont  d'une  nécessité 


DU  RÉGIME  MORAL.  199 

urgent^!,  et  que  le  manque  de  bras,  ou  plutÂt  de  îùsààs 
pCKir.les  pciyçr  ^  empêche  d'entreprendre.  Des  canaux 
projetés  depuis ilong- temps,  des  routes  importantes, 
toujours  tracées  sur  les  plans,  sans  être  exécutées  sur 
le  terrain ,  la  construction  ou  la  réparation  d'édifices 
publics  dans,  les  dépairtemens ,  la  fixation  de  ces  dunes 
envahissantes,  qui  menacent  d' engloutir  dans  leurs 
sables  la  troisième  ville  du  royaume  ;  tels  sont ,  en  aper- 
çu, les  importans  ouvrages,  qu'on  pourroit  exécuter, 
en  employant,  d'une  manière  convenable ,  les  forces  el 
rintelligence  des  condamnés,  et  en  faisant  tourner  au 
profit  de  la  société  la  peine  qu'ils  ont  encourue  en  vio^ 
lanèites  droits. 

En  xhême  temps,  le  Goci^vernement ,  directement 
intéressé  dans  ces  tràvaul  «  aurait,  sur  les'prisbnniers^ 
nne  autorité  immédiate,  et  recueilleroit  le  fruit  de 
lear&  travaux ,  sans  être  encore  grevé  des  bénéfices  des 
entrepreneurs.  Maître  de  fixer  la  main  d' œuvre,  il 
pourroit ,  en  faisant  sur  les  prisonniers  une  éconpmie, 
bien  jiistifiée  par  l'obligation  où  ils  sont  de  travailler 
pour  d'intérêt  public ,  leur  donner  encore  une  rétribu- 
tion .quotidienne ,  supérieure  à  celle  que  leur  aban- 
donne, comme  à  regret,  l'avarice  privée.  Il.auroit 
également  le  moyen  de  récompenser  sans  frais  les 
fNreû.ves  de  talent ,!  de  zèle  ott  de  retour  à  la  vertu ,  que 
doni^éroient  les  prisonniers ,  soit  parmi  avancement 
quelconque ,  soit  par  une  gratification  ,  soit  par  Tap-' 
plication  à  tel  ou  tel  genre  de  travail. 

On  troiiveroit  d-ailleors ,  dans  l'emploi  de  ces  tra- 
vaux <  un  .moyen  de  graduer  les  peines,  qui  manqpe 
absulfijnient  dans  i'atat  actuel  dei  ctioses.  L'emprison- 
I  uement  et  la'  réclusion ,  qui  sont  des  peines  d'un  ordre 


«ob  •      DiES  PRBSONS. 

toat  ^diiréc^nt  ^  m  confondent  par  le  faîi^ate  Jeur 
acolioD ,  poSsqtie  les  condamner  à  ces  àcax  peines  saut 
Mnfemies  dans  les  raênnes  prîsbm ,  et  ensfftoyës  wrx 
ménies  tpavjHix  ;  mais  avec  le  chan^uiefit  propo^ , 
«m  distingiieroît  ats^ment  les  divers  geiires»de  fieîtiesv» 
«n  divisant  les  travaux  en  fikiswcirs  dasKS,  à  99fièfm 
de  'leur  £aciUté ,  et  d^i  pkiSicm  nnoins  d'agrémeni  qails 
fiDésentent.  On  potirroît  mâme  y  tronver  on  n^yeik 
dr'étendne  F^hdle  des  peines ,  éyidensmeal:  trep  i  <  s- 
tteinle^daus  notre  lé^latto»^  et  de  les  rendre^  par 
leur  rariétë,  pius  appropriées  à  chaque  espèce  de 

Il  nous  semble  donc  qne  ce  changement  iqni  vnmis 
un  M&veÊÊOBÈ ,  modtfierote  èsseutieilcaieat  rëtat  de 
ishoses  aetneUauroît  des  avantages préeieax^  Isonsfaesn- 
tet>u|>  dé  HRpperts. 

Sans  dotfte  €Ha  ëi«vera  pisrs  d'ime  objeetsim  trantre 
«se  pri^êC)  et  cet»  snrtoot  qui  ont  intérêt  à  b  VMiSèr-^ 
^ration  de  l'wdre  de  i^ioses  qpie  nous  voyons  ^  ne  msin- 
ipieront  paè  cfe  raisons  pour  k  trouver  Uen  fiféSétMe  ; 
ih  eKagéMront  la  diifictt<l4é  de  garder  uM  tnnltil9Kie 
tle^«»idamnës  tmvailknrs,  répandus  s«r  kisorfece  du 
royanme  y  et  l'opposeront  à  la  Cftcilîté  ^fne  préseniont 
AosprtsoftS)  oà  an  seni  goîclietîér  tient  sous  les  v«r-^ 
noax ,  «t  fait  trembler  d'^i  eoisp  d'dtil  dès  eenlalnei 
été  prisonniers.  C'est  en  invoqaant  rMpér{enc«>f  eVst 
^  ci  ta«t  des  exemples  fonruaUers  «  ^ue  nous  réfbmrdns 
d'avance  cette  objection. 

Comment  parvient-^on  a  eontenir  à%  m411e  foi^s» 
que  certes  on  ne  retient  pas  entre  <fnatre  mnraitlés  » 
tandis  qu'ils  déchargent  des  navires  ?  Comment  pré- 
:vieAt-en  leurs  évasions  ^  lefirs  révoltes  ?  Au  ilv^ft* 


•  I 


/ 


DU  BEGim:  MdtlAL*  mi 

d'fMie  siiTTerltence  active  et  d'utie  Morct  ferwire  sitift- 
sftote;  car  il  ne  faut  pas  cimre  cpie  IcalbiSy dont  ils^ont 
charges,  soient  de  véritables  obstodcsà  l-ë^asiiOaé  II  "M. 
si  facile  à  un  hoaiane  <(«i  a  les  «immis  libiies,  «de  se  4é^ 
barrasser  des  chaînes  les  plus  solides  ,  que  Vèa  comp^ 
'teitNi  vaineniétit  sur  ce  seeoui^  pdiir  retenir  les  for-* 
^&  9  si  cm  -ne  les  sitrvâUoit  d'aiileors  âvtc  le  plus 
grand  soin. 

Il  en  est  de  même  des  railkannes  comiatnnés  anx 
travaux  publics  :  c  «st  em  |^ei<i  air,  c'est  en  rasfg  tstm^ 
pag^e  qu  ils  5e  livrent  aulE  ^Mi^rages  qu'on  leur  ilnçiMe  ; 
nm  n'a  fnènie  pas  à  leur  égard  la  ressoutce  ^s  ba^fs 
flou  r  lies  renlent>er  chaque  }Our,  puisque  souvent  ils 
90ttt  barraqués  ,. comme  dails  vn^  camp,  sur  le  lien  de 
iairs,  travaux.  Ces  deux  exemples  prouvent  qit-il  eet 
^ciled  appliquer  plus  en  grand  le  système  ties  tra*- 
vaiix/exlérîeurs  9  et  le  second  donne  précisémeat  te 
iuodèie  que  Ton  devroit  suivre.  Ge'  qne  Tofi  faift  bîeé 
pmMV  les  forçais  et  pour  les  déscrteors^  pou^ioi  tee  ht 
feroit-on  pas  pour  les  atUres  c^xadamnés?  Est-il  plus 
dffficile  de  garder  les  uns  qsnie  les  autres?  Quel  inx!oii-<- 
vënmit  y  ai4f*ait'il  d  ailleors  à  eticl^ttier  les  condîam^ 
feiés  à  hi  réclusion,  ou  à  la  peîtie  correspondahfe ^ 
eommeeii  enchaîne  les  forçats?  Ce  ne  «ont  pa^  lés 
f«rs  ni  les  boulets  qui  sont  infamans,  te$\  ta  diirpoâi-* 
lion  delà  loi  qui  applique  Tinfamie  légale  à  telle  ou 
tétle>péihe.  Si  Ton  veut  conserver  la  gratlation  de  l'op- 
probre entre  les  diverséis  classes  dé  condânVd^à,  elfe 
seroit  suffisamment  marquée  par  la  différence  de  llia- 
biileaient  et  parcelle  des  ii^vaux.  L'opinion  saui^it 
l>ien  distinguer  ks  forçats ,  ^tu3  de  r<^uge  et  enif^ôyf^s 
4ans  les  ports  >  aux  travàtrx  f  ^tvës  à  teot»s  htt» ,  dt*< 


202  ^     DES  PRISONS.: 

•antres  condafnB&  qui\  couverts  xle  vétemens  îaiines* 
'exëciiteroièat  des  travaux  publics,  dans  les  departemens 

deJ'iotëneur,  comme  elle  sait  distinguer  les  niili- 
-tiiires  sous  leurs  moustaches  et  leurs  uniformes  gris 
-«t  noirs  (  i). 

'  t  On'  fera  sans  doute  une  'seconde  objection ,  fondée 
tsur  le  nombre  de  troupes  nécessaire  pour  garder  tons 

ces  condamnés  ,  et  la  répugnance  que  Tonsapposeroit 
^aux  militaires  pour  ce  genre  de  service. 
-  Quant  au»  nombre  des  trçupes,  il  sera  toujours  plm 
que  suffisant;  il  n'y  a  point  de  nation ,  si  dépravée 
«qu'elle  soS{,  chez  laquelle  le  ncMmbre  des  coupables  ap- 
fproiche  de  son  état  militaire.  Ainsi  y  en  supposant  que 
le  nombre  de  soldats  employés  à  la  garde  des  condanv 
tiés  dût  être  égal  au  nombre  de  <^es  derniers ,  il  ne 
faudroit  qu'une  portion  peu  considérable  de  Tar- 
:mée  pour  faire  ce  service.  IVIais  une  escorte  n'a  jamais 
ibesoin  d'égaler  eo  nombre  les  hommes  qu'elle  est  char- 
gée de  garder.  L'avantage  que  lui  donnent  les  armes 
qu'elle  a  en  sa  possession ,  sa  tactique  et  sou  organisa* 
tion  en  corps  discipliné ,  lui  assurent  une  supériorité 
évidente ,  que  multiplie  encore  la  surveillance  perpé** 
Quelle  qu'elle  exerce.  On  en  a  un  exemple  frappant 
dans  la  manière  dojnt  on  garde  les  prisonniers  de 
guerre  :  un  foible  détachement  suffit  pour  contenir  et 

« 

(i)  Dans  plusieurs  villes»  notamment  à  Milan  et  à  Berne ,  etc.  » 
les  prisonniers  sont  employés  à  entretenir  la  propreté  dans  les 
différens  quartiers  ,  et  à  arroser  les  rues  dans  la  saison  'des  cha- 
leurs. On  ne  cite  aucun  accident,  auquel  cet  usage  ait  donné  lieu. 
L'exemple  de  ces  villes  est  une  nouvelle  preuve  de  Ift  facilité 
qu'il  y  auroit  k  appliquer  les  condamnés  à  des  travaux ,  qui  se  £q^ 
Toient  hoi^  de  Tenceinte  des  prisons. 


DU  RÉGIME  MORAL.  2o3 

mener,  quelquefois  assez  loin ,  même  en  pays  ennemi, 
une  forte  colonne  de  militaires  aguerris ,  mais  désar- 
més et  soumis  à  une  surveillance,  qui  prévient  et  ar- 
rête tous  leurs  mouvemens.  Les  soldats  aùroient  bien 
plus  de  facilité  encore  à  garder  les  prisonniers  ordi- 
naires au  milieu  du  royaume ,  où  les  évasions  îseroient 
si  difficiles ,  et  les  secours  si  prompts  en  cas  de  révolte. 
Toutes  les  circonstances,  qui  sont  si  favorables  aux 
prisonniers  de  guerre,  n'existent  point  pour  les  con- 
damnés, que  chacun  s'empresseroit  d'arrêter  et  de 
remettre  entré  les  mains  de  Tautôrîté ,  en  cas  d'évasion. 
Il  ne  faudroît  donc  qu'un  nombre  d'hommes  assez 
restreint,  pour  garder  les  condamnés,  occupés  de  tra- 
vaux extérieurs ,  et  il  n'y  a  point  de  département,  dont 
les  garnisons  ne  fournissent  ,  même  en  temps  de 
guerre ,  assez  de  militaires  inoccupés,  pour  garder  bien 
pins  de  condamnés  qu'il  n'y  en  aura  jamais  dans  les 
'prisons. 

•  Mais,  dira  t  on  peut-être  aussi,  les  militaires  vou- 
dront-ils se  charger  de  ce  service ,  et  ne  trouveront-ils 
pas  au-dessous  de  leur  dignité  de  garder  des  coupables? 
Ouï  sans  doute,  ils  s'en  chargeront  volontiers ,  et  iU 
n'auront  pas  le  faux  honneur  de  croire  qu'ils  ne  peu* 
vent  servir  la  patrie  que  contre  les  ennemis  du  dehors, 
f  t  qu'ils  ne  lui  doivent  pas  leur  secours  contre  ceux , 
plus  dangereux  encore,  qu  elle  nourrit  dans  son  sein-l 
N'y  a-t-il  donc  d*autre  gloire  sur  la  terre,  que  celle 
d'égorger  des  inconnus,  parce  qu'ils  s'appellent  Angloîà 
ou  Prussiens?  Et  les  militaires  doivent-ils  être  abso- 
lument inutiles  en  temps  de  paix,  pour  ne  pas  désho- 
norer leurs  lauriers^  Eux-mêmes  sont  loin  de  le  croire, 
cl  leur  conduite  dé5avoué hautement  cette  injuste  sup« 


2o4  DES  PRISONS. 

» 

position.  Nft^  soûl  ce  fias  des  militaires, ^oi  forment  la 
garai^qn  des  j)orls^  et  qui  -conconrent  à  la  garde  des 
tuigaes?  Ët^uei  régiment  s'est  cru  avili ,  |K)nr  avoir 
été  cantonné  à  Brest  pu  à  Toulon?  Ce  seroit  donc  à 
jtort  ^  que  Ton  t:raindro»t  de  trouver  de  Top^^ositiou  à 
ce  prc^t  dans  Fesprit  des  militaires;  ils  céderoient 
sans  répugnance  aux  ordres  de  lenrs supérieurs,  pour 
ce  service  comme  pour  tout  autre.  Quant  auxof&ciers, 
ils  sentiront  aisément  tout  l'avantage  d'une  organisa^ 
lion ,  qui  occuperoit  utilememt  les  loisirs  des  soldats, 
ojotretiendroit  parmi  eux  une  discipline  régulière,  et 
Jes  habituerott  à.la  vie  des  camps,  pendant  H  repos 
de  la  paix  et  dans  l'intérieur  du  royaume. 

C'est  ainsi  qu'on  ponrroit  essay^x  d'employer  les 
condamnes  à  des  travaux  extérieurs.  ,Quant  à  |>rései^t, 
il  »e  peut  en  être  question ,  piiisque  les  .peiiiefi  qui 
peuplent  les  prisons  emportent  une  clôtune  perpéluijelle* 
Mais  si  les  législateurs  qui  veillent  à  nos  destipées  fu- 
tures, portent  un  }oQr  la  réfornie  danfi nos  lois ^pénales, 
€m  "elle  est  si  néceesaire ,  pourquoi  ne  cha«igeroit~on 
pas  ia  réclusion  ,  l'emprisonnement  même  en  des 
peines  correspondantes,  niais  qui  n';e«cluent  .pas  la 
possibilité  de  travailler  en  plein  air?  Pins  d'im  exem- 
ple prouve  qu'on  peut  très -facilement  les  enaployer 
à  des.  ouvrages  de  maçonnerie^,  de  oharpente.»  etc.- 
Les  prisons  d'Oxford  et  d'Ilchester^  furent  construites 
par  les  prisonniers  mêmes,  qui  4evnient  les  habiter, 
et  tout  le  monde  s'accorda  pour  reconnoître  l'infelii- 
gence  etla  bonne  volotité  qn'ilsymontrèrexit  (i;.àidoiic 

<i  j  Diepa»  qiKÎ  ïùtm  ouvragé  a  été  envoyé  «i  lu  Socîéië  Royale^ 
)*ai  apprU^  dan»  un  ra^qport  très-*i]itére6sant ,  fait  par  un  de  se» 


DU  REGBlE  MORAL.  2o5 

des  prisonniers ,  employés  h  forger  euK-aiénies  leurs 
fers,  et  à  placer  lés  verroux  qui  dévoient  se  fermer 
sur  eux ,  onè  mâ^té  à  a  iiappori  amtssi  fem^taMei  quelles 
espérances,  ne  peut-on  pas  concevoir  de  ceux  qu^on 
enyploîeroit  à  des  ti-avaux ,  phis  agréables  pour  eux,  et 
stirtout  ])lns  encourageans  que  la  constmction  d'une 
prîsoTT  ! 

Vhh  c'est  asse'K  m'occuperd'mî  phin,  qui  n'est  ins- 
piré que  par  Ife'  <Msîr  de  voir  la  condamnation  des  cou-^ 
pables  produire  tout  à  lîa  fois  le  bien  de  la  société  ef 
la  correction  des  condamnés,  ^^espère  qu'on  nie  par-** 
dônner»cette  digression ,  sî  c'en  est  une ,  en  faveur  dn 
motif  qdî  l'a  dictée. 

'i 

membres  y  M*  le  marquis  Barbë^^de  Marboîs ,  que  toutes  les  r<?pa- 
rations,  dont  avoit  besoin  la  maison  de  dëtention  et  àe  correction 
fie  RcMien  ,  appelée  Bicâtp* ,  on  &  été  faitea  pap  les  d^ëtenufr  eux«-> 
iil4ipm,:<{iû  s^en  sout^ acquiti^  dr  la.  nçMUi^èro  k  plus  salîsfuir: 
saute/ C'est  eux.  <|u^'ozi  9,  chargés  de  tous  les,  travaux^  de  maçon-^ 
nerie ,  plâtrerie ,  charpente  ,  et  de  la  confectîoa  des  couchettesi. 
M.  de  Marbois  fait  remarquer  que  tous  ces  travaux ,  outre  l'éco- 
nomie qu'ils  pitictirent,  sont  bien  plus  &yorabtesàla'sanlé  que' 
la  tisseruidiiiie ,  et  pense  que  Ton  pourrbit  faire  bâtir  des  priscNis- 
Qjeur«Sypar  le&détcoiasfuir-mêflaes.,  en  fàUanI;  d'aboird  bâti?  p«f^> 
des  ouvriers  libres  l'enceinte  extériei^ire,  eten  abaMonnfmt  1^ 
reste  des  travaux  aux  détenus ,  barraqués  dans  riatérieur.  Çe^ 
Tœu  d'un  magistrat  aussi  éclairé  qu'humain ,  prouve  combien  il 
seroit  désirable  et  fkcile  en  même  temps,  d'employer  les  détenus 
à  des  travaux,  qui  conserveroienl  leur  santé,  et  leur  donneroidDté 
une  profession  utile.  Je  prcf>Dse  ici.  de  denaecà  ce  pso^t^  toute 
^exlen9ion«do^t.il  es^t  çus^eptifaid,  àm?<  le  q^oU  unené^mf^-s^f 
ix>it  jug^e  convenable.dans  notre  Lé^blation  oriouiu^c'. 


2o6  DES  PRÎSONS. 

ARTICLE  IL  De  VutiliU  des  travaux, 
I.  De  remploi  du  gain  fait  par  les  prisonniaca, 

R 

Les  prisonniers  se  livreront  sans  répugnance  à  un 
*  travail  proportionné  à  leurs  forces,  qui  n'auroit  rien 
de  désagréable  en  lui-même ,  et  qu'ils  auroient  choisi 
parmi  ceux  établis  dans  la  prison.  Ils  peuvent  même 
y  trouver  quelque  plaisir ,  s'il  se  rapporte  à  leurs  an-, 
ciennes  habitudes,  et  aux  connoissances  qu'ils  ont  ac- 
quises. ]V|ais  pour  que  cette  bonne  volonté  soit  durable 
et  qu'ils  continuent  à  travailler  avec  ardeur,  il  faut 
encore  que  cet  ouvrage  leur  présente  une  certaine 
somme  d'avantages,  soit  immédiats,  suit  à  venir.  Ils 
en  seroient  bientôt  dégoûtés,  s'ilétoit  improductif,  et 
ne  payoit  pas  les  sueurs  dont  ils  l'arrosent.  Ceux  à  qui 
le  genre  de  travail,  auquel  on  les  emploie,  étoit  fa-^> 
milier  avant  leur  captivité,  s'indigneroient  de  trouver* 
si  stérile  le  métier,  qui  jadis  nourrissoit  leur  famille  , 
et  les  apprentis  seroient  bien  éloignés  de  prendre  du 
goût  pour  un  état,  qui  laisseroit  leurs  peines  sans  ré- 
compense. Pour  que  les  prisonniers  travaillent  de  bon 
cœur ,  et  avec  fruit  ;  il  faut  donc  que  leurs  travaux  • 
soient  rétribués  suffisamment;  s'ils  ne  s'y  livrent  que 
sous  Tempire  de  la  nécessité,  le  succès  des  soins  qu'on  ' 
prendroit  d'ailleurs  pour  leur  amendement,  est  com- 
promis de  la  manière  la  plus  grave. 

Ces  considérations  ont  paru  assez  fortes  pour  déter- 
miner le  législateur  à  abandonner ,  en  grande  partie , 
aux  prisonniers ,  le  produit  de  leurs  travaux.  Uéquité  ' 
permettoit  sans  doute  de  retenir  tout  le  gain ,  qu'ils 
peuvent  faire  pendant  leur  captivité.  Les  condamnés 


DU  REGIME  MORAL.  207 

«lôivent  réparer  le  tort  qu'ils  ont  fait  à  la  société  par 
leurs  crimes  ;  il  n'est  pas  moins  juste  qu'ils  supportent; 
au  moins  e;n  partie ,  les  frais  de  leur  détention  et  de 
leur  entretien ,  qui  sont  une  conséquence  de  leur  mau- 
vaise conduite.  Le  moyen  le  plus  naturel  qu'ils  aient 
d'acquitter  cette  double  dette ,  c'est  de  rendre  leur  tra-^ 
vail  utile  à  la  société ,  et  d'abandonner  à  son  profit 
tout  le  bénéfice  qu'ils  po^rroient  en  tirer.  Mais  la  ré* 
paratian  du  crime  ne  doit  jamais  s'opposer  au  but 
principal  de  toute  peine  légale ,  la  correction  morale 
des  coupables.  Priver  ces  malheureux  de  tout  le  gain 
que  peut  leur  procurer  leur  travail ,  ce  seroit  les  en 
dégoûter  infailliblement ,  et  leur  faijre  prendre  en  hor* 
reur  cedont  on  doit  chercher  à  leur  inspirer  le  goût: 
On  a  d'ailleurs  senti  l'impossibilité  de  tirer  aucun 
ouvrage  de  ces  hommes,  s'ils  n'étoieut  conduits  à  s'y 
livrer  par  aucun  intérêt  personnel.  C'est  par  ces  mo- 
tifs que  la  loi  du  22  juillet  1791  a  posé  les  bases  de  la 
répartition  des  salaires  gagnés  par  les  détenus,  en  or-r 
donnant  que,  sur  le  produit  de  leur  travail,  un  tiers 
seroit  appliqué  à  la  dépense  commune  de  la  maison  , 
que  ,  sur  une  partie  dès  deux  autres  tiers ,  il  leàr  seroit 
permis  de  se  procurer  une  nourriture  meilleure  et  plus 
abondante ,  et  que  le  surplus  seroit  réservé ,  pour  leur 
être  remis,  après  que  le  temps  de  leur  détention  seroit 

expiré. 

Cette  distribution  est  aussi  juste  que  sage  ;  elle  con- 
cilie tout  à-la-fois  la  justice,  l'intérêt  bien  entendu 
des  détenus  et  celui  de  la  société,  qui  y  trouve  une 
réparation  du  tort  qu'elle  a  éprouvé ,  et  une  légère  in- 
demnité >  pour  les  dépenses  qu'entraîne  la  détention 
des  condamnés,  Il  faut  donc  s'y  conformer  avec  exaç- 


3o8  DES  PRISONS. 

tttuclef  e*  lentria  msnn  à  ce. que  !a  pi'ëv'oyaftce  de  fe 
loi  ne  4evi€Bne  pas  miil'îie,  par  les  malversations  de 
ceux  qui  sont  intéresses  à  fo  vîolep.  Trop  son\^nt ,  la- 
double  retenue,  qnî  s'exei'ce  an  profil  de  VEtat  et  des 
prisonniers,  pow»  rëpoqiaé  de  leur  sortie,  est  détournée 
en  grande  partie  de  sa  destination  légale ,  etva  grossir 
l«  scandaleux  trésor  d'administrateurs  inftdèks'.  La 
fbornièurf^des  travaux,  dans  laquelle  les  gardiens  on  les 
^a%ï#res  chefs  des  prisons  s'entremêlent  dans  des  vuea 
cupides^  leur  fournit  le  moyen  de  faire  d'ilHcities  bé- 
néfices sur  le  salaire  des  déteni?s',  en  ne  leur  remettant 
à  ce  titpe  qu'unesoname  inférieure  à  celle  qo'iteeli- 
^nt  des  personneéf  qui  tes  font  travailler.  Le  seul 
moyen  d'empêfcher  ces  exactions,  c'est  de  rendre ks 
geôliers  et  les  autres  administrateurs,  salariés  et  p«r- 
manens,  entièrement  étrangers  à  to»>t  ce  qui  concerne 
les  fournitures  d'ouvrage  et  le  paiement  de  la  main- 
d'œuvre,  et  de  ne  souffrir  qu'ils  se  mêlent  des- traviaux, 
qne  pour  maintenir  IWdre  et  la  tranquillité  dans  le» 
ateliers.  Tout  le  reste  seroit  abandonné  aux  inspec- 
teurs ;  eux  seuls  seroient  chargés  d'intervenir  dans  les^ 
marchés  entre  les  prisofmiers  et  les  personnes  qni  con- 
sentiroient  à  les  employer,  de  toiKher  le  prix  éemain-i 
d'oeuvre,  convenu  en  leur  présence  entre  le  prisonnier 
et  la  personne  du  dehors  qui  lui  donneroil  de  l'on^ 
vrage  ,  d'en  faire  la  répartition  entre  le  détenu  et  lo 
fisc,  et  dé  conserver  entre  leurs  mains  toute  U  porUon 
attribuée  au  premier.  > 

Il  ne  fiiut  pas  croire  qne  les  détenns  mamyneroient 
d'ouvrage,parceque  legeéh'ernese  mettroitpas^o  qnâte 
pour  leur  en  procurer.  La  journée  des  prss<»nniers  est 
toujours  assez  modi\[}t)e  ^  potir  que  l'on  aime  »  Ic^  fyw0 


DU  lif^ClME  MfbRAL.  209 

tnivâilleT)  et  c'est  une  erreur  de  croire  l'intei-ven^ 
tion  des  giedliers  nécessaire  ,  dans  cette  partie  de 
Tadmittiatration.  Bien  loin  de  faire  avoir  plus  d'oè-' 
▼rage  auxprlsonniers,  ils  écartent  {^utôt  leé  persoiine^ 
qui  seroient  disposées  à  leur  en  donner,  pdr  les  exae^ 
tions  et  les  abus  d'aulorffé  qti'ils  se  permettent.  Màfî^ 
un  inspecteur,  dont  les  fonctions  gratuites  garantii^ 
sent  le  désintéressement ,  et.  qui  ne  doit  d'aitléuir^ 
garder  l'autorité  que  pendatit  une  semaine,  est ,  soiris 
tous  les  ri^ports,  infiniment  préféi^ble  à  un  ^tnpïofê 
pemranetit)  qui  cherche  à  ^  faire  un  révenu  dé  ses* 
conctissiofis. 

U  reste  à  examiner  comment  devra  lêtre  régie  la' 
portion  dessalaires,  qui  reste  attribuée  aux  prisonniers^* 
après  la  dëtracti<m  du  tiers,  pour  ks  dépenser  dé  fsî> 
maison.  ?  . 

C'est  avec  une  prévoyante  Wen  èà^è  qiie  U  tôt  W 
voulu  niettie  en  réserve,  pour  t'épdqtte  d^  laSèrtiè'  dc^ 
prisonniers,  ime  partie  âé  lefur  gain  joiâFtiâl4er^  Ëll«î 
feinr  assure  pat  là  le^nîoyeins  de  v^i^re,  pénd^fnt  li^ 
premiers  momens  de  lè<it  rentrée  dééis^  la  so<!iété  y  éP 
d'attendre /sans  être  plâeés  dans  l'alt^f^iftative  dé  la 
«eodiicSté  orcfdii  cvimvé,  qu'ils  aient  eu  te  temps  à*é^ 
Qtftcr ,  fHur  leur  bottine  (Conduite',  la  tiéStdfhté  ^  qui  Pè^ 
poftsse  tout  tondànutié  libéré.  Ces  honumes  oiit  û'àU-^ 
hors  toujours  cont#6  euic  le'sbûi/%nîr  deiew  premièi^è^ 
&iite,qin  ém()éche  deles  employer  de  préférence  à  ûett« 
dont  la  réputation  cbt  iiitaete ,  et,  à  léélns  de  ciittdds^ 
tances  particulières,  sur  lesquelles  on  lie  peut  cof«^èrj 
comme  Iç  défaut  d'ouvriePS'^lMisle^Énèii^e  genre  vM^tSM 
lent  remarquable  V  ^affection  d'un  a^ien  mâitre,  etc«, 
ib«at«qpo^àmt*««s.«ptoi.  La  r^wrve 

4 


MO  DES  PRISONS; 

crite  par  la  loi  a  pour  objet  de  pourvoir  aux  beisoins  t   1 
qui  viendront  les  assaillir  à  cette  époque  et  de  facili-   ] 
ter  les  premiers .  pas  de  leur  retour  dans  la  société. 
D'un  autre  côté,  s'ils  veulent  reprendre  leur  ancien 
état,  ou  en  exercer  un  nouveau ,  qu'ils  auroient  appris 
dans  la  prison ,  ils  ont  à  faire  face  à  des  frais  d'établis- 
sement,  qu'ib  ne  pourroient  remplir,  si  la  réserve  ne 
leur  en  donnoit  les  moyens.  Le  prisonnier,  à  Taide 
de^cette  économie ,  peut ,  pendant  quelque  temps ,  at- 
tendre qu'il  ait  trouvé  de  l'ouvrage;  il  peut  acheter 
des  instrumens  nécessaires  à  soii  industrie ,  pour  les- 
quels il  n'eut  sans  doute  point  trouvé  à  emprunter. 
Toutes  les  bourses  sont,  fermées  pour  un  homme  qui 
a  éti^  en  prison.  Cette  retenue  est  donc  un  secours  in- 
dispensable aux  prisonniers ,  et  un  moyen  de  les  faire 
rentrer  dans  la  bonne  route,  en  leur  assurant,  pour  Ta- 
v^nir,  une  ressource,  qui  prévient  le  clécoaragement , 
et  les  délivre  de  cettç  idée  désespérante  et  cruelle  que 
la  misère  les  attend  à  leur  retour  dans  la  société ,  et 
qu'ils  n'auront ,  pour  s'y  soustraire ,  d'autres  moyens 
que  le  crime,  qui  les  a  déjà  perdus. 

Mais ,  pour  que  la  retenue  puisse  produire  c»s  heu- 
reux effets  9  présenter  aux  détenus  une  perspective  as- 
surée ,  et;  chasser  par  une  espérance  consolante  de  si- 
nistres inquiétudes,  il  fapt  qu'ils  puissent  y  compter 
sans  hésitation ,  et  que  rien  ne  puisse  les  priver  de 
cette  ressource ,  qui  ne  sera  entièrement  utile  qu'au- 
tant qu'elle  sera  certaine.  Puisque  le  législateur  a  voulu 
préparer  par  là  aux  prisonniers  une  existence  assurée, 
pendant  les  premiers  temps,  les  plu&  difficiles  pour  eux 
de  la  nouvelle  ère  qu'ils  vont  commencer  ;  puisque 
cette  bienfaisante  économie  est  presque  indispensable, 


DU  RÉGIME  MORAL.  lu 

|>S  pour  les  garantir  d'une  rechnte,  le  fonds,  dont  la  des- 
'"•  tinatioii  est  si  importante,  doit  être  inatta(|tiable.  Rien 
^^''  ne  doit  l'entamer,  et  le  prisonnier  doit  être  assuré  àt 
le  rroifver  intact  à  la  fin  de  sa  captivité.  Il  faut  qu'il 
sôît  sûr,  en  travaillant ,  que  ses  peines  ne  sont  pas  per- 
dues; qufe  chaque  instant,  oti  il  s'occupéWilement^  lui 
prépare  une  ressource  pour  l'avenir ,  et  que  rien  ne 
peut  la  lui  enlever. 

S'attacher  à  sa  propriété ,  et  surtout  à  une  propriété 
que  l'on  a  gagnée  à  la  sueur  de  son  front,  c'est  faire 
un  gratitd  pas  vers  les  idées  de  justice  et  de  probité. 
Celui  qui  a  gagné  par  son  travail  un  niodeste  pécule 
est  ^toutes  choses  égales  d'ailleurs,  plus  disposé  à  res- 
pecter la  projpriété  d'autrui ,  que  l'homme  qui  a  hérité 
ses  richesses  et  qui  n'a  eu  que  la  peine  de  naître  pour 
devenir  propriétaire.  Aussi ,  l'idée  d'un  petit  capital^ 
acheté  par  de  longs  travaux,  est-elle  une  de  celles»  qui  me 
paroissent  le  plus  propres  à  achever  la  conversion  d'un 
coupable  repentant.  Il  faut  donc  s'appliquer  à  la  faire 
naître  et  à  l'entretenir  dans  l'esprit  des  détenus  ;  et , 
pour  atteiiidre  ce  but ,  il  faut  que  la  retenue ,  que  l'on 
fera  sur  leur  gain,  ne  puisse  être  que  pour  eux,  et  qu'ils 
soient  bien  convaincus  qu'on  n^en  détournera  rien. 
Inviolabilité  dés  fonds  de  retenue ,  évidence  et  clarté 
du  compte  de  chaque  prisonnier ,  tels  sont  les  prin- 
cipes, qui  doivent  former  la  base  de  cette  comptabilité. 
Il  faut  que  chaque,  détenu  puisse  toujours  savoir  à 
quelle  somnie  s'élève  son  petit  trésor,  et  qu'il  soit  sûr 
de  le  trouver  intact,  à  l'expiration  de  sa  peine. 

Ainsi ,  on  n'y  pourra  prélever  aucune  somme  ^  sous 
quélique  prétexte  que  ce  soit  ;  les  fautes,  que  les  prison- 
niers cop^mettroient ,  ne  devront  jamais  être  punies 


2ia  DES  PRISONS, 

ni  même  réparées  aux  dépens  de  ce  fonds  inviolable, 
et  s'ils  causent  quelque  toil  ou  font  quelque  dégra- 
dation, qu'il  soit  juste  de  leur  faire  payer,  on  ne 
pourra  exercer  c^tte  répétition  que  sur  la  portion  desa- 
lairei  qui  leur;^^]?oit  été  remise  sur-le-champ,  ou  eu 
cas  d'insufQsayèe,  d'après  le  mode  de  recouvrement 
des  condamna tioQ& de  dépens;  mais  l'excédant  des  sa- 
laires,  sur  cette  portion  affectée  aux  besoins  journaliers, 
sera  toujoucs  mise  en  réserve  et  capitalisée,  pour  leur 
être,  rendue  »  ài'expiration  de  leur  peine. 

Quant  k  la  quotité  de  cette  réserve ,  la  loi  ne  porte 
aucune  fixation  et  laisse  à  la  prudence  des  administra- 
teurs à  déterminer  quelle  portjan ,  sur  les  deux  tiers  at- 
tribués aux  détenus  dans  leurs  salaires,  pourra  leur  être 
remise  sur-le-champ,  pour  leursbespins  journaliers.  Il 
est  bon  de  conserver  aux  administratenijirs  cette  latitude, 
qui  leur  permet  de  faire  du  fond^  des  prisonniers  l'u- 
sage qui  Ijeur  paroit  le  plus  avantageux,  eu  égard  aux 
circc^^tances  particulières  à  chaque  individu»  Mais  il 
DQUS  seoible^euméi^e  tepips  qu'ils  ne  doivent  en  user 
qn-avec.une  grande  circonspection  »  et  que  la  portiez , 
qu'ils  remettront  sur~le -champ  aux  prisonniersi,  ne 
devra  jamais  excéder  la  moitié  de  ce  qui  \em  est  attri- 
bué en  totalité,  c'est-à-dire  le  tier^  de  tout  le  salaire.  Ils 
doivent  phitôt  en  prgfiter  pour  ^ugmc^nter  le  plus,  pos- 
sible la  pofftipn  réservée ,  sans  leur  refii$er  trop,  sévère- 
ment le  moyen  de  se  procurer  quelques  -  unes  de  ces 
jottissapces  quotidiennes  qui  peuvent  seules  les  engager 
au  travail,  et  qu'ils  se  procurent,  au  moyen  de  ia 
somme  qu'on  leur  remet  sur-le-ebiin){».  Il  seroit  peut- 
être  bo»  d'adopter  la  règle  quenl'on  observe  dans  la 
prison  de  (iâind,  ce  beau  modèle  des  étabUssemeus  de 


DU  REGIME  MORAL.  21 3 

correction.  Les  prisonniers  ne  peuvent  jamais  avoir 
plus  de  six  francs  en  leur  possession  ;  quand  ils  justi- 
fient les  avoir  dépeiisés  d'une  manière  utile,  on  leur 
donne  de  l'argent,  jusqu'à  concurrence  de  cette  somme 
seulement,  sur  celui  qui  leur  appartient  et 'qui  reste  en 
dépôt,  jusqu'à  Tépoque  de  leur  sortie.  Cette  règle,  avec 
les  modifications  nécessaires  pour  qu'on  puisse  l'appli- 
quer à  nos  prisons,  sëroit  un  excellent  moyen  de  police 
et  de  correction  morale ,  en  ce  qu'elle  ne  laisse  jamais 
^ntre  les  mains  des  détenus  des  sommés  considérables, 
instrument  toujours  puissant  et  souvent  dangereux. 

On  conçoit  que  ,  dans  le  nouveau  système  d'admi- 
'  nistration  que  nous  proposons,  le  maniement  et  la  con- 
servation de  tous  ces  fonds  ne  peuvent  être  abandonnés 
aux  geôliers  ou  concierges.  Simples  gardiens  des  pri- 
sonniers ,  ces  préposés  ne  peuvent  avoir  avec  eux  au- 
cun rapport  d'intérêt,  et  l'on  doit  éviter  avec  Soin  de 
leur  donner  une  branche  d'autorité,  qui  mettroit  les 
prisonniers  dans  leur  dépencfencè.  C'est  à  l'inspecteur 
de  service  qu*il  appartient  de  recevoir  le  salaire  dçs 
prisonniers  et  d'en  faire  la  répartition  ;  e*est  donc 
entre  ses  mains  qu'il  sera  versé ,  soit  par  Tagetit  du 
Gouvernement,  quand  il  s'agira  de  travaux  publics, 
soit  par  les  pailiculiers ,  quand  les  prisonniers  auront 
travaillé  pour  eux.  Nous  exposerons,  dàtis  la  troisième 
partie,  les  détails  de  cette  comptabilité  et  les  moyens 
de  la  rendre  aussi  élaire  que  possible* 

'  n.  De  FatilHé  future  des  travaux. 

JSvvs  n'avdns  cherché-,  jnsqti'à  préset^t,  qu'à  faire 
aim^  i^  traarail  am  prisonniers,  et  à  faire  ensorte 


21 4  DES  PRISONS. 

qa  ils  s'y  livrent  de  bonne  volofité.  C'est  dans  cette 
vue  que  nous  avons  proposé  divers  moyens  de. les 
y  attirer  t  soit  par  la  sorte  d'agrément  compatible 
avec  leur  situation  ,  soit  par  Tutilité  actuelle  des  tra- 
vaux,  qui  n'est  elle-même  qu'upe  autre  espèce  d'agré- 
ment plus  sérieux.  Ces  moyens  pourront  amener  les- 
prisonniers  au  travail  et  préparer  ainsi  leur  retour  dans 
la  bonne  route;  mais  il  faut  en  même  temps  jeter  un 
regard  prévoyant  sur  l'avenir  et ,  en  les  accoutumant 
au  travail  9  leur  faire  trouver ,  dans  cette  excellente  ha- 
bitude ,  une  ressource  contre  les  rigueurs  du  sort,  au- 
quel ils  peuvent  être  exposés.  Il  ne  suf&t  donc  pas 
de  les  rendre  laborieux  ;  il  faut  encore  faire  en  sorte 
que  leur  travail  soit  capable  de  fournir  à  leurs  besoins. 
On  devra  donc  »  surtout  ^  chercher  à  leur  procurer 
une  industrie,  qu'ils  puissent  exerce&dans  la  société ,  et 
dont  l'apprentissage  ne  soit  pas  pour  eux  un  temps 
perdu.  Cette  attention  aura  d'ailleurs  pour  effet  deleur 
donner  une  nouvelle  ardeur  poiur  des  travaux ,  sur  les- 
quels sera  fondé  l'espoir  de  leur  existence  future.  On 
conçoit  qu'ils  ne  se  livreroient  qu'avec  répugnance  t 
ou  tout  au  moins  avec  peu  de  zèle,  à  un  métier,  qui 
ne  devroit  leur  être  d'aucune  utilité  dans  la  suite.  11 
est  certaines  branches  d'industrie,  que  l'on  cultive  peu, 
ou  qui  ne  présentent  que  l'esppir  d'une  occupation 
temporaire,  soit  parce  qu'elles  sont  peu  productives, 
soit  parce  que  les  objets  qu'elles  livrent  au  commerce 
ne  sont  pas  d'un  usage  général ,  ou  ne  jonissent  que 
d'une  vogue  passagère.  On  évitera ,  autant  que  le  per- 
mettront les  circonstances  locales ,  toujours  impérieu- 
ses, de  les  admettre  d'une  manière  exclusive  dans  les 
prisons,  qi^elques  efforts  que  fassent  pour  l'obtenir  ks^ 


DU  REGIME  MORAL.  3t5 

# 

entrepreneurs  ou  fabricans,  qui  y  trpnveroient  quel- 
que intérêt.  Ne  vaut  -  il  pas  mieux  qu'un  prisonnier, 
soctant  de  captivité ,  sache  faire  des  habits  ou  des  sou- 
liers ,  qu'il  puisse  être  menuisier ,  charron  ou  boure- 
lier,  tous  métiers  dans  lesquels  il  est  sûr  de  trouver  de 
Toccupation  ,  que  s'il  avoit  appris  à  faire  des  fleurs  ar- 
tificielles ,  des  éventails  on  tout  autre  objet  de  mode , 
qui  ne  lui  présenteroit  qu'une  ressource  très-précaire  et 
surtout  très-incertaine? 

On  fera  bien  aussi  de  ne  pas  employer  les  prisonniers 
à  ces  travaux  purement  mécaniques,  qui  n'exigent  au- 
cun apprentissage  et  qui  consistent  uniquement  dans 
l'emploi  de  la  force  physique.  Ces  travaux  ne  produi- 
sent jamais  qu'un  gain  extrêmement  modique  et  ne 
procurent  point  une  occupation  sûre,  à  cause  du  grand 
nombre  d'hommes  qui  peuvent  s'y  livrer  et  qui  s'of- 
frent au  rabais  pour  les  faire,  parce  qu'ils  ne  sbnt  pas 
capables  d'autre  chose*  L'homme  qui  a  passé  vingt  anis 
dans  les  prisons  d'Amsterdam,  à  scier  ou 'à  râper  du 
bois  de  Campêche,  peut-il  espérer  d'exister  dans  la  so- 
ciété, avec  une  aussi  misérable  industrie  ?  Réservons 
ces  tristes  ressources  pour  ceux ,  que  le  défaut  d'intelli- 
gence ou  de  bonne  volonté  rend  incapables  d'en  trou- 
ver d'autres;  mais  gardons-nous  d'en  faire  une  règle 
générale  dans  les  prisons ,  qui  renferment  une  foule 
d'hommes,  capables  d'exercer  des  professions  plus  uti- 
les pour  eux  et  pour  la  société ,  auxquelles'  on  peut 
aisément  les  former  pendant  leur  captivité. 

TROiaiBAUl  DIVISION.  Des  moyens  d'encourager  les  pi4sonniera^ 

au  traTaîL 

r 

Il  ^t  eacoce  im  moyen  d'animer  au  triavail  et  a 


2i6  JàSS  PRISONS.     > 

r^ccoinpliasement  de  leurs  autres  devoirs, des  homme» 
qui  ont  toujours  hesoiii  d^être  soutenus  dans  la  bonne 
voie;  c'est  de  décerner  quelques  récotnpense&à  ceux 
qm  se  distingueroient  par  leur  zèle  ou  leur  habileté 
dan$  la  confection  des  ouvrages  qu'on  leur  donnera.  Il 
est  peu  d'hommes,  qui  ne  soient  susceptibles  de  quel* 
que  émulation,  surtout  quand  on  propose  à  leur  ambi- 
tion un  prix  capable  de  la  tenter.  L'honnenr  et  Tinté- 
rét,  habilement  mis  en  jeu,  sont  deux  ressorts  dont 
Teffet  est  presque  infaillible  sur  le  cœur  de  Thomme. 
Il  ne  faut  pas  négliger  ce  grand  moyen  d'amendement^ 
qui  peut  avoir  sur  l'esprit  des  prisonniers  leis  eiïets  les 
pins  avantageux ,  pourvu  qu'on  l'emploie  avec  discer-» 
nement. 

Les  objets  des  récompenses  doivent  être  fort  sim- 
ples ,  pour  pouvoir  être  plus  multipliés  ;  mais  ils  doi* 
vent  être  asseas  agréables ,  pour  que  les  prisonniers  les 
d^irent  ;  car  offrir  des  récompenses  qui  ne  flattent 
point ,  c'est  déprécier  l'action  que  l'on  veut  récara- 
penscr.  Cette  observation  devra  diriger  dans  Temploi 
des  récompenses.  11  faudra  bien  se  garder  d'avilir  cer- 
tains objets  ^  qui  peuvent  avoir  beaucoup  de  prix  aux 
yeux  de  quelques  détenus,  en  les  donnant  à  ceux  qni 
les  dédaigneroient*  Ainsi ,  par  exemple ,  les  rccoro* 
penses  purement  honorifiques ,  comme  une  place  pai;- 
ticulière  et  distinguée  aux  offices,  etc.,  peuvent  avoir 
une  grande  influence  sur  certains  prisonniers ,  pourvo 
qu'ils  ne  le^  aient  pas  vu  prostituer  à  ceux  de  leurs 
camarades ,  qui  les  mépriseroient  et  les  tourneroient 
en  ridicule.  Il  est  bien  des  hommes ,  et  la  majeure 
partie  des  prisonniers  est  dans  ce  cas,  pour  lesquels 
une  simple  distinction  est  un  attrait  insuffisant  pour  les 


DU  REGBIÇ  MORAL.  a  1 7 

arracher  à  la  paresse  ou  leur  faire  sarmonter  tout  autre 
défaut.  Avec  eux  il  ne  faut  jamais  employer  ces  récom-* 
penses  purement  honorifiques;  le  mépris  qa  ils  en  font 
déprécieroit ,  aux  yeux  des  autres ,  ce  moyen  d'ému« 
Intion  et  les  éloigaeroit  eux-mêmes  du  but  où  l'on 
vent  les  amener.  Il  en  est  d'autres,  sur  lesquels  l'hon- 
neur n'a  pas  perdu  son  pouvoir  et  qui  recevroient 
avec  joie  et  reconnaissance  une  distinction  flatteuse. 
La  conversion  de  ces  derniers  est  presque. assurée: 
quand  on  est  sensible  à  l'honneur,  on  est  bientôt  ver* 
tueux  et  on  peut  avoir  la  meilleure  espérance  de  ceux 
qui  désireront  ces  récompenses.  Ce  sentiment  est  la 
marque,  d^une  âme  encore  généreuse  dans  ses  écarts, 
et  les  inspecteurs  pourront  la. regarder  comme  un 
indice  certain  des  bonnes  dispositions  de  ceux  qui  le 
feront  paroitre. 

Malheureusement,  les  prisonniers  sensibles  à  ces 
récompenses ,  ne  feront  presque  toujours  que  le  petit 
nombre.  Il  en  est  tapt^  sur  lescfuels  l'honneur  n'a  voit 
aucun  pouvoir ,  même  avant  que  l'infamie  légale  sem- 
blât les  en  dépouiller  tont-âfait  ;  tant  d'autres,  dont  le 
cœur  palpite  encore  aux  noms  d'honneur  et  de  probi- 
té ,  mais  dont  la  mis«re  rend  a  Leur^  yeux  la  moindre 
somme  d'argent,  un  bien  préférable  à  tous  les  autres, 
que  Ton  ne  peut  guère  compter  sur  les  récompenses 
purement  honorifiques  pour  stimisler,  en  général  9 
Tardeur  des  prisonniers. 

Il  est  un  genre  de  récompense,  dont  la  valeur  est  gé-^ 
néralement  appréciée  par  tous  les  hommes,  et  dont 
TefFet  est  presque  toujours  assuré.  Je  veux  parler  des 
primes  ou  des  récompenses  en  argent.  Il  n'est,  dans  les 
prisons^  presque  aucun  individu,  que  la  promesse 


2i8  DES  PRISONS. 

d'une  haute  paye,  si  légère  qu'elle  soit,  ne  détermine 
à  faire  quelques  efforts ,  et  à  travailler  avec  plus  d'ar- 
deur et  de  soin.  Nul  d'entre  eux  n'est  insensible  aa 
plaisir  d'adoucir,  ne  fût-ce  qu'un  moment,  sa  triste 
existence,  et  la  prime  qu'ils  peuvent  gagner,  en  se  dis- 
tinguant par  leur  travail,  leur  procureroît  quelques- 
unes  de  ces  jouissances ,  qu'ils  goûtent  si  rarement  en 
prison.  Oh  conçoit  que  ces  primes  ne  peuvent  jamais 
être  que  très -modiques,  parce  qu'on  n'aura  jamais 
lieaucoup  de  fonds  à  y  consacrer;  mais  il  n'est  pas  né- 
cessaire qu'elles  soient  considérables ,  pour  exercer  une 
salutaire  influence  sur  les  prisonniers.  On  en  voit  un 
exemple  dans  les  gratifications  de  l'enseignement  mu- 
tuel >  dans  la  haute  paye  des  militaires  :  une  somme  > 
en  apparence  méprisable ,  suffit  pour  accélérer  les  pro- 
grès, pour  faire  désirer  un  grade  ou  le  passage  d'une 
compagnie  danis  une  autre.  Quant  aux  prisonniers,, le 
peu  de  ressources  que  cet  état  laisse  à  la  plupart  d'entre 
eux ,  est  un  sûr  garant  de  l'effet  que  peut  produire  sur 
eux  l'espoir  de  la  prime  la  plus  légère. 

Cette  récompense  est  d'ailleurs  susceptible  de  mo^ 
difications,  suivant  le  caractère  et  les  dispositions  dqs 
prisonniers,  que  Ton  peut  reconnoître  assez  facile- 
ment. Celui-ci,  sansparens,  sans  famille  qui  l'attende 
au  sortir  des  prisons,  et  dont  il  doive  consoler  la  mi- 
sère ou  partager  les  travaux ,  ne  pense  qu'à  son  bien- 
être  actuel ,  qu'aux  moyens  de  se  procurer  certaines 
jouissances  personnelles  dont  il  esit  privé.  Les  récom- 
penses pécuniaires  et  présentes  auront  sur  lui  le  plus 
grand  empire.  Tel  autre ,  trop  pauvre  pour  ne  pas  dé- 
sirer une  récompense  plus  avantageuse  qu'honorifique^ 
gémit  continuellement  sur  la  misère  y  où  sa  détention 


DU  REGIME  MORAL;  2x9 

laisse  une  nombreuise  famille  ,  et  sur  la  difficulté  de 
reprendre  un  métier  qu'il  a  interrompu ,  et  tpxi  en- 
traîneroit  de  nouveaux  frais  d'établissement  :  l'espoir 
de  trouver ,.  à  rexpiralion  de  sa  peine ,  son  pécule 
augmenté  d'une  petite  somme ,  enrichi  de  quelques  on^ 
tîls  propres  à  son  industrie,  ou  â\me  légère  quantité 
de  matière  ouvrable,  est  capable  de > lui  donner  une 
ardeur  pour  le  travail ,  et  une  reconnoissance  affec- 
tueuse pour  ses  bienfaiteurs ,  qui'  sont  très-propres  à 
ramener  la  veftu ,  dans  un  cœur  qui  l'avoit  oubliée.  Il 
versera  des  larmes  de  joie ,  à  l'aspect  des  secours  que  lui 
accorde  une  charité  prévoyante,  en  voyant  la  subsis-; 
tance  de  sa  femme  et  de  ses  enfans  assurée ,  par  les  prix 
que  sa  bonne  conduite  lui  aura  mérités.  Avec  quel 
courage  il  ^  remettra  à  des  travaux ,  qui  lui  procurent 
Te^péraijce,  la  pli;is  douce  des  consolations  ^  et  qui 
l'entretiennent  danS;  les  pensées  les  plus  salutaires  et 
les  plus  morales  !  Quelle  récompense  pourroit  être  plus 
agréable,  quel  prix  pourroit  être  plus  doux  que  ceux 
auxquels  il  voit  attaché  le  sort  de  sa  famille? 
,  Il  en  est  de  cette  espèce  de  récompense  comme  de 
toutes  les  autres;  il  ne  faut  pas  l'employer  indistinc- 
tement à  l'égard  de  tous  les  pri^mniers,  et  la  prodi- 
guer à  ceux  sur  qui  elle  ne  devroitrpas  avoir  d'empire* 
D'ailleurs,  ce  sera  toujours,  la  gratification  la  plus  dis- 
pendieuse ,  et  l'on  fera  bien  de  la  réserver  pour  les  cas 
importans,  de  manière  à  éviter  la  mesquinerie,  sans 
entrer  dans  de  trop  fortes  dépenses.  Mais  pour  ne  pas 
priyer  ceux  qui  préféreraient  une  prime  de  ce  genre, 
quoique  modique ,  de  se  faire  par  là  une  ressource 
pour  l'avenir ,  on  peut  permettre  aux  prisonniers  qai 
auraient  mérité  des  primes,  payables  sur-le-champ. 


220  DES  PRISONS. 

delesëefaaiigeri!ontredes  bons  ëqoivalens,  ofi  plntdC 
.un.  peu  supérieurs ,  qui  se  rapporteraient  à  l'époque 
•de  leur  libération,  et  que  Ton  acquitteroit  alors  ,  en 
argent  ou  en  matière  à  travailler ,  à  leur  choix.  S'il  en 
étoil  quelques-uns,  qui  fissent  cette  sage  réserve,  on  en 
devroit  concevoir  les  meilleures  espérances,  il  ne  fév 
pas  s'interdire  ce  moyen  de  connoitre  et  d'apprécier 
les  prisoilniers» 

On  peut  encore,  à  moins  de  frais  et  d'une  n>anière 
plus  efficace  peut  -  être ,  récompenser  une  continuité 
ide  bonne  con<Hiile,  en  chargeant  ceux  des  détenus  qui 
-s'en  reodroien t.  dignes*  de  certains  services  domes- 
tiques, qui  leur  sembleroient  plus  doux  que  les  tra- 
vaux ordinaires,  comme  de  nettoyei*  les  chambres, 
de  faire  les  lits,  de  s'occuper,  k  Tintërtenr  seulement , 
:de  la  distribution' du  linge,  enfin,  de  faire  le  service 
de  l'infirmerie  et  de  la  pharmacie.  Ces  fonctions  ne 
,seroient  confiées  qu'à  des  prisonniers,  qulauroient  mé- 
.rite  cette  distinction ,  et  à  qui  elles  paroitroient  avan^ 
fageuses  et  convenables.  Mais  il  faut  ne  les  conférer 
qu'à  titre  de.  récompenses,  et  ne  point  y  appeler  au 
Iiasard  ceux  dont  la  figure  ou  les  manières  plaîroient 
.plus  ou  moins  aux  préposés  en  chef.  C'est  par  une  dis- 
tribution économe  de  ces  divers  avantages,  que  l'on 
peut  se  procurer  à  peu  de  frais  un  système  utile  de  ré- 
;  compenses.  Il  sirffit  de  ne  pas  mettre  plus  d'arbitraire 
dans  les  faveurs ,  que  dans  les  rigueurs  ;  et  si  ces  der- 
.  n^res  ne  doivent  être  appliquées  qu'à  ceux  qui  sont 
légalement  reconnus  les  avoir  méritées ,  il  faut ,  de 
^  même  réserver  pour  en  faire  des  récompenses,  et  n'ac- 
corder qu'en  connoissance  de  cause  et  pour  un  objet 
.déterminé,  toutes  les  douceurs  dont  on  peut  laisser 


DU  HEGIBO'  MOBAL.  21^21 

]Duir  les  pmonnierfti  iadépefidamoieiit  de  la  règle 
commune. 

Telle  seroit,  entre  autres ,  la  permîmon  de  culAirrer 
quelques  petites  portioiïs  ^s  pr^iix«£n  général,  on  ne 
sauroit  trop  encourager  le  goût  de  la  onlhire ,  aoit  pour 
l'avantage  matériel  qu'en  tire  la  société  «  «oit  à  cause 
de  la  douceur  des  mœurs  que  cette  occupatkm  deanë 
ordinairement  à  ceux  qui  s'y  livrent.  Ne  poorroîfc^en 
pas ,  avec  quelques  modificatiQBS  que  commanderoat  > 
les  localités  ^  introduire  le  î^urdinage  dans  les  prisons 
et  en  faire  un.  mode  de  récompetiae?  Oneonçoît  qo'à 
raison  de  l'exiguité.  néceasawe  du  terrain  »  il  sera  im-- 
possible  d'en  faire  une  occupatioppi  généfile  et  penna-* 
nente  ;  mais  on  troiiveroil  saw  doute  k  moyen  d'en 
faire  unouvraged'eTMreptiQn,  ooé  sorte  dedélassenient^' 
susceptible  d'être  acqocdé,  auxpinsottnier&qdiseitnettt' 
capables  de  s'y  livrej?,,et  qui  llauilDÎeiil  iraétitë.  ILseroîa 
facile  de  ré3eryer,  dans  les:  préaux,  destiiiés  à  kLpeo>-*- 
menade  des  prisonniers ,  l'espace  nécessabe  pour  éta^^  ' 
bjir  quelques  petitSt  jardins  partieuliera,  dont  lacvltore* 
serolt  abandonnée  »  pendant  une  saison ,  à  ceux  d'entre 
eux  f  que  Ton  croiroit  pouvoir  récompenser  de  eette 
manière.  Cette  ré^rve^  qui  reslreindroit  ua  peu  la  * 
largeur  du. préau,  n'auroit  aucun  inconvénient  véri- 
table ,  puisqi]^'elle  n^e^traverpit  point  la  libre  circula-  - 
tiott  de  l'air.  Les  jardins  «  séparés  du  promenoir  par  ^ 
une  claire-voie ,  seroient  fermés  à  def  poor  la-  eodser- > 
valion  des  productions;  et  la  sàreté  de  la  prisone^ge- 
roit  que  l'on  n'y  pût  cultiver  aucun»  arbre  ni  aqcene  ' 
plante  à  hante  tige»  qui  pussent  servir  à  masquer  des' 
démarche^'illicites  ou  dangereuses.  Comme  cette  con-^ 
cession  ne  devroit  jamais  devenir  un  privilège  penoia^ 


oax  DES  PRISONS; 

lient  »  on  nérobtiendroit  que  pour  une  saisàii,  à  tnoind 
que,  dans  Tinta'valie ,  on  ne  se  fut  rendu  dîgne  d'une 
nouvdlé réconipensedo  méine  genre.  Mais,  dahs^tous 
les  cas,  on  feroit  bien  de  s'arranger  pour  qUe  tous  les 
prisonniers  postant  avèirl-espréràuce  fondée  d'obtenir 
à  leur  tour  la  culture  d'un  jardin  ,  pourvu  qu'ils  se 
séieat  bien  conduits.  '   > 

i  Le  jardinage  ne  ^pouvant  être  danslès  prisons  ni  une 
crioeupàtion  permanente,  ni  une  occupation  générale, 
comme  celle  des  ateliers,  mais  devant  être  considéré 
comme  un  sîmpie  iâélas^meht ,  les  prisonniers  qui 
auront  obtenu  ïa  pièrmission  de  s'y  adonner  ne  pour-^ 
ront  y  coiosacrer  foute  léut  journée.  Ils  y  péi'droient 
l'aptitude  qu'ils  auraient  acquise  aux  travaux  ordi- 
naires, et  quand  la  ^saison  ^roit  écoutée,  ils  ne  se  re- 
meifroient  plus  avec  h  même  avantage  à  leur  ancien 
métier.  Oh  fera -donc  bien  dé  ne  leur  donner ,  pour  ce 
tra^l  d'agrément,  que  lé  temps  ordinaire  des  récréa- 
tions; ils  y  trouveront  un  exercice  salubre,  agréable, 
et  en  même  temps  lucratif.  Le  peu  de  temps  qu'ils 
pourront  consacrer  chaque  jour  à  la  culture,  fait  voir 
qu^iU  ne  pourront  avoir  un  bien  grand  terrain  à  leur 
disposition;  mais  on  sent  que,  dans  une  prison ,  on 
ne  peut  pas  détacher  xm  grand  espace  pour  le  trans- 
former en  jardins  particuliers,  et  les  prisonniers  au- 
roient  le  temps  proportionné  à  l'étendue  de  terrain , 
qu'on  peut  raisonnablement  leur  accorder. 

On  trouvera  encore  d'autres  moyens,  qiienoùs  n'a- 
vons  pas  besoin  d'énomérer  ici,  pour  récompenser 
la  bonne  conduite  des  détenus*  On  peut  laisser  à  la 
sagacité  des  autorités  locales  le  soin  de  les  déter- 
miner. 


DO  REGIME  MORAL  aa5 

Quant  au  niode  de  distribution,  il  esl  loin  sans  doute 
d'être  indifférent  :  les  formefi  sont  toujours  prëdensea 
quand  elles  ont  pour  objet  d'assurer  la  justice  d'une, 
mesure ,  et  d'écarter  la  possibilité  de  l'arbitraire.  Noua 
eu  donnerons  les  détails  9  dans  la  troisième  p^^rtie ,  ea 
parlant  des  récompenses  ;  il  suffit  de.  pos^r  ici  en  prin« 
cjpe  que  c'est  à  la  commission  des  inspecteurs  qu'il 
appartiendra  de  décerner,  à  ce  titre,  les  honneurs ^ 
les  primes ,  les  permissions,  les  fonctions,  et,  en  géné- 
ral ,  tous  les  avantages  réservés  pour  exciter  Témula- 
tion  des  prisonniers. 

Tels  sont,  en  général,  les  moyens  que  Fon  peut 
employer,  pour  délivrer  les  prisonniers  de  l'oisiveté  et 
pour  leur  faire  aimer  le  travail.  Si  l'on  parvient,  avec 
leur  secours ,  à  leur  inspirer  ce  goût  salutaire,  le  grand 
ouvrage  de  leur  amendement  sera  bien  avancé.  J'es- 
p^e  que  là  marche  que  j'ai  indiquée ,  suivie  par  des 
administrateurs  zélés  et  habiles ,  pourra  conduire  au 
but  que  nous  désirons  atteindre.  Sans  doute  il  est  dès 
e^iritsândociles ,  auprès  desquels  bien  des  efforts  se-  ■ 
Toient  inutiles ,  et  que  le  meilleur  régime  et  les  admi- 
nistrateurs les  plus  expérimentés  corrigeroient.  diffici- 
lement; Plaise  à  Dieu  que  cette  méthode  ne  soit  in- 
fructoeuse  qu'à  l'égard  de  ces  malheureux,  qui  ne.fe^ 
ront  pas  la  majorité  des  prisonniers!  Loia  de  nous 
toutefois  l'idée  de  les  abandonner  à  leur  dépravation: 
il  n'y  a  point  de  conversion  impossible.  Si  l'on,  ne 
réussit  pas,  c'est  qu'on  emploie  de  mauvais  moyens; 
et  à  l'égard  de  ces  grands  coupables,  l'amendement 
n'est  pas  une  chimère;.  c'es(' seulement  une  conquéie 
fins  difficile ,  mais  par  cela  même,  plus  glorieuse  que 
celle  des  prisonniers  moips  endurcis.  Aussi,  quand  les 


324  ^^  PRISONS; 

efforts  Seraient  restés  inoliles  sur  eux ,  il  ne  faudrdit 
poini  désespérer  da  succès  des  soins  qu^on  prendra  des 
aotres  prisonniers ,  mais  continuer  avec  plus  d'ardeur  ' 
à  poursuivre  leur  amendement  par  tous  les  moyens 
possibles.  Dë)à  préservés  dé  Foisiveté,  peut-être  même 
de  la  paresse  par  le  travail ,  il  restera  à  les  délivrer 
des  autres  cmises  de  corruption ,  qui  agissent  si  puis^ 
samment^  quand  rien  ne  les  arrête,  et  dont  il  est  indis- 
pensable de  pnrger  les  prisons,  pour  obtenir  quelque 
succès  dans  l'entreprise  importante  de  la  correction 
morale  des  prisonniers. 

Sbcyicf  II.  Bâ  la  népessUé  et  des  nwyens  de  pré^nir 
Us  ptisemùers  conire  la  déhanche. 

Âv  noasibrc  de  ces  causes ,  il  en  est  peu  d'atHsi  ac-^^* 
tivès  et  d'aussi  générales  que  la  débauche.  C'est  pres<* 
que  toujoors  par  Tinconduite  que  Ton  préiadc  au- 
crime,'  et  si  l'on  ne  peïit  pas  dire  que  tons  les  dânii-*- 
cfaés  deviennent  crimineb,  en  trouvera  qne,  dans* 
bien  de&cas  y  les  criminels  mit  commencé  par  être  dé* 
bemcfaés.  Qu'on  interroge  teos  ces  grands  coispaUes 
qui  n'a«oieat  d'autre  profession  que  l'habitude  du 
crime  et  qui  sont  encsnre  les  derniers  parmi  les  con- 
damoésy  qu'on  porte  un  cofip  d'oeil' scrutateur  sur  les. 
premiers!  temps  de  le«trriei,>ei  Vo^  verra  que ,  livrés 
cka  l'enfance  aux  débaucfanales  plus  inliàoaes  et  fes  plus 
précoces  i  ils  ont  svcé  >»  pour  ainsi  dire ,  avec  le  lait ,  le 
ndépris  des  lois  divine  et  humaines,  ou  que,  parvenus, 
à  l'âge  des  passions,  sanft qu'une  bonne  édncalioi^  oo 
un  camelère  assez  ferme  leur  eussent  donné  la  lorce  de 
résistar  au  torrent^  ils  dnt  été  entrirfnésr  par  dessédoc*- 


DU  REGIME  MO]|AL.  3^5 

lions  trop  pins$aiite$  pour  jep^  ;.et ,  utie  fois,éçartë$  du 
chemin  de  l'honneur ^ iii'oiit  pkis  chçriehë  que danslç 
crii^  un  abri  contre  le&  rigueurs  de  Topinion  justement 
trritëe* 

C'est  en  biR^vant  les  loi&de  la  pudeur  et  de  la  décence 
publique,  qu'on  s'accoutume,  à  mépriser  l'opinion  et  à 
fouler  aux  pieds  les  devoirs  les  plus  sacrés.  Tout  s'en* 
chaîne  :  rhounéte  homme  respecte  également  l'inno* 
cence  et  la  propriété',  la  pudeur  du  jeune  âge  et  la  for- 
tune du  riche;  les  principes  de  morale  et  de  religion; 
qui  lui  défendent  l'injustice  la  plus  légère ,  ne  lui  dé- 
fendent pas  moins  rigoureusement  toute  atteinte  à 
rinnocence;  ils  retiennent  son  cœur  prêt  à  faillir,  et  la 
force  de  son  caractère ,  exercée  à  combattre  toutes  les 
passions,  lutte  avec  avantage  contre  les  plus  fougueuses. 
Mais  celui  qui  n'a  pas  su  se  faire  un  rempart  contre 
les  premières  tentations  qui  venoient  l'assiéger ,  qui  a 
cédé,  sans  combat,  une  facile  victoire  à  sa  passion  nais* 
santé ,  a  déjà  conçu»  par  cette  foiblesse  i  une  flexibilité 
de  caractère,  qui^peut  l'entraîner  aux  plus  grands  excès; 
bientôt  il  sacrifiera  tout  à  ses  désirs:  repos,  fortune, 
considération ,  tout  sera  foulé  aux  pieds,  pour  parvenir 
à  scm  but.  Il  ira  jusqu'à  sacrifier  l'innocence,  la  répur-, 
tation,  le  bonheur  d'une  infortunée,  qui  n'a  eu  d'autre 
tort  que  de  loi  plaire  ;  et ,  satisfait  de  sa  cruelle  victoire^ 
il  s'applaudira  en  public  des  larmes  de  la  pudeur  et  dn 
désespoir  de  l'innocence. 

Uqe  fois  parvenu  à  ce  degré  de  perversité ,  l'homme 
est-il  bien  éloigné  àes  crimes  les  plus  vils?  Celui  qi|i, 
sous  les  i^parénces  de  la  bienveillance,  a  porté  la  mort 
dans  un  cceur.qui  l'aimoit,  jiàsqu'à  se  sacrifier  pour 
lui  y  et  qui  n'a  cherché  à  s'en  faire  aimer  que  pour  le 

i5 


22C  DES  PRISONS. 

vouera  ('opprobre ,  est^H  bien  du-des8iis  de  ce  faussaire, 
qu'il* regarde  avecinépms  sur  l'échafeud  où  il  est  aita- 
cbë  ?  Non ,  non  ;  H  n'a  plus  qu'un  pas  à  faire  pour  se  con- 
fondre dans  la  foule  des  plus  obscurs  scélérats,  et,  si  la  loi 
ne  punit  pas  ses  premiers  forfaits ,  malgré  leuréclat ,  il 
saura  bieutdt ,  par  des  crimes  assez  vils,  provoquer 
cette  justice,  tardive , {mais  inévitable ,  qui  avqit  épar- 
gné ses  premiers  attentais ,  mais  qu'il  aura  rendue 
inexorable.  Son  4ine  s'est  habituée  à  IHnjustice ,  il  a 
déjà  passé  le  but,  en  y  joignant  l'ingratitude  h  plus 
atroce;  etf  si  quelques  idées  d'honneur  mal  placé  le 
préservent,  pendant  quelque  temps,  de  certaines  fautes, 
pour  lesquelleis  l'opinion  n'auroit  pas  eu  l'indulgence 
coupable,  qu'elle  aaccordée  à  ses^dépprtemens,  une  pas- 
sion>  trop  violente  pour  son  âme  dégradée,  renversera 
bientôt  ce  foible  obstacle,  barrière  impuissante  contre 
des  désirs  toujours  satisfaits  çt  toujours  renaissans. 

La  débauche  ne  se  borne  pas  à  énerver  l'âme  ;  trop 
souvent  elle  rend  cruel ,  sanguinaire ,  et ,  à  la  honte  de 
l'huilcianité  >  ne  veut  plus 'quelquefois  que  d'une  vo- 
lupté ensanglantée  :  triste  symptôme  de  l'efiFroyable 
dépravation  d'une  âme  qu'elle-a  empoisonnée!  Ce  vice 
est  donc  une  disposition  prochaine  aux  crimes  les  plus 
vils  et  les  plus  odieux  ;  il  en  devient  d'ailleurs  une 
oiïcasion  perpétuelle ,  et  y  sollicite  constamment  les 
cœurs  quHl  subjugue.  Les  liaisons  qu'il  établit  entre 
des  personnes  corrompues,  qui  s'excitent  mutaeile- 
tnent  à  mépriser  la  vertu  et  l'honneur,  le  besoin,  tou- 
jours a<^f,  de  satisfaire  des  désirs  ruineux,  l'aveugle- 
ment d'un  esprit  fasciné  par  sa  passion ,  qui  ne  voit 
qiie  l'objet  de  son  désir,  et  qui  foule  aux  pieds  toutes 
lés  barrières  qui  l'en  séparent ,  voilà  les  funestes  <x>n- 


DU  REGIME  MORAL.  327 

séquences  de  la  débauche ,  voîlà  par  quel  chemin  est 
entraîné ,  presque  à  son  insu ,  celui  qui  n'a  pas  eu  le 
courage  de  repousser  ses  premières  atteintes. 

Si  ce  fléau  est  redoutable  dans  la  société ,  coffnbien 
ne  l'est- il  pas  davantage  dans  les  prisons^  rendez- vous 
forcé  de  tous  les  hommes  immoraux!  La  débauche 
établit  toujours  entre  ses  victimes  ane'intimté,  qui  ne 
peut  qu'avoir  la  plus  funeste  influèncto  sur  celui  dont 
le  cœur  étoit  le  moins  dépravé.  Plongé  ati  milieu  d'unif 
foule  d'hommes  pervers,  dont  tés  insinciations  et  les 
exemples  le  sollicitent  continuellement  de  partager 
leurs  infômes  plaisirs ,  résistera-t-il  toujours  à  leurs 
séductions?  et  s'il  y  cède  une  fois,  combien  ne  sera-t-il 
pas  près  d'imiter  tous  leurs  égaremens  !  Le  compagnon 
Aé  débauches  d'un  scélérat  n'est  pas  loin  de  devenir 
son  complice  :  tant  il  y  a  de  liaison  entre  les  difFérens 
genres  de  dépravation  !  tant  l'iinmoralité'  se  Commu- 
nique rapidement ,  entre  ceux  qui  goûtent  les  mêmes 
voluptés  ! 

Les  moyens  de  prévenir  ces  malheurs  rentrent  dans 
la  discipline ,  et  nous  avons  déjà  indiqué  comme  pro- 
pres à  amener  ce  résultat ,  la  solitude  nocturne ,  là 
surveillance  la  plus  scrupuleuse,  pendant  les  visités  que 
reçoivent  les  détenus ,  et  surtout  l'exiictitudc  du  gar- 
dien à  tous  les  devoirs  dé  Isa  place. 

B  est  inutile  d'insister  de  nouveau  sur  la  nécessité 
de  la  solitude  nocturne.  Quant  aux  visites  du  dehors , 
elles  ne  sont  que  trop  souvent  faites  pour  détourner  lé 
condamné  de  la  bonne  route  et  pour  renouer  des  liens 
funestes  à  son  innocence,  que  le  temps  eût  peut-étté 
rompus  sans  retour.  On  doit  donc  porter  la  plus  grande 
attention  sor  cet  objet  d'administration ,  duqutel  dé^ 


:i!28  DES  FIUSONS. 

pend,  en  grande  partie,  Famendement  des  prison- 
niers. Les  permissions  pour  visiter  les  condamnés  ne 
doivent  être  données  qu^avec  la  plus  grande  circons- 
pection>  mais  elles  ne  doivent  jamais  être  refusées  sans 
motif.  A  Dieu  ne  plaise  qu'en  recommandant  la  pru- 
dence 9  le,  paroisse  vouloir  priver  les  détenus  de  la  coti- 
sation la  .plus .  douce  et  quelquefois  la  plus  utile ,  en 
leur  refusant  la  vue  des  personnes  de  leur  £amille  !  Ce 
qpe  je  désire  «  c'est  que,  dans  cette  circonstance ,  Tim- 
moralité  ne  vjienne  pas  usurper  les  droits  de  l'inno- 
cence. U  est  ju^te ,  il  est  même  presque  toujours  salu- 
taire de  laisser  parvenir  dans  les  prisons^  l'épouse  au- 
près de  son  époux,  les  enfans  auprès  de  leur  père.  Le 
prisonnier»  dont  l'âme  s'ouvre  quelquefois  à  ces  idées 
si  douces  et  si  morales  de  famille,  de  ménage,  de 
bonheur  domestique ,  est  plus  près  de  se  corriger  et  de 
revenir  à  la  vertu,  que  celui  qui ,  seul  avec  lui-même , 
ne  connoissant  plus  que  des  jouissances  et  des  maux 
individuels,  semble  avoir  renoncé  à  jamais  à  la  société 
de  ses  semblables. 

Indépendamment  de  ce  motif,  qui  est  assez  décisif  par 
lui-même ,  n'y  auroit-il  pas  une  cruauté  gratuite  et  bar- 
bare à  priver,  sans  raison ,  un  malheureux  de  la  triste 
consolation  de  mêler  ses  larmes  à  celles  de  sa  femme  et 
de  ses  enfans?  Les  noms  respectables  d'époux  et  de 
père  ne  sont  jamais  perdus  pour  un  condamné: 
doit-on  lui  refuser  légèrement  la  jouissance  du  peu  de 
droits  qui  lui  restent  ? 

Mais ,  si  l'administrateur  permet  souvent  sans  diffi- 
culté à  ceux  que  joignent  de  semblables  nœuds ,  de  se 
voir  dans  les  prisons,  il  doit  repousser  avec  une  inflexi- 
ble séyérité  ceux  qui  n'ont  d'autres,  droits  à  cette  per- 


DU  REGIME  MORAL.  22^ 

mission  que  Fintîmité  qui  résulte  d'une  ancienne 
complicité ,  ou  de  liaisons  trop  coupables  pour  ne  pas 
justifier  un  refus.  Pour  un  brigand,  c'est  une  espèce  de 
chasteté  que  de  vivre  dans  un  honteux  concubinage  > 
et  il  n'est  pas  rare  de  voir  ces  hommes  citer,  avec  une 
complaisance  immorale ,  la  compagne  qu'ils  ont  asso- 
ciée à  leur  existence  vagabonde,  comme  s'il  s'agissoik 
d'une  épouse  légitime  et  respectable.  C'est  en  accor- 
dant inconsidérément  l'entrée  des  prisons  à  des  per- 
sonnes, qu'on  devroît  en  écarter  avec  soin ,  que  l'on»  y 
compromet  souvent  le  bon  ordre  et  la  sûreté.  Telle 
femme  d'une  profession  équivoque,  tel  homme,  sans 
domicUe  et  sans  recommandation ,  ne  demandent  à 
visiter  le  compagnon  de  leurs  désordres,  que  pour  ral« 
lumer  dans  son  cœur  le  feu  de  la  lubricité,  entretenir 
son  ardeur  pour  le  crime ,  qui  se  fût  peut-être  éteinte 
sans  ces  entrevues  corruptrices,  et  quelquefois  pour 
concerter  une  évasion  et  préparer  de  nouveaux  at- 
tentats. 

L'inspecteur ,  d'après  la  connoissancé  qu'il  aura  ac- 
quise des  détenus  et  les  raisons  qu'il  aura  de  craindre 
certaines  visites,  fera  bien  de  refuser  cette  permission, 
dans  les  cas  où  elle  hii  sembleroit  dangereuse.  Mais  , 
pour  ne  pas  être  exposé  à  faire  une  injustice  ,  en  pri- 
vant un  détenu  d'une  innocente  ehtrevue  ,  il  devra 
prendre  toptes  les  précautions  possibles,  pour  reconnoi- 
tre  les  droits  qil'auroit  à  la  permission  la  personne  qui 
la  sollicite.  Il  l'interrogera,  il  pourra  même  consulter 
le  maire  de  sa  commune,  pour  être  à  même  de  juger^ 
SI  elle  peut ,  sans  inconvéniens ,  être  admise  dans  la 
prison.  Car  il  ne  faiidra  pas  toujours  le  permettre  à 
ceux,  que leiir^ rappoïls  avec  le  prisonnier semble--^ 


i3o  DES  PRISONS. 

roieut  en.  renç|re  susceptibles.  Quelquefois  un  mari 
n^est  dans  les  fers  que  pour  avoir  cédé  aux  perfides  in* 
fiinuatîoQS  de  sa  feipnie;  l'enfant ,  égaré  par  de  mau- 
vais conseils ,  expie  dans  la  captivité  ,  la  perversité  dç 
ses  parens  ;  un  frère ,  une  sqeur  ne  cherchent  à  parler 
à  leur  frère  détenu  que  pour  faciliter  son  évasion. 
Dans  tous  ces  cas,  malgré  les  droits  apparens  que 
donnent  les  liens  de  la  nature ,  il  est  indispensable  de 
refuser  Ji^autorisation  demandée.  Mais  Tinspect eur , 
qui  ne  connoît  pas  )a  famille  des  détenus,  ne  peut  pas 
apprécier  ces, d^gers,  ^  moins  qu'il  n'en  soit  ins- 
truit par  les  aqtorités  locales.  C'est  pour  obtenir  ces 
renseigpem^s  qu'il  devra  recourir  au  maire  de  la 
comnùiune, autrefois  habitée  par,l^  prisonnier,  ponr. 
^voir  s'il  doit  accorder  on  refuser  la  permission  ^  et 
il  fera  bien  de  lui  écrire  lui  -  même  à  ce  sujet ,  pour 
çn  obtenir  une  réponse  véritablement  instructive. 
Imposer  k  tous  ceux  qui  veulent  entrer  dans  ia  pri-r 
son  ,  l'obligation  de  se  munir  d'un  certificat ,.  ce  se- 
r4)it  faire  de  cette  mesure  de  précaution  une  formalité, 
qu'on  remplirait  peut-être  avec  trop  de  facilité.  Le 
ressort  Sfif^t  bri^é,  s'il  deveuoit  d'un  usage  général  ; 
il  vaut  jpieq^ç  laisser  aux  inspecteurs  la  faculté  de  s'en 
servir  au, besoin,  que  de  leur  faire  un  devoir  banal  d^ 
^Vemploye)*  dans  tpus  les  cas. 

Cette  ifiform^tiou  ne  sera  utile  que  lorsqu'il  ç'agira 
cj'apprécier  une  demande ,  forn^e  sou$  les  noms  resr 
pectables  d'époux,  de  père  et  mère  ou  d'enfans ,  ou  par 
des  personnes,  que  leur  état  et  leurs  qualités  particuliè- 
res éieyeroieut  assez  au-dessus  du  soupçon,  pour  qu'on 
leur  permît,  sans  difficultét  de  parler  à  un  détenu,  dont 
la  conduite  ne  parpîtroit  pas  defoie  inspirer  de  crain- 


DU  a£  GIME  MORAL.  tS  » 

tes.  Dans  tous  ces  cas ,  l'inspecteur  ou  le  magistrat 
compétent  pourront ,  suivant  les  inspirations  de  leur 
prudence  ,•  accorder  sur-lechamp  la  permission ,  ou 
prendre  des  renseignemens  préalables.  Mais  quant  aux 
personnes ,  sans  recommandation ,  sans  domicile ,  sans 
état  fixe,  qui viendroicnt  demandera  visiter  leur  ca- 
marade emprisonné ,  on  fera  bien  de  refuser  toute 
permission.  Cependant  cette  interdiction  ^e  sera  pas 
absolue  et  forcée.  On  pourra  toujours ,  si  la  nécessité  ea 
est  démontrée,  accorder  des  permissions  particulières^ 
même  à  ces  personnes  suspectes;  mais  c'est  une  faculté , 
dont  on  ne  devra  user  qu'avec  circonspection  :  les<plus 
grands  intérêts  y  sont  attachés. 

^     Â  quelque  titre  que  la  permission  ait  été  a(:cordée, 
on  ne  devra  pas  laisser  seuls  ensemble  le  liétenu  et  la 
personne  admise  à  le  voir  ;  on  a  déjà  vu ,  au  chapitre 
de  la  Discipline  ,  que  ces  entrevues  ne  pouiroient  ja- 
mais avoir  lieu  qu'en   présence  d'un  préposé.  Mais 
comme  la  permission  accordée  est  la  preuve  que  les 
autorités  n'ont  vu  pucun  danger,  à  ce  que  la  personne 
admise  put  conférer  avec  le  prisonnier,  le  préposé  ne 
pourra  jamais  s'immiscer,  malgré  enx,  dans  leur  con- 
versation ,  ni  même  l'écouter.  Ce  n^est  que  dans  le  sein 
de  l'amitié,  qu'un  malheureux  prisonnier  peut  déposer 
les  tristes  secrets  qui  pèsent  sur  ^n  cœur.  Introduire 
un  tiers  dans  ces  communications ,  c'est  leur  retirer 
tout  ce  qu'elles  ont  de  confidentiel  et  de  consolant, 
jl^uel  supplice,  pour  un  détenu,  qui  vx^ix,  quelques  ins?- 
tans  son  épouse  ,  après  plusieurs  mois  de  séparation, 
de  ne  pouvoir  lui  adresser  aucune  parole ,  qui  ne  soil 
recueillie  par  un  guichetier  !  L^  présence  d'un  surveil-» 
tant  retiendra  dans  son  cœur  toutes  les  pensées  secrètea 


j3 j  DES  PRISONS. 

qui  Toppressebi  et  qu'il  eût  été  si  doux  pour  lai  de 
confier  à  la  discrète  sollicitude  de  son  épotise.  Assailli 
par  ces  idées  affligeantes ,  qu'une  entrevue  iYnparfaite 
n'a  fait  que  ranimer  de  nouveau ,  sans  lui  permettre 
de  les  épancher  en  liberté,  il  est  plus  mfalheureux 
qii^anparàvant,  et  c'est  une  faveur  incomplète  qui  en 
est  cause.  Laissons  donc  au  moins  les  détenns  jouir 
entièrement  d'une  permission,  qui  ne  doit  jamais  être 
accordée  légèrement  :  il  eût  peut-êtj*e  été  moins  dur 
de  la  refuser  tout-à-fait  que  de  Taccorder  à  demi.  Les 
précautions,  que  nous  indiquons,  nous  paroissent  d''ail- 
leurs  (suffisantes,  pour  prévenir  tous  les  dangers,  que 
l'on  pourroit  craindre  ^  à  l'occasion  des  visites. 

11  n'est  pas  moins  important  de  porter  un  œii  vigi- 
lant sur  la  conduite  des  gardiens,  qui,  souvent,  pour 
tin  misérable  intérêt ,  favorisent  des  désordres,  qu'ils 
doivent  prévenir  de  tous  leurs  efforts.  Il  ne  faut  souf- 
frir, sous  aucun  prétexte,  que  les  geôles  soient  un  lieu 
de  réunion  pourles  prisonniers  et  que  des  réjouîssan- 
tes  scandaleuses  prennent ,  sous  les  yeux  du  gardien 
lui-même ,  la  place  du  travail  et  des  leçons  de  morale 
et  de  religion,  qui  doivent  occuper  le  temps  des  prison- 
niers. Il  est  plus  qu'inconvenant  de  voir  les  g^eôles 
transformées  en  cabarets  ;  et ,  si  les  règlemens  de  disci- 
pline fixent)  avec  une  scrupuleuse  exactitude,  la  dose 
des  liqueurs  fetmentées,  que  Ton  peut  permettre  aux 
'^condamnés,  lesigardiens  ne  doivent  pas  avoir  le  moyen 
d'én&eindre  eta-mêmes  à  chaque  instant  Une  règles 
aussi  importante  pour  la  santé  des  prisonniers  que 
pour  leur  amendement. 

Ce  n'est  point  epcore  assez  de  prévenir  ,  par  des  pré- 
^  cautions  sages  ^  les  occasions  qui  pourroient  entrs^er 


DU  REGIME  MORAL;  a35 

Ijssdéieaus  dam  des  excès  ftuliestes  et  rouvrir;  par  la  dé- 
bauche, lenr  âme  à  tous  les  excèé  de  Pimmoralitë. 
Qaelques  soins  qo^on  ait  pris,  pour  empêcher  la  cor- 
ruption de  s^introduire  ou  de  se  propager  dans  les  pri- 
sons, il  sera  souvent  bien  difficile  de  défendre  les  pri- 
sonniers  contre  leur  propre  perversité  et  dé  prévenir 
des  désordres  fâcheux.  Alor«  îl  faudra  recourir  à  la  sé- 
vérité,'remède  pénible,  mais  indispensable  ,  pour  cm- 
pêcherie  mal  de  s'étendre.  Ainsi,  quand  un  prisonnier 
se  sera  rendu  coupable  d'atteintes  graves  au^  bonnes 
mœurs ,  on  pourra  ,  on  devra  même ,  l'en  punir,  par 
l'un  des  moyens  qui  appartietinent  à  la  discipline,  à 
moins  que  la  faute  ne  soit  assez  grave  pour  être  réser- 
vée aux  tribunaux  ordinaires. 

Mais  il  est,  dans  ce  genre  ^  des 'fautes  trop  légères 
pour  mériter  une  punition  positive  et  qu'on  ne  doit 
pas  cependant  laisser  absolument  sans  répression.  On 
peut  les  punir  par  une  exclusion  des  récompense^,  que 
le  détenu  auroit  méritées  dans  Tintervalle;  et,  pour  que 
cette  punition  fut  plus  sensible,  on  la  rendroit publi- 
que ,  lors  de  la  distribution  des  primes  et  des  autres 
récompenses,  en  déclarant  que  tel  prisonnier,  par  son 
travail  on  sa  bonne  conduite ,  avoît  mérité  une  ré- 
compense ^  dont  on  énonceroit  le  modeiet  la  valeur,  et 
l'on  ajouteroit  qu'à  raison  de  la  faute  qu'il  a  commise , 
qU'On  auroit  soin  de  spécifier  avec  les  précautions 
qu'exige  la- prudence,  il  a  été  jugé  qu'il  en  seroît  pri- 
vé. Celte  flétrissure  pubKque  et  l'idée 'de  privation  et 
d'opprobre^  qui  s'attacheroient  nécessairement,  dans 
le  souvenir  du  prisonnier ,  à  celle  de  sa  faute,  seroient 
sans  doute  propres  à  le  détourner  d'une  rechute  et  à 
produire  sur  les  autres  une  impression  salutaire. 


.334  ^^  PRISC^S. 

Section  ih.  Delà  nécessité  de  détruire  certaines  er- 
'  refirs ,  qui  s*ôpposent  à  l'amendement  des  prison^ 
niers,  et  des  moyens  dy  parvenir. 

Les  moyens  que  nous  avons  indiqués  nous  sem- 
tleroient  propres  à  préparer  Tesprit  des  prisonniers 
à  Téducation  qu'on  doit  leur  donner.  Moins  heureux 
que  les  çnfans,  ils  n'ont  pas  seulement  à.s^prendre 
le  bien,  il  faut  d'abord  qu'ils  oublient  le  mal;  et  les 
précautions,  que  nous  invitons  à  prendre,  sont  dirigées 
vers  cet  important  préliminaire. 

Mais  ce  n'est  pas  encore  assez  d'avoir  écarté  d'eux 
les  fléaux  de  l'oisiveté  et  de  la  débauche.  Presque  tous 
les  prisonniers  ont  Tesprit  faussé  par  des  erreurs,  qui 
n'ont  que  trop,  influé  sur  leur  conduite,  et  qui  sont 
ime  des  principales  causes  de  leurs  égâremens.  Il  faot 
ies  délivrer  de  ces  funestes  liaisons  d'idées ,  si  l'on 
veut  travailler  avec  quelque  succès  à  leur  amende- 
ment :  car ,  tant  qu'un  prisonnier  regardera  le  travail 
comme  une  sorte  de  supplice ,  et  le  vol  coi^me  la  ma- 
nière la  plus  avantageuse  de  se  procurer  Les  choses 
pécessaires  à  la  vie ,  il  ne  faudra  point  penser  à  Ini 
inspirer  le  goût  du  travail ,  et  l'idée  de  la  justice.  De 
même ,  il  sera  bien  difficile  d'arracher  de  son  cœnr 
un  penchant  secret  vers  ses  désordres  passés,  tant  qoHl 
se  croira  dévoué  pour  toujours  à  l'opprobre  et  à  la 
xnisènç,  et  qu'il  ne  se  verra  de  moyens  d'existence  que 
dan3  le  crime.  De  telles  idées  sont  incompatibles  avec 
toute  espérance  d'amendement.  On  aura  donc  tou- 
|ours  ces  deux  obstacles  à  vaincre,  la  prféférence  don* 
née  au  vice  sur  le  travail ,  et  le  découragement  pro- 
duit par  le  désespoir.  Le$  détruire  sera  Touvragie  de 


DU  REGIME  MORAL.  235 

tout  le  rëgicEie  moBal ,  et -nous  exposerons  siiccessive- 
IBjent  }es  moy^ofiy  qu'il  nous  parok  convenable  d'ém^ 
ployer  ppur  y  réussir. 

Mais  on  ne  pourra  le  tenter  avec  quelque  espoir  de 
succès,  tant  que  Les  détenus  se  trouveront  dans  une 
position,  qui  feroit  naître  ou  qui  entretiendroit  ces 
funestes  idées.  La  première  chose  à  faire ,  et  celle  qui 
doit  nous  occujper  en  ce  moment ,  est  donc  d'empê- 
cher que  rien  ne  combatte  l'effet  des  moyens ,  qui  se- 
ront employés  pour  détruire  ces  dangereuses  erreurs , 
et  d'en  tarir  la  source,  avant  de  les  attaquer  elles- 
mêmes. 

On  ne  peut  se  (e  dissimuler,  dans  Tétat  actuel  des 
choseir,  la  perspective  qui  attend  les  prisonniers  à  leur 
sortie  des  prisons ,  est  propre  à  les  jeter  dans  le  dé- 
couragement ,  et  à  leur  inspirer  l'idée  que ,  manquant 
de  travail ,  cl  privés  des  secours  de  la  charité ,  sur  les- 
quels ne  doivent  pas  compter  des  hommes  perdus  de 
réputation,  et  d'ailleurs  asaez  forts  pour  travailler, 
ils  ne  trouveront  que  dans  le  crime  les  moyens  de 
soutenir  leur  existence  future.  On  conçoit  les  effets 
désastreux  d'une  pensée  semblable  ,  toujours  présenté 
à  l'esprit  d'un  prisonnier.  Comment  espérer  de  lui 
donner  jamais  du  g<Jôt  pour  le  travail,  et  de  le  lui 
faire  préférer  aux  périlleux  loisirs  du  crime,  quand 
il  ne  voit  on  ne  croit  vbîr  que  dans  ce  dernier  parti 
la  possibilité  de  vivre  ?  Comment  lui  inspirer  lé  moin- 
dre ardeur,  s'il  est  découragé  par  ces  accablantes 
idées?  On  n'y  parviendra  jamais,  tant  qu'on  ne  mon- 
trei'a  pas  aux  détenus  le  travail ,  comme  une  ressource 
infaillible  pour  eux ,  et  en  même  temps  comme  le 
partage  inévitable  de  tout  condamné  libéré. 


236  .      DES  PRISONS. 

.  La  législation  seule  peut  poser  ces  fondiemiens  né- 
cessaires d'un  bon  régime  moral  pour  lès  prisons,  en 
assurant  les  moyens  d'occuper  les  condafanés  libérés , 
et  en  les  forçant ,  par  les  moyens  justes  et  politiques 
qui  lui  appartiennent,  à  employer  utilement  leur 
temps.  Toutes  les  fois  qu'un  condamné  libéré  man- 
queroit  d'ouvrage ,  il  devroit  pouvoir  en  trouver  dans 
des  établissemens  publics,  qui  seroient  institués  ou  di- 
rigés pour  cet  objet,  et  où  ils  seroient  reçus,  de  préfé- 
rence à  tous  autres  travailleurs ,  sur  lé  vu  d'un  certi- 
ficat du  maire  de  leur  commune,  constatant  leur  in- 
digence ,  leur  désir  de  travailler ,  et  les  causes  qui  les 
oilt  empêchés  d'avoir  de  l'occupation.  Ce  n'est  pas  que 
nous  proposions  de  marquer  une  prédilection  dérai'- 
sonnable  pour  lés  criminels  qui  ont  subi  leur  peine  ; 
mais  cette  classe  d'hommes  a  besoin  de  secours  par- 
ticuliers ,  que  nous  réclamons  en  sa  faveur.  Les  hom* 
mes  probes  et  sans  tache  auront  toujours  sur  les  autres 
un  avantage,  que  la  loi  n'a  pas  besoin  de  confirmer; 
quant  aux  condamnés  libérés,  ilfaut,  en  assurant 
leur  avenir ,  rendre  possible  leur  correction-,  et  mettre 
kl  société  à  l'abri  des  nouveaux  crimes,  auxquels  l'ex- 
poseroit  leur  désœuvrement. 

.;  C'est  dans  ces  vues  d'utilité  générale,  et  de  morale 
pu|)lique^  qae4e^propose  l'établissement  de  fabriques 
ou  de  tous, autres  travaux,  auxquels  on  pût  employer 
les  condamnés ,  a|irès  l'expiration  de  leur  peine  ^ 
quand  ils  ne  trouveroient  pas  ailleurs  d'occupation. 
Le  comnierce  ne  doit  point  s'alarmer  d'un  plan ,  qui 
n'a  pour  but  de  concentrer,  dans  la  main  da  Crou- 
vemement ,  aucun  monopole.  Ce  n'est  pas  pour  faire 
un  bénéfice ,  mais  c'est  pour  employer  utilement  âe& 


DU  REGIME  MORAL.  aS; 

hotbines  âAQ^reax»  qije  l'on  élabliroit  ces  maisons 
de  travail ,  absolument  étrangères  à  toute  idée  de  fa- 
biicaiion  exclusive  y  et  seulement  dirigées  vers  Tobjet 
qu'on  se  propose ,  l'occupation  des  condamnés  libérés; 
D'ailleurs,  ils  n'y  seraient  jamais  admis,  qu'au dé&ut 
des  établissemens  particuliers ,  et  les  fabricans,  qui  ao^ 
roient  refusé  de  lenr  donner  de  l'ouvrage ,  ne  pour*" 
roient  pas  trouver  mauvais  que  le  Gouvernement  vint 
à  leur  secours/  en  les  occupant  d'une  manière  avan«^ 
tageuse  pour  l'Etat. 

Il  y  auroit  peut-être  encore  un  moyen  facile  et 
précieux ,  de  donner  à  ces  hommes  une  occupation 
permanente ,  aussi  utile  à  la  société  qu'à  eux-mêmes: 
c'est  la  colonisation.  L'expérience  a  déjà  prouvé  que 
la  transportation ,  qui  n'est  que  la  colonisation,  appli-^ 
quée  comme  disposition  pénale ,  a  voit  en  général  le» 
effets  les  plus  heureux  sur  ie  m(H*al  des  condamnés^ 
Tout  le  mondç  sait  combien  les  divers  éïablissemen» 
de  Botany-Bay  sont  remarquables ,  par  l'ordre  qui  y 
règne.,  et  la  conduite  exemplaire  des  transportés.  11 
semble  que  la  plupart  de  ces  criminels  aient  laissé 
leurs  mauvaises  ipclioations  dans  leur  ancienne  pa- 
trie ,  et  que ,  devenus  une  nation  nouvelle ,  ils  n'aient 
rien  conservé  des  vices,  qui  les  ont  fait  chasser  de  Fan-» 
cienne.  Enfin ,  si ,  dans  ;Une  société  toute  composée 
de  condamnés ,  il  ne  se  commet  pas  sensiblement 
plus  de  crimes  que  dans  celle  dont  les  mêmes  homr 
mes  formoient  le  rebut ,  il  faut  en  conclure  que  la 
colonisa^tion  a  opéré  un  heureux  changement  daqs 
leurs  habitudes  morales. 

Je  ne  viens  point  ici  proposer  d'appliquer  entière- 
ment cette  .expérience  à  nos  condamnés  libérés,  et  $)e 


238  DES  PRISONS. 

&ire  d'une  peine  usitée  chez  nçs  voisins  ta  perspective 
de  leur  avenir.  Il  est  loin  de  ma  pensée  ^e  vouloir 
bannir  à  perpétuité  des  hommes,  qui  ont  satisfait  à  la 
loi  9  en  subissant  leur  peine ,  et  qui  doivent  rentrer 
dans  Texercice  de  leurs  principaux  droits,  et  notam- 
ment dans  celui  de  respirer  toujours  l'air  de  la  patrie  f 
mais  n'est-il  pas  en  France ,  sur  cette  terre,  où  Ton  se 
plaint  quelquefois  d'un  excès  de  population,  des  ter- 
rains vastes,  qui  n'attendent  que  des  colons,  et  qu'il* 
seroit  de  la  plus  grande  utilité  de  soustraire  à  la  stérilité 
toujours  croissante  qui  les  désole?  Je  veux  parler  des 
Landes,  dont  les  envahtssemens continuels  cesseroient 
peut*étre  enfin  d'être  un  objet  d'effroi  pour  nos  dépar- 
temens  méridionaux, si  une  population  active,  et  assez 
'  nombreuse  pour  opposer  une  digue  aux  usurpations 
continuelles  de  la  mer  et  des  dunes,  s'y  établissoit  pofiir 
les  cultiver.  Les  propriétaires ,  voisins  de  cette  plaie 
de  notre  territoire ,  pensent  généralement  que  la  mise 
en  culture  des  Landes  arrêteroit  leur  effrayante  pro- 
gression. Si  cela  est ,  et  l'on  n'en  peut  guère  douter , 
d'après  le  nombre  et  le  poids  des  opinions  unanimes  à 
eet  égard ,  pourquoi  ne  feroit*-on  pas,  de  leur  défriche-^ 
ûient,  une  branche  d'occupation,  pour  les  condamnés 
libérés?  On  concéderoit,  à  ceux  qui  manqueroient 
d'ouvrage ,  on  qui  auroient  quelque-autre  raison  pour 
le  désirer ,  une  certaine  quantité  de  terrain  dans  les 
Landes,  sous  la  condition  d'y  transpc^rter  leur  domi-- 
cile  et  de  s'y  établir  pour  les  cultiver.  Il  est  peut-être 
beaucoup  de  ces  malheureux,  qui  saisiroient  avidement 
et  avec  reconnoissance  l'occasion  de  devenir  proprié- 
taires ,  bonheur  qu'ils  ont  si  long-temps  envié ,  et  qui, 
parvenus  à  ce  terme  d'une  ambition  qui  les  a  entrai*^ 


DU  REGIME  MORAL.  aSg 

nés  à  de  condamnables  écarts ,  ne  chercheroient  pluis 
qu'à  faire  oublier ,  à  force  de  vertus  et  de  probité ,  la 
tache  qui  souille  les  premières  anilées  de  leur  vie. 

Ainsi  se  formeroit ,  au  sein  de  la  mète-patrîe ,  une 
colonie,  où  chacun ,  animé  d'une  noble  émulation ,  et 
soutenu  par  cet  esprit  de  corps,  qui  donne  toujours 
naissance  à  des  idées  d'honneur  et  de  gloire,  s'efforce- 
roit  de  conquérir ,  pour  lui  et  pour  la  société  dont  il 
seroit  membre  ,  l'estime  et  l'affection  des  autres  habi- 
tans  de  la  France.  Je  ne  sais  si  une  illusion  flatteuse 
ne  m'entraîne  pas  au-delà  des  bornes  de  la  réalité, 
mab  il  me  semble  que  des  établissemens  de  ce  genre 
pourroient  avoir  les  résultats  les  plus  heureux  et  don- 
ner  à  là  patrie  une  population  foute  entière  de  bons 
et  laborieux  citoyens ,  au  lieu  d'un  grand  nombre 
d^individus,  disséminés  sur  tous  les  points,  et  aussi 
dangereux  par  leurdésœuvrement  que  par  leur  perver- 
sité* 

Mais  quand  ces  espérances  seroient  trompeuses ,  et 
que  l'on  n'obtiendroit  pas,  dans  Fordre  moral,  tous 
les  avantages  que  cette  colonisation  semble  promettre , 
on  y  trouveroit  toujours  le  bien  inappréciable  de 
mettre  en  valeur  des  terrains  considérables,  et  d'op- 
poser enfin  une  barrière  à  cet  envahissement  perpétuel 
de  la  mer  et  des  sables  sur  nos  plus  belles  provinces. 
Déjà  de  simples  particuliers  ont  tenté  ,  non  sans 
succès ,  de  défendre  les  côtes  de  la  Gascogne  contre  le 
fléau  qui  les  menace  continuellement;  le  Gouverne- 
ment seconde  leurs  efforts,  et  les  semis  de  Brémon- 
tier ,  s'ils  n'atteignent  pas  entièrement  le  but  qu'on  se 
propose ,  montrent  au  moins  la  possibilité  de  réussir 


24o  DES  PRISONS; 

dans  celte  entreprise.  Mais  ce  ne  sont  pas  des  efforts 
privés,  quelque  secondés  qu'ils  soient ,  qui. peuvent  }a 
consommer.  Il  faut  les  bras  de  tout  un  peuple  pour 
soutenir  9  par  un  travail  journalier  ou  par  des  ouvrages 
durables,  les  attaques  réitérées  des  éléraens.  L'exemple 
de  la  Hollande  existe,  pour  montrer  ce  qge.  peuvent  les 
hommes ,  quand  ils  ont  à  défendre  leurs  toits  et  leurs 
propriétés.  Donnez  les  Landes  à  des  colons,  et  peut^ 
être  les  Landes  seront  enfin  bornées  et  fertilisées. 

Sans  doute  les  colons ,  qu'on  enverra  dans  ces'  can- 
tons ,  auront  besoin  de  secours  de  la  part  du  Gouver- 
nement ;  mais  ils  ne  les  attendroient  pas  vainement 
et  l'intérêt  bien  entendu  de  l'Etat  feroit  une  loi  d'en- 
courager, par  tous  les  moyens  possibles,  des  travaux 
aussi  essentiels  à  sa  prospérité. 

Cette  colonisation  deviendroit  bien  plus  facile  et 
plus  avantageuse  en  même  temps ,  si  Ton  adoptoit  le 
système  des  travaux  à  l'extérieur.  On  commenceroit 
par  faire  exécuter  les  premiers  travaux  de  défriche- 
ment par  les  condamnés ,  barraqués  à  la  manière  des 
militaires  ;  et ,  à  l'expiration  de  leur  peine ,  on  leur 
donneroit  les  terrains  mêmes  qu'ils  auroient  disposés» 
pour  en  jouir  comme  propriétaires. 

C'est  ainsi  qu'on  trouveroit ,  dans  la  colonisation , 
un  moyen  précieux  d'occuper  les  condamnés  libérés, 
qui  concourroit  avantageusement  avec  les  ateliers  pu- 
blics ,  que  nous  avons  proposé  d'établir. 

Mais  ces  divers  établissemens ,  pour  atteindre  le 
degré  d'utilité  dont  ils  sont  susceptibles,  devront  con- 
courir avec  les  dépôts  de  mendicité.  Il  faut  que  le^con- 
damnés  ne  voyent,  dans  leur  avenir,  quç  la  perspeç- 


DU  REGIME  MORAL:  ^4ï 

tîve  inévitable  du  travail^  agréable  et  coufbrme  à  leurs 
goûts,  s'ils  s'y  livrent  de  bonne  volonté,  après  avoir 
regagné  la  confiance  qu'ils  avoient  perdue;  utile  et  assu- 
ré y  s'ils. conservent  le  désir  de  s'occuper,  sans  en  trou- 
ver par  eux-mêmes  les  moyens;  forcé  et  peu  lucratif, 
s'ils  retombent  dans  l'oisiveté  et  se  mettent  dans  le  cas 
d'être  renfermés  dans  le  dépôt  de  mendicité. 

Je  voiidrois  que  le  maire  de  la  commune  où  un  con- 
damné libéré  est  envoyé  en  surveillance ,  s'informât  > 
semaine  par  semaine ,  de  ses  moyens  d'existence  ;  et , 
dans  le  cas  où  il  ne  pourroit  et  ne  voudroit  pas  tra- 
vailler, le  dirigeât ,  soit  sur  une  maison  de  travail ,  où 
il  trouveroît  de  l'ouvrage  ,  soit  sur  un  dépôt  de  men- 
dicité, où  il  seroit  également  occupé.  Le  condamné  en 
surveillance  ne  pourroit  pas  éviter  cette  alternative^ 
travailler,  soit  chez  lui-,  soit  dans  une  maison  publi- 
que de  travail  ou  se  résigner  à  une  nouvelle  captivité , 
dans  le  dépôt  de  mendicité;  et,  pour  prendre  à  leur 
égard  celte  dernière  mesure ,  il  ne  seroit  point  néces- 
saire d'attendre  long-temps  :  toutes  les  fois  qu'ils  n?" 
justifieroient  point  être  suffisamment  occupés  et  ne 
demandéroient  pas  à  être  envoyés  dans  une  maison  de 
travail ,  ils  seroient  en  présomption  de  mendicité ,  et 
l'autorité  seroit  fondée  à  s'assurer  de  leur  personne. 

Mais  cette  réforme  importante  ne  peut  s'effectuer 
que  lorsque  les  dépôts  de  mendicité  seront  établis.  Tout 
se  tient  en  législation,  et  tant  qu'une  partie  reste*  im- 
parfaite ,  l'ensemble  est  vicieux.  Espérons  que  le  zèle 
de  nos  législateurs ,  animé  par  l'exemple  et  les  regards 
d'un  prince  qui  ne  s'occupe  que  du  bonheur  de  ses 
sujets,  dans  toutes  les  classes ,  nous  donnera  bientôt  les 
institutions  qui  nous  sont  nécessaires  ! 

16 


^^ti  DES  PUISONS. 

Les  idéas  f  ikwsi  féxiss^  que  dragercusea^  que  nous 
0V(Ui^  cherché  ks  nioyens  de  détvuîre  >  ne  soiU  pas  ks 
«eoles  t  qui  s'oppo^sent  à  la  cori eclioii:  ^s  eoncUininés. 
JHoiis  avttM  d^)à  w  occasion  d W  aigoaler  pUisieors 
autres,  4aiis  lecaufs  de  cet  ouvrage >  et  loy t  LVnaesible 
4h  régime  que  nous  indiquons  est  destiné  à  les  eom- 
hattre.  C'est  à  U  s^acité  des  autorités  locales  à  faire 
Vapfulieatiou  de  ces  principes  anx  eîrconslance&  parti- 
jpuUères ,  qtii  peuvent  varier  pour  chaque  individu* 

CJ9APITREIIL  Desmçyefis dominer  les  fmsonniers 

au  bien* 

Ji^SQYj'i^i»  nous  ne  nous  sommes  p^cup^fi  que  de 
carnbafctire  lesobstVles,  capaVles  d'empêcher  le  retour 
des  prisonniers  à  la  vertu  ;  nouj^  ayons  ch(srché  les 
^noyens  de  prépaver  leurs  espriU  et  leurs  cç^^rs  à  rece- 
voir les  leçons ,  qu'on  leur  donnera  »  lei^  impressions 
qu'on  tâchera  de  leur  feire  ressentir^  et  surtout  à  les 
d^g^g^des  entraves^  qui  pourroient  )es  reteixir  d^as 
une  voie  funeste ,  malgré  tous  le&  soins  que  l'on  pren-r 
'dr^  pour  les  en  arracher.  L'oisiveté,  la  déhanche,  les 
|^é}ugés  ordinaires  a  cette  classe  d'homnies ,  tels  sont 
les  epnemis  dont  il  falloit  les  délivrer,  avant  de  cher- 
fsher  à  foire  germer  dans  leur  cœur  les  saliit^ires  ins- 
Rations,  qui  devront  les  ramener  au  hlen.  U  wÀèê 
reste  à  examiner  quel  but  on  doit  se  proposer  dans 
celte  grande  entreprise ,  et  pi^r  quels  moyens  ou  y  piL*ut 
parvenir. 

Les  prisonniers ,  dont  la  co|ida/nnati<H>  n'est  pas 
perpétuelle  i  sont  destinés  à  rentrer  dans  la  société;  Us 
sont  donc>  après  l'expijration  de  leur  peine,  réputés 


DU  HÇfilME  MORAL.  ^43 

^Qjes  d'^a  ê(r^  encore  niembres.  La  peine  qi)'ils  or^t 
su|>ie  est ,  tout  à-la-fois,  ime  ex^itiatlon  de  leur  faute , 
çt  iifi^  a>Q.y«A  en>plojé  pour  les  préserver  d'une  re- 
chute ^  e|  Tcm  doit  présun^er  quelle  atteint  ce  but:  tellq 
doivent  êtfç  du  moins  la  peqsée  du  législateur,  lors.-? 
qu'il  établit  qpjÇ  peine,  et  Tespoir  du  jqge',  lorsqu'il 
«ppJiqj^e  Ifik  Ipi.  Cependant  le$  coixd^ni^iés  libérés  ppt 
toiijoj^rs  à  lijtlçr  contre  nue  défaveur  positive ,  qui  leç 
signale , en  général  »  comme  des  hommes  pervers,  que 
le  châtiment  n'a  fait  qu'exaspéref  encore ,  et  qui ,  plu? 
endurcis  cpie  jamais,  ne  rentrent  (Jans  la  sqciété  qu's^- 
yec  d3Ç  intentions  plus  hostiles  ç,t  des  mayens  plus 
étendus  dé  lui  nuire.  9  qu'ils  n'en  aypient  avapt  j^or 

c^^tivité.  . 

3i  cette  rigueur  de  l'opinion  n'est  pas  injuste,  $i  I9 
plupart  4çs  pwo^ijtiçrs  n'apprennent ,  pendant  leur 
4|tjefxtiou ,  qu'à  commettre  le  crime  avec  plus  de  mé- 
^^o.4<c  (çt  s'ils  sortent  des  priçon^  plus  ai^W^v§  qu'ils 
n'y  étoient  entrés ,  c'est  que  le  régime  moral  y  esjt 
.^éciil^m^lit  yiciau^  :  il  deyoit  rendre  leç  prîsopniçfs 
di^pfi§  de  rentrer daiïs  la  çocîété ,  et  l'on  regarde  gén^- 
ral^e^  coi»piç  pl\l§  dépravés  que  jamais  cçi?^^  qqji" 
j  qnt  ét^  sjoumiç.  IJi^ç  peine  légale  pe  doit  pas  ^voir 

im  s^^\bj^]t^lie  résultat.  La  W\  u'a  jamaî^  pu  vouloir 

quç»  |\ar  l'effiçt  d^  se^  di^)o§itions  répressive^,  le  m^l 
qu'elle^  cherche  à  çmpieçher  s'accrût  encor^.  IJ  faut 
ÉJQnc  réfprmer  ce  ré§în?.e ,  qui  détourne  entièrement 
\n  sys^èwp  fi^^  <3u  biit  auquel  il  doit  tçndre ,  faire 
lîi^  ^orte  q^'i^  re^de  le;§  prisonniers  nieilleurs  qu'ils 
fi'étpl^t,  av^ut  \p  U^mpis  poq^açré  à  leur  correct î pi»  ; 
et,  ç'il  e$t  jtt§fe  qg'uTi  coA'^ajpné  libéré  ne  p^îs^e  p^ 


si44  BES  PRISONS. 

que  rhomme  qui  n'a  jamais  failli ,  qu^il  puisse  au 
moins ,  à  l'expiration  de  sa  peine ,  réclamer  celte  in- 
différence, qu'on  éprouve  à  la  vue  d'un  inconnu,  dont 
les  qualités  ou  les  défauts  ne  peuvent  se  découvrir  qu'à 
la  longue.  Si  le  régime  moral  est  bon ,  les  condamna 
ont  droit  de  trouver  cette  disposition  dans  les  esprits, 
car  son  effet  doit  être  de  faire  de  chaque  prisonnier 
un  homme  nouveau.  La  présomption  d' improbité , 
qui  s'attache  à  toute  personne  qui  a  subi  une  captivité 
pénale,  est  la  condamnation  la  plus  forte  du  régime 
moral  des  prisons.  Essayons  de  la  détruire,  en  rendant 
à  la  vei  tu  ces  hommes,  qu'on  n'est  que  trop  habitué  à 
croire  dévoués  pour  toujours  au  crime. 

C'est  une  erreur  funeste ,  et  contre  laquelle  nous 
nous  sommes  déjà  élevés,  que  de  croire  les  prisonniers 
incapables  d^amendement.  Il  n'y  a  rien  de  vrai  en 
morale,  que  l'on  ne  puisse  persuader  à  Thomme,  si  l'on 
employé  les  moyens  convenables ,  et  désespérer  de  la 
correction  du  coupable,  c^est  blasphémer  la  Provi- 
dence, qui  n'a  jamais  pu  créer  un  homme  pour  le 
,  prédestiner  au  crime.  Mais,  parce  qu'on  a  vu  se  dépra- 
ver encore  dans  les  prisons,  des  malheureux,  qu'on  n'a 
pas  même  pris  la  peine  d'instruire ,  et  qu'on  semble- 
roit  plutôt  avoir  cherché  à  pervertir  entièrement,  tant 
les  séductions  auxquelles  on  les  abandonne  doivent 
avoir  sur  eux  des  conséqueiices  funestes ,  on  en  conclut 
froidement  qu'ils  sont  incorrigibles,  et  on  les  déclare 
à  jamais  bannis  de  cette  île  escarpée  de  l'honneur,  où 
l'on  peut  cependant  trouver  encore  quelques  rives 
abordables,  quand  on  a  eu  le  malheur  d'en  sortir.  Si 
Ton  avoit  tenté  la  correction  dès  prisonniers,  si  l'on 
pouvoit  se  flatter  d'avoir  employé  tous  les  moyens  de 


DU  REGIME  MORAL.  245 

faire  rentrer  dans  leur  cœur  le  sentiment  de  la  vertu, 
et  qjue  ces  efforts  fussent  restés  infructueux ,  alorsv  on 
ponrroit ,  avec  quelque  raison ,  les  déclarer  incorrigi- 
bles, et  condamner  toute  espérance  d'amendement  à 
leur  égard.  Mais,  jusque-là,  un  tel  arrêt  est  plus  qu^ 
téméraire ,  et  c'est  trop  mépriser  Thumanité  que  de 
croire  absolument  impuissantes  sur  le  cœur  humain 
les  leçons  de  la  morale  et  de  la  religion. 

Il  n'est  point  d'homme  dont  le  cœur  ne  soit  acces- 
sil;>le  à  la  persuasion,  par  quelque  point  ;  il  s'agit  de  le 
découvrir,  si  l'on  yeut  réussir  à  le  louchev ,  et  cette  re- 
cherche n'est  pas  aussi  difficile  qu'on  pourroit  le  croire 
au  premier  coup  d'œil.  La  manière  même  dont  ils  ont 
été  pervertis,  indique  souvent  comment  on  peut  les 
corriger.  On  les  a  séduits  pour  le  vice  ,  il  faut  les  sé- 
duire pour  la  vertu.  Qu'on  étudie  leurs  goûts,  leurs 
inclinations ,  leur  caractère ,  et  l'on  trouvera  plus  d'un 
moyen  de  les  gagner.  Le  mobile , qui  n'aura  aucune  in- 
fluence-sur l'un^  sera  très-puissantsur  un  autre;  il  faut 
les  employer  toi^  avec  discernement  ;  il  s'en  trouvera 
sans  doute  qui  feront  impression  sur  leurs  cœurs* Tel, 
sur  qui  les  sentimens  d'honneur  sont  impuissans ,  ne 
sera  pas  insensible  à  des  vues  d'intérêt  personnel  :  le 
ressort  est  moins  noble  ;  qu'importe,  s'il  est  plus  sûr? 
Ici  le  but  est  tout ,  les  moyens  ne  sont  rien  :  ils  ne  peu- 
vent pas  être  mauvais,  puisqu'ils  ont  pour  objet  d'ins- 
pirer la  vertu.  Tel  autre,  insensible  à  ses  souffrances  per- 
sonnelles ,  ne  l'est  pas  à  la  perspective  de  la  misère  pour 
ses  enfans.  Cette  idée ,  habilement  présentée  à  son  es- 
prit ,  peut  être  le  plus  fort  motif,  qui  le  ramène  dans 
.la  bonne  route.  C'est  ainsi  que  l'on  trouvera,  dans 
tous  les  hommes ,  même  les  plus  pervers  en  apparence» 


246  DES  ï>tHSONS. 

'iine  di$pos'îti(>li  au  bien,  qn'îl  s'agira  sctiletncînl  de  dë- 
coiivrîr,  pour  ôbtemr  sur  eux  un  salutaire  empire.  Le^ 
rsTpports  des  employés,  îâ  connoîssance  personnelle 
que  Taum Anîer  pourra  àccjuërir  Sur  les  goûts  et  les  ha- 
bitudes des  prisotinîeris ,  et  îes  observations  des  inspec* 
teurs,  feront  bÎÊfritôt  tonnoitl-e  quels  sont  les  ressorts 
qui  peuvent  agir  sur  tel  ou  tel  détenu. 

Cependant  il  ne  faut  pas  croire  que  ramendetnent 
des  prisonniers  exige  tonfours  d'aussi  grandes  précau- 
lîons  :  elles  ïie  seront  nécessaires  qu'à  Fégalpd  de  ces 
grands  criminels,  dont  jusqu^à  ce  jour  on  isemble  avoir 
regardé  la  correction  comme  désespérée,  mais  qdi  M 
forment  heureusement  qu'une  foible  portion  de  la 
population  générale  des  prisons.  On  se  troiuperoit  gra- 
vèmept,  si  Ton  jugeoit  de  Tétat  des  prisons  de  France 
parcelles  de  Paris  ou  des  principales  villes  du  royaume. 
Rendez- vous  de  tous  les  mauvais  Sujets  de  la  province, 
chacune  de  ces  villes  rassemble  dans  son  sein  tous  les 
gerts  sans  aveu ,  sans  moyens  d'existence ,  od  perdus 
de  réputation ,  que  Topinion  vengertsse  ou  la  crainte 
de  la  jui^ticé  ont  chassés  du  Heu  de  leur  naissance.  C'e^ 
dàiis  ce  méprisable  Iramas  que  se  recrutent  les  band\ps 
de  voleurs  et  que  le  crime  trouve  de  nombreux  prosé- 
lytes. iPresque  tous  ils  deviennent  voieuris  de  profession, 
et  c'est  dans  ires  criminels,  d'une  immoralité  pro- 
fonde, qUé  l'on  trouve  le  plus  d'indocilité  et  de  mau- 
vaise volonté.  ji 

Qtie  l'on  ouvre ,  an  coirtraîre  ,  lès  prisons  d'un  dé- 
partement ordinaire,  on  y  trouvera  tout  au  plus  un 
dixième  des  brr$anciïers,'que  Ton  puisse  ranger  Âans 
cette  classe.  Touis  les  at^tres  &ont  des  malheureux,  que 
la  misère  a  égarés,  ou  des  lâches,  qui  ont  préféré  le  re- 


DU  BE6IME  MOftAL.  aif 

posd'im  jour  à  ÔAehmMMVibk  aclivité;  main  il  n'en 
est  qu'un  trèfe-petit  notl^ei  qtli  frieUt'felMiéisor  le  tidl 
kiir  sjcisteiice  quoliÂielitie;  pl*éi9que  tous  ont  un  état  4 
dont  iis  «l'ont  pas  en  keoiiragecle  supporter  les  (ati^oel, 
ma  dqpt  ies  prèdoits  trop  modiques  étèieht  dkvettâs 
insiiffisans ,  po«it  satisfaire  à  leurs  beàoinis  ou  aux  t^ 
prices  de  lenn»  passions.  Dtsns  ces  années  désa^renies  « 
où  Fintempérie  des  saisons  rendoil  la  misère  plus  tér^ 
rible  9  les  fMrisons  regorgeoient  de  malhéurenk  «  q^i 
semblolent  égarés  par  te  désespoir  et  non  pas  déprairés; 
Cette  multiplication  remarquable  d«it«s  le  nonlbi^  dei 
détenus^  à  ces  époques,  prouve  que  la  misère  est  la  source 
la  pUis£écotide  de^  critoies,  dans  les  can>pagnes»  I>e  tous 
ces  malheureux,  que  la  bonté  du  Roi  a  rendus  en  par- 
lie  à  la  liberté ,  il  n^'en  est  peut-être  pas  un,  qui  n'ait 
repris  avec  ardeur  un  travail ,  qn'il  n'avoit  pas  inter* 
rompu  par  lâcheté;  et  surtout  il  n'en  est  presque  an' 
cun,  qui  ait  fait  partie  de  ces  associations  de  malfai-^ 
teurs ,  qui  effrayent  et  désolent  les  contrées  entières 
et  q.ui  sont  de  véritables  foyers  de  scélératesse.  On 
nanra  donc  pas  besoin,  à  leur  égard,  de  toutes  tes 
précautions,  que  nous  allons  indiquer  plus  en  dé<* 
tail ,  et  qui  formeront  un  système  d'amendement  nio* 
rai,  applicable  aux  condamnés  les  plus  dépravés.  Quant 
k  la  majeure  partie  des  prisonniers  ;  il  est  aisé  de  voir 
qu'elie  est  composée  de  coupables  à  leur  début,  que 
Ton  iparviendroit  plus  facilement  à  ramener  au  bien. 
Mais  on  ne  devra  jamais  désespérer  d^oblenir  le  même 
succès f  à  l'ëgatddesizrrminels par  étatVqui ,  au  premier 
aspec*,sembèoîent  peut-être  incorrigibles.  Une  insiriie^ 
lion  appropriée  à  leur  situation  et  à  leur  caractère ,  et 
on  ensemble  de  smas  destinés  à  leur  faire  eonnoitrc  et 


348  DES  PRISONS. 

aimer  les  objets  de  la  vénération  générée,  qni  fonne^ 
ront  en  qaelqae  sorte  nn  système  à  éducation ,  poor- 
Tont  vaincre  ces  esprits  rebelles  et  leur  faire  sentir  qae 
le  travail  et  la  probité  sont  les  moyens  les  plus  assurés 
et  les  plus  faciles  de  vivre  heureux  et  tranquille.  Que 
la  religion j  avec  sa  douce  et  consolante  morale^  ses 
magnifiques  promesseset  ses  menaces  terribles ,  vienne 
consacrer ,  par  son  autorité  ,'les  leçons  et  les  efTorts-  des 
hommes,  et  Ton  pourra  espérer  de  voir  cette  ligue  puis- 
sante opérer  Famendement  des  coupables  et  les  ra* 
mener  au  sein  de  la  vertu. 

Sectiou  i'^  Be  t instruction  dts  prisonniers. 

L'ignorance  est  la  source  féconde  de  la  misère  et  des 
vices.'  L'homme  sans  instruction,  privé* des  moyens 
de  s'occuper  d'une  manière  avantageuse,  ou  de  prendre 
quelques  délassemens  honnêtes  et  moraux,  est  voué, 
tantôt  aux  horreurs  de  la  misère  ,  tantôt  aux  funestes 
ennuis  d  un  stupide  loisir.  Dans  les  classes  les  moins 
élevées,  l'homme  peu  instruit  est  exposé  à  perdre  tout 
moyen  d'existence,  si ,  comme  il  arrive  fort  souvent ,  le 
métier,auquelsonindustrieétoitexclusivementbomée, 
cesse  d'être  employé.  Son  ignorance  dans  toute  autre 
partie  ne  lui  permet  pas  d'entreprendre  un  nouveau 
genre  de  travail.  D^ailleurs,  son  esprit  peu  exercé  el 
plié  depuis  long-  temps  à  une  profession  unique ,  n'est 
plus  capable  d'en  essayer  d'antre  avec  succès.  Il  reste 
donc  sans  ouvrage,  faute  d'une  instruction  élémen- 
taire, qui  lui  eut  donné  Fidée  et  les  moyens  de  tourner 
ailleurs  ses  forces  et  son  intelligence.  La  misère  vient 
bientôt  augmenter  l'horreur  de   sa  situation;    une 


DU  REGIME  RÏORAL.  249 

femme ,  des  enfans  en  proie  aux  toarmens  de  la  faim, 
achèvent  de  le  pousser  au  désespoir,  il  devient  cri- 
minel, à  force  d'être  malheureux ,  et  Tignorance  est  la 
cause  première  de  son  malheur. 

Dans  les  classes  plusëlevées^  combien  l'ignorance  ne 
cause-t-elle  point  aussi  de  désordres  !  quels  abirfles  ne 
crense-t-elle  point  sous  les  pas  d'imprudens,  qu'un 
peu  d'instruction  en  eût  préservés!  Le  jeune  homme ^ 
à  qui  Ton  n'a  pas  su  inspirer  du  goût  pour  une 
science  ou  un  art,  capables  de  lui  procurer  une  profes- 
sion estimable  ou  d'agréables  distractions,  n'échappe 
à  l'ennui  qui  l'oppresse,  qu'en  poursuivant  des  plai- 
sirs trompeurs,  qui  ne  peuvent  que  lui  inspirer  le  plos 
grand  dégoût  pour  le  travail.  Toujours  occupé  de  dî- 
vertisseqpens  futiles  ou  dispendieux,  il  acquiert  biei^ 
tôt,  dans  ces  funestes  délassemens,  l'habitude  de  la  dé- 
pense et  une  répugnance  invincible  pour  tous  le$. 
genres  d'occupation.  Â  quels  écarts  ne  peuvent  pas  ea- 
traîner  ces  deux  dispositions,  qui  vont  toujours  crois- 
sant! Â  mesure  que  les  besoins  augmentent,  la  haine 
du  travail  augmenta  également  ;  après  une  jeunesse 
passée  dans  la  dissipation,  vient  une  maturité  sans 
énergie  ,  sans  connoissances  acquises.  Plongé  dans 
une  ignorance  avilissante,  incapable  d'un  travail  sui- 
vi ou  d'une  occupation  sérieuse ,  il  ne  peut  espérer , 
ni  de  remplir  avec  honneur  des  fonctions  publiques , 
ni  d'exercer  une  profession  laborieuse ,  qui  le  fasse 
vivre  dans  une  aisance  honorée.  Fortune,  honneurs, 
considération ,  tout  lui  manque  à  la  fois.  Il  ne.  lui 
reste  que  des  habitudes  ruineuses  et  le  goût  de 
l'oisiveté.  Les  besoins  deviennent  plus  prcssans,  les 
passions  n'ont  point  perdu  leur  fatal  empire ,  il  faut 


35d  DES  t>BtSON$. 

tout  «Misfâire  ,  b  fbrturt«  est  épuisée ,  oft  commet  tiiie 
èftdsesfiifi.  Dès  lors ,  la  barrière  dû  crime  ^t  ouverte, 
€t  4jdî  Shit  oà  l'on  s'arrêtera  Aatis  cett*  fiineste  car»- 
rière? 

C'est  ainsi  cime  la  paresse  entraine  également  an  crime 
\e  malheOTeui  qu'elle  condamne  à  la  misère ,  et  ce^ 
Ini  qui  n'a  pas  su  orner  ât  connoîssances  utiles  une 
«xistence,  ^n  apparence  plus  fortunée.  Un  esprit  plus 
'  exercé  eût  préservé  l'un  €t  l'autre  des  ftmfestes  consé- 
quences ée  l'ignorance.  On  peut  prévenir  uhe  partie 
tle  ces  malheurs ,  en  donnant  au  partrvre  une  instruc- 
tion élém^niaîre ,  qui  ëlère  son  intelligence  au-desius 
ties  pratiques  de  la  routine  et  qui  fortifie  ses  bonnes  ré"- 
soltftions  du  secours  puissant  de  là  religion.  Quant  aux 
airtres  hommes,  dont  l'ignorance  est,  en  quelque  sorte  ^ 
,volomaîr-e-,  pitîsqu'elle  n'est  pas  justifiée  par  nndi- 
.^gmce ,  lés  lois  sont  presque  sans  force  pour  les  préser- 
ver d'un  fléau  ,auquet  ils  s'exposent  d'eux-mêmes:  cepen- 
dant il  seroit  digne  de  la  sagesse  et  de  la  prévoyance 
des  Gouvememetes  de  favoriser  la  propagation  tIes 
têonnoissances  utiles ,  par  tous  les  moyens  en  leur  pou- 
voir et  notamment  par  des  encouragemens  habile- 
ment offerts  à  ceux  qui  les  posrèdent. 

S'il  est  nécessaire  ^e  répandre  et  de  favoriser  Tins- 
imction  dans  tontes  les  classes  de  la  société ,  il  ne  Vtû 
pas  moins  de  dissiper  les  ténèbres,  qui,  trop  long^ 
temps  ont  obscurci  l'intelligence  des  criminels.  Cette 
tâche  ne  sera  pas  sans  difficultés,  à  l'égard  des  prrson- 
nient  parvenus  à  la  maturité  de  l'âge.  Leurs  organei 
endurcis ,  autant  p^r  une  longne  inaction  quepar  rin" 
éocllilé,  qnelqfuefois  presque  involontaire,  qu'ap* 
portent  les  hommes  faits  aux  leçons  qu'on  leur  donne, 


DU  REGIME  MORAli.  2H1 

ne  se  prêtent  plus  que  flifficîlertient  aux  première* 
ÎTistnictîôns ,  aux  commencemens,  toujours  pénibles , 
fies  connoissanéeè,  dans  quelque  genre  que  ce  soit. 
Maïs  une  âiscipline  régulière  et  tons! anie  iet  ries  encom 
ragemeiis,  distribués  avec  adresse,  les  plieront  à  nn 
apprentissage  ou  à  des  leçons ,  dont  ils  sentiront  bien- 
tôt toiit  le  prix.  . 

Nous  indiquerons,  h  mesure  que  l'occasion  s*en 
présentera ,  le§  moyens  de  les  déterminer  à  acquérir 
des  connoissances,  qui  leur  seront  un  jour  si  précieu-^ 
ses.  Une  faudroit  rien  négliger  pour  les  y  amener,  et 
une  partie  des  récompenses,  dont  les  inspectenrs  pour- 
ront disposer,  devroit  être  affectée  à  ceux  des  prison- 
nTcrs,  qui  seporteroientavec  leplusde  zèle  aux  iilslruc- 
tionset  qui  en  lireroîent  le  plus  de  profit.  Cet  attrait  et 
l'emploi  de  quelques  moyens  légèrement  coërcîtîfs, 
suffi  rqnt  satifs  dmite  pour  plier  les  pristinnicrs  sous  ce 
joug  salutaire.  ' 

Tous  les  détenus  d'ailleurs  devront  y  être  assifjétls , 
les  femmes  comme  les  hommes,  et  les  hommes  faît^ 
aiissî  bien  cpie  les  enfiaiis.  Cinstiniclion  leur  est  ^afe«- 
ment  nrécesisaîi'e  et  il  faui  la  leur  procurera  tout  prix; 
mais  totfê  n'ont  pas  besoin  des  mêmes  connoissances. 
Celles  qui  conviennent  à  un  sexe  ne  conviennent  pas 
à  l'autre  ;  et ,  quant  ànx  âges ,  la  différence  est  peut'- 
être  encore  plus  marquëe>Onpent  donc ,  à  l'égard  de 
l'instruction ,  partager  les  prisonniers  en  deux  classe**', 
les  enftms elles adnltes.  L'instruction  elle-même  se'di-  * 
visera  en  àeux  branches,  selon  qu'elle  aura  pour  objef^ 
renseignement  des  connoissances  usuelles,  nécessaires 
à  toot.homme  pour  vivre  en  société ,  ce  que  tious  apl- 
pcllerons  Vmstrwtian  cmiâj  et  le  iîéveloppement  des 


253  DES  PRISONS. 

principes  religieux^  seuls  capables  de  donner  ane 
sanction  auxleçonsde  la  morale,  même  la  plus  sublime. 
Ces  d^eux  branches  d'enseignement ,  pour  être  distin- 
guées Tune  de  l'autre ,  ne  devront  pas  ^Ire  séparées , 
mais  s'aider  mutuellement.  Une  solide  insllliction 
morale  préparera  les  détenus  à  recevoir ,  avec  plus  de 
fruit,  les  leçons  de  l'évangile  ,  et  la  parole  de  Dieu 
sanctionnera  les  enseignemens  des  hommes  et  leur 
imprimera  une  autorité  persuasive  et  irrésistible.  La 
morale  est  bien  foible  sans  la  religion  ;  mais ,  appuyée 
sur  cette  base  inébranlable ,  elle  peut  soumettre  les 
cœurs  les  plus  rebelles. 

^     PARAGRAPHE  FBBMiER.   De  Plnstruction  civile* 

« 

PREMIÈRE  DIVISION.  De  rinstructioii  à  donner  aux  hommes  faits. 
ARTICLE  V^,  ConnoUaances  généraks. 

L'iTïSTRUCTion  civile  des  prisonniers  consiste  à  les 
mettre  en  état  de  vivre  dans  la  société,  et  d'y  exercer 
nne  profession  estimable.  Ainsi ,  apprendre  un  métier, 
acquérir  quelqiies-unes  de  ces  connoissances  élémen- 
taires, qui,  en  développant  l'intelligence,  préparent 
une  ressource  pour  des  retours  de  fortune  imprévus, 
et  enfin,  connoitre  et  aimer  les  devoirs  de  l'homme 
social ,  tel  est  le  but ,  auquel  doit  tendre  cette  partie  de 
l'enseignement  destiné  aux  prisonniers. 

On  voit  que  ce  système  d'instruction  s'étendra  né- 
cessairement à  tout  le  temps  consacré  au  travail  ;  et 
en  effet ,  la  détention  des  prisonniers  doit  être  em- 
ployée toute  entièpe  à  cet  objet  important.  A  quelque 
moment  de  la  journée  que  ce  soit ,  et  quelque  genre 


DU  REGIME  MORAL:  253 

de  li'avail  que  fasseat  alors  les  prisonniers,  leur  ins--^ 
truction'  et  leur  amendement  doivent  en  être  le  bufr 
direct.  Ce  n'est  pas  qu'ils  ne  puissent  en  même  temps 
tirer  un  juste  profit  de  leur  travail.  Ce  foible  gain  est 
un  de»  moyens  les  plus  puissans  pour  les  y  engager. 
Mais  les  ouvrages ,  auxquels  on  les  emploiera ,  ne  de- 
vront pas  être  considérés  sous  le  rapport  de  leur  uti- 
lité actuelle  :  c'est  leur  utilité  future  pour  les  prison- 
niers, qu'il  faut  toujours  envisager.  Nous  .l'avons  déjà 
dit  ailleurs,  -et  c'est  ici  le  cas  d'en  faire  l'application: 
s'il  se  présentoit  un  ouvrage  temporaire  à  exécuter, 
qui  n'a{>prit  rien  d'utile  aux  prisonniers  qu'on  en 
chargeroit  ;  quelque  avantageux  qu'il  pût  être  pour  le 
moment ,  quelque  bénéfice  qu'y  pussent  trouver  les 
entrepreneurs  des  travaux ,  il  ne  faudroit  jamais  sa- 
crifier il  ces  intérêts  le  sort  à  venir  des  détenus ,  et  l'on 
devroit  préférer  à  toute  autre*  l'occupation ,  qui  pour- 
roit  leuF  assurer,  pour  la  suite ,  une  profession  utile. 
C'est  surtout  dans  l'intérêt  des  détenus ,  et  pour  leur 
procurer,  des  ressources  pour  l'avenir ,  que  l'on  a  form^ 
de^' ateliers  dans  les  prisons;  pour  que  cet  établisse- 
ment atteigne  le  but  auquel  il  est  destiné,  il  faut  que 
les  prisonniers  n'apprennent  que  des  métiers  propres 
à  les  faire  vivre ,  à  l'expiration  de  leur  peine. 

£n  jportant  celte  attention  dans  le  choix,  des  tra- 
vaux ,  on  évitera  de  remettre  les  prisonniers  au  milieu 
de  la  société  ^  aussi  dépourvus  de  tnoyens  d'existence , 
et  par  conséquent  aussi  exposés  à  se  perdre ,  qu'avant 
leur  détention.  Mais  cette  ressource , ,  que  leur  aura 
préparée  une  sage  et  bienfaisante  prévoyance ,  peut 
leur  manquer  un  jour  :  le  genre  d'industrie  qu'ils  au- 
iiont  cultivé  I  peut  n'être  plus  employé  ;  les  caprices 


?S4  I»»  PftfSONS. 

de  b  mode,  on  U  parrectiooneinent  dçs  drt#  wécst^ 
piques 9  peuvent  rendre  inutUe  Th^bileté  qu'i(a  ati- 
jrai«nt  acquise.  Pour  les  mettre  à  Ta^i  de  ce  n9i|lbe«r, 
il  faut  les  garantir  on  les  ciélivrer  de^  pré^g^  e|  de 
1^  stupîde  incapairité  4e  U  routlxie^  et^ti?  ft^  «affc^ 
spi'ils  puissent  suivre  le$  progrès  4e  lart  qni  ^%0|ir- 
riti  on  se  livrer  à  une  nouvelle  induslFie ,  si  )a:  pre^ 
niière  l^ur  échappe. 

Cette  amélioration,  précieuse  ne  suroît  p^sansiâ  dif- 
^iie  à  obtenir  qu'on  pourrqit  le  supposcir*  U  ne  faut 
pas  ime  gran^ç  somme  de  connoissaDees ,  p^ur  être 
élevé  au-dessus  de  ces  malhesteux  ouyciers,  qiii  ne 
cowEioîsAeiit  qn'u9e  seule  manière  de  remuer  b  na->- 
;ir«tie ,  ou  de,  prépare?  le  cbanvre  «  et  que  la  meûdre 
modification^pportée  à  Içufs  outils,  ou  aux  malières 
f^efmère^r  féduit  à  la  noendJcité ,  painre  qu-ils  ne 
.eroiant  pasqu'otJi  p^îs^e,  dans  i#urs  atelieFs^  travail* 
If^r  autreoiMi  qu^  tvavailloiieot  Isiir^  père».  . 

Pow  détryire  un  préfugy?,  si  élra^gfeet  si  commun , 
qui  ruîn^  des  CQii»fmtnes  entières ,  parée  qne  knrs 
habitans  aiment  miesix  manquer  d'auvrage^  «pse  de 
latM-iquf  r ,  au  di;!^-neHv|éme  siècle ,  des  diraps  ]^u&6ns 
.qii^  (Bfiux  dont  s%  cpuiii^i^enl  1q$  soldats  d'H«iràIV, 
que  fau(irpit-il  ?  Bi^m  PM  du  chpse  :  fait»  sentir  à  ces 
^nnn^s  ayei^^és  p^r  la  rontinis ,  qu'il  est  pospiblt  de 
traM^li^r  aii^^iiinef^t »  gt  Av«t;  plus  et  fAcîlÂté.quils 
^l'oiiit  appris  à  h  fî^k^^  ;  ^iV^vqc  i«in  capital  peu  consi* 
éivfhh ,  ils  ppuvQ^t  «^  procuf «r  de  9«iiv«^ux  outils , 
àtiSi  métieri^  per/iQ^tianné^  %  aviec  le^iels  ils.  fabrique- 
ront des  «narchandia^f  rfe^itebéas  àms  le  eomm^feé, 
dont  le  débit  l^s  ^^dp^^mi^^oit  bi^nlôt  d  une  légère 
mise  de  (onA^*  tantdîfi  (fUife  inQurrcmt  de.faisn  ^  devant 


DU  WEGim  ïlflORAL.  25$ 

leurs  vieux  métiers,  qui  ne.  peuvçût  plià»  produire 
d'objets  qu'où  leuir  achète. 

Pour  leur  faire,  comprendre  tontes  cet  iréirUés  «  il 
siiffifoit  de  leur  apprendre  ce  que  l'on  ensè^nê  aux 
enfans  les  moins  fav^orisés  de  la  fortuné,  Iii*e,  écrire 
çt  compter.  Voilà  le  modeste  appareil  scien^tifique  ^ 
dont  iU  ont  besoin ,  ponr  s'élever  au-dessus  des  étroits 
f  entiers  de  la  routine.  L'exercice  que  leur  intatlSgence 
fera ,  ponr  acquérir  ces  connoissances  éléoden^aires , 
la  développera  assez,  pour  leur  faire  comprendre  Fab*- 
surdité  dé  leurs  vieilles  et  invariables  habitudes,  et  la 
teinture  qu'ils  auront  du  calcul,  leur  permettra  de 
comparer  les  chances  qu'ils  courent  dç  Tun  ou  de 
l'antre  c6té,  et  de  ne  pas  craindre  de  faire  une  légère 
avance ,  qui  leur  donne  le&  moyens  de  traviiilj^r  avec 
fruit. 

D'ailleurs ,  il  faut  bien  se  garder  de  erpire  que  ces 
connoissances  soient  inutiles ,  dans  l'état  ordinaire  des 
choses*,  pour  le$  dirigfer  dans  leurs^  travauj^  jouna^iers, 
et  qu'elles  ne  doivent  leur  servir  que  dans  certaines 
circonstances-  L'expérience  de  tous  les  jours  prouve 
€on9J>ien  les  ouvriers  instruits  ont  d'avantage  sur  les  an- 
tres. Eux-mêmes  sentent  bien  cette  supériprité,snrt^Kit 
qi.iandiU  l'ont  acquise.  Si  un  art  mécanique  eçt  ^scep- 
tible  d'amélioration ,  si  quelque  procédé  nouveau  a  été 
décQUverl,  q^iel  ouvrier  sera  plus  en  ét^t  de  le  savoir, 
de  juger  la  possibilité  et  de  calculer  kes  frais ,  et  d'éva- 
luer la  proportion  du  bénéfice  à  la  dépense,  que  celui 
qui  sait  lire  et  à  qui  la  science  des  nombres  n'est  pas 
étrangère  ?  Quel  avantage  ne  trouve-t-il  pas  encore  à 
pouvoir  lui- môme,  et  sans  recourir  à  des  secours 
étraii^ers,  mettre  en  ordre  ses  affaires  et  le  compte  de 


256  DES  PRISONS. 

ses  travaux?  Et  sî ,  à  ces  connoissances  indispensables, 
il  Joint  encore  quelque  idée  de  ces  arfs ,  qui  sont  d'un 
si  grand  secours  dans  toutes  les  professions  mécaniques, 
s'il  a  quelque  teinture  du  dessin,  de  la  géométrie,  etc. , 
avec  quel  succès  ne  se  livrera-t-il  pas  à  des  travaux , 
qui  ne  seront  plus  pour  lui  Texercice  uniforme  d'une 
faculté  corporelle ,  mais  celui  d'une  intelligence  éclai- 
rée !  Bien  loin  de  s'astreindre  à  une  servile  routine ,  il 
reculera  lui  même  les  bornes  de  son  art-,  l'enrichira 
de  quelque  procédé  nouveau ,  et  ne  sera  jamais  retenu 
dans  les  entraves ,  où  l'ignorahce  l'auroit  laissé. 

Pourquoi  ne  donneroit-on  pas  aux  prisonniers  ou- 
vriers les  premières  notions  deces  arts  ou  de  ces  sciences, 
fii  utiles  dans  le  métier  qu'on  leur  apprend?  Pourcpioî 
une  portion  du  temps,  destiné  chaque  jour  à  leur  ins- 
truction ,  ne  seroit-elle  pas  employée  à  les  initier  à  ces 
connoissances  élémentaires?  Une  heure  par  jour,  pen- 
dant cinq  ans  de  réclusion,  est  bien  plus  qile  suffisante 
pour  apprendre  à  lire ,  écrire  et  compter ,  aux  détenus 
les  moins  intelligens,  et  le  reste  de  ce  temps  seroit 
très-utilement  employé  à  leur  donner  quelques  no- 
tions de  dessin ,  de  géométrie ,  de  mécanique ,  d'archi- 
tecture,* de  chimie,  etc.,  suivant  la  profession  qu'ils 
embrasseroient ,  et  le  métier  qu'on  leur  enseignera  oa 
qu'ils  continueroient  de  cultiver. 

En  faisant  cette  proposition ,  nous  ne  voulons  point 
sans  doute  transformer  les  prisons  en  académies,  et 
faire  autant  de  savans  de  tous  les  voleurs  du  royaume. 
Un  projet  aussi  ridicule  est  loin  de  notre  pensée.  Mais 
notis  voudrions  mettre ,  autant  que  possible ,  les  pri- 
sonniers à  portée  de  recevoir  les  conseils  d'hommes 
instruits,  relativement  à  leur  état.  Nous  voudrimis,  et 


ï>tj  BEôiMB  Moral.  ^s? 

c'est  imVûQu  qM  nous  fermons  poùrj;oii94a»0iivrîèrs 
«n  glhf)«ral,  qu'ils  fussent  tous  eH  ëtat  d  apprécier  tes 
<H>0âeUs.,,  4e  lesdbcQtei!^  et  A'en  faire  une  application 
raîsoniiëe^  s'îla  les  approuveot^  Mab  ils  n'eut  -pas  be^ 
soiflL  de  çonnoissaoces  bien  étendue» ni  l^en  profuiidas^ 
ponr  aFnverà  ce  pc^kit;  Quelques  notions  élëmeqteiirea 
de'géoDfiétrîe«  Une  légère  teinture  des  arts,  du^^deseia^ 
"et  de  la  chimie»  suffisant  pour  qn'ila  comprennent  le» 
docnmens nouveaux^  qui  leur  parv^ôndrôient^  sur  letirs^ 
professons. 

Voilà  ce  qne  noua  désWons  que  l'enseighcmient  pro^ 
cure  aux  prisonniers  :  ils  ne  seront  ni  dessinateurs ,  ni 
géomètres  f  ni  chioiistes^  nams,  s'ib  voient  une  ma- 
chine nouvelle  ^  si  un  nouveau  procédé  leur  est  indi«- 
que,  ils  pourrcmt  obhnoîtrè  et  apprécier  la  forme  et 
l'usage  de  l'une,  les  effets  et  les  combinaisons  de  l'autre.' 
Lever  le  plan  d'un  métier^  dessiner  un  meuble ,  sa- 
voir d'une  manière  générale  la  loi  dea  affinités  chi--^ 
mkines^  swt  des  i^onnoissances  ou  des  itatens  très-r 
sîndples,  qui  conviennent  à  des  ouvriers,  et  qui  peu-r 
veat  leur  être  donnés  très-facilemeni,  car,  pour  le  faire^ 
il  n'eu  milIenÉent  nécessaire  que  chaque  prison  ait  de» 
cours  de  chimie  ou^  de  mathématiqoes>  Les  notions^ 
doint  les  détenus  aiiroient  besoin ,  peuvent  a'acquérir  à 
chaque  moment  de  la  journée,  et  surtont  pcfifdant  leurs 
tfavaiiXv  auxquels  elles  recevroient  une  application 
directe  et  immédiate  ;  ce  qui  n'empécheroit  pas  néan* 
Hmns  que,  pendant  les  heures  destinées  à  renseigna-* 
niMti,  l'instituteur  ne  leur  donnât  les  eonnoissances^ 
qtt'il  peut  avoir  lui-même  dans  ces  diflerens  genres. 

Yoieif  au  surplus,  comment  il  nous  semblé  que  de^ 
vroit  étl^  réglé  renseignement  dans^ les  prisons: 

^7 


jSb  des  brisons. 

Tous  itfs  ^prisonniers- devront  assister  ani^'  leçons,  i 
rexceptîonriontefois  des  vieillards  et  des  malades.  Tous 
ont  un  egalbesoin  desconnoissances  et  des  vertus,-  qti'on 
doit  leqr  yiîncniquer.  Une  heure  par  jour  sera  suffi- 
sante^ pour  lesdiversgenresd  instruction  qu'ils  rece* 
vront ,  sans  les  priver  trop  longtemps  d'un  travail  plus 
lucratif  Nous  parlerons,  dans  is^  troisième  partie  ^  des 
moyens  ingénieux  et  peu  dispendieux,  qu'on  atrodves, 
de  les  indemniser  de  cette  perte  de  temps  pour  le  bé- 
néfice. Comme  les  prisonniers  ne  seront  jamais  déran- 
gés dans  leurs  études,  et  qu'ils  pourront  avoir,  tous  les 
jours,  une  classe,  pendant  plusieurs  années  de  suite, on 
conçoit  qu'on  aura  le  temps  de  les  instruire  suffisam- 
ment. 

Nous  avons  déjà  indiqué  les  objets,  sur  lesquels  devra 
porter  renseignement  des  prisonniers  La  lecture,  ré- 
criture et  le  calcul  en  ^seront  les  bases*  L'instituteur, 
chargé  de  la  charitable  mission  de  les  instruire,  pourra, 
autant  qu'il  en  trouvera  les  moyens ,  soit  en  lui-même, 
soit  par  des  secours  étrangers ,  soit  même  quelquefois 
en  faisant  usage  des  connoissances  de  quelque  détenu, 
joindre,  à  cette  instruction  fondamentale,  des  notions 
élémentaires  sur  les  sciences  dont  nous  avons  parlé,  et 
quelques  principes  sur  les  arts  du  dessin ,  le  plus  utile 
de  tous  les  talens  pour  les  claSses  laborieuses. 

On  trouvera  peut -être  que.  le  temps,  si  restreint, 
d'une  heure  par  jour,  ne  seroit  pas  suffisant,  pour  en* 
seigner  aux  détenus  ces  diverses  branches  des  connois- 
sances humaines;  mais,  si  l'on  réfléchit  à  la  conti- 
nuité des  leçons  qu'ils  seront  à  même  de  recevoir,  aux 
moyens  ingénieux  par  lesquels  on  parvient,  en  quel- 
que sorte,  à  multiplier  le  temps,  à  ces  méthodes  pré- 


DU  REGIME  MORAL;  369 

ttraseSf  qni'accëièrent  lès  progrès 9  eo  faisant  àinier 
rinstnicf  ion  aax  enfans  les  moins  laborieux ,  on  pen^ 
sera  sans  doute  que  les  détenus  pourront  acquérir , 
pendant  leur* captivité,  bien  plus  de  connoissances 
encore  que  nous  ne  proposons  de  leur  en  donner  :  si 
cela  est,  pourquoi  ne  profit eroit-on  pas  de  Toccasion^ 
qui  se  présente,  de  les  instruire  convenablement  ? 

A  cet  égard,  on» peut  s'en  rapporter  à  la  prudence 
et  au  zèle  de  Tinstituteur,  et  le  laisser  le  maître  ^de 
donner  aux  détenus  toute  Tinstruction  qu'il  jugera 
convenable,  mais,  toutefois,  avec  l'approbation  des 
inspecteurs.  Il  ne  faudrait  pas  lui  donner,  sur  ce  point, 
une  latitude  trop  entière,  de  peur  qu'il  ne  passât  queU 
quefoîs  trop  légèrement  ^ur  les  connoissances  élémen-^ 
taires  et  indispensables, qui  formeront  l'enseignement 
général  de  tous  les  prisonniers,  pour  leur  donner  des 
leçons  plus  agréables,  mais  moins  essentielles.  Ainsi «^ 
Ton  ne  devra  lui  permettre  de  donner  aux  prisonniers 
une  instruction  spéciale ,  qu'à  titre  particulier  et  seu- 
lement .quand  ils  seront  suffisamment  instruits  des 
objets  principaux  qu'on  doit  leur  enseigner*  D'ailleurs^ 
cette  permission  ne  devra  être  accordée  que  sur  la  de- 
mande formelle  des  détenus,  quand  les  inspecteurs 
reconnoltront  <^e  les  notions  qu'ils  désirent  acquérir, 
quoiqu'elles  ne  fassent  point  partie  de  l'enseignement  ' 
général,  leur  seront  réellement  utiles,  pour  la  profes- 
sion qu'ils  veulent  embrasser.  On  peut  être  sûr  aussi 
que  les  prisonniers  ne  demanderont  pas  d'eux-mêmes 
Il  continuer  des  leçons,  qui  leur  prennent  chaque  jour 
une  heure  de  travail  lucratif,  sans  y  trouver  une  uti- 
lité véritable. 
Quant  ^  tous  les  autres,  ils  ne  devront  être  obligés 


î66  ms  VKisom. 

ti'assiâter  aux  leçons  <{ae  [uscpi'à  ce  cpi'ik  aient  a|>pn(l 
ce  qm  leur  sera  niécesiaiFr.  Ainsi  ^  quand  ik  saor cHOft 
4ire^  écrire  ,  et  faire  le»  opérations  élémeiil»rcs  de  IV 
rilhnoëtique^'ils  pomrronfc  élre  dispensés  à'j  vemr ,  et 
«employer  la  jouraée  toute  «atière  an  travail  cKPdiBaire» 
ils  seront  encore  les  maîtres  de  «nivre  tes  triasses  pen- 
dant quelques  mois^  pouir  apf^rendre  ks  élésnens  de  la 
science  ou  de  Fart,  qui  s'appliqne  directement  à  leur 
Riiétier.  Ainsi  undétenu*,  menoisîer  ou  ébéniste^  pourra, 
s'il  y  4  un  cours  de  dessm  dans  la  prison,  y  IraTatlkr 
quelque  temps;  un  maçon  pourra  recevoir  quelques 
leçons  d'ai'chitecture ,  un  ouvrier  de  manufacture  y 
prendre  les  premières  et  les  plus  usuelles  notions  delà 
chimie  où  de  la  mécanique.  Alais,  dans  i9v&  les  cas, 
ces  études  seront  absolument  facultatives  pour  eux ,  et 
le»  chefs  d^ateliers  auront  soin  d^  suppléer ,  dotant 
que  possible,  en  instruisant,  dai^s  la  pratique,  leurs 
ouvriers  des  causes  et  des  effetsde  chaque  procédé  qu'ils 
leur  feront  employer.  Ces  moyens  réniiis  procnre^- 
ront  aux  détenus  une  infraction  complète ,  et  le» 
mettront  esa  état  de  travailler  utilement  et  avec  intel-* 
ligence,  à  Texpiration  de  leur  peine.  S'ils  ponvoient 
devenir  bons  ouvriers,  pendant  leur  captivité,  ib  ae- 
toienl  bientàt  recherchés  pour  leur  t^enl ,  et  Toccu** 
'  pation  qu'ils  trouveroieot  les  préserveroit  des  rechutes, 
que  doit  faire  craindre  Tabs^on  presque  abs(^,  où 
restent  souvent  les»  condamnés  libérés. 

C'est  ainsi  qiK  Ton  complétera  les  moyens  d^asâurer 
L'existence  future  des  prisonniers^  mais  ce  n'est  pas 
assez  de  leur  avoir  procuré  un  talent  lucratif,  il*  fout 
encore ,  avant  de  les  remettre  au  milieu  de  la  société^ 
leur  inspirer  les  vertus,  sans  lesquriles  il  est  i 


DU  REGIME  MOfiAL^  261 

d^tre  bcMi  citoyen*  C'est  tout  à-la-foîs  la  partie  la  plus. 
di£Ei€iât  €t  la:  plus  importante  de  leur  amendement; 
mais,  sans  elle ,  le  but  de  la  réforme  seroit  manqné , 
.  pcrisqn'ellecoiMiste  à  rendre  lesdëtemis  meilleurs  qu'ils 
a'ëlaicot  Icirs  de  leur  arrestation. 

ARTICLE  IL  Mùndé. 

R£S DAfi  honnête  homme  nn  coupable ,  faire  d'ili> 
brigand  un  bon  citoj^en ,  tel  est  le  problème  à  résou- 
dre. L'entreprise  est  sans  doute  immense  et  hérissée- 
dé  difficultés;  peut-être  mtoe  trouverot^on  une  sorte 
di»  témérÎJhé^à-seproposer  une  tâche,  dontbnreeonnott 
si  bietft'  la  grandeur.  Cependant  y  quels  que  soient  les 
.  c^ta^ks  de  plus  d'un  genre,  q^ie  Ton  rencontrera  cer- 
tatoewient  dans  cetto-mute  épineuse ,  gardons-nous  de 
désespéi'er  du  succès.  Aidées  du-secours  puissant  d'une 
religion  persuasive ,  les  leixins  de  la.  morale  parvien- 
dront jusqu'au- cœur  de  ces  hommes ,  qui ,  tous  égai»s 
dans  des  voies eorruptrices,seroient  devenus  peut-être 
des  citoyeas^  estimables,  s'ils  eilssent  reçu  les  avertisse- 
mens  conv^enables  à  leur  position. 

D'un  autre  câté ,  quand  on  n'ofatienîdroit  pas  un 
MKreei,  aussi  complet  qu'on  ponrroit  le  désirer ,  et  que 
t^tts  les  prisonniers  jae  répondroient  pas  également  aux 
soins  f  qu'on-  pcendroit  pour  leur  amendement ,  fau- 
drait'il  abandonner  Tentreprise,  et  retioncer  à  une 
réussite  partielle,  dans  la. crainte  de  quelques  eiforts 
infructueux?  JN 'en  ramenât-on  qu'on  sur  dix  à  la  vertu, 
-cette  conquête  précieuse  paieroit  bien  les  soins  qn'on 
aurok  pris  à  l'égard  de  tous,  et  si  l'on  peut  espérer  na 
|iareil  résohat ,  doit-im  hésiter  un  seul  moment  d'emr 


afo  DES  PRISONS. 

ployer;]^  moyens  i^iii  peuvent  y  conduire?  Je  me 
plais  d^ailleurs  à  croire  qu'on  obtiendroit  bieo  pkis  de 
saccés,  et  que  Ton  n'auroit  pas  à  redouter  riuutiisté 
de  ses  peines  sur  les  neuf  dixièmes  des  condamnés, 
tant  est  restreint  le.  nombre  des  scélérats,  véritable- 
ment endurcis  avant  le  séjour  dans  les  prisons  ^  cause 
ordinaire  de  la  plus  grande  dépravation. 

On  devra  donc  s'occuper ,  sans  relâche  et  avec  con- 
fiance y  du  soin  de  faire  revivre  la  vertu  dans  le  cœur 
de  tous  les  prisonniers.  La  première  chose  à  faire  pour 
y  parvenir ,  c'est  de  leur  faire  connoitre  les  principaox 
devoirs  qu'ils  ont  à  remplir,  et  d'éclairer  leur  esprit 
pour  arriver; plus  sûrement*  à  leur  cœur.  Mais  des  ins- 
tructions dogmatiques  en  morale  sont  souvent  bien 
foibles;  la  simple  raison  a  rarement  assez  d'aKrails, 
pour  plaire  d'elle-même,  et  presque  toujours,  fmxt  la 
faire  goûter  aux  hommes,  on  a  besoin  de  secours 
étrangers.  Il  en  est  de  même ,  à  pkis  forte  raison ,  des 
prisonniers:  déjà  prévenus  d'avance  centre  des  prin- 
cipes, dont  ils  redontentr^nstérité ,  ils  sont  très-mal 
disposés  à  recevoir  desleçons,  dont  le  but  avoué  est  sdi- 
soiument  contraire  à  leur  manière  de  voir.  Les  ins- 
tructions les  plus  sages  leur  paroitroient  de  sèches  et 
ennuyeuses  dissertations ,  toutes  1^  fois  qu'elles  au- 
roient  pour  objet  apparent  de  leur  inspirer  une  vertu 
ou  de  les  détourner  d'un  viee.  Ce  n'est ,  en  qnelqoe 
sorte ,  que  par  surprise,  qu'on  pourra  leur  £aire  recevoir 
ces  salutaires  enseignemaas. 

On  devra  donc  éviter ,  autant  que  pos»ble ,  d'an- 
noncer l'intention  formelle  de  leur  donner  des  leçons 
de  morale ,  mais  ne  n^liger  aucune  occasion  de  leur 
^inculquer ,  presque  à  Timproviste ,  des  idées  sociales 


e|  des  senti  mens  vertueux.  Les  prisonniers  adultt^ssont 
ji^  malades,  qu'il  £aat. guérir  malgré  eux,  et  auxquels 
il  faut  administrer,  à  leur  insu,  des  remèdes  bienfài- 
•stftô  %  dont  ils  sentiront  plus  tard  1  utilité. 

Ainsi ,  rinstiiuteur  n'établira  poini  de  cours  de 
morale  )  à  Tusage  de  ces  prisonniers  ;  il  ne  dissertera 
point  devant  eux,  à  jours  et  heures  fixes,  sur  les  devoirs 
de  rhomme  en. société ,  sur  ses  droits  et  sur  les  vertus 
qu  il  doit  acquérir  et  cultiver.  La  seule  annonce  d'un 
cours  de  ce  genre  suffiroit  pour  y  faire  apporter,  parles 
détenus^ une  mauvaise  volonté  et  une  dissipation,  qui 
rendroient  inutiles  toutes  ses  leçons.  D'ailleurs ,.  on 
exige  toujours  plus,  d'unie  leçon  préméditée  et  du  dé- 
veloppement d'un  système,  que  d'un  avis,  en  quelque 
sorte  improvisé ,  et  d'un  principe ,  incidemment  pro« 
posé,  comme  règle  de  conduite.  L'homme ,  qui  fait  un 
cours  de  morale ,  doit  prouver  ce  qu'il  avance ,  déve- 
lopper ses  principes,  et  en  montrer  les  conséquences. 
Il  est  toujours  placé  entre  le  danger  d'ennuyer,  ou  le 
malheur  de  ne  point  persuader;  tandis  qu'un  trait  im- 
prévu ,  un  avis  appliqué  à  la  circonstance,  font  une 
.  vive  impression  sur  les  esprits ,  et  les  trouvent  toujours 
plus  dociles  et  mieux  disposés.  Si  donc  on  ne  doit  pas 
compter  sur  le  succès  cl'un  cours  de  morale ,  pour  les 
prisonniers  d'un  âge  miir,  il «seroit  absurde  d'écarter, 
pogr  cela ,  la  morale  du  cours  d'éducation ,  qu'on  leur 
fera  suivre.  Mais  il  faut.Vy  fondre ,  de  manlèi*e  qu'elle 
soit  inaperçue ,  et  que  les  prisonniers  l'apprennent , 
presque  sans  s'en  douter.  C'est  peut-être  le  seul  moyen 
de  faire  parvenir  jusqu'à  eux  la  voix  de  la  raison;  et 
la  faire  écouter,  c'est  assurer  son  triomphe. 

L'enseignement,  pour  les  hommes  fi^ts ,  se  compo^* 


/ 


sera  donc ,  comme  dans  les  écoles  primarres,  &&  cf^ 
cooDoissances  élémentaires,  qm  font  là  base  de  to'rfte^ 
instruction^  la  lecture,  récritnre:,  les  caleufs.  Maïs 
rinstituleur  aura  soin  de  faire  de  la  morale  son  bot 
principal,  et  d'y  rapporter  avec  adresse  toutes  les  an- 
tres parties  de  son  enseignement.  Ain^,  les*  lectures 
'  seront  choisies  et  contposëes^  de  manière  à  hsJ^tttter 
les  prisonniers  aux  principes  et  au  ton  de  la  ^inë 
morale.  Ils  écriront  des  morceaux,  capables  de  fortifier 
en  eux  ces  bonnes  dispositions,  et  l'instituteur  cher- 
chera toutes  les  occasions  de  leur  donner  quelques 
avis  salutaires ,  ou  de  leur  expHqtier  quelques  règles 
de  conduite»  Mais  il  aura  soinf  de  le  faire  sans  affecta^ 
tiooy  et  comme  amené  naturellement  à  ces  cdns^ 
qnences.  Ces  avertissemens  imprévus  trouveront  les 
détenus  disposés  à  les  recevoir ,  et  pénétreront  insen- 
'  siblement  jusqu'à  leur  cceur ,  surtout  s'ils  sont  revèf cfs 
d'une  expression  de  douceur  et  d'intérêt  pour  leS  pri- 
sonniers ,  qui  indique  dans  l'instituteur  le  désir  dé  les 
corriger,  et  non  celui  de  faire  des  réprimandes.  Les 
iiispecieurs ,  dans,  leurs  visites,  ne  négligeront  pas 
non  plus  les  occasions:  de  joindre  l'ascendant  de  leur 
autorité  bienveillante  aux  eiîorts  de  l'instituteur. 
Quelques  conseils  sages,  donnés  de  loin  en  loin^  et 
avec  l'expression  de  la  bonté ,  par  ces  hommes,  qu'en- 
toureroit  une  considération  méritée,  sefoient  très- 
propres  à  faire  impression  sur  les  détenus. 

Les  réflexions  que  nous  avons  faites  sur  Tensertlble 
de  l'enseignement  moral ,,  s'appliquent  également  aux 
détails,  et  notamment  au  genre  de  lectures,  que^roin 
peut  donner  aux  détenus.  La  leçon  doit  y  être  cachée 
soigneusement,  pour  ne  pas  effr^lyer  d'avance ,  mais 


DU  REGIME  âK>tV AL.  2«â 

MHS  nim  envdoppe  afises  transparente ,  pour  qn'^tte 
ne  «oit  pae  per^iôe.  Noos  l'aTOiis  déjà  dit,  il  fantsé- 
dutre  les  pris^tinîens  poor  ia  vert^i  ;  i4  ne  faat  doifc 
pas  la  iear  préseoter  sous  une  face  austère  <  il  sercilt 
aiéme  Imii  de  la  leur  déguiser  en  quelque  sovte  9  )us- 
^'au  moment  ou  ils  ne  pourront  plus  se  4^endite 
contre  elle ,  pance  qu'elle  se  sera  empai^é  de  leur  cœur 
presque  à  leur  insu^  On  ne  peut  lès  gagner  que  par 
«irprise;  les  instructions  et  les  livres  qu'on  leur  don- 
nera 9  doivent  être  composés  dans  ce  Min&.  La  veitu 
doit  ^ra  la  conséquence ,  et  non  ie  tette ,  des  leçons 
qu'ik  contiendront.  Il  faut  feîre  en  sorte  que  ceux  qui 
linmt  ces.  livres^  puissent  tirer  d'e^XHOièmes  les  in- 
duetions,  où  l'on  veut  les  amener.  Le  raisonnemenk, 
qn'on  a  fait  soi-même ,  .est  bien  plus  penoasif  que  c«h 
loi  qu'on  eeteipd  ou  qu'on  lit.  La  raison  et  Tamom- 
propre  lui  donnent  une  autorité  tonte  particulière.  Il 
fiiut  profiter  de  ce  ressort  puissant ,  et  en  tirer  tout  le 
parti  possible.  L'épisode  du  jardinier  y  dans  VEmib, 
oà  le  droit  de  propriété  est  développé  d'one  manière 
ai  ingénieuse  et  si  frappante,  est  un  excellent  modèle 
à  suivre ,  pour  la  manière  de  présenter  et  faire  corn- 
prendreaux  prisonniers  les  idées>  sur  lesquelles  se  fofide 
TonArp  social.  Comme  ces  idées  sont ,  en  général ,  les 
moins  familières  pour  eux ,  il  faut  tâcher  de  les  y  for- 
mer ,  et  la.  lecture  d'un  bon  livre  est  le  moy^n  \é  plus 
facile  et  le  plus  sûr ,  d'arriver  à  ce  résultat. 

Il  est  donc  à  désirer  que  l'on  compose ,  à  l'usage 
spécial  des  prisons ,  le  livre ,  dont  la  Société  Royale  a 
proposé  \e  plan ,  et  qqe  c^t  pqvrage  so^t  assez  éteii4u 
et  assez  varié,  pour  pouvoir  faire  la  lecture  habituelle 
des  détenus.  Toutes  les  leçons  de  lecture  seroieilt  don- 


a66  DES  PRISONS. 

iiée6da<^<:elmey  oii^4e4emps en  tenfïp&vrdan^l'^&fiMi^ 
gtle  ;  l^s  exemples  décrîlure  y  seroient^prisé^abéinenl, 
«t  les  .prisonniers  *  qui  aiiroieut  complèië  leur  im* 
.troetion,  pooFroiei^le  relire  qqand  ils  vojiiitroienl  (  i). 

Qb  conçoit  que,  pour  faire  de  cet  ouvrage  la  lec- 
.ture  habituelle  et  presque  unique  des  prisonniers»  il 
faut  qu'ils  y  trouvent  un  certain  pla^isir,  et  c'est  nne 
des  grandes  difficiiU.ës  de  cette  entreprise.  Comment 
rendre  i^ne  lecture  attachante ,  pour  des  hommes^  fres- 
que tous  ignorans,  grossiers  et  pervers?  Cé-n  est  qu'à 
Taide  d'une  profonde  connoîasance  du  côenr ,  el  des 
dispositions  secrètes  des  prisonniers ,  que  Taotenr  par- 
viendra, en  piquant  leur  curiosité ,  et  en  stimulant 
.  leur  sensibilité  ^  aies  attacher  à  la  lecture  de  ses  peu- 
eées.  Il  devra  donc  s'occuper,  avec  le  plnsigrJand>soiii , 
de  répandre  sur  son  livre  le  genre  d'agrément,  dont  il 
est  suseeptible.    .  '.   !  ' 

Il  n'est  pas  moins  important  d'y  semer  d^utiles  le- 
,çom,  et  de  faire  en  sorte  que  chaque  lecture  laisse  des 
ipfipreasions  salutaires,  dans  l'âme  de  ceuxv  à  qui  elle 
est  destinée.  Cette  réunion  de  qualités  rend  assez  dif- 
H  ficile  la  tâche  de  l'écrivain ,  qui  entreprendra  cet  ou- 
vrage estimable,  et  digne,  par  son  importance,  d'exer- 
cer les  plumes  les  plus  distinguées.  Il  faut  que  son 

(i>  Depuis  que  )m  écrit  ce  qu'on  vient  de  lire,  )'ai  ap- 
pris que  les  iadi cations  de  la  Société  Royale  ont  inspiré  deux 
ouvrages,  qui  paroissent  avoir  atteint  le  but  qu'elle  se  proposoit. 
L*un ,  intitulé  jintoine  et  Maurice,  qui  a  été  couronné ,  est  lou- 
vriige  de  M.  de  Jussieu  ,  auteur  de  Simon  de  Nantùa  ;  Tautre  est 
dô  à  M.  Achart ,  conseiller  à  la  Cour  royale  de  Lyon.'  il  est  intitulé 
Laurent  où  Ua  I^r^nniera.  La  Société  Royale  lui  ^  décerné  une 
roeation  honorable^ 


DU  REGIME  MORAL.  267 

^yle  sq^t  ^Uîr ,  anireë ,  et  cependant  à  là  portée  d|e 
.8B$ lecteurs ,  soit  pour  les  idées,  soit  pôor  les  senti-* 
•flieBS;'qo^il  soit  aussi  amusant  que  possible',  etpour;- 
tant  qu'on  y  évite  une  naïveté,  qui  parottroit  niaiserie 
à  des  hommes  corrompus.  Comme  il  faut  d'ail- 
leurs que ,  sons  toutes  ces  entraves ,  il  donne  à  des  lec- 
teurs, peu  disposés  à  écouler  des  préceptes,  les  leçons 
liss  plus  graves  et  les  plus  importantes,  qu'il  leur  ap- 
fteaae ,  sans  les  router ,  leurs  deivoirs  envers  Dieu, 
<»vei*aeiix-*ménies ,  envers  leurs  semblables;  qu'il  leur 
vende  familières  et  sensibles  les  grandes  idées  de  re- 
ligi^on,  d'honneur,  de  vertu,  de*  propriété ,  dWdi^ 
êOQï^Xj  etc.,  on  conçoit  que  cet  ouvrage  est  un  des  plus 
difficiles  que  Ton  puisse.eiëcuter,  et  qu'il  est  digne 
d'eKrcer  toutes  les  niéditatioii&  d'un  philosophe. 
.       '      -•  ■  •      ■ 

'    DXinLiEME  DIVISION.  De  rîiistruction  das  IleiniiKHi;        * 

..>...       •    .  ■  .  ••  •    -■  ^        '  '    ■ 

lifi  plupart  des  règles  que  nous:  avons  t^cées,  poiir 
.  la  manière  dont. on  doit  instruire  les  hommes,  s'ap- 
pliquent, avec  les  modifications  qu'exige  la  difliéreiice 
.  du  sexe,  aux  femmes  détenues.  Comme  les  honmies, 
.  on  doit  les  former  à  un  métier ,  capable  de  les  faire 
vivre  et  de  les  préserver  de  l'oisiveté  et  de  la  misère. 
On  doit  également  leyr  enseigner  les  connoissances 
,  élémentaires ,.  qui  forment  la  base.dé  toutes  les  sciences 
humaines,  la  lecture ,  l'écriture  et  le  calcul,  et  travail- 
ler ,  par  la  morale ,  à  la  guérison  de  leurs  cœurs.  Mais 
il  seroit  superflu  de  pousser  plus  loin  leur  instruction. 
Il  doit  suffire  de  leur<avoir.  donaé  les  moyens  de  de- 
venir de  bonnes  ménagères,  et  de  consacrer  à  l'ordlre 
et  à  l'économie  le  reste  d'une  vie ,  4oat  les  premiers 


iSiS  DES  PRISOMB. 

fias  Mmml  ëië  SMrqiitfs  par  de  coopabkt  écatto.  Si  fai 
^étentiop  produit  en  elles  cet  heureoic  changement , 
4*Uk»  sauront  pas  à  regretter  le  temfie de  lenv  capiâ* 
wtë-  •  • 

C»  n'est  p^  saut  on  plamr  bien  dans  qu'on  «e  rs^ 
présente  uae  de  ces  nfralheuraKes,  rentrée  dams  le  dm»- 
.  mkîie  eanfagal ,  après  i'expiratioa  d'one  peine ,  ifoà 
auroM  eu-  pour  eUe  l'effet  d'nne  véritable  correction. 
AuliecLd'yiie  femme  san»  ordre ,  sans  économie  ^amii 
.ignorante  <|ii'ennenûe  du  tcaTait  y  négligeant  leeoin  de 
.ses  enfans»  on  ne- leur  domant  «foe  de faneates  exA»- 
«pies  et  des  conseils  pemicienx,  le  marf  trouve,  avec  une 
.douce  surprise^  sa  compagne  habituée  an  travail,  éco- 
nome et  instruite^  enfin  ansti  bonne  mèn^'qne  bonne 
ëpou3e.  Plus  d'une  fois.il  sentira ,  poiv  lui-même,  le 
prix  des  connoissances  qu'elle  a  acquises,  pendant  un 
temps  d'expiation  si  bien  «mplojé ,  et  plus  d'une  fois 
il  béoirtf  les  bienfaiteurs,  auxquels  il  doit  un  bonheur 
jusqu'alors  inconnu  pour  lui.  Ciétte  femme ,  ]fièh  l'op- 
probre de  ceux  qui  l'entouroient ,  fera  désormais  l'hon- 
neur et  la  satisfaction  de  son  époux  et  de  ses  enfens ,  et 
.  c'est  au  régime  mord  des  prisons  que  Ton  devra  ce 
t résultat,  presque  inespéré.  Puissent  mes  vœitx  n'être 
.  pas  seulement  une  illusion  trop  flatteuse  !  Poissent-fls 
se  réaliser  ihi  four  et  payer  du  bonheur  de  quelques 
'  fiimiUes,  les  efforts  généreux  des  coopératenrs  de  cette 
précieuse  r^rmel 

TROISIÈME  DIVISION,  De  ?in&tructioii  des  enfans. 

QuAHT  aux  enfans ,  l'instraction  dont  ils  sont  sus- 
..fseptiiUe^ exige  ^lelqoes. détails. 
.    Qn  eonçoit  qu'elle  a  tocqoaKs  pour  bot  de  leur  pro- 


DU  REGIIME  MORAL.  369. 

adirer  àes  ilioyen»  d'^xtstenee  et  de  fermer  lenr  cueilrs 
À  kl  "rerto,  et  que^  pour  eux ,  coitif»e  pour  les  bonw 
nie»  faits,  l'enseignement  sera  dirigé,  d'tioe  part  ▼««» 
Içs  connoissances  purement  productives ,  et  de  l'autre 
«ers  la  mocale.  Mais  hi  dtfïérence  de  leur  pontloii  tt 
JafleMbilitë  de  caractère,  ordinaire  aux  adoiescéns^  ék!^  *" 
j^irônt;,  dans  le  systèn^e  d'enseignement  destina  poisir 
^ux ,  des  modifications  importantes.  Les  leçons  et  la 
fiKiniàre  de  les  donner yq»i  çonr ienneiit  à  desoondam^ 
liés  dans  la  force  de  Page ,  ne  conviennent  point  à  des» 
««niaos ,  à  peine  entrés  dans  la  carrière  dn  crime 

,  m'  '  • 

AftTICLE  I**".   Connoisaancea  ^énéralea. 

Ti^^st  T9if^  que  lesen&as  au^-dessouë  de  seize  irm 

•ÀÎ^nt  véritablement  choisi  leur  état,  même  dans  les^ 

profession»  mécaniques ,  et ,'  s  ils  ont  diéjà  iàit  un  ap^ 

prentissage  queleonque ,  ils  y  sont ,  pour  la  plupart  y 

•^  peu  avftnoés ,  cpi'il  leur  est  presque  indifférent  dd 

•qontimiier  cette  profession  ou  d'en  prendre  une  e^t^* 

11  faut  tirer  parti  de  cette  dispontion  4es  jeimes  pri^^ 

^^pnniers^  ^t  la  towtier  à  leur  avantage*  Loin  de  nous 

l'idée  de  ta  faire  servir  sfdx  spéculations  d'mk  entrepre^ 

aeuf  et  de  loi  abandonner  ceà  jeunes  gens ,  pour  qu'il 

les  employé  à  Touvrage ,  qu'il  trouvera  le  plud  tucr^tif 

^ur  lui  9  sans  penser  s'il  leur  est,  on  non,  avantageux. 

C'est  l'intérêt  dea  prisonniers  et  en  même  temps  ceint 

de  la  société  qu'il  faut  considérer  ici ,  et ,  puisque  les 

enfans  sont,  fn  général,  disposés  à  apprendre  te  métier, 

qu'on  voudra  leur  donner,  {profitons  de  cette  disposition 

Êivnrable  ^  en  prenant,  pour  industrie  commune ,  une 

prof^^ssion ,  qu4  puisse  leur  être  utile  et  qui  leur  assure 

lnne  existence  honniAte  et  paisible. 


m  .^- 


^xy  DES   PRTSON& 

Gc^nine  leur  indifférence  donne,  en  général,  sàr  ce 
point,  les  plus  grandes  facilités,  et  qne  des- habitudes 
prisesdepuîs  long-temps  lie  les  attachent  pas  irrévo- 
cablement, comme  beaucoup  de  prisonniers  adultes,  à 
destrâi^ux  pénibles  ou  peu  fructueux ,  on  n'a  pas  be- 
soin d'établir  poitr  eux,  comme  pour  les  hommes ,  des 
ateliers,  dans  plusieurs  genres  de  travaux ,  qui  n*ont 
d'autrerecommàndatîoh  que  d'être  l'ancienne  et  ha- 
bituelle occupation  de  la  plupart  d'entre  eux*.  Ainsi, 
on  pourra  se' borner  pour  les  jeunesdétenus,  à  nn  seul 
genre  ou  à  deux,  dont  on  leur  laissera  le  choix ,  et  qui 
foi*meront  la  base  de  leur  apprentissage.  Mais  on  aura 
soin  de  ne  prendre  que  des  métiers,  propres  à  entrete* 
ikir  1^  forces  et  la  santé,  et  l'on  écartera  ces  professions 
sédentaires ,  si  funestes  pour  les  ouvriers  qui  s^y  U-* 
virent.  Que  leinàillet ,  que  lè^rabot. soient  leurs  instro- 
niens  les  plus  ordinaires.  Le3  ouvriers  qui  les  em« 
ployent  font  un  exercice  réglé,  qui  doit  leur  être  sa^ 
lutaire,  et,  si  Ton  veut  donner  un  état  à  ces  enfans, 
qu'on  ne  leur  fasse  pas  le  préseiit*  funeste  d'une  indus-* 
trie ,  qui  les  mèneroit ,  par  les  infirmités ,  à  une  mort 
préniatpFée. 

Néanmoins,  comme  il  peut  y  avoir,  surtout  dans  les 
pays  de  fabrique ,  des  jeunes  gens  au-dessous  de  seize 
9XiSj  déjà  formés  à  un  genre  d'industrie  particulière,  et 
qu'il  seroit  dur  et  injuste  de  les  remettre  en  apprentis-'' 
sage,  pour  un  métier,  dont  ils  n'ont  pas  besoin  et  qui 
leur  ferait  oublier  leur  premier  état,  il  seroit  bon 
d'établir ,  outre  l'atelier  génél'al,  un  autre  atelier  par- 
tic»lier ,  destiné  au  genre  d'industrie,  le  plus  géné- 
ralement cultivé  dans  le  département,  pour  ceux 
quiy  seroient  déjà  initiés.  Onpourroit  réunir  dans 


DU  REGIME  MORAL.  271 

le. même  atelier,  autant  toulefoî's  que  les  circons- 
tances le  permettront,  les  autres  jeunes  gens,  qui  au- 
roient  un  autre  métier,  susceptible  d'être  exercé  ilàns 
une  prison  et  difTérent  de  Tindustrie  commune. 

Quant  à  tous  les  autres  enfans ,  qui  n'auroient  pas 
apporté  d^industrie déterminée,  on  les  instruiroit,  dans 
les  ateliers  généraux,  aux  métiers  établis. 

La  niême  distinction  n'aura  pas  lieu,  pour  les  con- 
noissanccs  élémentaires,  qui  forment  Tinstruction  pri- 
maire. La  lecture,  Técrilure,  le  calcul  seront  Tobjet 
de  leçons  générales ,  pour  lesquelles  il  n'y  atira  d^autre 
exception  que  celle  d'une  instruction  complète.  Tous 
les  enfans,  indistinctement,  seront  tenus  d  y  assister, 
tant  qu'ils  ne  sauront  pas  lire,  écrire  et  compter» 
comme  la  première  section  de  la  classe.  Ces  connois- 
sances  sont  trop  indispensables  pour  qu'on  les  autorise 
à  s*abstenir  des  leçons  qui  y  sont  relatives. 
•  IL  est  encore  des  notions  élémentaires,  sur  quelques 
arts  ou  sciencesy  nécessaires  au  développement  de  l'in- 
dustrie ,  que  nous  avons  proposé  de  donner  aux  hom- 
mes faits  et  qui  nous  paroissent  bien  plus  avantageu- 
ses encore  pour  les  enfans.  Il  est  plus  aisé  de  se  préser- 
rer de  la  routine  que  de  s'en  débarrasser,  quand  on  y  est 
assujéti. Théorie  est,  pour  un  vieil  ouvrier,  l'équivalent 
de  changement  de  métier.  Au  contraire,  de  jeunes 
esprits  saisissent  facilement  et  avec  ardeur  tout  ce  qui 
est  propre  à  donner  des  vues  nouvelles  et  élevées^ 
même  sur  l'industrie   la  moins   intellectuelle.    On 
pourra  donc  espérer  d'avoir  quelques  succès,  en  appre* 
nant  aux  jeunes  ouvriers,  que  Ton  formera  dans  les  pri- 
sons, à  raisonner  leur  travail  et  à  mettre  en  pratique 
les  conseils  d^'une  théorie  éclairée..  Aussi  il  me  sembla 


^>>  DES 

à  déûrèr  (fat  leur  a^preatî^sege  ii€  soîl  p9À  poi^em«nl 
ipéçanique  ,€omaie  me  Vesl  qire  lro|i  souvent  celui  des 
Duvri^rsordinaires.  J^'voudroîsqoe  lou  put  leur  faire 
considérer  leur  métverde  pins  haut  quott  nelefait  ordi- 
Baûreoient;  qu'on  joignit  à  la  théorie  quelques  con- 
^oissavces  élémentaires  de  géométrie  «  de  dessin  <,  d'ar- 
chitecture ci  vite ,  de  mécanique  ^  etc.  suivant  le  genre 
qp'ils  anroient  à  cultiver.  L'école  des  arts  et  métiers 
de  Chatons,  montre  ce  que  l'on  peul faire  avec  de  sem-* 
Uables  moyens;  et^  si  des  condamnés  n'ont  pas  droit 
aux  m£me&  faveurs  que  les  jeunes  gens,  choisis  et  re- 
çommaadables,  qui  sont  admis  dans  cette  maison ,  on 
ne  doit  pas  cependant  leur  refuser  un  avantage  aussi 
jMrécienx ,  qu'il  sera  facile  de  leur  procurer  à  peu*  de 
{irais,  avec  un  instituteur  et  des  chefs  d'ateliers  aéiés  et 
intelUg^ns.  Si  Fon  établit  dans  les  prisonsqtidqtfea-uns 
de  ces  cours ,  tons  les  jeunes  gens  devront  y  asMler  ^ 
on  conçoit  que ,  bornés  aux  plus  simples  élémen»,  èes 
cours  ae  dureront  pas  fort  long-temps. 

ARTICLE  U.  MdnUe, 

Poua  la  partie  morale  de  l'enseignement,  il  faudra 
suivre  une  marche  tout>à-fait  différente  de  ceHeadop-* 
tée  à  l'égard  des  hommes  faits.  Dans  la  crainte  de 
heurter  trop  violemment  des  esprits  faroucties  et  in* 
dociles  y  nous  avons  demandé  qu'on  ne  fit  point  à  ces 
derniers  un  cours  dogmatique  sur  la  morale ,  cjtt'oa 
ne  les  effrayât  point  par  l'appareil  de  leçons  austères, 
et  qu£,  pour  éviter  de  réveijler  une  répugnance  et  des 
préventions  encore  subsistantes,  on  ne  prît  que  des 
moyens,  détournés,  pour  les  ramener,  comme  à  leur 


bu  RÉGIME  MORAL.  373 

lûiu;  dâtts  le  theniln  de  Thôàneur.  Lès  mêmes  pre'- 
'eautioii^  n'e  éi^iii  ^as  nécessaires  avecies  éùfans  et  trop 
àe  circonspection  avéb  eilx'âiiroildesréèallatsfâicheux, 
en  lès  priVûût  d'enseignenïéifs  utiles,  dôn^  ils  {ieâveùt 
profiter.  Ces  jèi'ines  c6uf>al)les,  pour  la  plupart,  ne 
haïssent  pas  la  vertu ,  mais  ils  Tignoreiît.  Sén  idëe  ne 
les  réponsse  paé  ;  niais  ils  n'y  troaveht  ancuns  char- 
mes :  fatale  indifférence ,  quîies a' livras  au  crime  ,  en 
(es  abaiidonnânt  sans  frein  à  Tentraiûémént  de  ïeurs 
désirs! 

Cette  disposition ,  qiiî  est  tommilne  à  presque  fous 
lés  j'eùiies  détenus,  est  favorable  et  doniïe  l'espoir  fondé 
de  les  t^amencr  au  bien,  en  leiir  faisifinl  côhhoître  et  ài-^ 
mer  ce  qu'ilé  ànl  ignoré  d*à6orâ.  £Uê  permet  d^'âilleurs 
dèleù^pàrlér  honneur,  probité,  vertu',  3à|ttles  rebuler, 
et  dé  leur  enseigner  des  principes  càpal||H|ie  détruire 
Fignoratice  et  de  rectifier  les  erreurs,  qui  but  causé  leurs 
préihiers  écarts.  11  faut  en  profiler  pour  leur  donner  de' 
véritables  leçons  dé  morale.  Avec  eux  on  ne  devra  pas 
craindre  de  faire  ùu  cours  suivi  et  de  leur  tracer  mé- 
fhodiquemenf  la  route  à  suivre  pour  devenir  honnête 
homme.  Ce  sera  Tiine  des  paKties  les  plus  iillportautes 
des  fonctions  dé  Tinstituteur  ;  il  y  consacrera  l'es  der- 
niers temps  destinés  a  Tinstruction  des  eufans  et  ne 
leur  donnera  ces  utiles  leçons  qu'après  qu'ils  auront 
acquis  les  autres  cônhoissaoces,  qui  composent  le  cercle 
dé  renseignement.  Cependant  jusqu'au  moment  ou 
coiiïmencera  le  cours  de  n^orale,  leurs  esprits  y  seront' 
préparés ,  soît  par  des  avertissemens  détachés ,  donnés 
datas  l'occasion  ,  sans  faire  partie  d'un  système ,  soit 
par  les  lectures  auxquelles  on  les  aura  exercés. 

Comme  les  hommes ,  les  eufans  se  foi'miéroni  à  la 

18 


274  DES  PRISONS.      ; 

lecture ,  dans  un  livre ,  composé  exprès  pour  eux  el 
propre  à  familiariser  d'avance  leur  esprit  avec   les 
grandes  idées  d'ordre  social ,  qu'on  devra  s'efforcer 
de  faire  naître  en  eux.  On  conçoit  que  le  livre  des- 
tiné aux  enfans  ne  peut  pas  être  le  même  que  celui 
des  homhiés  faits.  L'esprit  dans  lequel  les  uns  et  les 
autres  recevront  les  levons  et  la  diversité  des  motifs 
capables  dé  faire  iiïipression  sur  ces  deux  classes  de 
détenus  ne  permettent  pas  de  leur  donner  à  lire  le 
tliême  ouvrage.  En  se  mettant  à  la  portée  des  enfans, 
on  ne  pourroit  éviter  de  paroitre  futile  aux  hommes 
faits  étales  mêmes  ressorts  ne  piebvent  pas  agit  sur  l'es- 
prit déé  ubs  et  des  autres.  Séroit-il  possible  d'engager 
un  enfant  de  douze  ans  ^  au  travail  et  à  la  probité ,  pa'r 
la  peinturé  de  la  misère,  oii  le  crime  d'un  homjme  ré- 
duit sa  fanfdHjl^el  de  Tinfamie ,  qui  rejaillit ,  dans  nos 
mœurs,  su^ra  postérité  innocenté  d'un  criminel? 
Ces  moyens,  les  plus  forts  que  Ton  puisse  employer 
sur  l'âme  de  l'homme ,  seroient  sans  force  avec  des 
enfans.  Il  fatit,  pour  lès  persuader,  des  motifs  plus  ap- 
propriés à  la  foiblesse  de  leur  raison,   à  la  nature 
de  leurs  goûts ,  de  leurs  habitudes  et  de  leurs  inté^ 
rets.  En  même  temps ,  cbmme  l'enfance  et  la  pre-* 
mière  Jeunesse  sont  moins  dominées  par  une  passicii 
prépondérante  que  livrées  à  une  grande  variété  de 
désirs  et  souvent  mêtne  de  caprices,  c'est  moins  un 
ouvrage  suivi  et  de  longue  haleine  qui  leur  convient^ 
qu'un  recueil  de  morceaux,  assez  intéressaris  pour  les 
attacher  à  la  lecture  et  assez  instructifs  pour  faire  sur 
leur  coeur  une  impression  salutaire.  Il  faut  donc,  ce 
me  semble ,  composer  un  livre ,  spécialement  destiné 
à  leur  usage ,  qui ,  par  un  heureux  mélange  de  pré- 


bu  tel^lB^  MORAL.  ,  275 
teiiïes  çt  cl'ç^çmples,  h^biléméat  choisis  et  encadra 
avec  a$sez  iJart  poitr  torraer  un  ensernble^syste/nati- 
que,  ieur  fasse,  ai  mer,  alconnoïtre  la  vertu  ei  respèic- 
ter  les  devoij's  sociaux. 

Quand  les  élèves  prisonniers  auront  terminé  iehr, 
cours  de  leclure ,  c  est-a-dire^^  quand  ils  pour/:ont  lire 
couramment  leur  Jlvre*  on  le  leur  fera  coh«oîtreèn  en- 
lier,  ce  qui  sera  Taffaîre de  quelques  leçons.,À16rs  on 
les  octu.pera  de  l'arîthniéiîquè  élémentaire,  et  l'oh 
remplacera  Ta  leçon  d'e  lecture  par  ùnbours (le morale/ 
approprié  à  leur  âge  et  à  leur  situation.  C'est  alors 
que  rinstitiiteur  leur  donnera  les  notions  de  bette 
science  précieuse^  qui  apprend  à  Thommé  qu'il  a  de 
nombreux  devoirs  à  remplir  et  que  le  bonheur  consista 
à  ne  pa^  les  transgresser.  Jt^eitr  esprit  et  leiir  cœur  > 
déjà  I  disposés  pat  des  lectiires  préparatoires ,  pal*  les 
bons  conseils  de  l'instituteur  et  par  tout  l*j^nsembl0  do 
leur  éducation  >  saisiront  dvec  facilité  ces  utiles  le- 
çons. .    ^  /        '  ' 

L'instituteur  s'appliquera  surtout  à  leur  donner  des 
idée  nettes  des  rapports  qui  constituent  Tétat  sociaU 
La  funeste  ignorance  de  beaucoup  de  jeunes  gens  ^  suir 
cet'objjet  important,  est  la  cause  d'une  foule  de  désoip- 
dres ,  qui  ne  peuvent  plus  être  réprimés  que  pair  le 
glaive  de  la  loi  et  qu^me  bonne  éducation  auroit  pu 
prévenir.  Il  tâchera  de  leur  faire  comprendre  l'ongine 
de  la,  propriété  et  lés  droits  qui  y  sont  attachés /le 
principe  de  l'inviolabilité  mutuelle  ^  dont  la  société 
n'est  quela  garantie,  et  les  idées  fondamentales  de  jus- 
tice et  de  réciprocité  sociale,  connoissances  qu'on  re- 
gardé mal  a  propos  comme  réservées  aux  publicistes  et 
qui  i  dégagées  de  l'appareil  pédahtesquedont  on  les  en- 


à76  DES  pfehoM 

iburé  inlihîeinénl ',  devVoîent  faire  là  baie  de  loufe 
jÊ^ucatiôh.  ftn'ëslpâ'smoirtsvnripbrfàrit  délêiifnibYitrer 
ta  néceWt^d*ùft€yinàat!cepuHlîqneét  dé  Teût  inspi- 
rer dâ  rëspeèt  polir  les  dépositaire^  de  cét!l!e  ànifbfi^^. 
Enfin  ïî  fendra  s'éffôfter  dfé  leur  faire  cUmpréfîdfré  ces 
idéeè  die  btinHei  hVoeinVs  ël  dé  dëcencë  publique ,  aux- 
quelles lès  criminéié  Sont  si  ïioùvenl  étrangers.  ÎVous 
verrons  plus  loin  pètt  quels  rnôyèns  dri  devra  forfifier, 
râr  ^ôiisces  points^  i  met  produit  par  leis  leçons  dirécfès 
«è  rîhsfituféar. 

Pdiir  âcliever  isiôn  diiVragS ,  ce  fonclîSnnaîre  rfévia 
i^aire  tous  £és  efforts  pouf  ouvrir  fes  cœurs  dé  $es  élevés' 
a  la  Vertu  et  à  la  pi^fiqbb  de  tous  les  dié^oirs  ehver^s^ 
t)iéttv  éïivefsfa  société,  envèfts^î-nil^rtîfe,  âàtit  Taç- 
éomplisséiYJéiit  compose  léT  Vie  dé  f  honhéJè  tiômrae. 
Sans  doute,  pdur  ^ediplir  cette  fâthé  iinpdffànfe,  Hns- 
tituteûf*  fefa*  bicfii  d^avoir  retours  à  iine  blassîfîcatioû 
tnéthodïqué,  à  dés  études  préparatoires  et  d'employer 
toutes  les  ressources  de  là  logique  et  de  Fànalyse  pon^ 
démonlret  à  ses' élèves  que  l'é  bonhielir  ft'exis^è'  (jue 
pùut  rhôriihie  vertueux  et  qii'il  est  encore  ^leique 
éhù^j  àn-dessus  de  F  intérêt  persotinel,  ^nirétèi^écorr* 
tiniiétlèYnent  Vers  te  bien  ;  il  tâchera  d'àpi^uyer  té^  dé- 
iùofïstràtfoA^  de  toutes  les  preuves,  de  tous  tés  rsfîsôft- 
némehs  que  lui  fôurtiira  la  aialectiq'ue  ;  mais  ses  efîorts 
setônt  infructueux,  si  lui-même  n'est  persuadé  des 
vét^ités  qtf  if  éfiseigùé.  Là  vertu  rie  doit  pas  se  ptotêsset 
f'roidéméht  ^  11  faut  qu'elle  se  communique  par  eit- 
ihousiasmë;  un  homme  vertueux  peut  donc  seul  don- 
ner des ieçonsde  vertu;  et,  si  Tinstituteur  n'est  pas  Irri-' 
même  àniniré  dé  sa  flatnme  généreuse,  c'est  eriVàin 
qu^il  empïoyera  les  méthodes  les  plus  claires ,  et  ({V^lt 


I 


DU  REGIME  MORAL.  477 

dévielopper^  les  pri/içîpe^  ks  pl,a^  iumÂQçpx  -U.Rf^  lut- 
tera jaixv^is  qu'une s^fPf^pf^  uifécpjiKlc^  i|  n'y^f^a'aa 
a^ii  de  ^^  y^it.i?,  qqi  ^jiji^e,4ui  rpçfjçrtw  <J^  p^rjlwp^ 


♦  t  •  ■  f    « 


temîis<,.<WfzPar  ^iç^iB.loogiip  et  jl^pi^Qivite  çjfmM^  ont 
perc)u  tojiMe  IfMr  Qf^Hlitë,  pËer^-Ma  )oi:|g  4^  la  ^U^T^I?  <t 
desioi^  ie^crin^f^k*  b^\)kim^  ^w  férope  juguliépeindail-' 
ce,  ^ppf^Qdre  à  ^ly  voleiir  ^  nosppcl^  la  ftrppjrîét^  «  à 
lin  furieux  à  ino<}éi:er  \est  transports  d'un  çarfctfre 
îfascîblie.9  ^  Tcnpen;^  de  ia  piui^ur  à  4eywir  le  protec- 
teur 4^  Tiimocencç ,  ^^ie4iir  yef^ffmc^  éprée^kprdl 
de  Tat^ime  et  I|U  niçmtrer  i[iç  çbempa  .de  Tlipnnçur, 
qi^'elle  ne  çcmooj^^pas ,  tels.  «09!  Ip^  pi*|oçipa9x  dq- 
ypifs,  qu'il $;'epg^ge  à  remplir.  ^11^  o^mbrrases  qualités 
qu'e^igefiJL  ç0^  impprtaptes  {br\içtfapsjt  tm  poiiçpit  qi|e 

fente  et  qp^  Les  autorités, ch^rgée^ de  çi^QÇQURir  à  cette 
jgumfu^iiofi  lie  pourront  }afnaiA  y  vQçttre  trop  C^ 
spîn. 

^I  ser^  ^nvi^pt  ;?s$ez  dif&cile  dp  trouver,  fiauA  les. 
yi||(ss,  où  $pn|  (él^bUe^lfs  prisojqs,  un  honi  me ,  digne 
die  cef  funçtipns  respectables ,  iXiais  pépifeles ,  qui  çq^- 
fiçpt^^  s'çM  (ihargcr.  ÇepeQfiAnt  on  pourra  espérer  de 
le  trpi|ver,  parmi  les  înstîtiHeiirs.ordînaîresde  la  jeunes- 
se* jfui  ^  ^éjà  h^itués  àl>pseignejcnçntçt  ^  Tëtyde  d^ 
«JifTéripiis  c^r^lèriBS ,  «ont  pbis  ppppres,  à  cet  emploi, 


/ 


'2f8;  ^     DÉS   PRlfe'ôNS/^'^- 

'ciii'WdiéàuIre  pbrsoftfïèt  D^ifiîlètïfb^îÀ!(Â>ïifià«ie  pubjt- 
'^^^  qtift  ijécessaîretiïcirt  îîS'Hôîvëiiï  àvbii'  fijcée ,  pour 
•lEfi'ê^ëip  léill-professrcfn  ;  fet'la'jitete  çonsiidératiojDi  dont 
jouissent  la  plupart  d'entre  eux  ,.50"^  des. gara.uties  de 
leur  aptitude  nipncle  knX  fonctions  d'instituteur  desi 
prisons.  Mars ,  pour  le$  déter nxiner  à  en  accepter  1^ 
'Vhài%é*/Ufaiirffaî^  qu4ts'(^u^(e^jt  y  troiivercjuèlqiie'aVan 
^tâb^  p^euhîaîre ^t  milk  ûi&fuiéé'ht toas obliges d'abâii 

dohAférftèbr  établîssètiîèntf  bfo'r^sèiivré'r  tout  enttersà 

•    ■       •       •  ♦         î         * 

Thraruéfiôti  desdétèèîts.  Aufeeilient;  ik  prëféreroîierit 
toujours"  leur  étàt'à'  remploi  îtigràfetpënîMe  d'îns- 
truîrèd^s  prisonniers  et  rôiiïie  trduyerôît  Vpour  rerïi- 
plÎT  ces  fonctiods ,  si  importantes pouV  Tordre  public, 

*qtié  des^màlheureux ,  dont  la  misète'  attesterôit  Tinca- 

•^f>acité. 

Il  faut  donc  que  les  peines  de  Tinstitutçur  soient 
bien  payéfes/et  qu'il  puisse  contîiiiter  de  se  livrera 
rinstrnction  kle  la  îeuhbssé ,  tout  en  donnant  des  soinsà 

'  la  prison  Peut-être  même  sera-t-il  nëcessairç  d'attacher 
à  ses  fonctions   quelques  distinctions  boQorjfiqne^t 

*  qui  leur  donnent  plus  d'éclat  et  les  entourent  d'une 
consîdéifîition  extérieure,  dgîile  à  l'estime  qu  elles  hié- 
rîtènt.  Les  personnes  qui  s'adonnent  à  rînstniction 
iniblique,  assez  ordinairement  inclinées ,  par  la  nature 
même  de  leurs,  études  personnelles»  et  par  l'habitude 
d'excTtër  rémulatioû  entre  leurs  élèves ,  vers  le  goût 
des  distinctions'  sociales,  ne  seront  pas  insensibles  à 
quelques  marques  d'honneur  et  de  confiance  publique? 
dont  seroit  décorée  la  place  d'instituteur  des  prisons. 
L'opîiiion  réprouve  malheureusement ,  avec  tant  de 
dédain, 'tout  ce  qui  tient  à  ces  maisons  de  douleur  et 
d'opprobre,  qu'il  est  presque  indispensabl*  de  relever» 


pu  REGIME  jyiORAL.  279 

par  tous  les  moyens  possibles ,  les  fonctions  de  Tinsti- 
tuteur,  si  l'on  veut  qu'elles  soient  remplies  convena* 
blement. 

C'est  dans  cette  vue  que  je  proposeroî;s  de  l'admettre^ 
avec,  voix  consultative ,  aux  assernblées  dé  là  com- 
rnlssion  des  inspecteurs,  en  le  chargeant  cTy  tenir  la 
plume.  Je  désirerois  également  quMl  eut  le.it^âng  et  le^ 
prérogatives  de  fonctionnaire  public,  et  qu'il  raarr: 
chat  dans  les  cérémonies  avec'  les.  autorités  municî- 
pales.  Ces  dispositions  paroî<rbnt  peut-être  minu- 
tieuses; les  avantages,  qu'on  réclame  ici  pour  l'insti- 
tuteur,  sembleront  futiles  et  indignes  de  ces  hom  nies  » 
'  qu'on  doit  supposer  bien  supérieurs  à  des  çpmbinaî- 
5ons  ^ramour-propre  aussi  mesquines.  Mâîs'c'e&t  pour 
|a  muttîtude  et  non  pas  pour  les  sages,  que  les  dis- 
tinctions, extérieures  soïjt  établies.  La  grossièreté  de 
l^ien  des  hpinmes  rend  indispensable  cette  manière 
de  fixer  leurs  regards  ,  sur  les  objets  Q^  les  personnes 
qu'ils  dqîvçnt  respecter.  Tel ,  dont  les  fonctions  et  le 
caractère  sont  honorés,  ne  doit  peut-être  cet  àvantag£| 
auquel  il  a  droit,  qu'à  certaines  distinctions  exté* 
TÎeures,  qui  frappç.nt  jes  yeux  du  public,  et  tirent  de  la 
foule  celui  qiu  en  est  décoré.  Il  en  est  de  même  de 
rinstituteur  des  prisons  :  daps  la  nécessité  de  le  dis- 
tinguer de  tous  les  subalternes,  avec  lesquels  on  le  con- 
fondroit  peut-^être,  s'il  n'avoit  d'autre  recommanda- 
tion que  ion  mérite  personnel ,  il  a  fallu  l'environner 
d'un  éclat,  qui  rejaillît  sur  ses  foactioQs  et  sia  personne, 
>t  qui  loi  assurât,  auprès  de  la  masse  sans  instruction , 
la  considération  extérieure  à  laquelle  il  a  droit. 


8$?  ,.j>î:s.»l^^f)^'^ 


»   f 


CINQUIÈME  DIVISION.  De  la  méthode. 

rînsfitutçur,  sera  la  raeilleiirç  eskjmiic  du  n>ëritp  de 

ce  fonctionnaire ,  en  ce  qu  çlle  permettra  dje  choisir,. 

pour  Teniplir  cette  place,  tm  iwstitul^iir  praLpair^ 

t] 'est  une  cfes  raisons,  qiii  npxis  ont  déterminé  à  fixef 

à  iipe  heiiye  par  pur  Ije  temps  des  leçons,  de  çfiaiû^rf^. 

que  rînstî^u^eur  n'aîl,  çh^î^que  jour,  qu'^P^  Mnre  djj. 

son  temps  a  détacher,  en  faveur  dê^  prl^nniers.  La 

Dnèveté  de  cet  intervalle  ne  pçrmet  pas  de  le  diviser | 

Iç3  prisonniers  p'auropt  pas  trop  d-uae  leçon,  au$s| 

courte.  Ou  se  trouve,  donc  dans  la.  nécessité  de  faîre^ 

tjrayaîUer,  siïnnlta|:xéçnent,  toiis  les  prjispnjiîe^^    \^9P9j 

vipe^,  femmes  et  çnfanç;  gotrement,  çh^ç^ne  de  ce^ 

classe:^  n'aoroit  ^u\in  tiçrs  de  la  leçon,  011  1^  .maître 

.jerolt  obligé  de  rester  trois  heures  à  la  prkop,  ce  cji^i 

ne  peut  avoir  Ijeu ,  pi^isque  d'une  pa.rt  \^s  prispn^iersL 

doivent  avpîrpnç  heure  de  leçon  çhamiç  jour,  çt  gi»R 

l'instituteurne doit,  chaque  joyr,dop^er  qj^'ijpe  ^e^tf^ 

de  sori  temps.  [ 

Ce  prob|ême  gar^Jltirpit  îpsolubje,  si  l'oçi  p'avoîj^ 

pa$  la  taçulté  d'appliquçr  atuç  priscuss  la  méth^e  df 

renseignement  n'^^qtuèl.  Les  ayants^ges  qu'elle  pré^pte 

ne  peuvent  iamais  étrç  plus  sensibles,  qiie.  d^ns  upj^ 

cîrçonstançp  où  ^l  s'agit  il'instri^irç  beaucoup,  de  Wfr 

sonnes ,  de  sexe  et  d^a^p  dilXéreqs ,  pendant  un  ea>ace 

de  temps  lîmité.  C'est  seulement  à  l'aîdcj  dçj'i^n^^^ 

gnement  mutuel ,  que  rînstituteiir  pourra  suryeî|jer'% 

tout  à  la  fois,  les  trois  classes  de  prisponiers  dont  U 

sera  chargé,  et  que  Foçi  pourra  s'en  remettre  à  qb 


BU  l^EpiMPr]y|QRAL  '   m 

^^\  Ji)PTpg[>f  flu  ^în  xl  i^strpîf*  dew  Ptt  trois' «m* 
pn^opDJpfç^  et  ipême  i?wr<lf^.  ^^  cotiç^j^  jComMen 
îl  esf .  fjpD^j^jrtiqt  de  refU'QÎpiliif  j^e  fg^M^akite  d'iiMititti^ 

de  faciliter  la  division  des  prisonnier^,  par  f;ir^pmQi{ 
|}apr  çl^y^f ,  et  4f:  les  habituer  à  i^pfi  rifgntarUé  de  mon- 

yeng^s  .t(  d'^c^q^s,  qiii  n'f^çt  pf^.  mp»  if|flpeMë  sw 
lie  .n?9r^.lt  se  f:eçpfpiwi5Mte  f^neftW  P^r  un  avaola^i 
pljysiqne  hlen  pJTSÇJçnî;  dOPSi.k*  Rrîiqn»  îo'est  TèMm 
cicct  qq'K  dpnne<;^n?ç  f^QJi^cs^  obligés^  €li«iqné inst^nll 
dç.R?psfy.  4?f[  ^W^^  à  .^ÇWP  §w  deïni-cerck«  déstiaéi 
ff^v:  4^  Ipp^nrç.  Opçi^pés  pcrtqnjifi  toqtfl  la  jiOiiifnitetdb 
fr^y^V^  fip4««tW^  »  te^  prîwiwwii*  ont  besoin  il'kwi 
ipçdfî  4'iG^$fe%T\f;!l1fsiit ,  qjû  ^Qwr  donpe  inl  ciewioev 
{^fn)!fTpi$p|.Riéq^s$^îr|(  dw^  leur  piQ^iioo,  an  lieà  di 
k?    îW««Wti?t,   epjîQr?   par   w^e  «ii^pl^kalioa  falîr 

J^ff;  dqji^^oa  p^  4si|)fim0i>t  comptaTr  pour  b^ueotqi 
l^-^^  qi^e  pm<)l^<^Of  RCMIJC  1-étode  tons  les  rfcoli^rs  « 
fp]i  pi^n^t  4^$  icl9SSQS  ordinaires  aux  écoles  d'enseî-i* 
^pr|r|eii|  xpiUuQl?  |fe  n'oiserois  oie.flatier  avitc  de  viecix 
mfl^înf  te»  djit  mâme  Sii«oés  qti'avcc  de  jeunes  enfans; 
nÇ^aîs ,  poifr  pteil  ff^  la  inéthode  du  dievaliév  Paulel 
^H  P9ip$^bje  d^  ][«qr  rpndre  rétude  moins  odieii^ei»  9è 
^)3|drpU41f)^  s'fini()iressar  de  la  choisir,  préféfablçpsenl 
à  tputf  autre?  I/espéri«>nce  est  ici  en  £ivenr  fie  V'en- 
iseignement  rpatael.  Qq^nd  on  pense,  d'ailleurs ^  quf 


401  DES  PRISONS. 

.  •  •    •  '  • 

dan$  lès^eoles  ffgitifèUtiiTrès,  où  Toii  â  pti  îtîger  Ae 
Fappiktktion  de  c^Ue  ^  i^étbéde  à  rinstruction  des 
BdiTlti*sv*ii*^itittîôÎ5"suffiseht  |>6ùr  fe  parcourir  au 
soldat  l^rtivôfeis  iiVfehïgeiit ,  fe'cefçlèdçs  çonnoissânces 
élémtniAites i  on^  petit  esp^Srcf  qiie  Cette  cbnndëration 
pfoWriîà^dëtérmîoer  tès^ris'èWnîers  à' dei  Btuflés,'  dont 
ils  entreverroîent  le  terme  assez  près^dleitx.'Ori  tron- 
wi«:^df«'^  à  rînti*§di*dfidù*cle  celte  rtTëmbde,  les  avan- 
tages^i<îs  ptus^i<é;ètéil)c  ;tà6l  poar  lés''^rîsorimëfi5  ijue 

-:.it:BSl^  sàtisi  dont^  à^Wgrétteî^  (jiie  raAoptîort  de  cette 
wëthedt^/qiii  est ^otnm^^tiâée 'par  la  n'éce^ifé,  prive 
ddçi  la  faenlté  de  cdilfiér  l'M^'t/-ijcti6n  des  pr)sdnn!ers 
afiiirf>dres(>de  la  Dôctdiié'Chrëtîenine.  Certainement, 
ihcétflldJi^^tfb  Àî  r^nfiplacer  le  î^Be  et  lé  dévouement, 
•vtèJ^tequels  fM't^^Visséiîf  «lëilrs  charit^îès  fohè- 
lS»m;i:ilia^  .|'iftî|K)Ss?bijilCé'derndfttr^e  de  prendre  un 
mite  rihode  d^ensêîgtt^mèrit:,  %lms  sac^ïfîet  i1q  temps 
çonsîdërable  et  prëcfîéliîé,  il(<tis -ôMigè'iiié  t^6ricer  à 
rWëede  les  charger  de  iiîfetfé'mi^îèTiPr  PôuHqiioî  faut-îl 
qile^des  scrupuifs,  pëdt-étfe  faciles  à-  levëry^tés  em- 
pêchent d'employer  une  méthode,  qui  n'a  rien  de  con- 
traire à  la  religion,  ni  aux'  bonnes  mfœurs,  éf  qui  est 
trop  utile  dans  tous  les  établisslemens  pubKcis,  et  sur- 
tout dans  ceux  dont  nous  nous  oCctipons*^-  po,ur.  que 
nous  puissions  y  renoncer?  C'est  peut  être  à  rensei- 
gnement mutuel  qu'on  devra  les  premiers  succès,  dans 
Tentreprise  difficile  d'instruire  les  prisonriiers ,  et  de 
leur  donner,  en  peu  de  temps,  les  diverses  connbis'' 
sances ,  que  nous  avons  désiré  qu'on  leur  procurât. 
Ceux  qui  connoissent  cette  méthode ,  verront  que  tios 
propositions  n'ont  rien  d'exagéré. 


DU  REGiflVlf  Î^OÎIAL.  2'83 

Tels'^Attt'/uGhs'ïe  pensotis'J  léè  Woyêfïs de  procni'er 
^li^  [irf^iitîîers  rinstrttcUôrt  /*^/&'f;^iîtH(ii*cbn vient, 
V<ï4t*â>81^é  ^  Icé  «ronnoiskahèésfj  ptfr'éTVlènt  hùVihSncs, 
qui  leur  sii&Ât  ttécféssâirts,^  fïoil^Vî^Waiulsf  le'Vhorid^ , 
§ans  avoir  recours  aux  bienfaits  de  la  charïfé ,  ou  aux 
înfâYnw/*èîs»ut*cès  dû  vStèe.-îfWiïs'^fiV^ns  êè&ajë  de 
fnontrer  çooiment  on  peut  faire  cette  conquête  sur 
rimmoralîtè,'  ien  joignànf  StiS^^cSîiVibrssânces  lucra- 
tive$,  les  s^ublimes  enscignemens  de  la  morale;  et  peut 
-êfre,  serpft-iîr  pemns*;a'ëà|)élfçr  qWelgilë  suecès ,'  de 
Teriiploi  de  ces  divers  Hïoyciis,  dîrîé^avec  iele  él  îh- 
Téllîgence/       '         -    .  n?,...»   *^i      -     ♦-.;      . 

Çépfendàm/quelqife^^^  l'cin  mefte  à  breù 

remplir  celle  tâche /qûyK;ijnè  sôïertt  Thâbifeteét  l'ar- 
'ileur  de  rinslltuteur!,  on^iiê  fôtîrï  que  siVi*.'lé  sable*, 
tant'  que  la  telîgiotr  ne  ViéhHW  pas  consolider  l'édi- 
fice delà  sages$ehûmâïrte:Tff?a\Vrîm  frein,  W^ 
*infcn^  puissant  *que  ïa'ràisoii'la  pMs'  tléveWjitî^ei  A'nè 
^â  crainte  dé  rinfahiîë,  que  rhôrreur  me^rne  des  siifh- 
plîc'es,  Jpouir  reteiiîr  et.coni^irîrtiêr  la  Fougue*  des  pas-^ 
éjons.  C'est  au  sentiment  'de  la  religion  ,  c'est  à  Tîdée 
toujours  présente  d'iln  Dieu,  rémunérateur  et  ven- 
geur ,  qu'il  est  réservé  de  cfécîàer  la  victoire  dé 
Thomme,  sur  les  passions  qui  le  tyrannisent.  Quel  n 
puissant  motif,  tiré  des  intérêts  de  la  terre,  pourroit 
l'engager  à  souffrir  toutei  ces  privations,  et  à  y  con- 
damner une  famille  toute  entière,  si  le  sentiment 
religieux  rie  prêloit  toute  la  force  d'un  généreux  en- 
thousiasme-au  courage  de  la  probité?  Et  comment 
espérer  d'un  homme  déjà  coupable ,  ce  qu'on  n'ose- 
roit  souvent' attendre  d'un  homme  sans  reproche?  Il 
faut  donc,  pour  Içs  prisonniers,  plus  encore  que  pour 


|oq,te  a^it/p  pejrftdqpe  ,*  g^i^  Ifi  r^eligion  viç^i^ie  prélcr  j 

«$Mi  ^ppi^i  fini^  loçQiis  d€  )d  iBorak.  La  mo^  ense^- 
jRne  ài^Ace  yMTt^w%i  à  b  religion  ^p|e  dgfi^r^ent  If 

•        ' ' • .  •     '         •   •     ♦  .  •     »«    .»   « 

I  ■  <  f  •    .       '  .         .  - 

I  »  •  »  • .  •  »      « 

« 

l^ff*F*«î  ^éRp^itftiref  4e>l>é^ilage  fjp |a  foi,  c'ert  \\ 
çiix  à  en  développer  l«ç  dogmes ,  et  à  prêcher  la  nip^ 
^p^lp  de  )?ç.v?T»Çi!Pt  Çf  ^qy,t.donç  t^^irpeir  sjir.die?  at- 
ff*ibutio,u3  Mif  fW5^,  jcpie  de.p^fipr  à  4es  laïçç  le  soîn  dp 
4<fQner  m%  4^P9U?  P^ç  ÎT^tniçtipi) ,  qup  l'ëgUse  a 
seple  le  dçoit  d^  dkl,ribja^er.  iViissî  »  rin$tîl»uf  eor  p'est-il 
çhaçjg^  que.  <|e  jia  paçlle  pjnrefliept  moralç.  de  rîiislruc- 
lîon;  ^euljemeotv  ^pqiïrr;^,  /au  besoin,  çf  si^r  ^iQvi^ 
tptîon  de  raijniô;)îer ,  faire  les  fonçlîons  de  r^pëtitenr 
^e$  epf^q»,  pwr  If,  çopi^ç^a^apce  IHléra|f  du  c^lé- 
jphisme.  P  n'cp  d|&vra  p^$  mpîns ,  lQ$pi;^e)^  §  tous  sei 
élèves  4ie3  feqtinienç  reljgfçw-  C'est  ïp  t^ypir  de 
tout  cl^rétîen  ^  d'expîter  d^ns  ses  semblables  ramoor 
de  pieu  et  de  son  cu)le.  Mais  (out  ce  q.ui  es}  de  doc- 
tripe,  ^pp^rtîepd^a  çpéjfîalemenjl  ?  Tepsejigpenient  eç- 
r)ésia3>ii|ue.  Qelte  dîvUîon^  çioinniaypij^e.par  l^  naturf 
des  choses ,  prévienijra  toute  objectîop  ^ur  IVinpIoj: 
de  telle  op  te|le  m^tj^iode,  pour  {'iu^truction  des  déte- 
:qp$,  et  ras$urera  les  çopisciences  les  piu3  scrupuleuse 
^ur  la  purptë  des  priucip^s,  qu'on  dQpupra  mx  prîsonr 
^M^rs.  Il  ne  s'agira  plus  que  de  choisir,  pour  institur 
tççr ,  un  homme  dont  on  n'ait  pas  à  çrai/idbre  qnç  1^, 


\ 


opinions  ti'^ligienses  déli*'utsènt  ToiTvraj^e  de  Taonid^ 
iiier^  et  ceNt!  eanditionrnfoirsr  Àimdns  à  ndiii'  tùQsA^ 
ttr^tit  seia  point  diffiblle  k  réthpMr. 
•  Potii' qae  les  pi  isdJiMètsr  téçbivetti  un<^  Insti^bèfiM 
cQtiiplètef  ou  au  ftiotiiéf  dëi  lé^i^  friicfiiéibse^,  sbr 
Tarlielé  de  la'  religtonft  H  faOt  qèé  r^celéiia^iqM»  ^i^i 
sera  chargé  de  cette  importante  nhfiisfon  v  pnî^  ^y 
livrer  f dut  entier ,  et  étif font  qn'H  pi/i^  te  firircl  ^dÂs- 
tanfiméiit,  et  saM  purt^rger'  ce  fardéaltl  àVee  periotone. 
S'il  es!  détôtif  né ,  par'  d'âritre»  otcupatipnd  tùùt  auâd 
sérieuses  f  s'il  ne  p€^t!  péià  siiivi'è,  iaiVi  hitéi^u^f v(M  ^ 
les  malhèureti3( ,  ^lï^il  eritMpreml  d'inslnrirè  <t  de  n^- 
iMuei- àft  sein  de  la  religion,  H  ne  feut  espérer  dé  seà 
travadx  qn'on  foiMe  snccès.  Dans  des  levons;  séparées 
par  de  longs  inte^vàlleé,  dans  des  exbortatfoiis^  détâ^^ 
diiéei  et  sané  suifè,  il  n^  petA  énhbrasser  et  nfiettit^ 
mnîi  Ui&  yeux  de  ses  élèVé^  rénA^mble  iMpt^âim-  dé 
k  religion.  Ce  n'est  qUè  ^r  âest  soins  aèiidii^  èl  ^i^ 
iU,  c(t]'il  peut  léëf  doninéf  dé^  inétrucfioii^S  vérilëfalé^ 
tàëM  liîitëi^  et  cfii'H  léS  ^end^il#  tout  k  liT  fois,  ^ 
faèiles  à  saisir,  et  plus  fëcOUïféf,  ëti  \eê  prHttïilitt  àëiis 
un  ordre  systénSatiqné.  Maïs  si  plusfen/s  j^ètrés  stt' 
chàr^nf,  cdncurrernnfecit^  dt:^sérVicè  des^riiétfis,  qu'd 
4né  toit  l^uli^  tytêi  quel  que  soit  le  talent  de  ctecifii 
d'eux  i  ils  ne  pôui^ônt  imipriiUèr  à  lécrrs  èxiiortatior^é 
ce  caractère  d'oni^éet  d'ensemble  y  Si  Nécessaire  pout 
kii  ieûâté  iiÉstrticlivét.  Il  sera  in!vjk)ssible  à  piuiîîeura 
^soniies  de  faire  un  cours  côtiipfet  et  suivi  de  re- 
Kgion ,  indSspcfniabte  avec  des  hon^nai»» ,  ausisi  i^f»6- 
ràùs  de  ses  grandes  vérités  t  que  lé  soht ,  éti  gëfiéralt , 
toi  prisontitSM  :  ils  seront  obtins  dé  s'énf  teùit*  à  d6É 
priédiéati(Att  ^  ésm  liaison  VûtÉe  avec  Fdutré ,  qyii  ne 


ai56  Dfi^  PffelSONS; 

pq^rroxit  faîré  qu'une  légère  impression  sur  Teip^'t, 
des  auditeurs.  Cet  inconvénient  est  bien  plus  sensible 
encofe ,  à  l'égard  des  enfans,  qui  ne  peuv-ent  se  passer; 
d'uinê  instruction,  dognrvatique  et  suivie,  sur  la  religion; 
Un  seul  çiumônier  peu^  la  leur  donner  convenablfc*. 
mept;  mâEis  qui  cdncevroit  Id  possibilité  d'un  calé- 
cbisnii^ ,  fait  par  plusieurs  personnes  ? 

I)!un  autre  côté^  il  est  très- important >  sous  plu- 
sieurs rapports ,  que  les  déténus  n'aient  affaire.qu'à  uu 
seul  ecplésiiastique.  La  contioissahce  qu'il  doit  avoir  xje- 
leurs, caractères  et  de  leur  degré  d'instruction  ^  Tîncon- 
vénient  gr^ve ^  même  aux  yeux  d'un  moraliste,  d'uu^ 
changement  fréquent  dans  la  personne  chargée  de 
l'administration  du  sacrement  de  pénit-ence^,  et  la  né- 
cessité,  .pp^Vr  TaumÔnier,  de  se  faire  aimer  des  déte- 
nus., toul  dpit  déterminer  à  charger  un  scid  prêtre! 
de  ceî  service.   Dans  les  prisons  nombreuses  (  qqel- 
qnes-unes  ont  cinq  à  six  cents  prisonniers,  et  sont 
destinées  à  en  contenir,!^  double),  Faumânier  trouvera 
asse^  d'occupation,  pour  ne  pj^s  être  chargé  d'autre» 
fonctions.  Il  seroit  bon  que  ces  grandes  prisons  eussent 
un  aumônier,  qui  leur  fat  spécialement  attaché,  et 
ne  fit  point  partie  du  clergé  des  paroisses.  Chaque  ré- 
giment a  son  aumônier;  cette  institution  honore  la 
piété  du  législateur;  combien  n'est-il  pas  à  désirer, 
qu'on  l'élendc  aux  prisons!  Qui  a  plus  besoin  des  cpn-, 
solation$  et  des  secours  de  la  religion ,  que  des  mal- 
heureux qui,  dans  une  longue  captivité ,  expient  de 
coupables  écarts  !  Et  si ,  ^e  loin  en  loin,,  un  prêtre  ^ 
dérobant  avec  peine  quelques  instaus  d'un  temps  eon-, 
sacré  au  service  d'une  paroisse ,  vient,  àjahâte  ,  visi- 
ter ces  prisons ,  où  sa  présence  est  tyujjour^  si  utile 


7i 
i 


Dû  REGIME  MORAL.  aSy 

croît  on  que  le  but  sera  rempli,  et  que  les.  détenus 
auront  Àuffisamnient  reçu  les  cjonsotations,  les  secours* 
les  conseils  de  la  religion  ?  Non  sans  doute*  Il  faut 
qu'dn  aumônier  soit,  spécialement  iet  exclusivement, 
chargé  de  ces  prisons ,  et  qiu'il  y  consacre  tout  son 
temps  et  tous  ses  soins. 

Quant  aux  prisons  peu  nombreuses  ,  comme  les 
maisons  d'arrêt  de  chaque  arrondissement  ou  méitie 
lès  maisons  de  justice,  elles  sont  ordinairement  peu 
garnies  de  prisonniers^  et  ceux  qu'elles  renferment  n'y 
soiit  pas  pour  long-temps.  Il  n'y  a  d'exception  que 
dans  les  grandes  villes  ,  où  souvent  elles  regorgent 
de  détenus.  A  l'égard  de  ces  deî-nières ,  il  faut  suivre 
la  rèjgle  posée  plus  haut  et  leur  donner  un  âumÔnier 
spécial ,  qui  n'ait  pas  d'autres  devoirs  à  remplir;  n)ais 
pour  les  autres ,  il  seroit  souvent  superflu  de  leur  af- 
fecter un  aumônier  particulier  et  sans  autres  fonctions 
ecclésiastiques.  Quelquefois  même  le  service  de  ces  pri- 
sons jpourra  être  fait  par  un  prêtre  attachée  l'une  des 
paroisses  de  la  ville ,  quand  elles  auront  un  clergé 
assez  nombreux,  pour  ne  pas  souffrir  de  cette  surcharge* 
Mais,  comme  il  est  bon  que  ce  soit  toujours  le  même 
prêtre,  qui  remplisse  ce  ministère,  on  désignera,  parmi 
toiks  ceux  de  la  ville,  un  ecclésiastique,  qui  aura  le 
tîtrfe  et  les  fohctioiis  d'aumônier  des  prisons.  C'est  à 
lui  qu^âppartiendrà  Tinstruction  des  détenus ,  l'admî- 
nistration  des  sacreiiiens et  tout  le  spirituelde  l'établis- 
sement. 

Cette  désignation  n'empêchera  pas  les  autres  ecclé- 
siastiqueàde  visiter  les  prisons.  Elles  leur  seront  tou- 
jours ouvertes;  mais  ces  prêtres  n'y  auront  aucunes  foncr 
tions,  ni  aucune  autorité;  l'aumônier  sera  chargé  de 


s 


^îi  DE^  PRlSOlNfS.      ^ 

ibtit  lé  Service  et  lès  autres  né  puurotlt  ieiiipru^  que  Je 
liâfaféVètés  missions,  qnîiië  le  dispéûs^rbiit  d^aôcuii  de 
ici  deVoîfs.  L'bfasèi^vâtîôfa  dfe  cëitë  règle ,  est  îiiclispeji- 
sàbfé,  p6lir  garantit*  Futiite  dé  rénseigiierùènl  et  le 
àacctfs  dés  le^on^9  d6gn)àtii}ueÀ  où  iubralcs,  que  rece- 
vront les  prisonliièrs. 

Jusqu'ici  tibué  n'avoh^  pa'rle  qiiè  des  Iniuîstfèis  ct'tiné 
iétiTë  religion  ;  tuais  il  peut   arriver,  et   i)  arriverai 
inëtnc  auvent;  que  dés  prisonniers  dé  déiix  croyances 
iâeifôiit  réunis  dans  là  même  prison.  La  Charte,  qui  as- 
iùj^é  nos  franchises  natrohàTes,  ne  permet  pas^  qu'on 
j^ùitôe jamais  foréér  la  libeff ëdes  èoiièciencés ,  et  Thôm- 
îné^  dans  les  fers,  doit  toi]jours  être  le  iiiaîfre  d'ado- 
rer ïlliéù,  comme  sa  conséieuce  le  lui  comniijudè.  Ct 
séroît  iiùnc  violer  oùvertérVient  Tuu  des  droits  lès  plu^ 
précieux  dé  l'homme  en  sbcTétë,  que  dé  soumettre  au 
[ôugcfunerèirgionqtii  n'est  pas  lasienne,  celtiiqniale 
malheurd'êtrè  en  prison.  Nourris  au  seiii  de  l'eglise  ôi- 
âioliquev  supposons-nous  y  pour  un  rnoment ,  dlans  la 
triste  position  d'^un.détehu  d'otot  la  conscience  même 
^'est  plus  libre.  Un  arrêt  sévei^e  l'arrache  à  sesfoyers,  à 
ses  amis,  à  sa  famille.  Privé  de  toù^e  consolation  exté- 
rieure ,  il  lui  restoit  celle  de  la  foi  de  ses  pères ,  de  cette 
doctrine  encourageante  é(  sùb1imé,qui  fait  une  vertudu 
repentir  et  ûh  devoir  de  résperàhce.  C'est  au  pied  de« 
àutcls,  c'est  dans  leseînd'uà  prêtre,son)ufi;eetsou  père, 
qu'il  cspcrôit  déposer  lé  poids  de  ses  douleurs.  Mais 
une  police  intolérante  le  plonge  dans  une  prison ,.  où 
Ton  ne  suit  que  la  doctrine  de  Calvin  ,  et  les  lois  du 
pays  ne  permettent'  pas  rexercicê  public  d'un  autre 
culte.  Plus  de  ces  cérémonies  augustes  et  touchantes , 
auxquelles  son  enfance  avoît  ^té  accoutumée  et  qui  lui 


btj  REGIME  MORaL  2Ô9 

iàiuf oient ,  aa  moins  pour  un  instant,  rappelé  les  jours 
où  il  étoit  libre;  pins  de  ces  instructions  paternelles^  Si 
propres  à  soulager  un  cœur  ulcéré,  dont  la  religion  peut 
seulx; adoucir  les  douleurs;  plusdeces  épanchemenssa- 
lutaireSfd^oàrânie  révient  toujours  plus  éclairée  et  plus 
Vertueuse;  ihais  un  culte  éiustère,  dont  toutes  les  prati- 
ques attristent  son  cœur  et  révoltent  isa  conscience  t 
des  exei'cices,  atixquels  il  né  peut  assister  sans  crime  , 
et  qui  remplacent  le  sacrifice  de  la  croix  ,  dont  il  est 
privé,  enfin  des  discours ,  scandaleux  pour  lui,  011  sa 
troyance  est  attaquée ,  son  culte  déprécié ,  et  dont  il 
n'ose niérae ,  qu'avec  défiance,  admettre  la  morale. 
Quel  tourment  de  ne  pouvoir  pas  même  reposer  dans 
le  sanctuaire,  an'e  âme  déchirée  par  tout  ce  qui  Tentou- 
re!  quel  état,  que  celui  où  Ton  a  perdu  jusqu'à  la  liberté 
de  la  prière  ! 

Telle  seroit  pourtant  la  déplorable  situation  à\m  dé 
nos  frères,  dans  une  prison,ioùon  ne  lui  laisseroif  pas  la 
consolation  d'adorer  Dieu  comme  radoroiént  ses  pères. 
Devons  nous  être  aussi  cruels,  envers  ceux  qui  ont  le 
malheur  de  ne  point  partager  notre  troyance  ?  Ah  ! 
rendons  à  ces  infortunés  le  bien  que  nous  demande- 
rions pour  nobs-roémes!  Que  leur  conscience  soit  tou- 
jours libre,  jusque  dans  les  fers  :  la  loi  des  hommes  le 
veut  et  la  loi  divine  avoit  dit  avant  les  siècles  :  Ne 
fais  pas  à  autrui  ce  que  tu  ne  voudrois  pas  qu'on 
te  fît. 

Cependant  cette  lelérance  ne  doit  pas  aller  ^  suivant 
moi,  jusqu'à  salarier  des  aumôniers  non  catholiques» 
D'après  la  Charte,  la  religion  catholique  est  celle  de 
TEtdt ,  c'est  la  religion  légale  en  France ,  et ,  toutes  le^ 
fois  que  le  Gouvernement  fonde  un  établissement  reli« 

19 


ïgb  bÉS  PRISONS. 

gîèii* ,  ce  fié  lient  être  cjn'tirt  ftâMîsseiftîfeirt  cathôl^rt(*. 
Aihsi ,  darié  totitèâ  \h  pH^ôïîs  tie France.  lè<:iiHe  ^éM- 
tàl  et  |)bb!ic  doit  #tre  ceinî  dé  fe  irell^ôil  fcâtlrôtît^tie. 
Maïs  chaqifé  j[)*-isôîlrtSer  cteît  i^îrtrt^  !é  fbàtthé  é'obëtf 
à  sa  eoriscîéfncè  et  de  se  faire  assister  f^r  ïeS  hilhtstfi^é 
de  sa  relîgîbii.  Tôtis  lès  cidttes  Sèrôlent  pèrttiîs  Aàtts  \H 
prisôtis ,  tous  les  rhiniàtres  y  séfoletit  aditits,  à  là  thfit^ë 
touiefoîs  de  se  Fâifè  autoriser;  filâîs  jaitiâîs  ihiié  pîiHr- 
roîent  faîfé  partie  irfëgranté  dfe  r^âdmînîsIraUtin^ 
fcommë  rauroôhîer  (cdttiblîqtlè.  Lnî  sëé\  téc^^voîi 
comme  aultaôriier,  uh  tràitettient  dti  tnJsrtfrôyM^  lui 
seul  seroit  cônsîdéiré  rbMtlié  fdildidnnalVé  ^iMîe^ 
puisque  lui  Seut  séroïl  lé  hittiistf e  de  la  i^^ti  èé 
l'Etat;  mais  les  autres  )otiiVbIé^t  d^  hnVt^  la  liberté 
possible  dans  l^xërcite  de  helis*  tnltd  La  libéHë  d^S 
cultes  ne  consiste  pas  à  salarier  les  ministre^  d^  tMtH 
les  religiôhis,  hi^is  à  n'en  défrhdre  tinchnlï  et  k  Ifes  cou- 
vrît d'une  ëgalè  pt*otectîoYi.  "C'est  àîttsî  qta^  t'oti  potii^ 
i-oît ,  ce  me  semble  ,  cbrttîlîèr  là  libèrtë  dés  tt>fi8^ 
triedces  avec  le  respect  à'tt  à  là  iieligiot)  ée  l'£tM« 

iiExnakià  Dtvîàiàlsf.  De  nù^Vrtrctlèil  t'eligîc^ï&è  {»6ùr  ÎA  hmkiim 

Nv>t7s  avofis  feit  voir  t^ù'il  rall<yit  àtookli^iént  diVisef 
les  prisonniers  eh  deux  classée ,  d'api*èl$  te»r  égpe,  pour 
leur  enseigner,  avec  fruit,  les  connoissances,  purement 
humaines,  dônl  ils  ont  bi^oin  ;  cWtè  diti^ion  ïi'est  pas 
moinis  nécessaire ,  quant  ii  l'e^seignemient  rfe  la  reK- 
gidn.  Les  enfans,  restés  j^ur  la  jplt^pârt  dans  knir  i|jfno- 
rance  native  ,  étrangers  aux  premiers  principes-,  anx 
dogn)es  fondamentaux  de  la  rettgioB,  comtap  aux 


bb  èEGlME  IVÏÔRAt.  294 

t^sAféstès  doctrines  du  crime  ^  ont  besoin  d'nibt  im^ 
ttuetion  eon)plè4e,  qm  leur  enseigne  en  même  iKnifis 
te  dogme,  et  la  morale;  mais  ils  so»!  loinik' cette 
dépravation  profonde,  qui  repoosseks^  idées  reliffien- 
ses.  Il  fant ,  à-  ienr  égard  ,  faire  nn  Térkabie  cM^ehis- 
me  9  et  lenr  âge ,  encore  tendre ,  garantit  la  docîlilé  ^ 
tni  an  moins  la  souiAission,  qn'ib  f^orteroivt  aux 
leçons  de  Taumènier. 

Mais  Tobligatiofà  d'y  assister  pourroit  ébre  insuppor  - 
table  aox  détenus  pai^eniis à  l'âge  mûr.  Pëhéti*és  de 
Tidée,  souvent  très-fausse,  qu'ils  connoissent  asset 
imw  religion ,  Sis  seroient  hunaj^iës  de  se  voiir  pUés  à 
tinjoag,  qo'ilsont  tovijoilrs  reganié  comme  réservé  à 
Vefttknice,  et  cette  atteinte  à  ran%oilr-propre  est  £fHte 
ponr  les  dëtoorner*  de  ce  genre  d'instructions.  O'ua 
antre  côté  \  il  est  presque  certain  qn'ib  s'y  porteraient 
avécune  véritable  répugnance ,  bientôt  change  en  dé^ 
goût  pour  ces  esprits  prévenns ,  et  que  l'efiet  de  cet  as- 
«njétissemént  seroit  de  leur  inspirer,  pour  la  religion , 
mt  éloignement  dé^iterable.  ' 

Le  but  seroit  doâc  mantf  né  entièrement;  on  n'aurok 
pu  apprendre  aux  hotnmes  faits ,  ni  dogmes,  ni  mô^ 
rate,  puisqu'ils  n'auroient  apporté  aux  tèço^s  qu'on 
^esprit  indocile  ou  mal  disposé,  et  on  les  adroit  dé^ 
tournés  de  Famonr  de  la  relt^on  ^  anqtiel  H  faut  toii^ 
^ours  tâcher  de  les  ameneir.  Comment  vaincre  ènsnite 
tette  répugnance  ,  qu'on  anrott  maladroitement  fait 
naître?  Comurient  faire  goûter  la  religion^ des  bom^ 
tnes ,  qu'on  auroit  accoutumés  à  n'y  ^oîr  que  la  plus 
ennuyeuse  contrainte ?„Le  plus  important,  c'est  de 
taire  aimer  la  religion  :  celui  qui  est  redevenu  chrétien 
dans  le  cœur  cherchera  bien t et  à  retrouver  les  liuni^ 


ïgi  DES  PRISONS. 

^m  lut  manquent;  mais  celni,  que  les  instrivctions 
auront  dégoûté  d^avànce ,  sera  bien  peu  disposé  a  ren- 
trer dans  la  bonne  route  \.  si  où. la  lui  présente  encore 
ïiérissée  des  épiikés  qui  Ten  ont  .jadis  écarté. 

D'aîlleulrson  Remarquent  qile  les  hommes  faits  n'ont 
pas  besoin. de  la  même  instruction  q^ie  les  enfans.  Ils 
ne  sont  pas^  comme  ces  derniers,  dans,  une  .ignorance 
complète  des  dogmes  de  la  religion.  Dans  leur  enfance» 
Ils  ont  reçu  des  leçons ,  qui  né  sont  pas  entièrement 
perdues  pour  eux.;  le  temps,  les  passions ,  une  longue 
habitude  d'irréligion  en  ont  saâs  doute  affbibli  le  sou- 
venir,  et  émoussé  rimpression»  Mais  il  est  encore  pps- 
siblede  ranimer  ce  feu  tout  divin^  enfoui^usles  ruines 
de  leurancienne  innocetice;  ilsuiBt  de  rappeler  à  Tesprit 
les  grandes  vérités  qu'il  a  connues^pour  leur  rendre  leur 
première  force  et  les  faire  encore  briller  d'un  vif  éclat. 
On  n'aura  donc  pas  besoin  de  relever ,  pièce  à  pièce , 
tout  l'édifice  de  la  religion,  dans  la  cœur  des  criminels 
d'un  âge  mur.  Si  l'on  parvient  à  la  leur  faire  aimer  ^ 
ils  sauront  bien  se  rappeler  eux-mêmes  des  idées  » 
qu4k  n'ont  jamais  Oubliées ,  mais  qu'ils   écartoient 
comme  importunes.   C'est  donc  à  Tâmour,  plotôt 
qu'à  la  connoissance  de  la  religion,  qu'il  est  nécessaire 
de  lés  ramener  ;  et  le  premier  moyen ,  pour  y  parve- 
nir, c'est  d'éviter  de  leur  inspirer,  par  avance ,  du  dé- 
goût pour  le  culte ,  en  les  forçant  de.  partager  des  le- 
çons ,  qui  les  humiliroient  et  auxquelles  on  suppléera 
facilement. 

En  religion,  être  convaincu  ne  suffit  pas,  il  faut  être 
persuadé ,  et  c'est  par  le  cœur  qu'on  persuade.  Vaine- 
ment auroit-on  épuisé  tous  les  argumens  de  la  dialecti- 
que ,  toute  la  science  du  théologien  ;  si  l'on  n'a  point 


DU  REGIME  MORAL;  %g\ 

tduché  le  cœor,  on  n'aura  rien  fait.  Ce  ne  sontrpas  det 
docteurs,  mais  de  bons  chrétiens,  qnel'on  doit  s'efforcer 
de  faire  dans  les  prisons.  Que  les  tié tenus  ne  passent 
point  les  bornes  d^une  instruction  élàîientalre  i  pco-* 
portîonnëe  à  leur  intelligence  et  à  leur  condition , 
mais  au  moins  qu/ils  aient  une  foi  vive  et  sijacère , 
que  leur  cœur  s'ouvre  à  Tespérance.,  à  la  oharité,  vefr 
tus  divines ,  qui  sont  Fabrëgé  de  tons  nos  devoirf 
sur  la  terre.  Les  vertus  sont  éesr  sentimens  et  non  pa& 
des  opinions  f  tachons  donc  de  tourner  ponr  les  déte- 
nus la  religion  en  sentiment  ! 

On  trouvera  peut-être  que  ce  n'est  poînt  à  nous , 
simple  laïc ,  à  trïicer  aux  ministres  de  la  religion  la 
marche,  q^i' ils  doivent  suivre^  dans  l'œuvre  importante 
de  rittstcifction  des  détenus.  Loin  dénoua,  sans  doute, 
l'orgueilleuse. idée  de  vouloir  ici  donner  des  leçons  à 
ceux  de  qui  nous  en  devons  recevoir.  Mais,  sur  nne  ma:: 
tière  aussi  grave  el  aussi  intéressante.,  chacun,  ne  peut- 
Il  pas,  sans  présomption,  soumettre  le  résultat  de  ses  rër 
flexions  au  jugement  de  ceux;  qoi  peuvent  l'apprécier? 
Le  désir  de  voir  les  prisonQierc^  devenir,  un  jour  des 
hommes  vertueux  et  de  bons  chrétiens  nousa  constam-r 
ment  guidés  dans,  notre  travail  et  nous  engage  encore 
|i  entrai?  ici  d^ns  quelques  détails,  sqr  les  moyens  que 
l'aum&nier  pourra  prendre,  pour  consommer  sa  bien.- 
{disante  mîssioii.  . 

Il  nou$  semble  que ,  pour  inspirer  mix  détenus  d'un 
âge  mûr,  le  goût  et  l'amour  de  la  religion ,  il  faudrôit 
.  éviter  soigneusement  avec  eux  le  ton  et  les  formes  dogr 
matiques.  Que  le  ministre  des  autels  leur  parle  de& 
grandes  vérités  de  la  religion  ,  qu'il  leur  rappelle  sout 
yent  'cette  révélation  consolante.et  terrible,  qui  £^t  U 


^0  ms  BRISONS. 

hsAse  du  .dvriskîanisrne  ;  mais  quTi  ëvile  à  hinr^  yen^fl^L 
paPo4iTe  donner  des  lecofi&  et  faire  an  cfiurs.  Qu'il  ne 
^oimnce  pas  de  loiigs  dbeoiixs^  q«i'il  irerffreprentie 
pnsd&saraniei  et  nWtkadiqiics  dîsseàrtaèkynsv  sor  (a  fia- 
liire.  des  iotirmens  éttriiels  et  du  bonhenv  c^lesle; 
n^ais  qu'il  fasse  treinHer  son  undîtoire,  à  lot  vue  d'un 
Dira  jmlie«neni  irrité  et  qu^rl  essaye  les  larmes  du  ^èé^^ 
sespoir ,  enrmpntravtt ,  ém»  une  pterspective  pen  élei-^ 
f^ée ,  le  rep«sde  tootes  les  dciNuleuvs  et  ki  récompease 
tie  lous  les  maux  y  sonf  fei^s  «a  vue  de  Dieu.  Ses  paroles 
doivent  être  graves,  ses  diseears de  peu  d'#endiie;  les. 
gfMidesîi^msiiipsnesofit  point  dluraLles^filne  faut  pas 
pister  le  copnr  se  refroidir ,  lorscfn'dn  lu^  a  fait  éprou- 
ver ces  stfntvjcnens  affiectusefu^?!  et  tendres,  qui  sonlsl 
propves  àtlfenlnretenir  dafis  des  disposions  Pêfigceuses^ 
jsii  kwr  hûssef  le teivrps  de  se  remettre ,  après  qu'i4  a  reçu 
c«&  comniM»tioiis^cîs»ves^  que  dél«rminent  qœlqnefois 
tottt'  à  coup  uive  conversion ,  depuis  long-temps  charn 
cel<iE»te. 

S&  vtoniirois  èone  qoe  yaumâii^r  0herehâl}  tou)^^^ 
À  tomber  ses-  aiTdtteiirs,  et,  qjn'après  avoir  prodini 
IVffet  qii^ifl  a4<(eïtdiôft ,  it  n'allât  pas  plus  lern  ,  pont  ne 
pas  dét^uiote  Iwi-m^me  sou  ouvrage.  0n  conçoit  çpt\m 
«alëéhîsme  n'entre  poitv  rien  dans  im  pton  sedabii»ble. 
Q»nelq%ves  prédications ,  heaueonp  de  coijfiér^nces  el 
d'entretiens  particuliers  ,  tels  sont  les  omy^ens ,  qnise 
présentent  à  oe$  homme  utile,  ponr  foire  tout  le  biea 
qu'il  est  sfpçmlé  à  réMiser.  Quelques  ohsoryations  soni 
#neore  nécessaires  sur  la  mamère  cte  les  empk>3f er. 

Il-  noms  a  semblé  que  Tanménier  (broi%  bien  d'évfter 
tsiat  ce  qui  donneroif  à  ses  discours  un«  coufeer  dog*^ 
piàtiqnef  Cependant  nous  sommes  loin  de  penser  qu'il 


'       DU  REGIME  MOBAL.  3^» 

doive  s'j^steDir  d'y  metire  une  suitp  et  pn  ordre,  pro; 
{^re$  à  cpnduir^  suçce$$iverpejil  le§  |;^r^Q}inier$  à  la  coa- 
noî^^T^ç^  d^  topt  l'^qiçeinblp  die  1^  reljgiQi).  Cielte  mé- 
tb^nW  j  reçxj^ni^qdée  pfir  UD.  bftnirpe  }i<^ile  dans 
le  gr^^^l  ^t  ^e  rédqc^tioii  eX  çoiisamrpjé  d^qs  la  pra- 
jtiqf%e.f4e^  d?yoir^  Je*  plus  fljîfl6icile3  4e  l'^postpi^,  pat 
Fénéjon.,  £u>^s  semble  plus  Cc|p^hle  que  jtoute  autre. 
^  capl.iv^  les  esprit^  dç  ceu|;  qqe  l'oP  yéut  în^truir^. 
^t  de  fpnrair  à  Tor^leiir  chrétîeo  d,es  spjete»  jtpupuraL 
in^tr^c^Ufs^t  tQujour^  $i\|pstfi^tî^l§.  Jj'^ijni^jiler  des  pri- 
ions feia  4o,uc  bien  ;(îie  t^ïiyre  cel,te  uc^éljxode  t  qui  ne 
p^ut^tre  qu'avaiU^eei?^  ;  ov^is,  il  ;5ur^  §pip  de  I.e 
liWft»^  de  fp^pi^re  ^  ije  pjis  s'aliéner  d'avjjioce  son  audi- 
toire ,  en  lui  fais^^t  ervtrçvqîr  jiae  lop^^ia  ,§uite  d'ins- 
trucii<;»n^,  qpi  le  rebutecQÎ^nt.  Il  peut  dpnc.étre  utile, 
qu'il  np  li^isse  coni^Q^tre  sqn  plau  .qu'à  «piipsure  qu'il 
iav^AC^ra ,  etj^eplem^nt  ^i^î^pt  qp'il  $,<u-;a,péc^^ire  poujP^ 
faire  «^j^ir  l'eQ^emble  dp  ç^.floct^ip^, 

41e  voodrqi^  aus^i  que  r^umi^i/çr  Ri  f^n  sprtfi  d,eprQr 
dpir^  9ur  r^çprit  f:|ç  ^  j|^d^te^ris  ,tppte  l'impre^ion 
4)q$sibl)er<!t  qu'il  trouvât  le  njoyen  dj^  }^  in^éreçs^r  et 
4e  lepr  feîre  aifoei' s,ies  prérlic^tianj?.  Qçtte..|^ctie  n'e%t 
,p^  ,a(issi  di{lgcî|e  et  ^i^^i  suhprd(^npé,e  ^u  talent  4^ 
V^i^^^Ur^  qu'op  ppuçrqit  se  rîm^in,er..Ç^  n'est  p^s 
d^  «Çf^rfs  d'^loq^^nç^e  qu'il  fallut,  pow  tpuplxer  |.qs 
.prîsonnî|Çj;sji:'^$jt  pn  tpp  de,siflaplfpit,é,  fjebpntécoipr 
^p^tîf«^Q|e;  c'iesl.l>rt  (|e^isir  les  Qcc/a^ipnjS,  qiii  fïppr 
^ent  Ji^at  (Je  fpr<re  s^}f,  t}i^Qi»rs  qu'/çU^Si^t  iu§pir|çs., 
p'est  mjàn  r^tteQti^n  ^  ae  jf^sdi^«  fles/çjf^p?^  vague^^i 
ni^isà  J^^,paç^^r>.^  audîteuiis  ftue  d'jul^i'ét^  qui  1^, 
.çe^qpupeftt^  ^e.^jçttjpji^ps  flp'iU.epfQjiyept , 4)^vf9.e- 


«96  ©ES  PRISONS. 

mens  qui  les  aient  frappes.  Que  Torateur  sacré  m^ 
ses  larmes  à  celles  des  malheureux  ,  qu'il  doit  his-s 
trnlre  et  consoler ,  qu'il  leur  montre  Télernelle  misé- 
rîçonle ,  toujours  prête  à  pardonner,  quand  les  hom- 
mes sont  inexorables,  qu'il  tire  le  sujet  d'instructions, 
graves  et  touchantes  de  la  mort  d'un  d^enire  eux , 
d'une  grâce  accordée»  ^'une  convalescence ,  qn'oa 
p'ospft  pas  attendre ,  il  sera  sûr  d'être  écouté  avec 
plaisir  et  d'avoir  déposé,  dansdescœui^  préparés  à  les 
recevoir ,  dçs  semences  qui  fri|ctifieront.  Les  yérîtës. 
générales  sont  froides ,  inanin^ées  ;  c'esit  avec  les  parti- 
cularités que  l'on  remue  le  cœur  de  l'homme.  Ne  nér 
gligeonjs.  pas  ce  puissant  ressort,  avec  ceux  qui  ont  le. 
plus  besoin  de  changer  de  sentimens. 

Il  faudra  donc ,  autaat  que  possible ,  que^left  rnstmcv 
tions  de  l'aumônier  se  rattachent  à  quelque  circonsf- 
lance  particulière  aux  délemiS,  c'est-à-dire,  qu'eUes 
leur  soient  appropriées  d'une  manière  spéciale.  Des 
prédications,  bonnes  pour  toutes  les  classes  de  fidèles^ 
ne  font  une  impression  bien  vive  sur  aucune.  Cepen- 
dant on  ftsX  obligé,  dans  le  monde,  où  toutes  les  pror^ 
Cessions  sont  confondues,  de  les  embrasser  toutes  dans, 
des  exhortations  générales.  Mais  à  la  prison,  il  n'y  a 
qu'une  seule  classe  d'hommes,  ce  sont  des  détenus; 
la  perte  de  la  liberté  leur  imprime  un  caractère  géné- 
ral ,  qui  semble  concentrer  tous  les  atitres  en  un  seul« 
On  n'y  voit  plus,  à  proprement  parler,  ni  puissans,  ni 
foibles ,  ni  maîtres,  ni  domestiques  ;  on  n'y  trouve  que 
lies  prisonniers.  L'aumônier  ne  devra  pas  négliger  de 
tirer  parti  de  cette  circonstance.  Il  n'odbliera  jamais 
qu'il  prêche ,  qu'il  instruit ,  qu'il  administre  des  prî^^ 


DU  REGIME  MORAL.  297 

<.5nnîers,  et  cette  îdëe  domÎTiante  imprimera  à  lôiUes 
jies  paroles  une  coulenr  k)cale ,  et  un  pathétique  natu-* 
rel ,  qui  \és  rendront  toujours  éloquentes* 

Aux  prédications  générales,  qu'il  renouvellera  aussi 
souvent  que  sa  prudence  le  lui  conseillera ,  l'aumônier 
devra  Joindre  le  secours  de  fréquentes  conférences 
avec  les  prisonniers ,  soit  réunis ,  soit  isolés.  Ces  en- 
trevues ,  presque  familières  i  sans  compromettre  sa  di- 
gnité, lui  fourniront  les  moyens  de  connoître  leur 
véritable  position ,  et  de  leur  donner  les  conseils,  dont 
ils  ont  besoin.  Il  y  trouvera  souvent  plus  de  facilité  à 
ramener  ces  hommes ,  qu  une  mauvaise  honte  eût 
peut-être  reténus,  en  présence  de  leurs  compagnons, 
^t  qui  ne  resteront  pas  insensibles  à  (les  instances  près**' 
santés  et  affectueuses,  auxquelles  aucun  l'espect  hu-:» 
main  ne  mettroil  plus  d'obstacle.  C'est  là ,  c'est  dans 
ces  exhortations  confidentielles,  qui!  peut  faire  un 
puissant  usage  de  toutes  ces  circonstances  individuelks, 
qui  donnent  tant  de  prise  sur  le  coeur  de  Thomm*  ; 
Le  nom  d'une  épouse  regrettée ,  celui  d'enfafis  chéris» 
le  souvenir  d'un  vieux  père,  prêt  à  descendre  dans  la 
tombe ,  et  qui  ne  demande  au  ciel  que  de  sercer  dans 
ses  bras ,  avant  de  mourir ,  «n  fils  revenu  de  ses  éga- 
remens;  voilà  des  ressorts,  qui  sont  toujours  à  la  dis- 
position de  l'aumànier ,  et  que  rarement  il  emploiera 
sans  succès.  Au  nom  dés  personnes  qui  lui  sont  chères, 
au  souvenir  d'un  bonheur  qui  n'est  plus,  mais  qui 
peiU  renaître ,  le  criminel  le  pli^s  en  garde  contre  s^ 
sensibilité ,  sentira  son  coeur  s'attendrir  malgré  lui. 
Son  regard  cessera  d'être  farouche ,  sa  bouche  de  s'oU" 
vrir  pour  le  blasphème  ;  cette  convulsion  habituelle , 
qu'il  ,prea4  pqur  effort  de  courage ,  fera  place  à  un 


^9»  wsjB^  vhmim. 

4i^a4  4)fiot^Uar  $a  paupière.  C'e^t  le  qlQo^^^t  décisjf  ; 
sî  la  nature  a  reprises  d|:oit$<,  If^  rjeli^au.,  J'h^imeur  | 
refitenéroM  h\aa\ài  leqr^mpjir^.  Qm  ramiÀpi^r  (^ai- 
sififiiQ  avec  h^inleté  l'occaataB  qjM'il  ap^a  (^ji^  paîtte  # 
qii'fii^'en^are  fh  ça  coeur^  .pendant  .qç^'Ufesjt.f/Direfisible 
à  ^3  i^lh.arta.t;iQn&  to^te3j^.iei'|ieljie^i;;..^u'U  le  icUrj^, 
pendaot  <i|ii'ii  e&t  fleMhlç  ;  ;0L  âa  cojif  q^lUs  isit  as^iné^ 

Cepiewiaiit  «es  'bannes  di^positiuns  peiïvept  Q'çtre 
que  pasisagères  y  ât^  £^  l'aiiiiï^idr  $e  bjorœ  à  ice;  j>^eaû^ 
$ii€oè$,  il  ÇQjurt  le  l:isque.d'a^yoi^  trav;^llé  (*a,Yâîj^  la9 
fonce  dies  h^itudes ,  l'^KUraîoement  de  T^^^r^ple*  Jle^ 
dîHracUonii^,  qni  viendront  dbsiper  rÎQ3|ires$îaa  salM- 
latre  qu'il  ^ykta  produite,  raoïèaeront  kiei)t6jt  le  pr4* 
«onnîer  à  ^$  preaihsrs  ^^emen$.  Four  'prévenir  (&e 
malheur  I  il  faut  q^ill  entretienne,  qu'il  çuUiv^  1^ 
heureivs^s  dUpo^^tions  fu'il  aura  £ait  j^îtjçe;  qu'il  i^ 
]»i$»e  pas  ce  n»alheure^u  ç^idumr  dp  nauv^au  sou 
irœur,  c^i^  çetorfnher  ^aw.  un  engourdUsepaisnt  fataU 
n>ais  qu'il  s'applique  è  &îf  e  .ge^njb^i:  les  sfismwes  saliv 
taiim,  qii 'il  y  ii  dépfm^is.  Ùesl  .en  pptirsfiÎKdnt  son 
ouvrage,  earedoublaiitd'eflbrU,  paçir|i^în»  toujours 
a^'Sfieer  tiatts  la  bonne  9011^0  ^elui  qp'U  y  ^  raoteoéj 
qu'il  assurera  le  succès  de  sa. ^généreu^e.^Jxepriâe. 
.  De  sefnblables  i>ssulliatts  ne  p.euxrent  s'obtenir  qu'^ 
l'aide  de  firéquentes  eonSéresiQea  av^ç  le§  prisquaiers. 
d^est  la  partie  la  |^us  importan^te  dQs  foutions  ,d^ 
J'aumôaier,  p^nse  qde  ç'esl  par  là  qo'il  peôt  faille  le 
plus  grand  bien.Jjes  prédkatians ,  bonnes  en  générail 
pour  inspirer  aux.prisonntei^  Je  rei^ect  poiir  1^  ipelir 
f^on ,  et  leur  donner  la  fconnoissance  des  grapdes  ve^- 
4ttés  «lii  Christianisme,  sont  moins  prop^^  qqe.li^^ 


DU  REGtMe  MOAÂL.  d^ 

(Kmfëroaeè^ ,  ^  coosommer  les  conversioiis  partici»- 
^èr^  Cesl  cUas  le  secret  de  ces  enti^Hens  expansifs, 
que  ranmâiiier  petit  partenir  à  fanimer  dans  le  cœv 
4^  pirisaiiniera  ;  le  sentiment  de  la  vertu ,  de  Thoiir 
Deor,  de  la  religion  ^  qu'il  peot  les  farnener  au  pied 
de  ces  attela,  qu'ils  opt  fuis  si  leng-iexnps ,  et  les  ré- 
f ikseiKer  àvtc  des  sacremeiis ,  dont  ils  n'étoient  plus 
dtgneau  Ces«ccès  est  réserve  aiaoc  auiDÀpiers;  la  chaire, 
les  visites. aux  .prisonniers,  1^  coi^fencesi  teb  sont 
}e$  Hnoyens  qui  les  y  conduisent. 

Oa  voit  q«e  m»m  attendons  beaucoup  de  la  reli^on 
fit  denses  niintsl'r^sc  Et  sur  quel  secours  ponrrions**.noiv 
fihitAt  compter,  pDui*  Fœnvre  immense  que  nous  nous 
proifkiMns?  U  n^st  cas  donné  à  rho«»nie  de  clianger 
le  crime  en.  vertu,  t'imnaéraiite  en  sagesse ,  Tirrâigion 
en  piété.  C^esl  à  celifts  qui  tiesnt  dans  sa  main  tous  les 
4rœui9 ,  à  les  tourner  isonMne  il  kii  platt  y  et  à  opérer 
cçs  prodiges.  Pour  ifous,  fcâbles  mortels ,  notis  ne  pou>- 
vons  nfm  servir  d'^instrunlens  à  ses  voioolÀ  éternelles. 
Mais  si  Dieu  sdiitieist  nos  tj^avaux ,  s'ii  daigne  nous 
l^dtifier  rexéculioR  des  décvets  de  sa  miséricorde^  nous 
pouvons  marcher  avec  confiance  et  compter  qu'il  hé  - 
nira  nos  effbits.  Livrons-*noQS  donicavec  ardeur  à  cette 
ptVk'rT^  de  charité ,  et  méritons  par  notre  zèle ,  qile 
Jd^ieu'  se  serve  de  nous ,  pour  accomplir  ses  desseins  sur 
iles  hommies,  qui  peaventétre  coupables,  mais  qui, 
tentainerlient ,  ne  sont  point  prédestinés  à  mourir  dans 
le  crime! 

l*ROi8iÈM£  DiTiStiON.  De  Tlnstructlon  religieuse  pour  les  enfans. 

La  tâche  de  Tecclésiastique  avec  les  enfans,  sera 
piiisfapîie,  OKiis  n'exigeca  pas  niotas  de  soinsv  On 


îteû,  DES  PRISONS. 

lenr  doit  une  instruction  cornplèle  et  solide  ;  pour  la 
plupart,  on  a  à  les  disposer  au  plus  auguste  sacrement 
^e  notre  religîpjî^  :  cette  double  fin  montre  assez  reten- 
due et  riniporfance  de  son  ouvrage.  Mais  ce  seroît  en- 
trer dans  des  détails  inutiles,  que  d'examiner. com- 
ment ces  jeunes  prisonniers  doivent  être  ïtistmîts, 
«oit  dans  les  exercices  du  catéchisme ,  soit  dans  les  ins- 
tructions générales,  ou  les  conférences  partîcalîères. 
Il  suffira  de  faire  observer  Ici ,  que  l'on  n'auca  pas  be^ 
soin  des  mêmes  précautions  qu'avec  les  hommes  faits* 
Tou.-ç  les  moyens  peu  vent  être  mis  en  usage  pour  les  ins- 
truire ,  et  ce  n'est  pas  avec  eux  qu'on  devra  craindre  de 
feire  un  cours  dogmatique ,  ou  un  Gatécfai3me.  Prédica- 
tions, conférences ,  soit  générales,  soit  particulières, 
répétition  et  explication  de  catéchisme,  tout  leur 
convient  également ,  et  la  ppiidênce  des  aumôniers 
leur  indiquera  duquel  de  ces  modes  d'enseignement , 
l'emploi:  deviendroit  nécessaire.  En  général,   il  sera 
presque  toujours  bon  de  les  foire  concourir;  mais  dans 
tous  les  cas,  il  nous  semble  qu'on  ne  pourra  jamais  se 
dispenser  de  faire  ,  aux  jeunes  prisonniers,  un  caté«' 
çhisme  régulier. 

Au  surplns,  le  zèle  et  l'expérience  des  ecclésiastiques.  > 
chargés  des  fonctions  d'aumôniers,  leur  indiqueront, 
bien  mfeux  que  je  ne  pourrois  le  faire ,  les  moyens  de. 
tourner  au  bien  des  cœurs  encore  tendres  et  dociles, 
et  Ton  peut  avec  confiance  s'en  rapportera  eux,  pour 
Taccomplissement  de  cette  œuvre  de  charité» 

Section  h.  De  V éducation  des  prisonniers. 

ÂPPaENDnte  aux  enfans  qu'ils  ont  des  devoirit  à  recn^ 


6U  REGIME  MORAL.  ^oi 

plir,  leur  dire  quels  sont  ces  devoirs,  et  comment  ils 
doivent  s'en  acquitter ,  tel  est  le  point  oii  Ton  s'arrête 
le  plus  souvent  dans  Téducation ,  parce  qu'on  n'a  pas 
assez  réfléchi  sur  lanrranière  dont  se  forment  l'esprit 
et  le  cœur,  et  sur  l'origine  des  sentimens,  qui ,  suivant 
la  direction  qu'ils  prennent  ou  qu'on  leur  donne,  de- 
viennent à  la  longue  des  vices  ou  des  vertus.  Mais  ceux 
qui  ont  approfondi  le  cœur  de  Thomme,  et  cherché 
les  ressorts  qui  le  meuvent,  i'econnoi3sent  qu2  des  le- 
çons ,  apprises  ou  suggérées ,  ne  sont  rien  sans  l'expé* 
rience,  et  que  l'homme  ne  sait  jamais  bien  que  ce 
qu'il  a  appris,  par  lui-même ,  et  en  réfléchissant  sur  les 
impressions  qu'il  éprouve.  Un  maître  intelligent,  pé- 
nétré de  ces  principes,  ne  se  borne  pas  à  tracer  à  soa 
élève ,  les  pensées  qu'il  doit  adopter.  Il  tâche  de  le& 
lui  faire  trouver  à  lui-  même  ;  il  l'amène  à  penser,  plu- 
tôt qu'il  ne  l'instruit  directement.  Quant  aux  senti  - 
meiis  )  il  ne  lui  dit  point  qu'il  faut  aimer  son  père ,  ho- 
norer Dieu ,  mépriser  l'improbité^  mais  il  s'arfange 
de  manière  à  ce  qu'il  éprouve  des  sentimens  d'amour 
filial,  de  piété,  d'horreur  pour  le  vice.  Il  n'oublie 
pas  que  les  choses  les  plus  indifférentes  en  appa- 
rence ,  et  dont  oh  s^aperçoit  le  moins  soi-mêm<* , 
sont  quelquefois  celles  qui  laissent  les  impressions  Jes 
plus  durables;  et ,  partant  du  principe ,  fécond  en  mo- 
rale, de  la  liaison  des  idées,  il  tiche  de  préparer  des 
associations  d'idées  heureuses ,  et  d'écarter  celles  qui 
pourroient  avoir  des  résultats  fâcheux.  Pour  atteindre 
ce  double  but,  il  tâche  ^e  placei:  toujours  son  élève 
dans  une  position,  qui  Vanuène  à  penser,  de  la  manière 
dont  il  veut  le  diriger ,  et  s'occupe  en  même  temps 
de  prévenir ,  soit  en  évitant  les  occasions ,  soit  en  don- 


\ 


3o>  DES  PR1SOÎ5S. 

liànft  é'avmte  à«o«  élève  lies  conseils  prii^eiis,  l'inî^ 
)»i'essio«  funeste,  que  pt^tirroient  lai€(9er  en  loi  certaineé 
ibiftremstMices» 

La  coRdmte  que  cet  homme  «âge  tiendroît  avec  sevf 
élève  est ,  eh  j^iticipe ,  celie  qu'il  faut  teoir  à  i  egaixl 
des  pmimnievs ,  si  Tan  veut  obtetiir  qntlqne  succès, 
dans  l'œuvre  de  ieui*  conv^ersion.  C'e^t  «ne  sorte  &é-^ 
dueafion  morale,  qu'il  fentleur  donner,  po«r rendre 
efficaces  et  agissantes  les  diverses  leçons  qn'its  aui*ot>t 
reçues.  Nous  avons  montré  par  quiets  mej^n$  on  pon^ 
voit  leur  rendre  s^éable  le  métier  qu'ils  apprendront^ 
et  l'emploi  de  ces  moyens  e0t  déjà  une  partie  Irès-tm- 
portante  de  cette  éducation,  dont  noiis  nous  oecnpotia 
en  ce  ilo^nleiit.  Mais  il  est  encore  df^autres  idées,  eux- 
quelles  les  auront  préparés  les  teçdns  de  rinstitutèur , 
et  qu'il  est  à  désirer  qu'iU  combinent  par  eo«-mfémes  « 
pour  qu'elles  fassent  sur  euM  une  impression  plus  lort«, 
et  que  la  persuasion  qu'ik  en  auixmt  soit  plus  inlimcf^ 
Ai«si^  le6  instruiCtiona  leur  auront  déjà  fait  eeainottre 
Tontre  social  et  sa  nécessité ,  la  vertu  et  ses  avantages , 
la  religion  et  ssk  grandeur;  mais  il  est  intéressant  q«'tls 
se  persuadent  eux-mêmes,  et  par  leurs  propres  ré^ 
flexions  ,  ces  grandes  et  indispensaliies  c^inoissaaees. 
6i  ces  idées  leur  sont  suggérées ,  élites  langt^oet  sans 
force  dans  leur  esprit ,  et  ne  passeront  jamais  J4i6cpi'à 
leur  fC(wur.  Si  9  au  contraire^  eiks  ont  genmé  en  en%f 
ils  les  secrtiront  vivement ,  et  en  éprouvèroot  i'effiet  i« 
plus  puissant  et  le  pins  avantageux. 
>  Cependant ,  on  ne  dont  pas  se  borner  à  aHendra 
qu'elles  viemienl  natufeUement  à  kur  eaprit.  Eike 
pourroieiit  ne  {l'y  jamaiis  pinésefiter,  ou  être  beaueoop 
trop  tardives,  et  l'éducation  morale  a  pour  objet  fie  pra-" 


'     bt  JREGiME  MORAL.  3o3 

voqiierlâf  tiaissance  (ïe  f  ont«scespensëe6t  qui  ne ppnvent 
pas  être  snggéréés^  mais  tji\'i\  est  si  important  de  faire 
naître.  Le  moyen  d'arriver  ice  résultat,  c'est  de  pré- 
parer aux  prisonniers  des  liaisons  d'idées,  qili  les  aniè- 
nent  à  penser,  à  sentir,  comme  on  peut  le  déstref*« 
Voyoné  comment  on  peut  appliquer  cee  principes  à 
leur  sitoâtion. 

tAftAôttAFDS  VlifiMilui.  Ue  Im  nice&Biêi  de  faire  eonnoUha  é$ 
mmmr  Vx^atdre  uociai  mux  jpriê^fmiers. 

Qo'ÉffT-cc  ^ie  l'ordre  social ,  l'une  des  idées  lâ$ 
plus  importantes  à  donner  aux  détenus?  C'est  l'étut 
de  choses,  ^ii  résulte  de  la  réonidn  des  hommes  en  so- 
ciété ,  et  ^ni  fait  que  cette  société  subsiste.  On  voit  qa^ 
t:ecte  idée  sie  compose  d'tm  fait  et  d'un  droti:  l'exif* 
f  ence  de  la  société  ^  ou  l'état  social ,  et  les  règles  qui  ie 
nftâivrtiennetit ,  qui  complètent  l'idée  «l'ordre  social. 
JPoiir  comprendre  l'ordre  social,  il  faut  doué  avoir 
,  une  idée  jnsle  de  la  maniera  dont  les  hommes  vivent 
en  sociélé,  c'tst-à-ilkre ,  de  l'état  socaaU  et  des  avan«- 
tagesi,  qni  résultent  pour  l»i  de  cette  manière  d'être; 
Y»nis  ilfa^tt  èonnottre  les  règles,  sans  lesquelles  cet  état 
'et  choses  ne  poiirroit  subststeret  en  sentir  la  nécessîttf. 
Telles  sont  l'ëtaMissemewt  d'nn  ponvciir  direcleiir^ 
^argë  et  toute  l'administration ,  la  somnission  de  toins 
«nx  volefniés  exprimées  du  son^rerain ,  la  contrilHitiQn 
^Mx  cbatiges  pnbHqoes,  ete.  Quand  on  sait  aippréder 
le3  avawtogeâ  de  la  société  et  la  néceesitd  des  relias 
'Aaliliea  pcmr  la  tiia«nfte>nir ,  on  eonnoftt  et  oo  aime 
iWdre  socîah  C'est  ie  pcÂntoù  il  finit  amenar  las  d^ 


/• 


3<54  DES  PRISONS. 

Sans  doute  cette  entreprise  est  difficile  avec  là  plii^ 
part  d'entre  eux;  tous  ont  violé  le  pacte  social^  et,  pu-* 
his  par  la  force  publique  pour  cette  infraction  au  traité^ 
ils  doivent  être  disposés  à  regarder^  la  société  comme 
leur  énnetnie.  Mais  ceux  qui  vi  voient  d'une  profession 
réglée  i  et  qu'une  faute  passagère  a  fait  frapper  d'une 
Condamnation ,  connoisseiit  l'ordre  social ,  qui ,  pen^ 
dant  long-temps,  lésa  protégés,  et,  pour  la  plupart, 
ne  demandent  qu'à  y  rentrer.  A  leur  égards  Touvraga 
est  presque  fait  d'avance.  Leursdispositionssont  bonnes^ 
il  suffit  de  les  entretenir  et  de  ne  point  leur  faire  haïr 
Tordre  établi ,  par  des  rigueurs  inutiles  ou  un  abandon 
absolu. 

Mais  il  est  d'autres  prisonniers-,  pour  lesquels Fordre 
social  est  inconnu  ou  odieux.  Presque  tous  les  enfana 
se  trouvent  dans  la  première  classe;  la  seconde  com- 
prend les  brigands >  les  vagabonds,  les  hommes  sans 
profession ,  sans  domicile.  Pour  ces  hommes  imitio^ 
raux ,  la  société  n'est  qu'une  proifi  à  dépouiller  «  ou  utt 
ennemi  dont  il  faut  se  défendre.  Il  en  est  beaucoup  qui 
ne  counoissent  de  Tordre  social  que  les  gendarmes  qui 
les  ont  arrêtés  V  le  tribunal  qui  les  a  condamnés,  et  le 
bourreau  qui  les  a  flétris.  Ils  arrivent  dans  le  lieu  de 
leur  détention,  avec  la  haine  de  la  société;  les  idéea 
qu'ils  y  ont  toujours  attachées  ne  sont  que  des  idées 
pénibles,  ils  ne  doivent  la  voir  qu  avec  horreur.  C'est 
de  cette  prévention  funeste^  qu'il  faut  s'efforcer  de  les 
faii^  revenir,  si  on  veut  les  remettre  sans  danger  aa 
milieu  de  la  société  à  Texpiration  de  leur  peine. 
,  Le  premier  pas  à  faire ,  c'est  de  les  amener  à  recon- 
nottre  les  avantages  de  la  société  et  des  lois  qui  en  ga* 
rantissent  l'existence ,  et  de  les  dégoûter  de  cette  cri* 


DU  REGIME  MORAL.  3o5 

minelle  indépendance^dont  ils  avoient  fait  rhabitodede 
leur  vie.  On  tiy  parviendra  qu^en  les  mettant  dans  le 
cas  d'avoir  besoin  do  secours  des  autres  honrmes,  ou 
du  moins  de  sentir  qu'ils  en  auront  besoin  par  la  sdite. 
Mais  comme  ildoit  toujours  leur  sembler  plus  doux  de 
consommer  dans  l'oisiveté  «  le  produit  du  travail  des 
faohiraes  laborieux  ^  que  de  travailler  eux-mêmes ,  pour 
se  procurer  une  existence  bonnéteet  assurée»  il  faut  les 
amener  au  point  de  penser  qu'il  est,  en  définitive, 
plus  avantageux  de  suivre  la  route  de  riionneur  que 
ceUe  du  crime,  et  leur  faire  sentir  les  dangers  et  ieS 
suites  fâcheuses  de  leur  ancienne  conduite. 

Cette  tâche  comprend  toute  Téducation  des  prison- 
niers; elle  en  est  le  but  principal,  et  tons  les  soinàf 
qu'on  prendra  pour  leur  amendement  doivent  y  fendre 
plus  ou  moins  directement.  Dans  le  moment  actnef, 
il  s'agiroit  de  leur  ôter  l'idée  corruptrice,  qu'il  est  plus 
commode  dé  vivre  des  produits  du  vol  que  du  fmit  de 
son  travail ,  en  leur  faisant  sentir  les  funestes  consé* 
queocesdu  crime,  opposées  à  la  tranquillité  honorable, 
qui  fait  la  récompense  des  hommes  laborieux ,  et  com« 
prendre  la  prééminence  du  travail  sur  tous  les  autres 
moyens  d'acquérir.  On  y  parviendra,  si  Ton  réussit  à 
lier  intimement  à  l'idée  de  leur  crime ,  celle  de  la  pu* 
nition  qu'ils  endurent,  de  manière  qu'ils  aient  toa-^ 
jours  présentes  à  Tesprit ,  dans  le  même  nioiSl^nt ,  leur 
mauvaise  conduite  et  les  peicies  qui  eii sont,  pour  eux, 
le  résultat.  Je  voudrois  qu'on  put  les  amener  au  point 
de  ne  jamais  sentir  le  malheur  de  leur  position ,  sans 
se  rappeler  en  même  temps  les  déportemens  qui  les  y 
ont  précipités.  La  réunion  constante  de  ces  deux  idées- 
auroit  pour  effet  de^leur  faire  haïr  leur  conduite  passée, 

lO 


3©fr  DES  PUISONS, 

et  de  les  nmener  à  se  dire  à  eux-mêrnes  qu'il  est  d'aû-^ 
très  nKjyens  moins  dangereux  de  gagner  sa  vie.  L'hâ* 
bitude  du  travail  les  atnèneroit  en  raênie  temps  à  pen- 
ser qu'il  en  est  de  plus  sûrs  et  de  moins  précaires,  dans 
l'industrie  et  réconomie-  Une  fois  parvenus  an  point 
de  travailler  pour  vivre,  ils  sentiroient  eux-mêrnes  la 
nécessité  de  la  société,  qui  fournit  à  l'homme  le  con- 
cours des  forces  de  ses  sen)blable5,  et  des  institutions 
sociales,  qui  garantissent  sa  vie  et  sa  propriété,  pendant 
qu'il  est  occupé  à  son  travail.  Dès  que  Thomirre  est  de- 
venu propriétaire  par  son  industrie,  il  tient  aux  choses 
que  son  (i avait  lui  a  procurées,  et^  comme  il  né  peut 
les  sui  veiller  continuellement ,  lisent  la  nécessité  d'une 
force  protectrice,  qui  lui  en  assure  la  conservation» 
Tel  est  le  changement  qu'il  faut  tâcher  d^opérer  dans 
les  détenus. 

Pour  amener  à  ce  point  des  hommes^  aussi  eUtiemis 
du  travail  que  le  sont  ordinairement  des  prisonniers, 
il  faut  donc  premièrement  leur  faire  connoitre ,  par 
leur  propre  expérience ,  ce  que  c*est  que  propriété. 
Nous  verrons,  dans  le  paragraphe  suivant ,  comment 
on  parviendra  à  leur  rendre  cette  idée  très-familière.  • 
£n  second  lieu ,  il  faut  leur  faire  sentir  que  le  travail 
est  le  meilleur  moyen  de  devenir  propriétaire ,  en  leur 
faisant  horreur  des  voies  criminelles  ,  qu'ils  sui  voient 
jadis,  pour  se  procurer  l"s  objets  de  leurs  besoins  ou 
même  de  leurs  désirs.  C'est  pour  arriver  à  ce  résultat 
qu'il  faut  s'efforcer  de  lier  dans  leur  esprit  l'idée  de 
leur  crime  à  celle  de  la  peine  qu'il  a  provoquée.  Ici 
la  législation  peut  beaucoup.  £n  France  surtout , 
cet  objet  réclame  instamment  les  méditations  des 
hommes  d'Etat^  et  quand ,  sous  Tiniluence  d'un  Roi, 


pu  REGIME  MORAL.  Soy 

dont  la  sagesse  nous  promet  de  fortes  et  durables  îns  - 
titntions,  il  sera  question  de  porter  «ne  utile  réforme 
dans  Je  système  de  nos  lois  criminelles,  «ans  dpute  nos 
législateurs  chercheront  à  rendre  les  peines. pins  effi- 
caces, pins  proportionnées,  et  surtout  plus  propres 
à  rappeler  sans  cesse  le  délit  et  à^  en  iqspirçr  le  re- 
pentir. 

Maïs  comment  établir ,  entre  la  peîpe  et  le  délit ,  ce 
rapport  intime  qui  les  rappelle  tout  à  la  fois  Tun  et 
l'autre ,  et  qui  joigne  ces  idées  d  une  manière  indisso- 
luble? Il  en  est  plusieurs  moyens.  Le  premier  et  le 
plus  nécessaire,  si  l'on  vent  introduire  quelque  réforme 
dans  notre  système  de  pénalité,  c'est  de  diviser  l'é- 
chelle des  peines  beaucoup  plus  qu'elle  ne  1  est ,  et  d'é- 
viter,  autant  quo  posi>ible,  de  punir  de  la  même  ma- 
nière des  hommes  condamnés  pour  des  crimes  tout 
différens.  La  même  peine,  appliquée  à  deux  hommes, 
dont  les  crimes  présentent  une  disparate  évidente , 
cesse  d'être  le  châtiment  de  tel  ou  tel  crime  en  parti- 
culier, pour  n'être  plus  que  le  châtiment  banal  de 
l'immoralité.  Quand  un  banqueroutier,  un  homme 
coupable  de  viol,  un  voleur  de  grand  chemin  et  un 
rebelle,  attachés  à  la  même  chaîne^  se  voient  assujétis 
aux  mêmes  travaux,  ce  supplice  commun  ne  lenr 
rappelle  point  assez  formellement  le  crime  qu'ils  ont 
comjnis,  puisqu'il  est  le  même  pour  tous.  Rien  de  ca- 
ractéristique ne  rappelle  à  chacun  d'eux  sa  mauvaise 
foi  dans  le  commerce ,  sa  criminelle  et  brutale  passion, 
ses  nombreux  brigandages,  son  insubordination  à  des 
ordres  souverains.  Dans  la  communauté  des  peines 
qu^ils  subissent,  ils  oublient  la  cause  spéciale,  qui  les 
plonge  dans  les  fers,  pour  ne  plus  voir  dans  leur  capti* 


^o8  6ES  PRISON». 

vite  qu^fi  ^pKce  gëiiérsil ,  qui ,  par  cela  tùtmé,  eesâe 
de  paraffine  k  suite  directe  de  lenr  faifte. 

Il  û'éti  serott  pas  de  même ,  si  chaque  clas^  ée  de- 
lits  avoit  ufi  genre  de  peines  correspondant;  SLpptopné^ 
autant  qne  possible^  à  la  nature  des  fautes  qu'elli» 
seroient  destinées  à  réprimer.  Cette  muitiplicatîon  des 
degrés  de  la  double  échelle  des  délits  et  des  peine^^ 
n'est  pasune  chimère;  quelque  nombreuses  que  soient 
les  fermes  revêtues  par  te  crime ,  il  est  de  grandes  dH-^ 
visions^,  dârts  lesquelles  se  classent  distinctement  les 
divers  genres  d'immoralité  dont  Thunianité  *  est  trop 
^nvent  souillée,  L'existence  d'un  Gode  pénaf  (et 
quelle  nation  n^a  pas  le  sien?  )  prouve  la  j^ossibiBté  de 
cette  classification.  L'échelle  des  délits  est,  en  gén&ai, 
assez  complète;  le»  omissions  y  sont  rares  et  feciles 
à  suppléer.  On  penl  donc ,  sans  témérité ,  se  proposer 
de  partager  cette  Itete  affligeante  en  phisieurs  divisions, 
basées  snr  la  nature  et  sur  la  gravité  des  déf îts ,  et  éta- 
blir Kéchelte  corrélative  des  peines,  de  manièi^  que 
chaque  genre  de  délit  soit  puni  par  une  peine  p&rficu- 
Hère ,  analogue  ik  sa  nature  et  propre  à  corriger  le 
condamné ,  en  lui  mettant  continuenement  sous  les 
yeux  Fîdée  du  crime  qui  Fa  attirée  sur  sa  tête. 

Dam  notre  Code  pénal,  en  appliquant  les  peines 
aux  délits,  on  semble  n'avoir  songé  à  fes  graduer  que 
parla  gravité,  et  avoir  fait  abstraction  de  la  nature  des 
fautes,  qui  doit  cependant  entraîner  lesr modifications 
fcs  plus  importantes;  et,  satisfait  dTavoir  rangé  dans  la 
même  classe  hesdélits,  qui  paroissoient  avoir  le  même  de- 
^de  criminalité  et  les  mêmes  inconvéniens  pour  la  so- 
ciété ,  on  s'est  peu  inquiété  de  donner  le  même  châti- 
ment à  des  coupables,  dont  les  fautes  n'ont  aucun  rap- 


DU  REGIME  MORAL.  309 

pmt  entre  elles.  Cette  classification  superficielle  est 
vicieuse  à  plusieurs  égards  :  d'abord  elle  viole  ce  prin- 
cipe d'égalité  relative,  qqi  veut  que  la  même  p^ine 
ne  soit  appliquée  qu'à  des  condamnés,  également  capa- 
bles delà  supporter  et  égalemeot  sensibles  à  sa  rigneur.^ 
Si  le  législateur  a  voulu  punir  au  même  degré  lefaqssairje 
et  le  voleur  de  grand  chemin,  il  s'est  sans  doute  mépris, 
en  envoyant  Fun  et  Tautre  aux  travaux  forcés.  Le  pre- 
mier-, ordinairement  habitué  à  une  vie  sédentaire,  à  ccs^ 
auperfluités,  qui  deviennent  des  besoins  pour  la  classe 
bourgeoise,  à  laquelle  il  appartient  presque  toujours,. 
est  in<^àpable  de  supporter  les  travaux,  la  nourriture 
et  le  régime  des  bagnes ,  auxquels  le  second  ,  formé 
aux  travaux  rustiques,  ou  endurci  depuislong^tempscon* 
tre  rinclémence  des  saisons,  s^accoutumera  facilement. 

Ces  deux  condamnés  ne  subissent  donc  pas  réellement 
une  peine  égale  ;  le  premier  est  puni  bien  plus  sévère-^ 
ment  que  le  second,  et  cette  inégalité  doit  produire  sur 
leur  esprit  des  impressions  fâcheuses. 

n  en  est  de  même ,  en  sens  inverse,  de  la  peine  de 
la  réclusion,  qui  se  trouve  appliquée  à  certains  crimes,^ 
exclusivement  commis  par  des  villageois,  et  qui,  à  Té- 
gard  de  ces  condamnés,  est  bien  plus  sévère  que  pour^ 
le  faussaire  en  écriture  privée ,  à  qui  cependant  il  est 
clair  que  le  législateur  n'a  pas  voulu  faire  de  faveur. 
Faire  d'un  laboureur  un  fabricant,  le  priver  d  air 
et  renfermer  dans  un  atelier ,  c'est  le  punir  plus  sévè- 
rement que  le  citadin,  à  qui  l'on  inflige  la  même 
peine ,  et  qui  n'y  perd ,  après  tout ,  que  sa  liberté. 

Gei^  deux  exemples  font  voir  combien  sont  inégales , 

4an9  leur  résultat  ^  les  mêmes  peines,  appliquées  à  de& 

.   homfnesd't^ne  condition  différente.  On  pourroil,  é^ir 


f 

I 


3io  DES  PRISONS. 

ter ,  au  moins  en  grande  par]Lie ,  tret  inconvénient ,  eit 
plaçant  dans  la  même  calégorîe ,  pour  la  peine,  cçux 
dont'  les  crimes  annoncent  un  rapport  dans  la  profes- 
sion. 

L'un  des  moyens  à  prendre  pour  étendre  TécheUe 
des  peines,  de  manière  à  ce  qu'elle  répondît  à  celle  de:8 
délits,  seroîf  d'y  faire  entrer,  comme  élément  de  clas^ 
sification^  la  nature  des  travaux  auxquels  seroient  oc- 
cupés les  condamnés.  On  y  trouveroit ,  et  c'est  Filan- 
gierî  qui  le  remarque,  le  moyen  d'introduire  une 
grande  variété  dans  les  peînes.  On  peut  ajouter  à.  cette 
observation  que  cette  variété  donnerait  ta*  facilité 
d'approprier,  plus  qu'on  ne  l'a  ftiit  jusqu'à  présent  » 
la  peine  au  délit.  Ainsi,  au  lieu  d'envoyer  le.banque- 
routier  frauduleux  nettoyer  un  port  de  mer  et  se  livrer 
à  des  travaux,  trop  pénibles  pour  .'^r  foiblesse,  et  d'ail- 
leurs entièrement  disparates  avec  son  crime,  on  le 
renfermeroit  dans  une  maison  de  travail ,  où  ,  réduit 
à  la  condition  des  ouvriers  auxquels  il  commandoit 
naguère,  ilapprendrôit,  en  se  livrant  à  un  travail  ma- 
nuel, à  apprécier  le  mérite  d^une  vie  laborieuse  et  éco- 
nome. Ainsi,  le  voleur  de  récoltes,  malheureux  cul- 
tivateur, qu'une  grêle  a  peut-être  écarté,  pour  la  pre- 
mière fois,  du  chemin  de  la  probité,  ne  seroit  point 
renfermé  dans  une  étroite  enceinte,  pour  y  apprendre 
l'industrie  et  les  vices  de  la  ville;  mais  on  l'employé- 
roit ,  en  plein  air ,  à  des  travaux  corporels  ,  qui  entre- 
tîendroîent  sa  santé  et  ses  forces  et  ne  lui  feroîent  pas 
oublier  son  innocente  profession. 

C'est  ainsi  que,  par  une  classification  plus  exacte,  on 
parviendroit  à  faire  des  supplices  eux  mêmes  de  véri- 
tables moyens  d'amendement  moral ,  et  à  faire  cesser 


DU  REGIME  MORAL.  Sit 

une  égalité  injuste,  et  contraire  an  but  véritable  des 
lob  pénales.  La  saine  politique,  Thunianité,  la  justice 
même  ,  toiit  doit  engager  à  réformer  Téchelle  des  pei- 
nes et  à  en  multiplier  les  degrés,  autant  par  la  nature 
que  par  la  gravité  des  délits. 

Cette  classification  des  peines  leur  ôlera  déjà  ce  va- 
gue ,  qui  contribue  à  les  rendre  si  peu  efficaces  ;  mais  il 
est  encore  des  moyens,  autres  que  ceux  puisés  dans  le 
genre  des  travaux,  qui  pourront  avoir  reflfet.de  lesca- 
ractériser  davantage  et  d'établir  entre  elleset  les  crimes 
qu'elles  punissent  ,  une  relation  tellement  intime, 
que  ces  deux  idées  deviennent  inséparables  dans  l'es- 
prit des  condamnés.  Ces  moyens  consistent  principa- 
lement dans  l'addition  de  certains  signes,  qui  spécifie- 
roient  chaque  genre  de  crime  et  le  rappelleroient  cons- 
tamment  au  condamné.  Ainsi  les  différens  crimes 
pourroient  être  distingués  par  une  marque  visible,  que 
le  condamné  porteroit  toujours,  et  qui  seroît  pour  lui 
un  avertissement  continuel  et  salutaire.  L'infamie  atta- 
chée au  bonnet  vert  subsiste  encore ,  malgré  l'abolition 
de  cette  peine  ;  c'est  un  exemple  que  l'on  peut  imiter 
avec  succès  Pourquoi  même  ne  l'einploieroit-on  pas, 
pour  signaler  à  l'opinion  vengeresse ,  les  coupables  de 
banqueroute  frauduleuse,  ce  crime  si  honteux  et  si 
commun  parmi  nous?  Le  condanmé,  n'ayant  jamais 
d'autre  coiffure  ,  et  obligé  de  revêtir  tou^s  les  jours  ce 
signe  d'une  infamie  caractérisée ,  ne  pojiirroît  éviter  , 
à  chaque  fois  qu'il  le  prendroît ,  de  se  rappeler  son 
crime  et  la  peine  qu'il  endure  ,  et  la  fréquente  répéti- 
tion d'une  telle  idée  auroit  nécéssaîrerpeht  pour  effet 
de  lui  inspirer  la  pîtis  profonde  horreur  pour  le  crîmç, 
cause  évidente  de  son  malheur. 


3i«  DE&  irmsoNS.    . 

•  ^         .  '  ' 

Qnî-  ei^pêcheroit  encore  d'inscrire  en  §fm  wract^r«y 
ypr  la  pprte  de  chaqoe  cellule,  le  crime  do  prisonnier 
qu'elle  renferme  et  la  condamnation  qu'il  a  motivée?' 
ÇeUe  ij;nominIeu9e  inscription)  sous  laquelle  les  coa-* 
damnés  devraient ,  tous  les  jours,  courber  le  front ,  soit 
pour  entrer  dans  leur  cellule,  soit  pour  en  sortir ,  leur 
l^ppelleroit  aussi  d'iKie  manière  continuelle ,  la  faute 
qui  les  a  réduits  en  captivité ,  et  concourroit  encore  à 
imprimer,  à  la  peine  même  la  moins  spécifique ,  ce  ca- 
chet disl^QCtif ,  sans  leqqel  elle  De  produirait  que  pea 
d'effet. 

C'est  par  ces  divers  moyens  qu'on  parviendra  à  lier 
ensemble  les  idées  de  crime,  de  bonté ,  de  châtiment^ 
c'est-à-dîre,  a  faire  abhorrer  le  crime ,  de  ceqx  qu| 
l'ont  commis  sans  hésiter,  dans  un  temps  où  ils  n'a- 
voient  pas  fait  de  9alutaires  réflexions.  Si  les  prison- 
niers en  viennent  à  détester  le  crime  et  à  le  regarder 
jcomme  un  mauvais  moyen  de  pourvoir  à  leur  subsis- 
tance;, ils  sentiront  bientôt  que  le  travail  est  la  seule 
manière  de  viyre  honorablement  et  sûrement.  De  cette 

-  .  '  * 

idée  à  celle  de  la  nécessité  de  l'ordre  social ,  il  n'y  ^ 
plus  qu'un  pas,  et  les  prisonnjkrs  l'auront  bientôt  fran^ 
chi.  Dissuadés  de  la  vie  hostile  et  vagabonde ,  dont  ils 
sentent  les  dangers ,.  et  amenés  à  l'habitude  et  .au  goût 
du  travail ,  ils  reconnottront  la  douceur  et  la  nécessité 
de  l'état  social.  Du  moment  qu'ils  ne  seront  plus  les 
ennemies  de  la  société,  ils  sentiront  le  besoin  d'^trç  $^ 
protéjg;és,  et  de  m<ettre  à  l'abri  de  sa  piii^n€e}eprs  per- 
sonnes et  leurs  propriétés.  Mais  quand  il^  auront  appris 
par  eux-mêmes  à  f^onfipitre  la  néc^îté  de  la  société  e| 
les  avantages  dont  jouissent  se^  membres,  x{$  comprefi^ 
dront,  par  une  cojaséqusiM^ç  pat\4re|içi  qjpe  çc^  ^U^ 


;         ou  REGIME  MORAL.  3i3 

« 

social  ne  peut  subsister ,  $am  rétablissement  d'unç 
puissance  publique,  chargée  de  protéger  les  associés  et 
de  combattre  les  ennemis  communs.  Le  besoin  de  re- 
poser sous  cette  égide  leur  apprendra  à  porter  avec 
soumission  un  joug 9  qui  fait  la  sûreté  publique  :  car  il 
suffit  de  connottre  Tétat  social  pour  Vaimer  et  sç 
soumettre  aux  règles,  dont  Tobsery^tion  est  nécessaire 
à  son  existence. 

Mais  pour  achever  de  leur  faire  aimer  Tordre  social  ^ 
il  faut  faire  en  sorte  qu'ils  en  sentent  Theureuse  in- 
fluence sur  leur  sort,  même  dans  la  prison ,  et  qu'ils 
apprennent  que  la  société  prend  coin  de  tous  ses  mem- 
bres, dans  quelque  position  qu'ils  se  trouvent.  Ainsi 
je  voudrois  qu'ils  vissent  souvent  les  fonctionnaires  qui^ 
pour  eux,  sont  les  représentans  de  la  société,  leur 
faire  des  visites  exactes*  s'informer  avec  spin  de  Tétai 
dans  lequel  ils  sont,  recevoir  Jeurs  plaintes,  y  faire 
droit  9  si  elles  sont  justes,  et  ne  paroitre  dans  la  prisofi 
que  pour  y  apporter  des  secours  et  des  consolations.  Il 
seroit  bon  surtout  que  le  procurenr  du  Roi,  cet  organe 
vivant  de  Tordre  social ,  dont  la  bouche  leur  a ,  pour  I9 
première  fois  peut-ét  re,  fait  entendra  la  voix  de  la  SQçiétf 
outragée,  ne  négligeât  point,  après  Texécution  de  1;^ 
peine,  de  faire  de  fréquentes  visites  dans  les  prisons  de 
présidences  mais  qu'il  n'y  parut  plus  que  pour  répandre 
(je^  bienfaits,   pour  distribuer  des  aumônes ,   pour 
écouter  les  plaintes  des  prisonniers  ,  poqr  leur  donner 
de  sdlutairesconseils,  ou  leur  apprendre  quelque  heu- 
^use  nouvelle.  Ainsi  on  pourroit  lui  réserver  Taqr 
pçace  de  Texpiration  de  la  peine  de  chaque  condamué* 
.  \t  charger  spécialement  de  la  proclamer  j  ainsi  que  (es 
liVUr^publiiç^tiipnft  favorables,  comme  celU  d'm^e  Iqi 


3i4  DÈS  PRISONS. 

d'amnistie,  etc.  Alors  ses  visites  seroient  aânonc<$es, 
attendues  comme  un  heureux  événement.  Les  prison- 
niers apprendroient  a  voir  avec  plaisir ,  à  espérer, 
comme  un  consolateur  ,  cet  homme ,   dont  jadis , 
quand  Ils  s'égaroient  dans  tes  voies  du  crime ,  le  nom 
seul  les  glaçoît  de  terreur.  Ce  contraste,  entre  les  im- 
pressions différentes  que  feroit  sur  eux  la  même  per- 
sonne aux  deux  époquejs ,  est  une  des  leçons  les  plus 
frappantes  qu'ils  puissent  recevoir.  Ils  s'habitueroîent 
à  regarder  comme  protectrices  ces  mêmes  autorités, 
qui  leur  a  voient  d'abord  paru  si  redoutables,  et,  en 
voyant  celui  qui  naguère  réclamoit  hautement  leur 
condamnation  et  les  accabloit  sous  le  poids  des  preuves 
de  leurs  forfaits,  exercer  envers  eux  les  œuvres  de  la 
charité  la  plus  ardente  ef  se  montrer  aussi  zélé  à  sou- 
lager leurs  maux  ,  qu'il  l'a  été  à  provoquer  leur  puni- 
tion ,  ils  sentiront  que  la  société ,  inexorable  pour  ses 
ennemis,  est  la  protectrice  de  tons  ceux,  qui  ne  se  met- 
tent point  en  guerre  contre  elle. 

C'est  ainsi  qu'on  parviendra  à  faire  sentir,  d'une, 
manière  générale ,  aux  prisonniers,  que  l'ordre  social 
est  aussi  avantageux  que  l'état  de  nature  «t  le  crime 
sont  dangereux  et  pénibles.  Mais  pour  achever  l'on- 
vrage  de  la  correction  morale,  ilfaudroitles  amener  au 
point  d'aimer  Tordre  de  choses  établi  dans  le  pays  où 
ils  sont  destinés  à  vivre.  Il  n'y  a  qu'un  mayen  d'y 
parvenir,  c'est  de  rendre  cet  ordre  social  aussi  avan- 
tageux que  possible  aux  associés  et  de  faire  connoitre 
ces  avantages  aux  prisonniers.  Autrement,  il  sera  im- 
possible de  leur  faire  trouver  bon  un  état  de  choses 
dont  ils  n'auroîent  jamais  éprouvé  que  les  rigueurs. 
Cependant  comme  la  société  la  moins  parfaite  a  tou- 


DU  REGIME  MORAL.  Ji5 

Jours,  par  elle-même,  un  avantage  immense  sur  l'étal 
de  nati>re,  il  suffira  que  les  détenus,  par  suite  de 
Tordre  établi,  ne  souffrent  pas  des  rigneurs  inu- 
tiles ou  injustes,  et  qu'ilis  y  trouvent,  soît  pendant 
leur  captivité  ,  soit  après  l'expiration  de  leur  peîne^ 
quelques  secours ,  pour  qu'ils  n'éprouvent  point  de 
répugnance  à  entrer  dans  la  société»  à  laquelle  ils  vont 
être  rendus.  L'exécution  littérale  de  peines  bien  pro- 
portionnées, répi'essives  sans  cruauté  et  supportables 
sans  une  douceur  excessive;  la  perspective  de  ressour- 
ces, préparées  par  une  bienfaisante  prévoyance,  et  la 
connoissance  des  secours  que  la  charité ,  soit  publique, 
soit  particulière,  fournit  à  la  famille,  qu'ils  ont  laissée 
•dans  l'indigence,  leur  feront  bénir  une  constitution 
sociale ,  qui  adoucit  leur  misère  présente  ^  assure  leur 
soit  à  venir  et  doit  continuer  de  les  protéger,  tant  qu'ils 
marcheront  dans  la  rople  de  l'honneur. 

On  conçoit  que,  pour  l'exécution  de  ce  plan ,  il  faut 
que  les  préposés  s'abstiennent  de  tout  mauvais  traite- 
ment, à  l'égard  des  prisonniers.  Rien  ne  doit  détruire 
en  eux  ou  écarter  de  leur  esprit,  l'idée,  si  importante 
à  y  faire  naître,  que  l'ordre  social  n'est  institué  que 
pour  le  bien  commun  desassociés,  et  qu'il  n'en  résulte 
de  rigueurs ,  que  contre  ceux  qui  les  ont  méritées  par 
leiu'  mauvaise  conduite.  L'arbitraire,  la  dureté  irri- 
tent ,  aigrissent  ceux  qui  en  sont  victimes;  si  les  pri- 
sonniers sont  vexés  par  leurs  supérieurs,  la  haine, 
qu'ils  concevront  contre  eux ,  se  reportera  sur  tout  Tor- 
dre social,  et  le  succès  de  leur  amendement  sera  pres- 
que entièrement  compromis.  On  ne  peut  donc  enga- 
ger trop  fortement  les  préposés  à  mettre  la  plus  grande 
douceur  et  la  justice  la  pins  exacte  dans  leur  conduite 


/ 


3i6  DES  FRISONS. 

à  lMg^i*<}  de$  prifoqnîer;»,  CVst  uae  condUîfHi  indis- 
pensable au  succès  de  Tentr^prisey  ù  difj&cile,  de  faire 
comprendre  et  aimer  Tordre  social  à  des  homnies,  qai 
ne  }e  connoissopent  pa3  ou  qui  s'en  ëtoient  déclarés  las 
ennemis. 

varaghaphe  ii.  Des  moyens  d'amener  les  priçp^niers  4 

la  vertu, 

ynEMittRB  DiyisioK.  Dos  iDoyens  de  leur  inspirer  WAée  g^ërale 

de  Tertu. 

« ,  Pour  peu  que  Ton  réfléchisse  sur  le  caractère  gér 
'<  néra)  des  hommes ,  a  dit  Filangieri,  on  verra  quf 
«  si  la  conscience  d'une  bonne,  réputati^  élève  l'âfne» 
«  •  Id  soutient  et  la  prépare  chaque  jour  à  4e  npuveaui^ 
•(  actes  de  justice  et  de  vertu  ^  la  Qonscieqce  d'nn^ 
»  nlauvaise  réputation  la  flétrit ,  l0  dégrade  et  éteint 
«  jusqu'au  dernier  sentiment  d'honnêteté*  *» 

Cette  observation ,  aussi  juste  que  profonde  ,.est  une 
leçon  importante^pour  quicpnque  s'occupe  de  corriger 
les  mauvaises  inclinations  des  prisonnier^.  Avant  de 
les  mettre  sur  le  chemin  de  la  vertu ,  il  f^ut  les  en- 
courager  à  y  marcher,  par  l'espérance  ^'atteindre  le 
but  qu'on  leur  propose ,  la  considérs^tionf  qui  soil  tour 
jours  une  conduite  irréprochable.  Il  faut  rendre  i|ce^ 
coeurs  abattus  le  courage  et  l'énergie  de  la  vjeitu% 
pour  qu'ils  aient  la  force  de  soutenir  les  sacrificef 
qu'elle  commande.  Qu'on  les  laisse  croupir  dans  l'ia* 
famie,  ils  auront  bientôt  perdu  l'espoir  de  recon* 
quérir  une  bonne  réputation  ^  l'attrait  le  plu&  flatteur , 
qui  puisse  engager  l'homine  à  se  porter  au  bien^  Si» 
au  contraire ,  on  leur  présente  dans  un  ayeQÎr  ^  $^1-* 


DU  iVÊGlME  MORAL.  9 1  y 

ifùe  él^gttë  qu'il  soit,  la  ^rspecfive  d\ine  existence 
honorée,  ônpeotespërer  de  les  arracher  à  nn  engotxr-» 
disseittent  immoral ,  dont  souvent  le  désespoir  est  Tu- 
nique esme ,  et  l'opprobre  la  conséquence  inévitable. 
*  D'ailleurs  cette  espérance,  l'un  deè  plus  puissans 
ressorts  capables  d'agir  sur  le  cœur  de  l'homme ,  lé 
prépare  en  même  témpé  à  recevoir  les  leçons  dé  là 
vertu,  en  le  réconciliant  avec  l'idée  de  l'honneur. 
L'homme  a  reçu  en  nais^nt  la  faculté ,'  lântAf  heu- 
reuse ,  tantôt  funeste  de  s'habituer  à  toutes  les  idées , 
qui  se  préisefitent  fréquemment  à  son  esprit.  Né  potii^ 
ébéir  il  l'honneur ,  on  le  voit ,  trop  Souvent ,  se  fami-  , 
KariM^  avec  l'infamie  elle-même,  et  se  résigner  à  l'en- 
courif  voloiitairennenl ,  s'il  a  ei>  le  malheur  de  la  re- 
garder comme  inévitable.  La  perspective  d'un  oppro- 
bre étemel  est  faite  pour  lui  Ater  tout  désir  de  faire  lé 
bien ,  en  l'accoutumant  à  Fidée  de  la  honte.  Dans  sa 
ticfae  résignation,  il  préfère  un  facile  déshonneur  à  une 
eonsidéraflon,  qui  lui  codteroit  quelques  efforts  et  qui 
n'a  pins  aucnn  prix  pour  lui ,  parce  qu'il  s'est  habhaé 
a  penser  qti'il  Pavoit  perdue  pour  toujours,et  qu'il  avoit 
cherché  dans  son  âhie  les  honteux  n^oyens  de  se  con- 
soler de  cette  perte  déplorable. 

Biais  il  ne  peut  conserver  Féspoîr  de  reprendre  sa 
filace  dans  l'estime  de  ses  semblable^,  sans  nourrir, 
avec  cette  noble  espérance ,  une  foule  de  pensées  gêné-* 
retises  et  de  désirs  vertueux.  L'idée,  que  la  considéra- 
ticm  publique  n'est  pas  à  jamais  perdue  pour  lui,  et 
que  ta  tache  rnfprimée  à  son  front ,  n'est  pas  indélé- 
bile, hif  inspirera  une  ardeur  salutaire  pour  s'avancer 
iAins  le  chemin  de  Fhonneur ,  et  pour  fuir  tout  ce  qui 
pottfroit  Veh  écarter. 


3j8  des  prisons. 

C'est  donc  à  persuader  aux  prisonniers  qu'ils. n'ont 
pas  perdu  tous  leurs  droits  à  l'estime^  que  Ton  devra 
surtout  s'appliquer,  puisqu'on  trouvera  d^s  cette  idée 
salutaire,  un  puissant  encouragement  9  et  une  source 
féconde  de  sentimens  nobles ,  et  d'jinspirations  ver- 
tueuses. Si  la  déportation  dans  les  colonies ,  .quelque- 
fois infructueuse ,  parce  qu'elle  est  infligée  s^ns  discer- 
nement ,  présente  de  nombreux  exemples  ^e  crimi- 
nels devenus  d'honnêtes  et  bonscitojens,  dans  le  lieu 
de  leur  exil ,  tandis  que  la  perspective  ignominieuse  t. 
qu'ils  auroient  vu  s'ouvrir  devant  eqx  d^ns  jie^  prisoûs^ 
les  eût  probablement  enfoncés  de  plus  en  plus  dans 
le  crime,  c'est  que  cette  peine  est  uiie  application; di- 
recte du  principe  qi^  nous  venons  de  poser.  Cher- 
chons  les  moyens  d'appliquer  aux  prisofmiçrs  une 
théorie,  déjà  justifiée  par  le  succès  dans  la  pratique. 

La  première  chose  à  faire  pour  y  paryenif ,  c'est  de 
relever  les  détenus  à  leurs  propres  yeux;  de  leur  ôter 
la  pensée  décourageante  qu'ils  sont  voués  pour  toujours 
a  l'iofamie ,  et  que  la  route  de  Thonneur  leur  est  irré-^ 
vbcablement  fermée.  De  telles  idées  sont  faites  pour  dé-, 
grader  entièrement  l'âme  de  ceux  (}ui  s'y  accoutume- 
roient  ;  il  faut  les  combattre  par  tous  les  moyens  possi- 
bles. Mais  pour  le  faire  avec  succès ,  ce  n'est  point  asse^ 
de  les  attaquer  de  front ,  et  de  chercher  à  les  détruire 
par  une  réfutation  directe  ;  il  faut  à  ces  leçons  joindre 
des  faits«  qui  parlent  plus  haut  que  desraisonnnemens, 
et  recourir  à  la  méthode,  que  nous  avons  déjà  indiqviée, 
de  ne  pas  dire  aux  prisonniers  ce  qu'ils  doivent  penser, 
mais  de  les  amener  à  le  penser  d'eux-mêmes.  Ainsi, 
on  ne  se  contentera  pas  de  leur  dire,  qu'on  ne  les  re- 
garde pas  avec  mépris  ,  et  qu'ils  ne  doivent  pas  con- 


DU  REGIME  MORAL.  3c^ 

t^oîr  d'eax-thémes  une  îdëe  trop  désavantageuse, 
mais  on  se  conduira  à  leur  égard ,  comme  ne  les  mé- 
prisant point ,  comme/  n'ayant  pas  désespéré  de  les 
voir  se  corriger,  et  par  là  on  les  amènera  à  penser 
qu'ils  ne  sont  pas  condamnés  à  un  opprobre  sans  ter- 
me ,  qu'ils  peuvent  encore  rentrer  dans  la  bonne  voîe\ 
y  marcher  d'un  pas  ferme,  et  reconquérir-,  à  la  fin 
d  une  vie,  dont  les  commencemens  ont  été  souillés,  la 
considération  ,  due  à  un  repentir  sincère,  «t  à  une 
bonne  conduite  soutenue^ 

Mais  comment  arriver  à  ces  résultats?  Comment 
faire  paroitre  aux  yeux  des  prisonniers,  ces sentimens 
favorables,  qui  peuvent  avoir  tant  d'influence  sur  leur  ' 
avenir?  Par  les  moyens  les  plus  simples  et  les  plus  fa-^ 
ciles.  Il  suffit  d'éviter,  avec  eux ,  tout  ce  qui  pourroit 
les  dégrader  à  leurs  propres  yeux.  Qu'on  ne  leur  inflige 
jamais  de  ces  chàtimens,réputés  honteux,  qui  flétrissent 
l'âme,  en  la  froissant  sous  le  poids  d'une  ignominie  trop 
avilissante ,  et  qui  habituent  ceux  qui  les  reçoivent  à  se 
mépriser  e^x-mémes  ;  qu'on  évite  le  ton  du  mépris  en 
leur  parlant ,  ou  en  parlant  d'eux  en  leur  présence  ; 
qu'on  se  gavde  bien ,  surtout,  de  paroitre  les  regarder 
comme  incorrigibles,  maîà  qu'on  exprime  ,  au  con- 
traire, l'espérance  de  les  voir  devenir  meilleurs,  et  l'on 
aura  déjà  obtenu  l'avantage  de  leur  apprendre  qu'ils 
ne  sont  pas  voués  pour  toujours  à  l'opprobre ,  et  de  los 
garantir  du  mépris  de  soi-même ,  le  plus  bas  et  le  plus 
funeste  des  sentimens. 

A  ces  moyens  d'anoblir  les  prisonniers  à  leurs 
propres  yeux ,  on  peut  en  joindre  de  plus  positifs  ;  leur 
témoigner  directement  et  sans  détour  une  certaine 
confiance,  qui  soit  d'avance  l'heiizeux  augure  de  celle 


326  DES  PRISONS. 

qii^ils  pedvéfit  ^  par  leur  bonne  conduite ,  reconquérir 
dans  la  société.  Par  exempté ,  on  peut  leur  confie^ 
certains  détails  de  Tadministration  intérieurct  qui , 
en  flattant  leur  amour -propre,  leur  inspireroient  eo 
jïiéme  temps  quelques  idées  d'ordre  et  d'économie. 
Mais  il  faut  avoir  soin  queces  fonctions  ne  leur  donnent 
àUcdne  autorité  su^  leurs  compagnons.  Ainsi ,  entré 
autres  estemples ,  on  pourroit  charger  celui  qui  en  se^ 
roit  jugé  digne,  de  distribuer  la  soupe  ott  le  pain  aux 
prisonniers.  Le  besoin  immédiat  que  chacun  d'eux  ai 
de  sa  portion ,  et  la  surveillance  collective  qu'ils  exer- 
^ëroient  tous  sur  le  distributeur ,  préviendroietit  toute 
malversation  de  sa  part ,  et  permettroient  de  le  faire 
îdttir ,  sanâ  inconvéniens,  d'une  innocente  supériorité, 
qui  pourroit  devenir  pou#  tous  dn  objet  d'émulation. 
On  sent  bien  que  de  pareils  services  ne  seroient  pres- 
que d'aucune  utilité  pour  l'administration  ;  qu'en  gé-» 
lierai  les  préposés  n'en  tireroient  aucun  allégement 
réel ,  et  qu'ils  aimeroient  presque  autant  se  charger 
éux-mémes  de  la  distribution  :  mais  si  l'on  peut  trou- 
ver, dans  celte  mesure,  ou  dans  toute  autre  aussi  sim- 
ple ,  un  moyen  sûr  et  facile  de  cohcourir  i  Tarnende^ 
ment  des  détenus,  pourquoi  ne  l'employeroit-oti  pas? 
Pourquoi  même  ne  chercheroit-on  pas  à  Créer  des  es-^ 
pèces  de  fonctions  de  ce  genre,  quand  elles  n'àuroient. 
d'autre  but  que  l'amendement  moral  de  ceux  à  qui  on 
les  donnerôîl?  C'est  dans  cette  vue  que  nous  propo- 
sons ces  moyens,  coumie  très-propres  à  disposer  les 
esprits  aut  idées  d^hoiineur  et  de  vertu,  avec  lesquelles 
on  doit  s'efforcer  de  les  familiariser. 

Ces  divers  moyens ,  employés  avec  habileté,  réveil- 
leroient  dans  le  cœnr  des  détenus  le  sentiment  dé  l'a- 


DU  îiEGÎfttÉ  MORAL.  âai 

rtioi^-pTOpre,  facttlté  si  importante'  à  ranimer  (fans 
«res  Âmes  dhdttiies ,  auxquelles  il  faut  nn  puissant  mu* 
bile.  En  habituant  les  prisonniers  à  désirer  ^  à  recher- 
cher une  supériorité  sans  pou  voir  et  purement  honori* 
fiqne,  on  aura  Tait  un  grand  pas,  puisqu'on  le^  aura 
rendus  sensibles  au  sentinierit  de  1  honnear.  Ce  sera 
heaucoup  que  de  les  avoir  tirés  de  cette  apathie,  qui  se 
résigne  à  la  triste  égalité  de  Tignominie,  et  de  leur  avoir 
fait  désirer  d^  se  distinguer  autrement  que  par  rirn-*- 
pudeur  du  crime.  Mais  il  faut  cultiver  avec  sein  ces 
germes  précieux,  quand  on  sera  parvenu  à  les  déposer 
dans  leur  cœur.  Si  le  sentiment  de  Ihonneur  coin* 
fnence  à  y  renaître ,  il  faut  biefn  se  garder  de  létoafFet 
sons  le  poid»  de  la  honte  ,  mais,  au  contraire  ^  Teutre-^ 
tenir  par  tous  les  n^oyens  {possibles. 

Des  punitions»  des  récompenses,  basées  5nar  le  prin- 
cipe de  la  honte  on  de  l'honneur ,  peuvent  atteindre 
ce  but  a  Fégard  des  prisonniers,  dont  le  cœur  com-* 
ïiience  à  ressentir  des  mouvemens  généreux.  H  fant 
craindre  de  refroidir  nn  élan  ,  toujours  Foible  dans  It 
commencement^  en  les  pliant  de  nouveau  sous  la 
verge  de  fer,  qui  doit  être  réservée ,  pour  ceux  qui  ne 
se  montrent  sensibles  qn'aux  châtimens  afâiclifs.  On 
pent  donc ,  jusqu'à  un  certain  point ,  se  contenter 
avec  eux  de  punitions  purement  humiliantes,  comme 
l'exclusion  d'un  lieu  déterminé ,  l'obligaiion  de  porter 
«n  signe  caractéristique  de  leur  faute,  etc.  etc.  De 
tnémeon  peut,  à  leur  égard,  employer  les  récom* 
penses  honorifiques,  comme  une  place  distingtiëe 
dans  les  exercices  généraux,  ou  une  foible  portion  d  ad* 
Riinistration  ;  mais,  comme  nous  en  avons  déjà  fait 
ailleurs  Tobservalion ,  il  n^  faut  les  distribuer  qti  avei; 

21 


322  DES  PRISONS, 

la  plus  grande  circonspection ,  pour  ne  pasles  avîUr> 
en  les  donnant  à  des  prisonniers  qui  n'en  feroient  pas 
de  cas.  On  fera  bien,  d'aillcnrs,  de  s'arranger  pour 
que  les  récompenses  honorifiques  coïncident  avec 
quelque  autre  récompense ,  matériellement  avanta- 
getise  9  sans  quoi  ces  dernières  serotent  toujours  préfé- 
rées ,  et  le  Ressort  seroit  rompu;  mais,  en  faisant  de 
la  récompense  d'honneur,  un  accessoire  des  autres  ré- 
compenses, on  conservera  la  force  du  ressort ,  et  on  lui 
en  donnera  même  une  nouvelle. 

Enfin ,  dans  cet  ordre  de  récompenses  morales,  qui 
reposent  sur  le  sentiment  de  l'honneur,  il  en  est  une 
que  l'on  nfe  doit  pas  négliger,  ià  cause  de  rinflnence 
importante  qu'elle  peut  avoir  sur  l'amendement  des 
condamnés  :  c'est  la  considération ,  dont  on  doit  faire 
jouir  ceux  que  leur  bonne  conduite  en  rend  dignes. 
Une  récompense  de  ce  genre  ne  se  proclame  points 
elle  n'est  point  accordée  par  un  jury ,  elle  n'a  pas  de 
commencement  précis,  de  terme  fixe ,  en  un  mot,  ce 
n'est  pas  une  véritable  récompense,  dans  le  sens  res- 
treint que  nous  attachons  à  ce  mot  :  mais  c'est  un  avan- 
tage du  aux  actions  louables ,  dont  on  jouit  tant  qu'on 
en  est  digne ,  et  qui  paye  libéralement  des  soins  qu'on 
a  pris  pour  l'obtenir.  Il  est  donc  à  désirer  que  ceux  qui 
peuvent  le  dispenser ,  ne  se  soustrayent  pas  à  ce  devoir 
si  doux  et  si  facile.  Il  faut  si  peu  de  chose ,  pour  témoi- 
gner de  la  considération  à  celui  qu'on  en  croit  digne! 
Un  mot ,  un  geste ,  un  regard  ,  le  son  de  la  voix ,  mille 
choses  presque  imperceptibles,  suffisent  pour  expri- 
mer ce  sentiment  de  bienveillance,  qui  est  tout  à  la 
fois  un  plaisir  pour  celui  qui  l'accorde,  et  un  honneur 
pour  celui  qtii  en  est  l'objet.  Manié  avec  prudence, 


DU  REGIME  MORAL.  3  28 

ce  ressort  peut  agir  puissamment  sur  le  cœur  des  dé- 
tenus. C'est  aux  fonctionnaires  chargés  de  cette  im- 
portante administration,  et  surtout  aux  inspecteurs ^ 
à  raumônier ,  aux  dames  de  ehariïé,  à  l'employer, 
suivant  les  circonstances.  Leur  opinion  est  d'un  trop 
grand  poids  dans  la  prison,  pour  qu'on  ne  désire  pas 
toujours  avec  ardeur  se  la  rendre  favorable ,  et  un  tel 
désir  ne  peut  qu'avoir  les  meilleurs  effets  sur  ceux  qui 
l'éprouvent. 

Tels  sont  les  moyens  préparatoires,  à  l'aide  desquels 
on  pourra  disposer  le  cœur  des  détenus  à  recevoir  de 
salutaires  impressions.  Ces  moyens  peuvent  paroître 
foibles,  parce  que  l'effet  en  sera  lent  et  que  leurs  ré- 
sultats, sur  l'amendement  des  détenus,  ne  se  feront 
senlir  qu'à  la  longue,  mais  il  faut  penser  que  c'est  sur 
le  cœur  qu'on  agit,  que  la  correction  ne  peut  pas  être 
subite ,  et  qu'il  faut  un  travail  long  et  presque  ina- 
perçu, pour  ramener  insensiblement  à  des  idées  saines 
et  à  des  sentimens  honorables,  des  hommes  profondé- 
ment dépravés.  Ce  n'est  qu'avec  beaucoup  de  patience 
et  de  soins, "qu'on  atteindra  ce  hut;  les  moyens  que 
nous  avons  indiqués,  nous  paroissent  propres  à  disposer 
convenablement  l'esprit  des  prisonniers  aux  idées, 
que  leur   éducation  a  pour  objet  d'y  développer.  Il 
nous  reste  a  ei^aminer  comment  on  pourra  parvenir 
à  ce  résultat. 

DBUXIÈM£  DIVISION.  t>es  lïioyens  d* inspirer  la  probité  aux 

prisonniers. 

La  vertu  qu'on  doit  lé  phis  s'efforcer  d'inspirer  aux 
détenus ,  c'est  sans  contredit  la  probité.  L'importance 


324  DES  PKISONS. 

qa^eile  a  sur  la  vie  entière ,  et  la  relation  qui  existe 
entre  elle  et  les  autres  veitus ,  qui  ne  soM  jaftiais  que 
le  principe  de  la  jusiice,  appliqué  à  l'acèom plissement 
des  devoirs  de  Thonime  ou  du  citoyen ,  doit  la  faire  re- 
larder  comme  la  vertu  fondamentale  et  la  source  de 
toutes  les  perfections  rfiorales.  L^hommê  probe , 
c'est-à-dîre,  l'homme  attaché  à  ses  devoirs,  ne  tes- 
pette  pas  moins  t'autoritë  de  ses  supérieurs  que  la  pro- 
priété de  ses  semblables.  Aussi  soumis  aux  lois  civiles 
qn*à  celles  du  droit  naturel ,  il  ne  se  croit  pas  plus 
permis  d'éluder  telle  obligation  que  telle  autre,  et  le 
même  principe  de  justice ,  qui  lui  défend  de  violet  la 
propriété  d'autrui ,  lui  défend  avec  autant  de  force 
.tout  autre  attentat  aux  droits  que  la  société  garantit. 

La  probité ,  prise  dans  son  acception  propre  et  dans 
le  sens  restreint  qu^oii  attache  ordinairement  à  ce  ttiot, 
se  compose  de  deux  idées ,  celle  de  propriété  et  celle 
de  justice.  C'est  à  faire  Comprendre  Tune  et  l'autre  aux 
prisonniers  que  soiït  destinées  en  partie  Tinstruction 
proprement  dite ,  dont  nous  avons  parlé  dans  la  sec- 
tion précédcnte,et  Téducation,  dont  nous  nous  occupons 
en  ce  moment. 

Etre  propriétaire,  c'est  jouir  exclusivement  d'une 
chose  ou  dû  moins  en  avoir  le  droit;  mais»  quant  à  pré- 
sent, il  s'agit  surtout  du  fait.  L'idéede  jouissance  ou  de 
possession  exclusive  est  donc  comprise  dans  celle  de 
propriété.  On  conçoit  que,  pour  y  amener  des  bri- 
gands, dont  je  principe  favori  et  Tunique  règle 
d'action  étoient  la  communauté  des  biens,  il  y  a  nn 
grand  espace  à  parcourir.  On  parviendra  cependant  à 
le  leur  faire  traverser  rapidement,  en  leur  donnant  pour 
guide  rintérét  personnel.  Ainsi  je  ne  perdrois  pas  un 


DU  REGIME  MORAL.  SaS 

temps  prëcieax  à  leui^  expliquer  la  théorie  de  la  pro? 
prtéie;  mais,  paur  leur  faire  sentir  la  force  de  cette 
idée  et  cpmioitr^  Ic^  accessoires  que  chacun  de  nous 
y  attache  >  je  voudroi^  qu'on  leur  fit  acquérir  ces  no-r 
tioii$  par  TexpérieBce  et  que  »  de  tous  les  détenus ,  les 
uns  fussent  propriétaires  et  Us  autres  eussent  le  désir 
et  la  faculté  de  le  devenir. 

Il  ne  s'agit  point  ici  d^la  possession  des  bardés  ou  des 
efTetsikurusage  habituel  et  journalier.  Quelque  exclu-? 
sive  que  ^it  cette  jouissance,  conuxie  touslçs  prison-: 
niers  Font  également  et  n'en  so^t  jamais  privés ,  elle 
est  pour  eu2^  inapperçue,  et  d'ailleurs  unç  cbo^  acquise 
ainsi  sans  travail  n'est  point  assez  çbère  à  son  posses^ 
senr,  pour  l'objet  qqe  nous  no^s  proposons.  Mais  je 
voudrois  que  les  prisonniers  pussent  se  procurer ,  par 
teur  travail  ou  leur  bonite  çonduitç ,  certaines  choses , 
qui  leur  fussent  précieusiçs»  autant  par  leur  valeur  in-^ 
trinsèque  que  par  leur  origine.  Tels  sont  le  gain  qu'ils 
peuvent  faire>  les  primes  et  les  récompenses  qu'ils  peu- 
vent obtenir,  les  jardins  que  l'on  donnera  à  cultiver 
aux  plus  recoiBmandables.  Tous  ces  objets  peuvent 
être  le  but  de  leur  anibition  et  l'on  peut  croire  que 
ceux  qui  les  auront  obtenus  sentiront  tput  le  prix 
d'une  propriété  acquise  à  la  sneur  de  leur  front.  C'est 
Je  travail  qui  doanfi  du  {>rix  à  la  pi'opriété ,  c'est  Iç 
travail  qui  rend  jaloux  de  la  jouîssan(;e  exclusive  de 
Tobjet  ^u'ila  produit;  et  c'est  cette  instructive  jalousie 
qu'il  faut  faire  naître  dans  leçq^ur  des  détenu^.  Elle  leur 
apprendra  combien  il^st  doux  de  recueillirle  fruit  de  ses 
fatigues,  eombien  il  est  crfïal  de  se  les  voir  enlever; 
elle  les  meltm  da«s  La  position  de  ceui^ ,  que  jadis  ils 
dépouiUoienI  de  leurs  pr^prîét^;  elle  leur  fera  sentir 


526  DES  PRISONS. 

enfin  ces  inquiétudes,  ces  alarmes  do  propriétaire,  me- 
Tiacé  de  perdre  ison  bien.  L'homme  ,  qui  aura  éprouvé 
ces  diverses  émotions  ^  n'aura-t  il  pas  une  idée  assez 
nette  de  la  propriété?  n'en  aura- 1- il  pas  un  senti- 
ment bien  plus  vif  que  si  Tons'étoit  borné  à  lui  expli- 
quer les  systèmes  de  Puffendorf  et  d  Heineccius? 

Cependant  4  en  faisant  connoître  aux  détenus  toute 
la  douceur  de  la  propriété ,  il  faut  éviterun  écueil .  qu'il 
iseroit  à  craindre  de  toucher,  avec  des  hommes  aussi  peu 
en  garde  contre  leurs  premières  impressions.  En  leur 
apprenant  combien  la  pnjpriété  est  agréable  et  avanta- 
geuse, on  ne  peut  éviter  de  fenr  donner  en  mêtne- temps 
\e  désir  de  Tagr^ndir,  et  ce  désir,  dans  une  âme  acces- 
sible aux  tentations  de  la  cupidité  ,  pourroit  les  en* 
traîner  à  de  nouvelles  fautes.  Aussi,'  pour  achever  d'en 
faire  des  hommes  probes,  il  faut  leur  inspirer  Tidée  de 
îa  justice  et  leurfaire  sentir  que ,  pour  qu'on  respecte 
leui  propriété,  il  faut  qu'ils  respectent  celle  des 
autres* 

La  possession  successive  des  jardins,  que  chaque 
prisonnier,  ]ugé  digne  de  cette  récompense,  pourra 
cultiver  pendant  un  temps  limité  ,  sera  très-propre  à 
leur  apprendre  ce  principe  de  garantie  réciproque,  qin 
défend  de  Jàire  à  autrui  ce  qu'on  ne  voudroit  pas 
sioufTrir.  Relativement  à  la  possession  des  jardins ,  les 
prisonniers  seront  toujours,  naturellement,  divisés  en 
deux  classes,  tes  uns  qui  en  jouissent,  les  autres  qui 
n^en  jouissent  pas ,  mais  peuvent  espérer  de  l'obtenir. 
Ces  derniers,  ne  se  regardant  jamais  comme  exclus 
pour  toujours  de  l'avantage  de  cultiver  les  jardins  et 
d'en  tirer  des  productions  agréables,  respecteront  les 
fruits,  que  d'autres  auront  fait  naître ,  pour  qu'à  leur 


DU  REGIME  IVÏORAL.  i^f 

tour,  qoand  il  sauront  eux-mêuies  un  jardin,  ils  soient 
surs  de  jouir  paisiblement  du  produit  de  leurs  travaux. 
Cette  alternative  de  possession  et  d'espérance,  dans  la- 
quelle ils  seront  continuellement  placés,  les  h^ibttuera 
à  respecter  des  propriétés,  qui  peuvent  leur  appartenir, 
tandis  que ,  dans  la  société^  c'étoit  la  perspective  d^me 
pauvfeté  perpétuelle ,  qui  leur  faisoit  regarder  comme 
une  proie  toutes  les  possessions  des  riches,  qu'ils  ne 
pottvoient  espérer  d'acquérir,  dans  Tétat  ordinaire  de9 
choses. 

C'est  ainsi  qu'avec  l'aide  de  la  religion,  sans  laquelle 
fous  ces  efforts  seroient  inutiles.,  on  peut  espérer  de 
rappeler  la  probité  même,  dans  des  cœurs,  d'où  elle 
sembloit  exilée  à  jamais.  Il  n'est  pas  moins  important 
de  plier,  par  la  persuasion,  les  prisonniers  à  une  entière 
soumission  et  à  une  régularité  de. mœurs,  que  la  sévé* 
rite  de  la  discipline  ne  garantiroit  jamais  d'une .  ma- 
nière assurée,  et  sanslesquelles  l'ordre  général  seroit  tou- 
jours compromis» 

rmoisjBME  ]>ivis;o>r.  Des  moyens.  d*iivipiver  aux  pcisonnierg: 

la  soiunissiou. 

Ek  général,  l'homme  n'obéit  point  par  un  mouve- 
ment spontané;  il  est  né  avec  un  esprit  d'indépen- 
dance,, qui  ne  se  so4imet  qu'à  la  nécessité  et,  $ans.  la 
crainte  du  mal,'  qu'un  plus  puissant  pourroit  lui  faire, 
ou  le  désir  violent  d'un  bien  ,  qu'il,  ne  peut  acquérir 
qu'en  se  soumettant ,  peut  être  n'obéi roit*il  jamais. 
La  conséquence decette  dispositionà  l'indépendence  est 
que  l'homme ,  qui  s'est  soumis  à. la  nécessité  et  qui  re^- 
connott  qq'il  ne  peut  éviter  d'obéir ,  Sjecévplte  oéa9-< 


32S  DES  PBISONS, 

moins eontre  les  ordres,  qtii  lui  paroisseni:  injiiêleaoïy 
arbitraires  :  tant  saut  (gravés  profoudëment  daiis  soo 
eoeur  le  désir,  le  besoin  de  rindépendanqe  et  Tiiides-^ 
tructible  sentiment  de  la  justice.  Lésé  par  ui^  décision 
i^  liste,  il  oublie  le  joug  inflexible  sous  lequel  il  est 
courbé,  pour  ne  plus  sentir  que  lillégitimité  d'une 
puissance,  à  laquelle  il  ne  se  croit  plus  soumis,  dès 
qu'elle  abuse  de  sa  force.  S  il  obéit  en^çore,^  c'est  quH 
cède  à  une  contrainte  perpétuelle,  qui  ne  peut  cesser 
d'agir,  sans  qu'il  cesse  en  même  temps  d'exécuter  les 
ordres  qu'on  lui  impose.  Il  faut  donc  4]n  ressort  tou- 
jours tendu  pour  le  retenir  dans  l'obéissance;  il  ne 
peut  plus  obéir  ne  lui*méme. 

Cet  état  est,  en  général,  celui  des  prisonniers; ils 
ne  peuvent  méconnoitre  la  nécessité  de  fer,  qui  les  re- 
tient dans  le  lieu  de  leur  captivité,  l'anitorité  desfoDC- 
tionnaires  préposés  à  l'aduiinistration  des  prisoiiSf 
les  moyens  coërçitifs  qu'ils  peu%'ent  employer  cou^ 
tre  eux  et  Timpossibilité  où  ils  sont  de  s'y  soustrati- 
re.  Ils  sont  donc  déjà  dans  la  position  de  cet  homme, 
qu'une"  contrainte  sans  interruption  fod*ce  d-exëeuter 
les  volontés  d'un  maître  absolu  ;  et  l'on  a  ,  dé 
leur  part,  une  soimiission  purenitnt  contrainte,  qui 
Classera  ,  dès  que  la  force  ,  qui  les  assujétit ,  aura  cessé 
d'exercer  son  ejiipire.  Cette  espèce  de  su)é(.ion  ne  doit 
pas  nous  suffire ,  et  s'il  est  vrai  de  dire  qu'il  y  auroit 
de  l'imprudence  à  abandonner  le  pins  petit  moyeu 
de  tenir  les  prisonniers  dans  une  entière  dépendance* 
ii  neseroit  pas  moins  impnylent  de  se  contentera 
îa  contrainte,  pour  contenir  ces  hommes,  gënéraU- 
ment  disposés  h  la  haine  de  Tautorité,  et  de  ne  f»& 
chercher  des  moyens  moins  sévèi^s  »  pour  leur  ifispirer 


DU  REGIME  MOR\L.  3^^ 

x^ne  fioumissioTi  spontanée,  plus  douce  pour  eux  tt 
inoîns  diffîcileà  entretenir.  Ces  m<jyens  consistent  à 
leur  iospirer  la  docilité  et  la  résignation,  quilesainè* 
seront  au  point  d  obéir  sans  répugnance. 
.  La  docilité  est  cette  disposition  de  l'âme,  qui  se  pr^te 
sans  effort  à  exécutée"  la  volonté  d  un  antre.  Aussi 
douce  pour  celui  qui  obéit  qu'ava'utageuse  n  celui  cpii 
commande,  ladocilité  semble 'soumettre  deux  corps  à 
la  même  intelligence.  Elle  est  fondée  sur  la  possibilité 
d'exécut4îr  les  ordres  donnés  et  sur  le  libre  consente- 
meut  de  celui  qui  doit  obéir.  Sans  cette  seconde  con-i- 
dition ,  il  peut  y  avoir  obéissance,  il  n'y  a  point  doci* 
lité.  La  docilité  est  la  soumission  de  Vàaxa  ;  robéissancê 
n'est  qu'une  sou  )tiâsion  physique. 

Ainsi,  pour  qu'on  puisse  compter  sur  la  docilité  de 
ceux  à  qui  on  commande  et  notamment- des  pri^'on^ 
uiers ,  il  faut  d'abord  ne  leur  donner  que  des  ordres^ 
qu'ils  [Hiisseot  exécuter.  Commander  des  choses  ini» 
possibl^^,  c'est  compromettre  son  autorité,  puisque  les 
prisonniers  n'y  obéissent  point  et  qu'on  ne  (leut  les 
en  punir.  C  est  les  habituer  à  faire  peu  de  cas  des  or^ 
ères  qu'on  leur  donne  et  à  examiner,  avant  d'obéir.  Le  ' 
chef,  qui  aura,  plusieurs  fois,  donné  des  ordres impos^ 
6Îbiesà  enécuter,  aura  perdu  la  plus  grande  partie  d^ 
^n  ascendant ,  parce  q^ie  les  prisonniers  seront  habî-^ 
tués  à  ne  pas  regarder  ses  conimauJemens  comme  de$ 
iol&  irrévocables.  ' 

Cependant  ce  n'est  point  assez  que  les  ordres  soient 
loiifoursexécutables;  il  faut  faire  en  sorte  que  les  prison*- 
niei»  consQUtent  d  eux-rnc^mesà  les  remplir  et  qu  oa 
gkt  soit  point  obligé  d»^  les  y  contraindre  :  car  alors,  il$ 
4i'Qbé}iH)iei^t  pluô  par  docilité ,  luais  par  néce^silé  »  in^ 


33o  DES  PRISONS. 

convénient  qiilil  faut  surtout  chercher  à  éviter.  Or  ils 
se  rapprocheront  d'autant  plus  de  cet  assentiment  dé- 
sirable, qu'ils  verront  moins  de  possibilité  de  résister  et 
que  les  ordres  leur  seront  moins  désagréables.  Il  faut 
donc ,  pour  les  amener  à  la  docilité  ,  les  convaincre 
de  la  nécessité  de  Tobéissance,  Leur  faire  voir  qu'il 
leur  est  impossible  d'éluder  l'exécution  d'un  ordre 
quelconque,  ou  de  s'y  soustraire,  sans  encourir  une 
punition  de  discipline.  Pour  cela,  il  faut  tenir  stricte- 
ment la  maiii  à  l'exécution  des  ordres  qu'on  leur  donne- 
ra. Cette  fermeté  les  accoutumera  à  une  obéissance 
prompte  et  sans  murmure  et  à  courber  la  tête  sous 
des  ordres  irrévocables.  S'ils  entrevoyoient  quelques 
moyens  de  les  éluder ,  ils  seraient  moins  disposés  à 
s'y  soumettre  et  ils  chercheroient  presque  tou}oiirs  à 
les  faire  changer.  Mais  l'idée  d'une  autorité  irrésistible, 
ne  leur  laisse  d'autre  alternative  que  d'obéir  avec  ré- 
pugnance ou  de  se  plier  sans  révolte  à  la  nécessité. 

Ils  prendront  toujours  ce  dernier  parti,  pourvu  que 
les  ordres  qu'on  leur  donnera  n'aient  rien  de  cet  arbi-. 
traire,  qui  révolte  les  hommes  jusques  soust  les  chaînes 
les  plus  pesantes  et  qui  va  ranimer  au  fond  de  leur  cœur 
des  germes  d'indépendance,  que  la  force  y  avoit  com-. 
primés.  C'est  de  la  justice  de  celui  qui  commande  que 
dépend  la  docilité  ou  l'insubordination  des  prison- 
niers. Vainement  sou  autorité  seroit  irrésistible  :  si  ses 
ordres  sont  arbitraires  et  injustes,  on  ne  peut  jamais 
espérer  d'obtenir  des  détenus  une  soumission  volon- 
taire et  de  les  amener  à  la  docilité.  Forcés  d'obéir  à 
des  ordres  qu'ils  détestent ,  ils  courbent  la  tête  en  si- 
lence ,  mais  c'est  le  silence  de  la  rage  concentrée  ;  les 
travaux  qu'on  lepr  impose ,  la  discipline,  sous  laquelle 


DU  REGIME  MORAL.  33 1 

an  les  retient ,  les  préposés  qui  transmettent  les  or- 
dres ,  la  société  au  nom  de  laquelle  ils  sont  tyrannisés, 
tout  leur  devient  odieux  ;  en  déviant  du  chemin  de  la 
justice^  on  a  compromis  tout  Tespoir  de  leur  amende- 
ment.  . 

.  Pour  que  les  ordtes  soient  justes ,  il  faut  qu'ils  soient 
entièrement  purgés  d'arbitraire  et  pour  qu'ils  parois- 
sent  tels,  ce  qui  est  encore  très-important,  ils  doivent 
toujours  être  fondés  sur  une  raison  apparente  et  palpa- 
ble. Tel  homme  ne  se  pr^teroit  qu'avec  la  répu- 
gnance la  plus  forte  à  un  ordre,  qu'il  croiroit  émané  du 
caprice  de  son  supérieur,  qui  l'exécutera  avec  la  plus 
grande  docilité,  s'il  croit  obéir  à  nne  loi  générale. 
Cette  observation  ,  dont  on  peut  tous  les  jours  recon- 
iioître  l'exactitude,  est  d'une  application  immédiate 
Bux  prisonniers.  Peu  disposés  à  regarder  comme  justes 
et  dictes  par  l'impartialité  les  ordres  particuliers  ou 
les  décisions ,  qui  ne  concernent  qu'un  individu,  ils 
il 'élèveront  presque  jamais  de  réclamations  contre 
l'exécution  d'un  règlement- général ,  qui  ne  seroit 
point  injuste  en  lui  -même. 

Il  faut  donc,  autant  que  possible,  ramener  tout  à 
l'exécution  de  règlemens  généraux ,  connus  de  tous  les 
prisonniers,  et  dont  les  décisions  particulières  ne 
soient  que  l'application.  Pour  cela ,  il  faut  que  tes  pri- 
sons soient  administrées  d'après  des  règles  fixes  et  im* 
muiibles,  auxquelles  on  ne  déroge  point  sans  une  néces- 
sité absolue,  et  dont  les  administrateurs  aient  soin  de 
ne  pas  s'écarter,  dans  leurs  fonctions.  Mais,  comme  il 
est  bon  que  ces  règles  soient  bien  connues ,  soit  des 
administrateurs  qui  les  appliqueront ,  soit  des  prison- 
niers qui  y  seront  assujétis,  on  dressera ,  pour  les  pri- 


33ï  DES  PRISONS. 

sons»  an  règlement  général 9  qui  sera  affiché  et  qa^on 
lira  à  haute  voix  le  premier  dimanche  de  chaque  niois^ 
Ce  règlement,  qui  sera  rédigé  par  la  commission  des 
inspecteurs  et  ratifié  par  le  conseil  des  prisons,  devra' 
être  conçu  en  termes  assez  généraux ,  pour  s'étendre  k 
tous  les  devoirs  des  prisonniers  et  ne  pas  donner  lieu  à 
des  discussions  sur  sou  application.  C'est  moins  un 
Code  pour  la  prison,  qu'une  déclaration -des  principes» 
qui  feront  la  base  de  l'administration. 

Par  c^  moyen ,  les  administrateurs  éviteront  l'in- 
convénient de  parottre  donner  des  ordres  arbitraires. 
Ils  ne  parleront  jamais  qu'au  nom  du  règlement ,  soit 
qu'ils  donnent  des  ordres  généraux,  soit  qu'ils  portent 
des  décisions  particulières.  Dès  lors ,  plus  de  soupçons 
de  haine  ou  de  faveur;  leurs  ordres  ne  seront  qqe  l'exé  * 
cutiou  d'un  règlement ,  égal  pour  tous  et  sans  accep-> 
tion  de  personnes. 

Quant  .aux  décisions  pai'ticulières  qu'ils  rendront, 
comme  il  est  surtout  nécessaire  que  les  prisonniers  lé$ 
croient  justes ,  ils  devront  suivre  un  exemple  respec- 
table ,  celui  des  tribunaux,  qui  ne  prononcent  pas  sur 
le  moindre  dilEérent,  sans  énoncer  les  motifs  de  leur 
opinion  et  sans  démontrer  aux  citoyens  la  justice  de 
leurs  jugemens.  Les  administrateurs  des  prisons  feront 
bien  de  ne  pas  prononcer  leurs  ordres  avec  ce  laconis- 
Ttkf  orgueilleux ,  quç  l'autorité  absolue  se  plaît  tant  a 
affecter  ;  «nais  ils  devront  motiver  leurs  décisions  et 
faire  voir  qu'elles  sont  fondées ,  non  sur  le  caprice  ou 
la  faveur^  mais  sur  la  justice  et  les  règlemens*  Les  pri- 
fonniers  qu'elles  concerneroient  se  soumettront  bien 
plus  v<olontiers  à  des  ordres ,  dont  la  justice  sera  pour 
fux  ëvideote ,    qu'à  des    arrêts    mystérieux ,  qu'ils 


DU  REGIME  MORAL.  333 

ponrroîent  soupçonner  d'injustice  ou  de  partialité. 

Tels  sont  les  moyens  par  lesquels  on  peut  amener 
les  prisonniers  à  la  docilité ,  c'est-à-dire  à  l'obéissance 
volontaire  ;  on  a  vu  combien  il  est  important  de  leur 
inspirer  un  sentiment,  qui  a  tant  d'influence  sur  leur 
correction;  cependant  les  avantages  qu'on  en  tirera 
sont  plutôt  dans  l'intérêt  de  l'administration  que  dans 
celui  des  prisonniers.  Ils  faciliteront  les  travaux  et  la 
surveillance  des  préposés ,  plutôt  qu'ils  n'adouciront  le 
sort  dies  prisonniers.  Ces  malheureux  peuvent  être 
dociles,  mais  dévorés  de  chagrins,  obéir  sans  la  moin- 
dre résistance  et  arroser  de  leurs  larmes  le  métier 
qu'ils  font  mouvoir.  Cette  tristesse  les  méneroitpromp- 
tement  à  une  apathique  langueur,  qui  rendroit  in- 
fructueux totis  les  soins  pris  pour  les  arracher  à  leurs 
travers.  Un  homme ,  découragé  par  une  douleur  per- 
manente, ne  peut  faire  un  bon  ouvrier,  et  l'abattement, 
produit  par  des  chagrins  longs  et  monotones  est  unedis- 
position  peu  favorable  pour  surmonter  de  mauvaises 
inclinations  et  vaincre  des  penchans  invétérés.'  Il  faut 
donc  inspirer  aux  prisonnier^  une  résignation  vigou- 
reuse,qui  leur  fasse  supporter  patiemment  leur  mal- 
heureux sort  et  qui  leur  rende  le  courage  nécessaire 
pour  employer  utilement  ce  temps  d'expiation. 

La  résignation  à  quelque  chose  de  généreux ,  qui 
est  déjà  un  commencement  de  vertu.  L'effort  de  cou- 
rage d'im  cœui*,  qui  sait  se  conformer  à  l'infortune, 
prouve  qu'il  a  su  conserver  son  énergie  ou  la  retrouver 
dans  le  sentiment  de  la  résignation ,  et  qu'il  est  capable 
de  supporter  avec  honneur  sa  destinée.  Souffrant  avec 
patience  une  peine  inévitable  et  soutenu  par  l'attente 
d'un  avenir  plus  heureux,  l'homme  résigné,  tâche 


334  DES   PRISONS. 

de  tirer  parti  de  sa  position  et  de  mettre  à  profit  un 
temps  destiné  à  expier  ses  fautes.  Tetle  est  en  effet  la 
résignation ,  Tune  des  dispositions  les  plus  favorables 
où  puisse  se  trouver  un  détenu.  Ainsi  qu'on  le  voit , 
elle  se  compose  de  patience  et  d'espérance  ;  c'est  à 
développer  ces  deux  sentimens  que  l'on  devra  par  con- 
séquent s'appliquer. 

Pour  inspirer  aux  détenus  la  patience  dans  leurs^ 
maux,  il  faut  rendre  leur  position  aussi  douce  qu'elle 
peut  l'être ,  et  leur  faire  trouver  dans  leur  captivité 
tous  les  avantages  compatibles  avec  la  sûreté  de  la  pri- 
son et  avec  l'état  de  punition,  auquel  sont  assujétis,  par 
la  loi ,  les  condamnés.  Nous  avons  déjà  fait  voir,  dans 
plusieurs  autres  chapitres,  comment  on  peut ,  en  géné- 
ral, rendre  supportable  la  condition  des  prisonniers, 
soit  par  les  soins  que  l'on  prendra  d'eux ,  en  santé  ou 
en  maladie ,  soit  par  les  permissions  qu'on  leur  accor- 
dera ,  soit  par  la  justice  et  la  douceur  avec  lesquelles 
on  les  traitera,  II  suffira  de  remarquer  ici,  qu'on  ne 
doit  jamais  se  permettre  d'ajouter  à  la  rigueur  de  la 
loi.  Indépendamment  des  principes  de  justice  et  d'hu- 
manité,qui défendent  depesersurdes  chaînes d  un  mal- 
heureux, la  prudence  recommande  elle-ntéme  de  ne 
point  commettre  ce  cruel  abus  d'autorité.  Si  l'on 
veut  amener  les  prisonniers  a  la  résignation  ,  il  faut 
faire  en  sorte  qu'ils  connoîssent  sur-le-champ  toute 
l'intensité  de  leur  peine  ,  et  qu'ils  ne  la  sentent  jamais 
s'aggraver  par  la  suite.  On  s'habitue  à  tout,  nous  l'a- 
vons déjà  remarqué ,  à  la  douleur ,  comme  à  la  joie, 
et  l'uniformité  des  souffrances  en  émousse  toujours 
l'aiguillon.  Mais  si  de  nouveaux  tourniens ,  sans  ce- 
pendant être  plus  douloureux,  viennent  diversifier 


Ï)Û  REGIME  MORAL,  335 

%a  peine,  que  supporte  le  détenu  et  renouveler,  chaque 
jour,  le  sentiment  de  son  infortune ,  il  ne  peut  plus 
s^accouturaer  à  son  sort  :  l'incertitude  où  il  est  tou* 
jours,  sur  la  destinée  qui  l'attend  ,  ne  permet  pas  à  son 
espVit  d'envisager  avec  calme  sa  position ,  d'apprécier 
les  tristes,  mais  réels  avantages,  qu'elle  peut  lui  offrir, 
d'y  conformer  ses  idées ,  ses  habitudes,  en  un  mot  de 
s'y  résigner.  L'uniformité ,  qui  doit  régner  dans  toute 
la  durée  de  la  peine ,  pour  que  les  condamnés  la  sup- 
4>ortent  plus  patiemment ,  est  donc  un  motif  de  plus , 
^ur  ne  rien  changer  à  l'exécution  littérale  des  arrêts. 
Quant  aux  adoucissemens ,  dont  la  peine  légale  est 
susceptible ,  sans  eu  être  altérée ,  il  ne  faut  pas  négliger 
de  les  procurer  aux  prisonniers.  On  ne  devra  donc  ja^ 
•mais  leur  refuser,  sans  des  motifs  graves,  les  permis- 
sions, qui  ne  peuvent  pas  avoir  de  conséquences  fâ- 
cheuses, pour  Tordre  public.  La  providence ,  en  créant 
le  cœur  de  l'homme ,  Ta  rendu  capable  de  jouissances, 
même  dans  les  situations  les  plus  malheureuses.  On 
peut  connoitre  la  joie,  jusqnes  dans  les  prisons:  quand 
on  est  au  comble  du  malheur,  on  se  trouve  heureux 
de  peu  de  chose ,  et  quelques  rayons  de  bonheur  peu- 
vent embellir  les  jours  les  plus  nébuleux.  N'envions 
pas  aux  prisonniers  ces  instans  trop  courts ,  où  ils  ou-* 
blient  leurs  chaînes,  où  ils  goûtent  encore  de  fugi- 
tives,  mais  précieuses  jouissances.  C'est  peut-être  à 
ces  momens,  trop  rares  sans  doute  ,  et  trop  tôt  passés, 
qu'ils  doivent  la  patience,  qui  les  soutient  dans  leurs 
peines.  Peut-être  succoniberoient-ils  sous  le  poids  de 
leurs  maux,  si  le  souvenir  de  ces  éclairs  de  plaisir, 
et  l'espérance  de  les  voir  renaître  ne  versoient  dans 
leur  âme  un  baume  consolateur.  Il  est  faux  que  ces 


S?6  DES  PRISONS. 

Intervalles  dehoiiheur^  ne  servefit  qvî'h  rendre  t^ttiê 
cîonK)ureuse  Texistence  des  malheureux ,  en  leur  faî* 
saut  senlîr  plus  vivement  le  contraste;  ils  y  trouvent^ 
au  contraire,  un  soulagement  précieux,  de  nouveiies 
forces  pour  supporter  leurs  maux  ^  et  des  con^atiôns^ 
qui  bercent  VIoucement  leur  âme  ,  et  Tempéchent  de 
succomber  sous  uae  trop  longue  continuité  de  souf-^ 
francos. 

A  cette  tolérance ,  commandée  par  la  fnsf îce  et  Yhit- 
nianîté ,  les  chefs  des  prisons  ponrront  joindre  d'au- 
tres moyeus ,  non  moins  efficaces,  d'alléger  le  sort  des 
prisonniers..  La  plus  grande  douceur  dan^  Fadminis^ 
Iratîon ,  Tattenlion  à  ne  pas  prononcer  arec  dureté 
des  ordres  sévères,  mais  indispensables ,  des  témoi- 
gnages d*iniérêl   donnés  à  propos,  des  consolations 
offertes  à  Tinfortune,  tels  sont  en  paitie  les  moyens, 
que  présentent  leurs  fonctions,  pour  adoucir  le  sort 
des  prisonniers,  sans  énerver  la  peine  qu'ils  doivent 
subir.  Les  préposés  ne  doivent  jamai^:  oublier  qu'on 
de  leurs  principaux  devoirs  est  d'entretenir  la  santé 
des  ilétenus,  et  de  leur  procurer  tout  le  bien-être 
physique,  qui  s-accorde  avec  leur  état  de  peine.  Les 
prisonniers,  en  voyant  leurs  gardiens  s'occuper  de 
leurs  besoins,  et  les  satisfaire  soigneusement,  snp* 
porteront  plus  volontiers  une  autorité,  dont  ils  senti- 
ront la  nécessité ,  et  feront,  par  cela  même ,  plus  dis^ 
posés  à  la  patience  dans. leurs  maux. 

On  conçoit  que,  pour  le  but  que  nous  nous  propo- 
sons, il  est  indispensable  que  les  préposés  s'abstîen> 
nent ,  à  l'égard  des  détenus,  de  tout  traitement  inhu- 
main, et  même  de  toute  parole  dure.  Rien  n^est  plus 
propre  à  les  aigrir  cuutre  Tautorité ,  et  à  tes  empêcher 


DU  REGIME  MORAL.  55; 

de  supporter  leur  destinée  avec  patience  et  résignation; 
On  ne  les  y  amènera  jamais  ,si  Pon  n'a  toujours  pour 
règle,  à  leur  égard ,  ce  principe,  qui  fait  la  base  de  l'adr 
ministration  des  prisons,  chez  une  nation  nouvelle, 
dont  les  hommes  d'Etat  les  plus  distingués  de  l'Europe 
se  sont  fait  un  devoir  d'étedier  les*  institutions  :  «  Si  • 
<'  les. gardiens  (^oÎK^ent  mettre  dans  leur  administra- 
«  lion  fermeté  et  sévérité,  cette  sévérité  n'exckitja- 
•c  mais  que  Ja  familiarité ,  la  foiblesse  et  l'inconstance ,  - 
«  dans  les  mesures  adoptées,  mais  jamais  la  bonté.  » 

C'est  en  se  confondant  à  toutes  ces  règles ,  que  les 
gardiens  parviendront  à  rendre  supportable  le  mal- 
heur le  plus  affreux  qu'on  connoisse  sur  la  terre,  et 
qu'ils  inspireront  aux  détenus  une  patience  salutaire 
dans  leurs  maux. 

Mais  le  meilleur  moyen  d'amener  les  prisonniers  à 
la  résignation ,  c'est  de  leur  rendre  quelque  espérance , 
et  de  leur  faire  entrevoir  le  terme^  prochain  ou  éloi- 
gne, de  leur  captivité.  Les  uno  en  approchent^  parce 
que  le  temps  de  leur  peine  s'est  éi^oulé  ;  ceux-là  n'ont 
pas 'besoin  d'être  excités  à-  l'espérance;  ils  jouissent  de 
tous  les  plaisirs  qu'elle  procure ,  sans  qu'on  soit  obligé 
dé  les  leur  indiquer ,  et^  pour  eux ,  il  suÎËiit  de  les  aban- 
donner au  sentiment  qu'ils  éprouvent. 

Mais  il  en  est,  et  c'est  le  plus  grand  noinbrt ,  dont 
la  captivité  doit  encore  être  longue,  et  qui ,  condamnas 
à  one  peine  de  beaucoup  d'années,  n'ont  encore  par-  • 
couru  qu'un  foible  intervalle  de  ce  tehips  de  douleur. 
Les  consolations  leur  sont  bien  nécessaires.;  la  liber- 
té ,  qu'ils  attendent ,,  leur  apparoît  dans'  un  avenir  si 
éloigné,  qu'ils  désespéreroiept  presque  de  l'atteindre 9  ^ 
si  l'espérance  ne  survivoit  pas  toujours ,  dans  le  cœur 

22  • 


558  DÉS  PRISONS. 

de  rhoRime,  à  tous  les  antres  sentimens.  Mais  eellé 
qui  leur  est  permise  jette  sur  leur  existence  une  Ineui" 
si  foible  et  si  incertaine ,  que  ^  si  elle  peut  prévenir  le 
désespoir,  elle  ne  peut  cependant  les.  empêcher  de 
tomber  souvent  dans  un  découragement  funeste. 
«     Quant  à  ceux  qui  ont  été  condamnés  à  une^  peine 
pefpéti^lle^  ils  sont  presque  entièrement  privés  de 
celte  consolante  espérance,  qui  soudent  les  autres,  pen*« 
dant  une  captivité,  qui  doit  avoir  un.  ter  me.  L'idée 
qu'ils  ne  sortiront  jamais  de  la  prison  les  poursuit 
sans  cesse  et  les  accable ,  à  chaque  instant ,  du  poids 
de  leur  peine. toute  entière.  S'ils  conservent  quelque 
espoir,  c'est  celui  de  se  soustraire,  par  la  fuite ^  à  un 
interminable  châtiment.  11  en  est  à  peu  près  de  même 
de  ceux  dont  la  peine  doit  être  fort  longue  :  la  fîiite  est 
trop  souvent  la  seule  espérance  qu'ils  nourrissent.  De 
tels  sentimens  sont,  sans  doute,  bien  contraires  à  la 
résignation ,  à  la  so^umission,  qu'il  faut  chercher  à  ins- 
pirer ayx  détenus;  mais Thomnie  a  besoin  d'espérance, 
et,  si  Ton  veut  lui  enlever  une  espérance  immorale , 
il  faut  substituer  à  l'objet  de  ses  désirs ,  tin  autce  but, 
vers  lequel  il  puisse  les  diriger.  Ainsi ,  pour  qu'un  con- 
damné cesse  de  cpncentrer  ses  pensées  dans  l'idée  de 
la  fuite ,  que  d'ailleurs  on  aura  soin  de  rendre  prcs^ 
que  im^ossjble ,  il  faut  lui  faire  entrevoir  un  autre 
moyen  plus  légaldetinir  sespeines,ouau  moinsd'^idon- 
cir  sa  position.  Les  grâces,  lesconMnutatious*depefnf«, 
dont  lés  bons  princes  sont  si  peu  avares ,  toutes  les  fois 
qu'elles  ne  iloivent  pas  compromettre  l'ordre  poblic  , 
voilà  des  objets  dignes  d'être  présentés  à  leurdiésiret  à 
leur  émulation.  Le  Boi>  qui  veille  aux  destinées  de  la 
France ,  a  su  faire  de  cette  belle  prérogative  de  sa  €0«]« 


DU  REGIME  MORAL.  33g 

Tonne,  un'  des  ressorts  les  plus  pnissans,  qu'on  puisse 
emplo)^er  à  l'égard  des  prisonniers.  En  proposant  les 
faveurs  de  la  clémence  royale  ^  comme  le  prix  dé  la 
bonne  conduite  et  du  repentir ,  il  a  extif é  une  noble  * 
émulation  entre  des  cœurs,  qui  ne  paroissoiént  passas*  ^ 
ceptibles  de*s'e\iflammer  d'ine  ardeur  aussi  généreuse.  « 
L'ordonnance  du  6  février  18 1 8  est  le  fanal ,  qui  dirigé   . 
et  encourage  les  prisonniers  dans  la  route  du  devaif  ^ 
en  assnrant  à  la  bonne  condoite^  la  plus  précieuse  ré*, 
compense. 
C'est  aux  administrateurs  à  tirer  de  cette  belle  or^ 

m 

donnance  tout  le  fruit  qu'elle  peut  produire.  L'ex-^ 
poser  sans  cesse  aux  yeux  des  prisonniers  ^  la  leur  rap^ 
peler  souvent  9  mettre  au  nombre  des  récompensent 
l'inscription  sur  le  registre  >  de  ceux  qui  méritent  dè« 
concourir  à  la  distribution  des  grades,  tels  sont  les^ 
moyens  qu'ils  peuvent  employer  ,.poacentrettmif  dans 
le  cœur  des  prisonniers,  une  espérarnce  vertueuse ,  qui  » 
les  amène  à  la  résignation^  et  une  ém(ilation,t|uî  les  * 
encourage  à  faire  les  nombreux  sacrifices  qu'exige  la  ! 
vertu.  C'i^t  par  ce  moyen,  ^i^i  sur  qu'efficace,  qu'on 
parviendra  1^  ôter  aux  peines  perpétuelles  ce  carac- 
tère désespérant  qu'elles  on^  lou jotirs.  »     ,    '  • 
Mais  toutes  les  peines  ^  quelque  peu  de  dtn*ée  qu'elles 
doivent  avoir,  participent  plns^ou  nrioins  à  cette  per«* 
péloité ,  par  la  tache  presque  ineffaçable,  qu'elles  lais- 
sent 9QT  la  tête  qui  les  a  subies.  C'est  encore  un  sujet 
de  découragement,  dont  il  faut  délivrer  les  prisonniers, 
si  l'on  veut  attendre  quelque  succësde  leur  correction^ 
La  loi  en  présente  le  reroèMJi^  dans  la  réhabilitation, 
moyeu  presque  inconnu,  et  eommè  relégué  aif  fond  ' 
de  nos  codes  )  mais  qu'il  seroit  bieii  à  désirer  qu'on 


54o  DES  PRISONS. 

employât  plas  souvent.  Sans  doute ,  nous  le  sentons  ; 

un  jugement  des  tribunaux ,  un  reprit  du  Prince ,  ne 

peuvent  rendre  Thonneur  à  celui  que  l'opinion  re- 

.  poy^se  comme  infâme ,  et  ce  seroit  abuser  d'un  remède 

*  précieux,  que*d'appliqqér  le  bienfait  de  la  réhabilita- 
tion  à  des  personnes  qui  i^'en  seroient  f  as'  dignes.  Ce 

»    serôit  déshonorer  Tinstitution  •  sans  relever  les  hora- 

*  mes.  M^iSf.'que  cette  absolution  légale  serve  à  laver 
entièrement  la  tache,, qui  souilloit  le  front  d'un  mal- 
heureux ,'autfefois  coup£(ble  ,  mais  redevenu  digne  de 
Testime  de  ses  semblables ,  qu'elle  délivre  de  Tinfamie 

«     légale  un  homme ,  déjà  réhabilité  par  l'opinion,  qu'^elle 
-    anéantisse  les  derniers  effets  d'une  condamnation,  qui 
'*  *  a. suffisamment  expié  le  crime  qui  l'avoit  motivée; 
.alors  ropinioh.pubIique  ratifiera  une'  décision ,  qui  ne 
'  ^fera  que  la  suivre  et  Texprimer  d'une  manière  légale. 
L'i^pfir'du  retpur  à  l'estime  des  hommes,  est  fait 
^pQur  soutenir  le  courage  d'na malheureux,  repentant, 
^  mai;  faible ,  qui  eût  succombé  sous  l'idée  d^une  infa- 
mie perpétuelle;  il  faut  donc  préisenter  cette  coiaso- 
lante  perspective  aux  cpiAlamnés,  comme, propre  à 
•  fortifier  leurs  bonnçs  résolutions,  et  à  les  garantir  du 
'  ^^spoir.  La  réhabilitation  leur  est  presque  inconnue , 
il  faut  leur  apprendre  ce  bienfait  de  la  loi ,  leur  don- 
ner^ par  là  le  désir  de^le  mériter,  et  faire^servir  ce 
louable  désir  à  leur  amendement,  en  leqr  moâtrant 
ta  possibilité  d'une  réhabilitation  future,  comme  dé- 
pendant de  |eur  conduite.dahs  la  prison. 

C'est  ainsi  qu'on  peut  rendre  supportable  aux  pri- 
sonniers le  temps,  toujours  si  long,  de  la  captivité  , 
et  qu'en  leur  inspirant  la  patience ,  la  résignation ,  et 
de  bonnes  résolutions ,  on  obtiendra  d'eux  une  sou— 


DU  REGIME  MORAL.  34 1 

mission,  entière  et  sans  répugnance,  aux  ordres  de 
leurs  supérieurs ,  et  des  dispositions  au  bien ,  que  beau- 
coup d'entre  eux  n'avoient  pas  apportées  dans  les 
prisons. 

Il  est  encore  une  foulé  de  bons  sentimens,  qu'on 
sentira  la  nécessité  d'insp7l*er  aux  prisonniers.  Ony, 
parviendra  par  les  moyens  que  nous  avons  déjà  indir- 
qués ,  et  par  l'emploi  mesuré  des  diverses  punitions  et 
récompenses ,  qui  forment  la  sanction  At  tout  notre 
système.  •. 

Sans  entrer  ici  dans  un  détail ,  qui  nous  mèneroit  * 
trop  loin ,  nous  insisterons  seulement  sur  la  nécessité 
'de  les  assujétir  à  une  exactitude ,  à  un  ordre  constant 
et  invariable,  dont  l'influepce  agisse  jusque  sur  leur 
âme ,  et  serve  à  mettre  dans  leurs  mœurs  la  même 
régularité  que  dans  leur  existence.  L'ordre  est ,  en  lui- 
même  ,  un  grand  moyen  aamendement ;  l'habitude 
qu'il  donne ,  de  faire  tout  d'une  manière  uniforme  et 
réglée ,  de  s'astreindre  à  des  heures  tixes ,  et  à  des  pé- 
riodes invariables.,  forme  naturellement  l'esprit  à 
l'idée  du  devoir.  L'ordre  a,  d'ailleurs,  sous  le  rapport 
de  la  discipline,  des  avantages  incontestables  et  évi- 
dens.  Mais,  en  ne  le  considérant  que  comme  un  pur 
moyen  d'amendement ,  il^st  trop  précieux  pour  qu'on 
le  néglige.  Les  habitu'des,  qu'il  fait  naître,  sontle  com- 
plément nécessaire  de  cette  éducation  morale ,  dont 
nous  traçons  les  règles;  elles  seules  assurent,  par  leur 
rég;ularité,  l'exact  et  entier  accomplissement  des  de- 
voirs ,  dont  l'ensemble  forme  une  bonne  conduite.  Il" 
est,  d'ailleurs,  important,  dans  l'intérêt  privé  de  cha- 
que détenu ,  de  l'accoutumer  à  une  vie  uniforme  et 
régulière ,  principe  de  l'activité  et  de  l'économie ,  dont. 


3^2  DES  PRISONS. 

ils  auront  besoin  dans  la  société.  Ce  devra  donc  être 
une  règle  générale  dans  toutes  les  prisons ,  de  tout 
faire  à  des  heures  fixes ,  et  d'une  manière  ton  jours 
uniforme.  Les  détenus  puiseront,  dans  ce  régime  ré-' 
gulier,  un  esprit  d'ordre,  dont  ils  ressentiront  plus 
tard  les  effets  bi^nfaisans. 

Il  nous  reste  à  chercher  quelques  moyens  de  leur 
rendre  aimable  la  religion  ^  sans  laquelle  toute  éduca- 
tion est  imparfaite. 

7ARiV^RArns  XII.  D^  moyens  de  faire  aimer  la  reUgion 

aux  prùfonniers. 

En  morale,  on  ne  peut  faire  on  pas  sans,  s'appuyer 
sur  la  religion ,  et ,  en  traçant  les  réflexions  qui  pré- 
cèdent, nous  avons,  plus  que  )amais,  senti  la  nécesr 
site  d'appeler  sa  voi,x  pu&sante  au  soutien  de  toutes 
les  leçons  humaines.  La  reUgion  est  de  la  plus  hante 
importance  dans  le  système  d'amendement  des  pri- 
sonniers, et  même,  sans  son  s^ecours,  il  faudroit,  ssins, 
doute ,  désespérer  de  les  ramener  jamais  à  la  vertu , 
qn'ils  ont  méconnue. 

Mais  pour  que  cette  inte^ventioii  puisse  produire 
les  heureux  effets  qu'on  est  en  droit  d'en  attendre,  il 
faut  .que  les  prisonniers/soient  bien  disposés  à  rece- 
voir l?s  inspirations  de  la  religion ,  qu'ils  la  respec- 
tent ,  qu'ils  l'aiment ,  et  que  sa  sublime  doctrine  ne 
soit  pas  pour  euiç  un  objet  de  dérision  ou  de  dégoât. 
L'oubli  de  leu|*s  principaux  dçvoirs.  ne  les  a  déjà  que 
trop  disposés  à  une  audacieuse  impiété ,  et,  en  gêné-- 
rai ,  on  trouve  peu  de  sentimens,  religieux  chez  Içs^ 
prisonniers.  Cependant  ^  tous  n'ont  pas  abjuré  à  j|a- 


DU  REGIME  MORAL.  343 

vqais  leur  ciAyance ,  et ,  si  fes  passions  leur  ont  fait 
sçcoiv:ir  pendant  quelque  temps  son  joug  salutaire ,  ils 
^nt  encore  susceptibles  de  le  reprendre  avec  doici^ 
Utë ,  pourvu  qu^on  sache  les  y  amener  par  la  per^ 
suasion. 

Mais,  pour  réussir  dans  cette  noble  entreprise,  il 
faut  sentir  soi-même  cette  intime  conviction ,  qui  lait 
le  chrétien,  et  sans  laquelle  on  essayeroit  vainement 
d'inspirer  à  d'autres,  Tamour  d'une  religion  qu'on  n'a 
point  dans  le  coeur.  Sî  donc  ^  par  un  malheur  qu'il  est 
douloureuse  de  prévoir ,  quelqu'un  des  administrateurs 
éprouvoit  une  certaine  répugnance  à  parler  de  reli-* 
gion  aux  prisonniers ,  si  même  il  ne  se  sentoit  point 
porté  d'inclination  vers  cette  partie  de  ses  devoirs, 
qu'il  abandonne  ce  soin  à  ceux  des  ses  collègues ,  qui , 
plus  heureux  que  lui ,  ont  conservé  la  foi  de  leurs  pères. 
Il  vaut  mieux  qu'il  garde  le  silence,  que  de  trahir,  par 
des  leçons  hypocrites  0t  maladroites,  le  secret dç  son, 
incrédulité.  Mais  au  moins,  qu'il  ne  détruise  pas  t'oA>- 
vrage.de  ses  confrères,  en  autorisant  d'un  exemple 
respecté  uii  travei*s,  dont  on  cherche  à  guérir  les  pri- 
sonniers. Si  l'intérêt  de  la  religion  ne  stiffit  pas  auprès 
(le  lui»  pour  commander  cette  retenue,  qu'il  l'accorde 
.au  nioiii3.à  l'humanité,  qui  réclame  tous  les  moyens 
i)e  corriger  les  prisonniers,  entre,  lesquels  il  n'en  est 
pas  de  plus  puissant  que  les  idées  religieuses. 

Respect  et  amour  pour  la  religion ,  tels  sont  les  sen- 
timens  que  .nous  voudrions  inspirer  aux  détenus.  Pour 
leur  donner  du  respect  poor  la  religion ,  il  faut  l'é^ 
prouver  soi-même,  et  surtout ,  ne  pas  craindre  de  le 
manifester  hautement*  Peu  de  sentimens  se  propa-^ 
gent  pluS|  àl'^ide  de  l'exemple ,  quç  le  resjpect.  Coii:^ 


.' 


\ 


M4  DES  PRISONS.* 

bienn'ja-t-il  pas  d'hommes  ,  de  choies,  d'instilu- 
lions,  de  lieux ',  que  nous  respectons  ,  sans  savoir  pi^-^ 
cisëmeiit  pourquoi ,  et  qui ,  dans  le  fait,  ne  sont  Tobjet 
de  notre  vénération ,  que  paace  que  nous  les  avons 
vus  honorés  par  d'autres  personnes,  dont  le  nombre 
ou  la  qualité  ont  fait  impression  sur  notre  esprit. 
L'exemple  des.  administrateurs  des  prisons  doit'  être 
d'un  grand  poids  aux  yeux'  des  détenus^  Le  choix  •ho- 
norable qui  les  a  désignés ,  l'autorité  dont  ils  jouissent 
dans  la  prison ,  les  bienfaits  qu'ils  sont  chargés  d'y 
répandre ,  tout  concourt  à  leur  assurer  le  ^respect  et  la 
confiance  des  prisonniers.  Ces  derniers  sont  donc  natu- 
rellement disposés  à  suivre  un  exemple ,  aussi  imposant 
pour  eux  ;  et,  ^'ils  voyent  les  inspecteurs,  dans  l'exer* 
cice  d^  leurs  fonctions ,  témoigner  hautement  leur  vé- 
nération pour  la  religion ,  assister  avec  respect  à  ses 
offices,  et  réprimer  sévèrement  toutes  les  irrévérences, 
qui  pourroient  y  être  commises;,  ib  conccrvront  bientôt 
eux-mêmesuii  véritable  respect  pour  un  culte,qu'ik  ver* 
roient  honoré  par  les  hommes  qu'ilsconsidèrentleplus. 
Le  respect  pour  la  religion  est  encore  intimement 
lié  avec  celui  dont  sera  environné  son  ministre.  Il  faut 
donc  faire  ea  sorte  que  l'aumônier,  jouisse ,  dans  la 
prison,  de  toute  la  considération  possible ,  et  qu'il  en 
reçoive  souvent  des  témoignages,  en  présence  des  pri- 
sonniers. Mais  il  est  surtout  à  désirer  que  ces 'égards 
pour  l'auiiiônier  ne  soient  pas  de  simples  dehors, 
commandés  par  ui^e  espèce  d'étiquette,  et  que  son  ca*- 
ractère  personnel  le  rend^  digne  de  Testime  générale. 
Heureusement  on  trouvera  assez  souv^tit,  dans  les  ec- 
clésiastiques, qui  se  dévoueront  à  ce  pénible  ministère, 
toutes  les  vertus  qui  attirent  la  vénération ,  pour  qu'on 


DU  REGIME  MQflÂL.  345 

n'en  soit  pas  réduit  à  de  politiques  démonstrations  de 
considération  et  de  confiance.  Mais  si ,  par  nn  hasard 
déplorable  f  un  homme  sans  mérite  étoit  revêtu  de  ces 
importantes  fonctions^  il  faudroit  bien  se  gardeic  de 
laisser  soupçonner  aux  détenus  Topinion  déf^sivorable , 
qu'on  en  auroit  conçue.  Il  faut  si  peu  de  chose  pour 
changer  les  plus  heureuses  dispositions ,  qu'on,  ne  peut 
jamais  agir  dans  ces  circonstances  avec  trop  de  pru- 
dence, pour  évitçr  que  J'idée.  du  peu  de  mérite  du 
ministre ,  n'influe  sur  le  respect  dû  aux  dogmes  qu'il 
enseigne. 

Mais  la  religion  ne  doit  pas  être  proposée  seule- 
ment à  la  vénération;  aussi  belle  qu'elle  est  respectable, 
elle  est  aussi  aimable  qu  elle  est  sacrée ,  et  c'est  sur- 
tout sous  ses  couleurs  les  plus  séduisantes,  qu'il  faut 
la  faire  envisager  des  prisonniers.  Nous  l'avons  déjà 
dit ,  c'est  sur  la  liaison  des  idées ,  qu'est  fondée  toute 
cette  partie  de  notre  système.  Si  donc  nous  voulons 
faire  aimer  la  religion ,  entourons-la  d'idées  agréables 
et  consolantes;  que  tout  ce  qui  la  rappelle  à  l'esprit^ 
y  rappelle  en  même  temps  le  souvenir  d'un  plaisir ,  et 
l'on  ne  pourra  y  penser,  sans  éprouver  une  sensation 
douce ^  sans  désirer  d'y  penser  encore,  en  un  mot, 
sans  l'aimer.  Tel  est  le  but  que  nous  voulons  atteiuare. 

On  peut  attacher  des.  idées  agréables  à  la  religion , 
soit  en  elle-même ,  en  ne  la  présentant  que  sous  un 
aspect  flatteur ,  soit  par  les  accessoires ,  en  y  joignant, 
à  l'occasion 9  des  idées,  qui  n'enj^ont  pas  des  dépen- 
dances, nécessaires,  mais  qui  s'y  rattachent  naturelle- 
ment. Pour  opérer  cette  précieuse  jonction  .d'idées  ou 
d'impressions,  il  suffit  que  les  unes  et  les  autres  se 
soient  plusieurs  fois  présentées  simultanément  à  Tes- 


54&  DES  PRISONS. 

prit.  Il  fiinl  donc ,  par  ixii  innocent  artifice ,  faire  en, 
sorte  que  Tîdée  de  religion  soit  toujours  accompagnée 
d^ine  sensation  agréable,  ou  d'nne  idée  consolante. 
De  celte  manière ,  à  son  nom  «eiil,  les  prisoniiiei*s  sen- 
tiront renaître  dans  leur  âme,  toutes  les  afFections 
donces  et  aimantes,  qu'ils  auront  éprouvées  à  son  oc- 
casion ,  en  même  temps  qu'ils  reccvoient  des  im- 
pressions religieuses.  Ces  soins  appartiennent,  en 
grande  partie ,  à  l'aumônier;  maïs  le  concours  de  Tau-» 
torité  administrative  sera  souvent  utile,  pour  assurer 
le  succès  de  cette  entreprise. 

Les  consolations  sont  le  besoin  le  plus  pressant  de 
tout  homme  dans  les  fers;  il  aimera  donc ,  par  dessus 
tout,  ce  qui  lui  procurera  ce  précieux  soulagement.  La 
religion  eu  est  prodigue  pour  Içs  malh^jreux;  pleine 
de  promesses  pour  ceux  qui  souffrent^  d'indulgence 
pour  toutes  les  peines,  même  méritées ,  pourvu  qu'elles 
soient  sanclifiées,  par  un  repentir  sincère,  elle  ne 
montre  de  sévérité  qu'à  l'égard  des  heureux  du  siècle, 
^  de  ceux  qui  méprisent  ses  secours.  L'aumônier  ne 
devra  pas  négliger  ce  point  de  vue,  si  touchant. et  si 
moral  ;  toujours  il  devra  montrer  la  religion ,  tendant 
ui|e  main  secourable  à  ses  enfans  égarés,  seule  prête 
à  leur  ouvrir  ses  bras ,  quand  tout  les  méprise  et  les 
repousse.  Et  si ,  à  ces  paroles  consolantes ,  il  a  l'heu- 
reux talent  de  joindre  des  effets  sensibles;  si  les  mal- 
heureux ,  qui  vont  épancher  leur  cœur  dans  son  seia 
paternel,  en  reviennent  soulagés  et  remplis  d'espé- 
rances ;  si ,  dans  ses  prédications ,  dans  ses  instructions 
familières,  il  parvient  à  verser,  au  nom  de  la  reli- 
gion ,  un  baume  salutaire  sur  des  plaies  encore  vives ,  .• 
Xi'aura-i-il  pas  atteint  le  but  que  nous  proposons  à  s^ 


DU  REGIME  MORAL.  34^ 

eharîfë?  N'anra-l-îl  pas  fait  hënir,  par  son  triste  au- 
dîtoîife,  Cette  religion  de  paix,  qni  a  su  rendre  le  repos 
à  leur$  âmes?  Qti'îl  s'efforce  donc  de  joindre  ces  denx 
idées ,  qoî  se  tiennent  de  sf  près,  consolation,  religion, 
et  sa  tâche  sera  remplie,  en  grande  partie. 

C'est  ainsi  que  le  zèle  pastoral  parviendra  à  rendre 
agréable  aux  prisonniers  l'idée  générale  de  la  reli- 
gion ;  mais  il  n'y  a  point  de  religion  sans  culte  ,  et  les 
cérémonies  qni  le  constituent,  destinées^ à  le  rendre 
sensible  et  à  Fenvironner  d'une  splendeur,  qui  le  fasse 
aimer  et  respecter,  en  détournent  quelquefois  des 
esprits  mal  disposés,  qui  les  méprisent  ou  qu'elles  re- 
butent. Sans  examiner  ici  les  moyens  d'éviter  ces  in- 
convéniens,  dans  la  société  ordinaire,  nous  chercherons 
si  Tonne  ponrroit  pas  se  servir  de  ces  pcatiques 
nnémes  ,  pour  amener  les  prisonniers  à  la  religion , 
et  il  nous  semble  qu'on  y  parviendroit  assez  facile- 
ment. 

Mais  pour  cela,  il  faudroit  faire  en  sorte  qu'elles 
ne  dussent  pas  leur  déplaire  en'  elles-mêmes,  et  que 
la  cloche,  qni  les  appelleroit  au  service  divin,  ne  fAt 
pas  pour  eux  le  signal  de  l'ennui.  Si  on  leur  fait  pren- 
dre en  aversion  les  exercices  du  culte ,  cette  aversion 
s'étendra  bientôt  sur  la  religion  elle-même ,  et  les 
prisonniers ,  dont  l'âme  bien  disposée  sV)uvroît  déjà 
^ox  sentiméns  religieux,  s'en  écartera,  peut -être 
pour  toujours,  au  souvenir  de  la  contrainte,  qui  l'aura, 
.  obligé  d'assister  à  des  exercices ,  qui  ne  lui  étoiént  pas 
ligréables.  Je  voudrois  donc ,  sans  prétendre  tracer  ici 
^marche  des  aumôniers,  qu'îb  pussent  régler  les  exer- 
cices deia  reUgton ,  dé  manière  à  ne  pas  en  dégoûter 


348  DES  PRISONS. 

les  prisonniers ,  et  même ,  à  leur  en  faire  désirer  le  re- 
tour. La  vie  des  détenus  est  si  monotone ,  toute  dis- 
traction est  pour  eux  si, précieuse,  qu'on  peut,  aisé- 
ment leur  faire  trouver  un  plaisir ,  même  purement 
humain,  dans  les  pratiques  du  culte.  C'est  un  saint  ar- 
tifice ,  que  son  but  justifie ,  et  dont  les  moyens  ne  peu- 
vent être  que  louables,  de  gagner,  par  une  séduction  in- 
nocente ,  les  cœurs  qu'on  veut  conquérir  à  la  religion. 
Que  Taumânier  tâche  donc ,  par  tous  les  moyens  qui 
sont  en  son  pouvoir,  soit  parla  variété  des  cérémonies, 
soit  par  l'intérêt  qu'il  répandra  dans  les  instructions, 
de  faire  désirer  l'instant^  où  il  viendra  dans  la  prison, 
pour  les  fonctions  de  son  utile  ministère ,  et  ce  désir 
sera  un  heureux  présage  du  succès  de  ses  travaux* 

Tout  ce  qui  peut  rappeler  l'idée  de  la  relgion  de- 
vra »  en  général,  être  présenté  aux  détenus  sons  Tas- 
pect  le  plus  flatteur;  à  ce  titre,  raumônier. lui-même*, 
la  chapelle  où  il  célèbre  les  mystères  de  la  foi,  la  chai- 
re, (dn  haut  de  laquelle  il  leur  annonce  leSv  vérités  éter- 
nelles ,  ont  avec  la  religion  une  relation  trop  intime , 
pour  qu'on  ne  cherche  pas  à  les  rendre  aimables. aux 
yeux  des  prisonniers.  L'intérêt ,  qu'ils  porteront  sur 
ces  objets,  se  répandra  jusque  «ur  la  religion  elle-même, 
et  lui  ouvrira  tous  les  cœurs.  Si  l'aumônier  est  aimé 
des  .prisonniers ,  si  sa  vue  cause  sur  eux  un  effet  agréa- 
ble, et  ranime  Tespérance  dans  leqrs  cœurs ,  ils  ren- 
dront à  la  religion ,  l'amour  qu'ils  ont  pour  son  minis- 
tre. Je  voudrois  aussi  qu'ils  ne  pussent  entrer  dans  la 
chapelle ,  sans  éprouver  un  sentiment  d'espérance,  et 
se  rappeler  quelques  m'omens  heureux,  qu'ils  y  au- 
roient  passés.  En  un  mot ,  je  désirerois  que  tout  ce  qui, 


DU  REGIME  MORAL.  Ség 

à  leurs  yeux  >  est  lié  à  Tidée  de  religion  ,  ne  leur  pré- 
sentât que  des  idées  agréables  et  des  souvenirs  tou- 
chans. 

Il  est  encore  un  moy en jd 'arriver  à  ce  résultat  :  c'est 
de  réserver  pour  la  chaire  Tannoncede  toutes  lés  nou- 
velles heureuses,  qui  peuvent  intéresser  les  détenus, 
soit  en  général,  soit  comme  individqs.  Ainsi,  une 
amnistie,  une  ordonnance  rendue  en  faveur  des* pri- 
sonniers, une  grâce  obtenue  pour  quelqu^m  d'entre 
eux ,  etc.  pourroient  être  proclamées,  du  haut  de  la 
chaire,  par  raumônier  lui-même.  Les  détenus  n^enten- 
droient  sortir  de  sa  bouche  que  des  paroles  consolan- 
tes; organe  de  la  miséricorde  divine,  et  prêtait  sa  voix 
aux  décrets  de  la  clémence  des  hommes,  il  ne  paroi- 
trbit  au  milieu  d'eux  que  pour  adoucir  leurs  peines. 
L'habitude  d'attendre  de  lui  d'heureuses  nouvelles 
leur  ferôit  trouver  à  sa  présence  un  charme,  dont  ils  ne 
se  reiidroient  pas  compte  à  eux-mêmes ,  mais  qui  n'en 
auroit  pas  moins  TefFet  indubitable,  de  leur  rendre  sa 
personne  aimable. 

La  chapelle  elle-^même,  où  ils  se  rassembleroient 
pour  recevoir  ees  communications  désirées,  la  tribune 
sacrée,  d'où  le  ministre  de  paix  annonceroit  chaque 
changement  avantageux  dans  leur  état,  leur  devien- 
droient  précieuses  et  chères.  Avec  quel  plaisir  n'en- 
tendroient-ils  pas  le  son  de  la  cloche  les  appeler  au 
pied  de  ces  autels ,  où  tant  de  fois  déjà  ils  auroient  béni 
la  Providence ,  don|t  les  regards  paternels  veillent  sur 
les  coupables  eux-ménïes,  ou  invoqué  le  Très-Haut, 
poqr  la  conservation  des  jours  d'un  Prince ,  dont  les 
bienfaits  se  font  sentir  jusqu'à  eux  !  Ges  cantiques  d'ac- 
tions de  grâces  y  dont  ils  auroient  salué  Ja  majesté  di- 


35o  .  DES  PRISONS. 

J 

vine,  pour  le  remercier  de  ce  qu'un  d'eiiU^e  eurx  a  ob- 
tenu son  pardon,  ces  prières  ferventes,  par  le$queltes 
ils  auroient  demandé  pour  eux  la  même  grâce ,  pleins 
de  confiance  dans  la  miséricorde  céleste ,  ne  laisse- 
roieut'ils  pas  dans  leurs  cœurs  des  impressions  reli- 
gieuses et  durables?  C'est  ainsi  qn'on  réduit  la  religion 
en  sentiment;  c'est  ainsi  qu'on  la  feroit  aimer  des 
hommes,  qui  s'en  éloignoient  le  plus.  Ne  négligeons 
aucun  de  ces  moyens,  et  n'oublions  pas  que  rhoinmci 
une  fois  devenu  religieux,  c'est -* à- dire  ,  confiant 
dans  la  Providence  et  reconnoissant  de  ses  bontés,  est  à 
même  de  parvenir  au  plus  haut  degré  de  vertu  que  Von 
puisse  atteindre. 

J'ai  parcouru  la  première  partie  de  ma  carrière;  il 
s'agissoitde  montrer  ce  que  les  prisons  doivent  devenir , 
pour  atteindre  complètement  le  but  de  leur  iustîttt- 
tion.  Ma  tâche  étoit  facile  et  douce;  je  ii'avois  à  lutter 
ni  contre  leé  obstacles  naturels  que  présentent  souvetil 
les.circonslances  particulières  f  ni  contre  les  difficultés 
factices  que  l'intérêt  privé  a  toujours  l'art  de  faire 
naître,  et  confiant  à  bon  droit  dans  *  le  zèle  et  les 
moyens  d'exécution  des  hommes,  qui  doivent  concou* 
rir  ,  d'une  manière  active,  à  la  réforme  des  prisons ^ 
j'ai  pu  exposer, dans  toute  leur  étendue,  mes  vœux  à 
cet  égard  ,  sans  être  arrêté  par  les  difficultés  de  détail* 
qu'ils  auront  à  surmonter*  Cependant,  j'ai  tâché  de 
prévoir  toutes  les  objections,  que  l'on  pourroit  opposelr 
i^  ce  système,  et  de  ne  point  les  laisser  sans  réponse.  J'ai 
également  pensé  que  proposer  des  réformes  trop  dis- 
pendieuses ,  ce  serplt  mal  servir  ceux  (|ui  souffrent 
par  suite  des  abus  ^  puisqu'il  faudroit  nécessairenienl 


.  DU  REGIME  MORAL;  Î5i 

a}ourner  le  moment  de  les  extirper.  Aussi  je  me  suis 
surtout  appliqué  à  ob&erveç  partout  4'économie  la  plus 
révère;  mais  je  n'ai  pas  dû  la  faire,  dégénérer  en  mes- 
quinerie ,  et,  quand  une  dépense  m'a  paru  nécessaire, 
je  n'ai  point  balancé  à  la  proposer.  Ce  n'est  p^s  en 
France  que  l'on  trouvera  difficilement  les  moyens 
de  soulager  l'infortune.  Mes  compatriotes  ©nt  prouvé 
cfu'ils  savoient  s'imposer  des  sacrifices,  pour  soutenir 
i'hoi^neur  de  la  patrie  ;  ils  ne  seront  pas  moins  géné- 
reux f  quand;  il  s'agira  d'une  œuvre  de  justice  et 
d'humanité. 

Mais ,  dans  le  moment  actuel ,  la  France ,  encore 
épuisée  par  les  nombreux  sacrifices  dont  elle  a  payé 
son  indépendance,  est  peut-être  encore  éloignée  de 
l'époqoQ,  où  ses  finances  pourront  suffire  à  la  réforme 
de  si^  institutions.  Dans  tous  les  cas,  les  améliorations, 
que  réclament  nos  prisons,  ne  pourront Vopérer  que 
graduellement.  Il  faut  donc,  dès  à  présent ,  s'occuper 
des  réformes  partielles,  qui  peuvent  avoir  lieu  sur-le- 
champ,  et  sans  embrasser  tout  l'ensemble  du  système 
que  nous  avons  développé.  Mais  en  remettant  à  des 
temps  plus  heureux  lé*  complément  de  cette  grande 
entreprise^  il  faut  faire  en  sorte  que  les  améliorations 
trauHtoires,  qu'on  introduira,  soient  autant  de  prépa- 
rations  au  régime,  que  nous  désirons  voir  s^établir  en 
définitive^  et  que  les  besoins  du  présent  et  ceux  de  l'a- 
venir ne  se  portent  pas  un  mutuel  préjudice. 

C'est  en  exposant  rapidement,  et  d'une  manière  gé- 
nérale, l'état  actuel  des  prisons  en  France,  qu'on  pourra 
faire  jnger  des  réformes  qui  sont  les  plus  urgentes ,  et 
des  moyens  de  les  opérer  avecle  plus  de  facilité  et  d'a- 
vantage.   . 


35a  .     DES  PRISONS; 

DEUXIÈME   PARTIE. 

ÉTAT   DES  PRISONS  EN  FRANCE. 


TITRE   PREMIER. 

CONSIDÉRATIONS    PRÉLIMIN AIREfe, 


Quand  Howard ,  à  la  fin  du  siècle  dernier,  parcouroit 
l'Europe  entière ,  pour  y  chercher  des  leçons  et  des 
modèles,  applicables  aux  prisons  de  sa  patrie,  celles  de 
France  méritoient  déjà  un  examen  sérieux  de  sa  part , 
et  lui  parurent  dignes  d'éloges,  sous  plusieurs  l'apports. 
Uu  régime  doux  et  modéré,  un  esprit  d'ordre,  qui  se 
faisoit  sentir  dans  toutes  les  branches  de  l'administra- 
tîon ,  et  les  premières  influences  d'un  règne ,  quis'an- 
nonçoit  comme  celui  de  la  justice  et  de  la  bonté,  ba- 
lançoient  assez  avantageusement  les  défauts  encore 
nombreux  de  cette  institution,  pour  qu'elle  pût  servir 
de  modèle  sur  quelques  points.  Plusieurs  édits,  ren- 
dus sous  le  règne  de  Louis  XV,  et  les  ordres  formels 
de  son  successeur,  avoient  enfin  assuré  l'exécution 
d'anciens  règlemens,  sages,  mais  incomplets,  au  nom- 
bre desquels  on  remarquoit  cependant  l'arrêt  de  1717, 
pendant  long- temps  le  seul  code  des  prisons,  et,  en- 
core aujourd'hui ,  la  base  fondamentale  de  leur  dis- 
cipline. Mais ,  surtout ,  la  bienfaisante  déclaration  du 


CONSIDEfiATIOiNS  PRFXIMINAIRES.  353 
00  août  1780,  en  proclaniadt  les  principes  les  plus 
humains  et  les  plus  sages,  sur  l'administration  des 
prisons ,  avoit  puissamment  concouru  à  adoucir  le  sort 
des  malheureux  qu  elles  renfermenti 

Aussi,  Howard,  qui  visita  nos  prisons  de  1776  à 
1783,  rendit  un  compte  assez  satisfaisant  de  la  ma- 
nière dont  y  étoient  traités  les  détenus.  Uiie  police 
plus  douce  s'étoit  introduite  dans  ces  demeures  se-» 
vères;  on  y  prenoit  des  soins  particuliers  pour  con-r 
server  la  vie  et  la  santé  des  détenus ,  et  les  préposas , 
rappelés  à  l'exercice  de  leurs  devoirs,  apprenoient  de- 
puis peu  à  mettre  un  frein  à  l^urs  rapines  et  à  traiter 
les  prisonniers  avec  humanité.  Ge  suffrage  4  d'autant 
plus  imposant,  qu'Howard  avoit  visité  lesprisous  de 
toute  l'Europe  et  étudié,  à  plusieurs  reprises  et  avec 
admiration,  celles  de  Hollande,  prouve  que,  si  noâ 
prisons  étoient  encore  loiti  d'être  parfaites^  elles  sou- 
tenoîent  honorablement  la  concurrence  avec  celles 
des  autres  nations  européennes ,  à  l'exception,  peut- 
être,  des  prisons  HoUandoises ,  le  meilleur  modèle  que 
l'on  pût  trouver  à  cette  époque.  Cepeudant,  elles  pré- 
sentoient  encore  de  nombreux  et  déplorables  abus. 
Louis  XVI  vendit  à  peine  de  prendre  un  sceptre,  qu'il 
n'estimoit  que  comme  le  moyen  d'exercer  ,  d'une  ma- 
nière plus  étendue ,  toutes  les  vertus  d'une  âme  géné- 
reuse ;  on  ne  pouvoit  encore  apercevoir  que  Taurore 
des  réformes  qu'il  méditoit,  et  qu'il  eut  opérées,  sans 
les  troubles  qui  agitèrent  tout  son  règne,  etTaUentat, 
qui  le  termina  d'une,  manière  si  funeste.  Trop  de  dif- 
ficultés entravoient  ses  bienfaisantes  intentions,  pour 
que  les  améliorations  fassent  aussi  promptes  et  aussi 
complètes  qu'il  l'atrroit  désiré.  Ce  vertueux  et  infor- 

23 


354  DES  PRISONS. 

tnnë  prince  devoit  être  enlevé  par  une  mort  san- 
glante y  avant  d'avoir  pu  réaliser  aucun  de  ses  projets 
pour  le  bonheur  des  peuples. 

Toutefois,  maigre  les  nombreux  et  puissans  obs-^ 
taries,  qui,  constamment,  s'opposèrent  à  l'accomplisse- 
ment  de  seâ  vœux ,  beaucoup  d'institutions  i  et  no- 
tamment les  prisons,  reçurent,  sous  son  fègtie,  des 
améliorations  précieuses.  Le  Roi  <)ui  a  supprimé  la 
main-morte  et  la  torture,  ne  devoit  pas  fermer  To- 
reille  aux  fténiissemens,  qui  s'élevoient  du  fond  des 
cachots.  Plusieurs  prisons  nouvelles  furent  construites, 
les  anciennes  furent  réparées;  dans  beaucoup  den-^ 
droits^  on  s'appliqua  à  les  rendte  plus  spacieuses  et 
plus  saines.  Le  régime  intérieur  fat  aussi  sensiUemenl 
amélioré,  et,  en  général^  les  prisons  gagnèrent  beau- 
coup sous  ce  règne ,  qui ,  dans  des  terap^  plus  sereins , 
eût  assuré  pour  long-temps  le  bonheur  de  la  France. 

Mais  l'entreprise  étoit  trop  considérable  pour  se 
terminer  en  peu  d'années,  et  surtout  pendant  les  orages, 
précurseurs  d'une  révolution ,  dopt  les  secousses  ont 
ébranlé  les  deux  mondes.  Les  années  de  trouUe  et 
d'anarchie ,  qui  suivirent ,  étoient  peu  propres  à  une 
aussi  grande  réforme.  Cependant,  les  idées  de  justice 
et  d'humanité ,  qu'un  petit  nombre  d'hommes  respec- 
tables s'efTorçoient  de  conserver,  au  milieu  des  pas- 
sions déchaînées,  inspirèrent,  à  plusieurs  reprises,  des 
réclamations  en  faveur  du  régime  des  prisons.  Les 
députés  Paganel  et  Duratid  de  Maillane,  en  l'an  III  ^ 
M.  de  Pastoret,  deux  ans  plus  tard,  signalèrent  à  la 
tribune  nationale,   les  abus  qui  s'étoient  perpétués 
dans  ces  établissemens,  et  les  moyens  de  les  combattre. 
Mais  ces  voix  généreuses  se  perdoient  dans  le  tumult« 


CONSIDERATIONS  Ï>RËLIMINAIRES.   355 

tj'ane  i*évolutîon  sanglante ,  où  les  législateurs  vo*- 
toient  sons  la  hache,  on  au  bnrit  da  canon ,  et  avoient 
à  défendre  chaque  jour  leur  existence,  avant  de  s'oc- 
cuper des  institutions  qu'ils  dévoient  fonder.  Des  pro- 
jets, adopftés  en  partie,  restoient  imparfaits,  supplan- 
tés par  des  intérêts  plus  pressans.  Rien  ne  fut  exécuté 
pendant  la  tourmente  révolutionnaire. 

Le  long  et  accablant  despotisme,  où  les  François 
cherchèrent  un  refuge ,  après  les  déchiremens  de  l'a- 
narchie, au  tnilîen  de  tant  de  maux  ^n'il  nous  a 
comme  légués ,  a  laissé  quelques  établîssemens  utiles , 
foible  dédommagement  de  sa  désastreuse  influence. 
L'ascendant  d'une  volotité  ferme ,  et  l'ambition  d'un 
homme  ,  qui  vouloit  attacher  son  nom  à  de  grandes 
choses,  opérèrent ,  dans  beaucoup  de  parties,  et  no- 
tamment dans  le  système  ues  hôpitaux,  çt  dans  le 
matériel  des  prisons,  des  améliorations  qu'il  seroit  in- 
juste de  méconnoître.  C'est  pendant  cette  époque ,  en- 
core récente,  que  furent  instituées  les  maisons  cen- 
trales, et  quelques  autres  prisons ,  destinées  aux  con- 
damnés. Des  travaux  assez  importans  furent  entrepris 
dans  ces  différentes  prisons,  dont  la  grandeur  faîsoit , 
en  cpielque  sorte,  des  monumens,  capables  de  jeter 
quelque  lustre  sur  leur  fondateur.  Les  petites  prisons 
furent  beaucoup  plus  négligées  ;  en  général ,  on  cher- 
choit  bien  plus  à  fonder  qu'à  réparer  ou  à  corriger. 
Quant  au  régime ,  il  étoît  généralement  fort  dur  ;  mal- 
gré les  efforts  que  tentèrent,  sur  quelques  points,  les 
magistrats  chargés  de  cette  branche  de  l'administra- 
tion, et  les  règlemens  remarquables,  qu'un  d'entre  eux 
â  laissés  sur  les  objets  confiés  à  son  autorité,  dans  lé 
département  de  la  Seine ,  la  concentration  de  tous  les 


356    .  DES  MISONS. 

pouvoirs,  dans  la  maîn  d'un  militaire  absolu,  sefai^ 
«oit  sentir  jusqu'au  fond  des  cachots,  et  les  prison^ 
niers  n'ont  pas  été  les  derniers  à  sentir  le  bonheur 
d'être  délivrés  d'un  tyran. 

Voilà  dans  quel  état  la  puissance  qui  sVcrouIa  eu 
181 4»  laissoit  après  elle  les  prisons  françôîses;  un  ré- 
gime dur 9  et  quelquefois  injuste,  qui  donnoit  toute 
la  force  au  pouvoir  dirigeant,  et  rendoit  totites  les 
garanties  illusoires  ,  un  matériel  généralement  vicieux, 
des  bâtimens  étranglés,  sans  solidité,  disproportion- 
nés avec  le  nombre  des  prisonniers;  mais,  de  loin  en 
loin,  quelques  grands  établissemens,  placés  dans  d'an>- 
cîens  édifices ,  ou  construits  tout  exprès,  et, à  la  plu- 
part desquels  on  travailloit  encore.  Le  Gotivemenient 
qui  succéda  trouvoit  quelques  belles  entreprises  à  ter- 
miner, mais  encore  plus  de  travaux  à  entreprendre^ 
€t  d'abus  à  réformer.  Non  content  de  compléter  quel- 
ques constructions  laissées  imparfaites,  Louis XVIII, 
remonté  au  trône  de  ses  pères ,  a  résolu  de  porter  la 
réforme  la  plus  générale  dans  tout  le  système  des  pri- 
sons, et,  depuis  son  retour,  au  milieu  de  nous,  il 
s'occupe  sans  relâche  de  cette  tâche  bietifaisante.  Déjà 
se  font  sentir  de  toutes  parts  les  effets  de  cette  puissante 
et  féconde  influence,  et  l'avenir  promet  le  complé- 
ment des  améliorations  précieuses,  qu'ont  déjà  reçues 
nos  prisons. 

Dans  l'examen  auquel  je  vais  me  livrer,  je  ne  par* 
lerai  qu'incidemment  du  bien ,  déjà  produit  par  cette 
auguste  intervention.  La  modestie  des  personnes,  à 
qui  je  soumets  ce  foible  produit  de  mes  veilles,  roc 
défend  d'entrer  dans  le  développement  de  tous  les 
bienfaits,  auxquels  leur  nom  s'attache ,  et  dont  ils  sont 


DU  MATERIEL.  35; 

les  zélés  coopéraleurs  ;  il  est  des  hommes  5  auxquels  on 
n'ose  pas  rappeler  leurs  verlas.  Je  ne  parlerai  donc 
ici ,  en  général ,  que  de  l'état  des  prisons ,  telles  qu'elles 
étoient  avant  les  réforaws  qu'on  commence  à  y  opé- 
rer ,  et  qui  ne  sant  <îue  le  prélude  d'un  système  d'amé- 
liorations plus  étendu.  Nous  somnfws  encore  si  près  du 
temps,  où  les  abus  régnoîent  avecitoute  leur  forecydanc 
les  prisons,  qui  n'en  sont  pas  encore  entièrement  dé- 
livrées, qu'il  ne  peut  êtrejinutile  de  rappeler  l'état ,  où 
nous  les  voyions  naguère ,  et  où  quelques-unes  se  trou- 
vent encore,  au  moment  où  j'écris.  En  voyant  le  point 
où  il  a  fallu  prendre  les  prisons,  on  sentira  mieux  les 
améliorai  ions  qu'elles  demaqdoient,  et  celles  que  leup 
i;égime  sollicite  encore.  •  ^ 

TITRE  II. 

* 

DU    MATÉRIEL.. 


CHAPITRE  l".  Coup  d' œil  général  sur  h  matériel 

des  prisons, 

La  plupart  des  défauts,  que  Ton  remarque  dans  nos 
prisons ,  tiennent  à  leuF  matériel.  L'imperfection  de 
cette  partie  rejaillit  sur  toutes  les  autres ,  et  maint 
abus  dans  la  discipline  n'est  dû  qu'à  l'exiguïté ,  ou 
à  la  construction  vicieuse  des  bâtimens^  affectés  à  ce 
service.  En  général ,  toutes  nos  prisons  appellent  la 
réforme  sur  cet  objet  capital  :  malheureusement ,  c'est 
sans- doute  l'amélioration,  dont  nous  sommes  le  plus 
éloignés  9.à  cause  des  dépenses  qu'elle  entraînera  néce&^ 


358  DES  PRISONS. 

virement.  IVIai^  beaucoup  de  prisons  ne  seront  famaîs 
'4\^  poifil  de  perfectioa^  où  nous  pouvons  prévoir  qu^ou 
\es  amèneroit ,  tant  <}u'oa  ne  leur  donnera  pas  d'aulres 
édifices  que  ceqx  cai  elles  sont  placées  maintenant. 
Jqsqpe-là,  il  sera  diflicîte  de  les  rendre  ;assez  sûres  ^ 
pour  ôter  aux  gar^îçns  tout  prélexte  de  vexer  les 
flétenus ,  par  imi^  .«urveiUanee  tyranniqiie  ;  a^sez 
spacieuses,  pour  procurer  aux  prisonniers  l'aisance  et 
la  salubrité ,  dont  ils  doivent  )ouir  et  de  délivrer  cer- 
taines prisons  de  deux  fléaux,  presque  aussi  retloutables 
^e  la  captivité,  l'oppression  et  les  épidémies.  Les 
eiforU  les  plus  soutenus  seront  inipuissaits  contre  ces 
résultats  funestes  p  taat  qu'on  n'aura  pas  reconstruit  » 
sur  un  meilleur  plan  ,  les  prisons  où  ils  se  déclarent. 
Nous  nous  occuperons,  dans  la  troisième  partie,  des 
moyens  de  les  pallier,  jusqu'à  cette  époque  désirée.  . 

Les  vices  matériels  des  prisons  tiennent  à  leur  ori- 
gine et  aux  circonstances,  qui  ont  accompagné  leur  éta- 
blissement. On  peut  reconnoilre  ,  dans  les  prisons  de 
France,  trois  origines  distinctes.  Les  unes  ont  été 
créées  par  la  puissance  féodale  ;>  d'autres  l'ont  été  par  les 
Gouvernemens,  qui  nous  ont  régis,  soit  avant,  soit 
depuis  1792;  enfin  d'aulres-^ont  été  établies,  depuis 
cette  éppquet.  dans  des  édifices,  qui  ne  leur  étoient 
point  destinés  origlnalreaient ,  mais  qu'on  amassez  ha- 
bilement appropriés  à  leur  nouvei  usage. 
.  Malheureusement  tes  deux  dernières  classes  sont  les 
moin$  nombreuc^s  et  la  plupart  de  ^ps  prisons ,  sur- 
tout  de  celles  qui  servent  de  maisons  Vl'arrât  oudejus* 
tice ,  sont  un  héritage  de  la  féodalité  et  portent  encore 
des  traces  de  cette  origine.  £n  général/  il  semble 
qu'en  les  construisant ,  on  se  soit  moinâ  occupé  du  sori 


DU  MATERIEL:  359 

des  malheureux  qu'elles  doivent  renfermer,  que  du 
soin  de  earaclériser  la  triste  puissance  des  seigneurs , 
qui  les  éievoient.  Aiicuri  des  attributs  de  la  haute  justice 
n'yétpit  oublié)  mais  souvent  les  bornes  de  U  fortuné 
du  fondateur  avoiedt  forcé  d'en  restreindre   les  di- 
mensions ,  s^n^  proportion  avee  le  nombre  d«s  prison- 
niers, auxquels  elles  étoient  destinées.  D^ln  autre  e6lé, 
Tapplicaf  ion  de  ces  prisons ,  originairement  coottrui* 
tes  pour  des  eeigneuries  peu  considérables,  à  desjuri* 
dictioQs  plus  étendues,  et  la  multiplication  progressive 
des  délits ,  et ,  par  conséquent ,  des  prisonniers ,  avoient 
rendu  insuffisantes  pour   leur  nouvelle    destination 
celles  mêmes  qui  étoient  bien  appropriées  à  leur  «sage 
primitif.  Aussi  presque  toutes  sont  aussi  étroites  que 
malsaines,  et  leur  situation ,  auprès  de  Taneienne  de- 
meure du  haut  justicier ,  dont  elles  étoient  le  farou*^ 
che  ornement ,  ajoute  encore  à  Tinsalufatrité  de  leur 
disposition. 

T)&  ces  caractères  pernicieux  t  les  prisons  féodales 
pnt  encore  tous  eeui:  qui  tiennent  à  Tensemble  de  leur 
construction  et  que  Us  réformes  dans  I^admjnistratîon 
ne  peuvent  Uur  enlever^  Etlea  sont  petites  et  insalubres^ 
la  sûreté  n'y  est  due  qu'à  l  exiguïté  du  local  ,^ qui  per- 
mettoit  à  nu  seul  g^rdi^il  ds  porter  l'œil  de  k  surveil- 
lance sur  toute  la  prison  à  la  fois.  Celles  qu  00  a  con- 
servée^ »  situées  au  milieu  des  vîUes ,  accolées  à  des  pa- 
lais 9  qui  ont  changé  de  maîtres ,  ont  tous  les  inconvé^ 
iiiens,  qui  résultent  de  cette  situation  :  impossibilité 
de  les  agrandir  »  défaut  d'air ,  eommuntcatien  avec 
des  habitations  voisines,  qui  rend  la  garde  extérieure 
très-dif&cile  et  favorise  le^  évasions.  Il  n'en  est  point 
d'ailleurs  ^  qui  soient  .aussi  riches  en  cachots  et  où  la 


36o  .DES  PRISONS, 

vue  fréquente  de  ce  terrible  moyen  de  répression  en^ 
gage  ies  geôliers  à  ea  user  aussi  souvent.  I^nfin  la  dîT- 
féreoce,  qui  existe  toujours  entre  la  fortune  particu^ 
lière-la  plus  brillante  et  les  finances  d'une  nation ,  a 
forcé  de  naettre  dans  leur  élablîssenient ,  une  écono- 
mie ,  qui  a  tourné  tout  entière  au  préjudice  des  prison- 
niers, soit  en  influant  sur  l'étendue  du  local  •  soit  en  y 
rèfusjiut  des  accessoires  indispensables.  On  y  cherchoît 
vainement  beaucoup  de  choses  utiles,  même  nécessai- 
res ,  que  la  parcimonie  des  fondateurs  avoit  supprimée» 
et  qui  ne  s'y  trouvent  que  depuis  qu'elles  sont  passée* 
daris  les  mains  de  TEtat;  Mais  elles  manquent  encore 
de  beaucoup  de  dépendances  utiles ,  que  les  localités 
on  le  défaut  d'argent  ont ,  jusqu'à  présent ,  empêché 
de  leur  donner.  Ces  prisons  sont  donc  les  plus  impar- 
faites de  toutes  et  il  faudra.,  en  définitive,  renoncer 
absolument  à  s'en  servir. 

Quant  à  celles  établies  dans  àés  bâtimens  qui  n'à- 
voient  pasétéconstruitspour  ce  service,  elles  sont,  en  gé- 
néral, beauieoupplnssati^aisantes.  L'ancien  usagQ  de  ces 
édifices,  qui,  presque  tous  étoîent  des  couvens,  les 
rend  très-propres  à  leur  nouvelle  destination.  Comme 
les  prisons  ^  Les  couvens  étoîent  l'habilalion  conti- 
nuelle d'un  assez  grand  nombre  d'hommes  réunis,  et  y 
par  cela  même,  étoient  disposés  pour  les  loger,  sans 
iaconvéniens^  et  de  la  manière  la  plus  commode.  La 
plupart  étoient  spacieux  et  renférrnoient  dans  leur 
enceinte  presque  tout  ce  qui  est  nécessaire  à  la  vie.  Le 
soin  avec  lequel  on  les  avoit  construits  etdbtribués, 
le  grand  nombre  de  choses  utiles,  qu'on  y  avoit  réu- 
nies ,  et  leur  situation , ordinairement  isolée  ,  en  font, 
presque  partout;  les  meilleures  prisons  que  nous  ayonsi, 


DU  MATERIEL.  36 1 

Combien  n''est-îl  pas  à  regretter,  que,  dans  chaque 
département,  on  n'ait  pas  écouté  les  voix  sages,  qui 
réclamoient ,  pour  le  service  public ,  ces  vastes  et  soli- 
des constructions  et  que   d'imprévoyans  administra- 
teurs aient ,  pour  un  modique  intérêt ,  on  dans  les 
mouvemens  irréfléchis  d'une  fougue  révolutionnaire , 
privé  la  nation  de  ces  précieuses  propriétés,  dont  la. 
plupart  n  existent  plus  maintenant  qu'en  souvenir, 
tant  ravidité  des  acquéreurs  a  rapidement  renversé 
ces  monumens,  pour  trafiquer  de  leurs  ruines?  Avertis 
par  l'expérience  du  passé,  c'est  à  nous  de  conserver 
avec  soin  le  peu  qui  nous  reste  de  ces  édifices,  qui  dîs- 
paroissent  successivement  de  la  surface  de  notre  sol.  11 
seroil  à  désirer  qu'on  pût  consacrer  au  service  public 
ceux  qui  n'ont  pas  été  détruits  et  dont  le  Gouvernement 
pourroît  redevenir  propriétaire,  par  rétrocession. 

Enfin,  il  est  quelques  prisons^  qui  ont  été  bâties  à 
desssein,  pour  cet  usage  même,et  qui  se  recommandent 
à  quelques  égards.  On  peut  surtout  remarquer,  entre 
les  prisons  féodales  et  le  petit  nombre  de  celles 
que  nos  rois  ont  élevées  sous  l'ancien  régime,  quel- 
qu'imparFaites  qu'elles  soient  elles-mêmes,  des  diffé- 
rences, qui  montrent,  que  les  unes  sont  l'ouvrage  de 
Torgueil  privé,  et  que  les  autres  ont  été  élevées  par 
des  hommes  d'Etat.  L'humanité  n'y  est  pas  offensée 
presque  gratuitement ,  comme  dans  les  premières  ; 
mais  elle,  n'y  trouve  pas  toujours  toutes  les  garanties 
désirables.  Souvent  le  local  est  trop  petit,  et  ce  défaut 
est  l'un;  des  plus  fâcheux  pour  les  détenus.  Souvent 
aussi ,  les  constructions ,  faites  à  l'entreprise ,  n'ont  point 
la  solidité  convenable  ,  et  la  société  est  exposée  à  voir 
s'échapper  des  scélérats,  qu'elle  redoute  justement. 


362  DES   PUISONS. 

D'un  antre  côté ,  ces  prisons  n  ont  pas  été  constrnites 
sur  un  plan  uniforme  et  déterminé  ;  on  a  suivi  le 
caprice  de  l'architecte,  ou  la  direction  donnée  par  les 
administrateurs  locaux ,  et  chacune  de  ces  prisons  est 
différente  de  toutes  les  autres.  Il  en  ^résulte  des  omis- 
sions importantes  et  des  différences  dans  la  discipline , 
qui  sont  loin  d'être  favorables  aux  prisonniers. 

Quant  à  celles,  en  petit  nombre  ,  tjui  ont  été  cons- 
truites depuis  1792  ,  elles  sont ,  en  général ,  dignes 
d'éloges ,  quoiqu'elles  aient  aussi  le  défaut  de  ne  pas 
être  modelées  sur  un  plan  général  et  uniforme.  On  a 
cherché  è  les  rendre  réellement  propres  à  l'usage,  au- 
quel on  les  destinoit  et  il  en  est  quelques-'iines,qui  ont  été 
faites  avec  soin  et  intelligence;  On  distinguoit  entre 
autres  celles  du  département  du  MonC-Blanc ,  dont  la 
principale  a  cessé  de  nous  appartenir.  On  trouve  encore, 
dans  l'intérieur,  quelques  prisons  et  maisons  centrales 
assez  bien  construites  ;  mais  le  nombre  on  est  sensible- 
ment inférieur  aux  besoins  du  service. 

CHAPITRE  II.  Petitesse  desPrisans. 

ê 

L'exigvité  du  local  est  le  vice  le  plus  général  et, 
tout  à  la  fois,  le  plus  fâcheux  de  nos  prisons.  De  lui  seul 
découle  une  multitude  d'inconvéniens,  qu'il  rend  iné- 
vitables, et  qui  font  de  cette  institution ,  un  véritable 
iléau  pour  rhumanité.  Combien  ne  voit-on  pas  de  pri- 
ions ,  qui  regprgent  de  détenus ,  et  dont  l'étendue  est 
tellement  disproportionnée  avec  le  nombre  de  leurs 
habitansj  ou  de  ceux  qu'on  se  promet  d'y  entasser  , 
qu'il  semble  qu'on  ait  seulement  cherché  à  calculer 
géométriquement  combien  de  corps  humains  peuveni 


DU  IVIATERIEL.  353 

$e  mouvoir  dan^  un  espace  donné,  sans  s'embarrasser 
de  leur  procurer  les  moyens  d'y  vivre  ou  au  moins 
d  y  respirer! 

.  C'est  surtQut  dans  les  priisons  définiiives ,  que  se  fait 
(remarquer  celte  funeste  «économie  de  logement.  Aa 
nomhre  des  améliorations  précieuses,  dont  ces  prisons 
ont  été  Tobjet,  on  regrette  <le  ne  pîjs  voir  figurer,  ea 
première  ligne  ^  la  réduction  du  nombre  des  prison- 
niers ,  qu'elles  peuvent  contenii*  sans  danger.  Cettq 
omission  est ,  nous  n'en  doutoils  pas  ,  une  des  causes 
les  plus  puissantes,  qui  aient  combattu,  jusqu'à  ce  jour, 
les  soins  que  l'on  a  pris,  pour  approprier  ces  établis- 
,semens  à  leur  destination,  0^  a  cherché  tous  les 
moyens  d'améliorer  leur  régime ,  on  ^n  a  employé 
plusieurs,  avec  un  véritable  succès  ,  et  néanmoins  il  y 
reste  encore  bien  des  choses  à  désirer.  Mai$  la  grai^ 
deur  du  local ,  ou ,  ce  qui  revient  au  niéme  ,  la  justtf 
proportion  entre  l'étendue  des  bâtimeas  et  le  nômbra 
de  prisonniers  qn'ils  peuvent  contenir ,  est  une  des 
réformes  les  plus  utiles,  que  l'on  puisse  y  opérer. 

•  Il  en  est  de  mecne  de  certaines  maisons.d'arrêt,  où 
le  nombre  des  détenus  excède  évldefnment  la  gran- 
deur du  local,  Cependïint  cet  inconvénient  y  est 
moiris  sensible  que  dans  les  autres  prisons,  parce- 
qq'ellfis  ont  rarement  bea^acoup  de  prisonniers  à  ren- 
fermer. Placées ,  le  plus  $ouveat ,  dans  le*  iehefs-Ueux 
d'arrondisserpent ,  elles  ne  sont  pa«  ordinairement 
^rcbacgées  de  détenus.  Mais  souvent  aus^i,  quoiqu'on 
n'y  ait  pas  besoin  d'un  grand  local ,  les  bâtiment  y 
sont  encore  inférieurs  à  la  proportion  nécessaire  ,  et  » 

»  dans  l'idée  que  ççs  prison*  ne  dévoient  p«ô  être  très- 
g;rande$ ,  on  leur  a  parfois  nssigfté  des  édifices  trop  peii 


J64  DES  PRISONS. 

GOBsiilërables.  Dan^, quelques  villes,  c'est  tine  simple 
maison^  de  particulier,  qui  sert  de  niarson  d'arrêt,  et  , 
iiidëpendamHient  du  défaut  essentiel  d'être  très~mal 
appropriées  à- leiwF  destinât iôa,  les  prisons  de  ce  genre 
ont  encore  le*  désavantage  d'être  peu  sures  dans  tous  les 
cas,  et  d'êtve  trop*  petites  dans  certaines  occasions, 
comme  dans  te  cas  de  translation  de  détenus ,  où 
elles  doivent  servir  dfe  dép6ts  pour  les  passages  ; 
elles  sont  alors  encombrées ,  au  point  qu'on  est  obligé 
d'enlasser  les  prisonniers  ,  d'une  manière  réellement 
affligeante,  et  que  cette  surcharge,  dure  souvent  plu- 
sieurs Jours. 

'  Quelquefois  aussi ,  le  nombre  des  prisonniers  varie 
d'une  manière  très- marquée, et  se  trouve  excéder  de 
beaucoup  les  proportions  ordinaires.  Une  contrée, 
long-temps  paisible^  est*  tout  à  coup  envahi^  par  une 
bande  de  voleurs;  tous  les  gens  sans  aveu  des  envi- 
rons viennent  se  joindre  à  ce  noyau ,  et  bientôt  l'ordre 
public  n'a  pas  trop  de  ses  nombreux  défenseurs,  pour 
être  protégé  contre  ces  ennemis.  Une  mauvaise  ré- 
colte,  un  hiver  rigoureux ,  multiplient  aussi.,  d'unq  * 
manière  effrayante ,  le  nombre  des  crimes ,  et  par 
cela  même,  celui  des  prisonniers.  Dans  de  telles  çir-. 
constances  ,  les  maisons  d'arrêt  ordinaires  sont  pres- 
que toujours  insuffisantes;  et  ces  prisons,  qui  n'avoîent 
jamais  renfermé  que  dix  à  douze  prisonniers,  gardés 
facilement  par  un  seul  geôlier ,  se  trouvent  alors  rem- 
plies de  brigands ,  dont  l'audace  et  le  nombre  exigent 
de  puissans  moyens  de  sûreté  et  des  gardiens  multi- 
pliés. 

•  Ces  cas  sont  rares ,  il  esf  vrai ,  mais  ils  sont  possibles  ;   ' 
des  exemples  nombreux,  ne  le  prouvent  que  trop  et,  si- 


t)U  MATERIEL.  565 

l'on  ne  peut  s^en  faire  une  base  générale,  ponr  la  di- 
mension à  donner  aux  maisons  d'arrêt,  il  seroit  ce- 
pendant à  désirer  qu'on  ne  les  oubliât  pasenlièr^ment, 
dans  Tappréciation  de  celle  ^  qu'on  devra  leur  donner 
ordinairement. 

•    Mais  la  petitesse  des  maisons  d'arrêt  est  bien  plus 
sensible  encore,  quand  elles  sont  réunies  avec  lès  mai* 
sons  de  justice  ,  comme   on  te  voit  dans  quelques 
chefe-lieùx  de  déparlement.  C'est  alors  que  les  deux 
prisons^  se  partageant  lin  local ,  tout  au  plus  suffisant 
pour  une  seule  ,  sont  resserrées  outre  mesure  ,  et  pré- 
sentent tous  les  inconvéniens  de  la  petitesse.  Oufre  les 
dangers  physiques  d'une  population  excessive ,  on  y 
trouve  tous  les  désavantages  moraux ,  que  nous  avons 
déjà  signalés,  dans  la  première  partie  de  cet  ouvrage; 
une  injuste  et  funeste  confusion  de  tous  les  genres  de 
détention,  qui  rassemble,  sous  le  même  joug, les  pri- 
sonniers, qui  devroient  le  plus  être  séparés,  et  l'impos- 
sibilité ,  presque  absolue ,  de  permettre  aux  détenus^ 
de  se  livrer  à  un  travail  utile  et  salutaire. 
:    C'est,, d'ailleurs,  une  vérité  fâcheuse ,  niais  incon- 
testable, que,  dans  certaines  prisons,  il  règne  une  con- 
fusion complète,  parmi  lès  détenus.  L'âge,  le  sexe,  la 
cause  de  la  détention  n'y  semblent  pas  des  mol  ifs  assez 
puissans  ,  pour  motiver.une  séparation  ,  à  laquelle  on 
opposé  toujours  une  raison  sans  réplique ,  l'insuffisance 
du  local.  11  est  des  maisons  d'arrêt  et  de  justice,  où  pré- 
-vénus,  accusés  et  condamnés,  jeunes  et  vieux,  homnies 
et  femnijes,  séparés  par  des  divisions  illusoires,  passent, 
dTectivement  confondus ,  tout  le  temps  de  leur  déten* 
•tion ,  ou  trouvent  dans  la  geôle  un  lieu  de  réunions 


366  DES  PMSONS: 

scaodaleiises,qui  rédaîtàxien  les  précauiiotis,  prises  en 
apparence,  pour  les  séparer.  ^ 

Il  en  est  même  heaucoup,  où  Ton  n^a  pas  seulement 
pris  les  précautions  les  plus  simples,  pour  s'opposer  aux 
désordres  révoltans ,  que  ne  peut  manquer  de  produire 
la  réunion ,  sous  le  même  toit ,  des  individus  les  plus 
dépravés  dans  les  deux  sexes.  Sans  la  loi  que  je  rrie  suis 
imposée,  de  ne  présenter  dans  cet  écrit  que  des  résultats 
généraux,  et  d'éviter  les renseîgnemens  locaux  et  in* 
dividiiels,qui  dégénèteroient  presque  en  dénonciations^ 
je  pourrois  citer  àe&  exemples  de  cette  scandaleuse  réu- 
nion.des  deux  sexes;  mais  il  me  suffit  de  faire  observer 
que,  trop  souvent,  les  vices  d'un  régime  inmiorai  vîem 
nent  encore  ajouter  aux  désavantages  d'un  rapproche- 
ment, que  la  petitesse  des  bâtimens  semble  rendre  iné-» 
vitable.  Les  abus ,  qu'on  néglige  de  réprimer,  rendent 
plus  sensibles  encore  ceux  que ,  jusqu'à  présent ,  ïad*- 
ministration  avoît  paru  résignée  à  souffrir ,  comme 
attachés  à  la  mauvaise  disposition  des  prisons  elies^ 


mêmes. 


Nous  reviendrons  plus  loin  sur  ceux  de  ces  abus,  qui 
viennent  de  la  négligence  oq  de  la  coupable  condescen-^ 
dance  des  geôliers.  Nous  ne  parlons  ici  que  de  ceux  j 
qu'on  ne  peut  pas  leur  reprocher,  mais  qo'il  n'est  pas 
moins  important  de  réformer. 

Nous  remarquerons,  en  première  ligne,  la  réunion 
dans  la  même  enceinte  de  prisonniers,  arrêtés  ou  déte^ 
nus  pour  des  motifs  absolument  disparates.  Le  geôlier 
ne  peut  refuser  de  recevoir  tout  individn,  légalement 
arrêté,  qui  lui  est  amené  et  remis ,  en  vertu  d'nnor«> 
dre  légal.  On  ne  peut  donc  lui  faire  un  i*epreche  de 


DU  MATERIEL.  36- 

lenîr  dans  la  même  prison,  d^s  prisonniers,. qnî  de- 
vroîent  être  enfermés  séparément.  Mais  quels  tristes 
résultais  produit  cette  fâcheuse  confusion  !  On  voit  tous 
les  jours,  dans  la  même  cour  et  sous  les  mêmes  ver- 
roux ,  l'enfant  que  son  père  a  voulu  corriger  par  une 
courte  détention ,  le  militaire  qui  a  manque  à  la  disci- 
pline, ou  le  malheureux-  qui  n'a  pu  remplir  à  temps 
les  engageniens  iqu'il  avoit  souscrits,  à  côté  d'houimefi 
sur  lesquels  pèsent  les. accusations  les  plus  graves,  ou 
même  que  flétrissent  à  jamaîsdes  condamnations  igno- 
minieuses* Ce  n'est  point  ici  une  exagération  vaine,» 
inspirée  par  le  désir  de  présenter  des  rapprochemens 
déclamatoires  :  c'est  le  tableau  simple  et  fidèle  de  Tétat 
d'une  foule  de  prisons  dans  nos  départemens. 

Il  en  est  même  plus  d'une,  où  l'on  remarque  un  abus 
plus  révoltant  encore,  s'il  est  possible.:  c'est  l'admis- 
sion 4  au  moins  inconsidérée ,  dans  les  prisons,  des  per'- 
sonnes  attaquées  d'aliénations  mentales.  Sans  parlef 
de  l'inconvénient  grave  de  confondre  ainsi  avec  des 
hommes  infâmes  des  malheureux,  qui,  dans  leur  triste 
position ,  jouissent  encore  de  toute  la  considération  due 
à  la  probité ,  tout  le  monde  sait  que  rien  n'est  plus  con- 
traire à  la  cure  de  ces  funestes  maladies  que  le  séjour 
des  prisons.  La  duretjé  des  guichetiers  ^  les  brutales  rail- 
leries des  détenus ,  l'aspect  continuel  des  chaînes  et  des 
cachots  ne  sont  propres  qu'à  les  aggraver.  Je  ne  suis 
pas  le  seul  qui  ait  vu  de  malheureux  aliénés,  réduits, 
dans  une  saison  assez  rigoureuse  ^  à  une  nudité  com-^ 
plète ,  et,  en» proie  aux  accès  d'une  sombre  fureur, 
rugir  en  secouant  les  fers  qui  compriment  leurs  mains, 
et  ne  plus  paroître  sentir  l'existence  que  par  les  tour- 
menfi  de  la  captivité.  Est-ce  ainsi  qu'on  devroît  traiter 


368  DES  PRISONS, 

des  malheureux-,  qui  ont  droit  aiix  plus  grands  égards  ^ 
et  dont  Tétat  exige  le  régime  le  plus  doux  et  l'apparence 
de  la  liberté  la  plus, entière  ?  Cependant  un  rapport  offi- 
ciel constate  que  plus  de  six  cents  de  nos  compatriotes  gé- 
missent dans  cet  état  déplorable ,  et  que  partout ,  même 
dans  des  villes,  où  il  se  trouve  des  maisons  de  santé  pour 
les  fous ,  on  les  enferme  dans  les  prisons. 

Quant  à  la  réunion  des  deux  sexes  dans  la  même 
prison ,  en  supposant  même  qu'ils  aient  des  quartiers 
séparés ,  un  seul  exemple  prouvera  combien  elle  est 
dangereuse 9  et  quelles  précautions  on  doit  prendre, 
dansTintérêt  de  l'ordre  public,  pour  les  prisons  ainsi 
distribuées.  Il  en  est  une,  où  les  hommes  et  les  femmes 
habitent  le  même  édifice,  mais  dans  des  quartiers  ab- 
solument distincts.  Leurs  fenêtres  ne  se  correspondent 
point  ;  les  préaux  où  ils  prennent  la  promenade  sont 
trop  éloignés  l'un  de  l'autre,  pour  qu'ils  puissent  avoir 
ensemble  aucune  conversation,  et  il  est  certain  qu'ils 
ne  peuvent  ni  se  voir  ni  se  parler.  Mais  les  deux  quar- 
tiers ont  un  mur  mitoyen  ;  et  bien  que  <re  mur ,  en 
pierres  de  taille  et  de  plusieurs  pieds  d'épaisseur?  sem-- 
ble  mettre  entre  eux  une  barrière  indestructible ,  bien 
que  les  Retenus  des  deux  sexes  ne  se  connoissent  pas 
réciproquement ,  les  prisonniers  ont  percé  ce  mur  dé 
citadelle  pour  se  réunir  à  des  femmes,  qu'ils  n'avoient 
jamais  vues.  Tant  il  est  vrai  que  la  surveillance  est  pres- 
que toujours  insuffisante  dans  les  prisons  qui  réunis- 
sent les  deux  sexes,  quelques  .précautions  qu'on  ait 
prises  pour  les  séparer  !  Que  ne  s^iumes-nous  à  l'épo- 
que, dont  heureusement  semble  briller  l'aurore,  où 
de  semblables  récits  ne  seront  plus  que  le  souvenir  d'a- 
bus qui  n'existeront  plus  ! 


Du  a^ATERIEL.  369 

Uf^ autre  inconvéïûent ,  bien  fâcheux  encore ,  mais 
d'abord  moins  frappant,  de  la  petitesse  du  local,  c'est 
rimpossibilité  où  elle  met  toujours  les  prisonniers  de 
se  livrera  un  travail,  qui  les  occuperoit  utilement  et 
leur  procureroit  quelques  légers  bénéfices.  Quand  la 
prison  est  trop  remplie,  toutes  les  pièces  qui  la  compo- 
sent sont  transformées  en  chambres;  souvent  même  les 
prisonniers  n'ont  pas  l'espace  nécessaire  pour  se  loger 
commodément,  et  sont  accumulés  sans  mesure  dans 
des  salles  étroites,  à  peine  suffisantes  polir  un  nombre 
même  inférieur.  On  a  vu  des  prisons,  destinées  à  con- 
tenir ordinairement  de  quinze  à  vingt  individus,  dans 
lesquelles  plus  de  cent  détenus  de  tout  âge  étoient  ras- 
semblés temporairement.  On  conçoit  qu'il  ne  falloit 
point  penser  à  monter  des  métiers,  quand  les  détenus 
remplissoient  jusqu'aux. corridors^  et  qu'ils  trouvoient 
à  pueinele  moyen  d'étendre  une  botte  de  paille,  pour  y 
reposer  à  deux  ,  sur  les  marches  d'un  escalier. 

Cette  affluence ,  qui  se  renouvelle  toujours ,  mais 
d'une  manière  plus  ou  moins  sensible ,  dans  les  mai- 
sons de  justice,  à  l'époque  des  sessions  de  cours  d'assises, 
est  plus  fâcheuse  encore,  quand  elie  a  lieu  dans  une 
maison  d'arrêt,  où  naturellement  les  détenus  doivent 
faire  un  plus  long  séjour.  Cependant  il  ne  faut  pas 
croire  que  les  maisons  de  justice  ,  destinées,  d'après  la 
loi,  à  ne  renfermer  que  des  accusés,  ne  conservent  ef- 
fectivement les  prisonniers  que  dans  l'intervalle  qui 
sépare  leur  mise  en  accusation  de  leur  condamnation , 
c'est-à-dire ,  pour  la  plupart ,  une  semaine  avant  et  une 
après  la  session  des  assises.  D'abord  ,  pour  presque  tous 
les  détenus,  la  condamnation  ne  devient  définitive 
qu'au  bout  de  deux  ou  trois  mois ,  à  raison  des  pour- 

2é 


37©  DÈS  PRISONS. 

VOIS  ciï  cassation  ;  «t  c'est  tiii  temps,  qu^Hs  passent  tou- 
jours à  la  maison  êe  justice.  Ensuite,  ils  né  soiit  pas 
transférés  sur-le-champ  dans  les  bagnes  ou  les  prisons 
pour  peines,  où  ils  doivent  subir  leur  condamnatioQ, 
et ,  quelquefois ,  ils  attendent  cinq  à  six  mois,  après  leur 
exposition  an  carcan  ,  le  départ  d'une  chaîne  on  Tofr 
dre  de  Irauslation ,  qui  leur  fasse  quitter  cette  prison 
provisoire.  C'est  ainsi  que  les  maisons  de  justice  sont 
toujours  plus  ou  moins  peuplées  dans  Fintervalle  d'ane 
session  à  Tantre. 

On  voit  que  celte  population  se  compose  ,  en  grande 
partie,  d'hommes  condamnés  aux  précédentes  ses- 
sions, et  qui  attendent  Tissue  de  leur  pourvoi  en  cas- 
sation ,  ou  l'instant  de  leur  départ  pour  les  lieux  06  ils 
doivent  subir  leur  peine.  Quand  arrive  Pépoque  dçs 
assises,  on  amène,  de  tous  les  points  du  département,  a 
la  maison  de  justice,  des  accusés,  qui  viennent  passeren 
jugement  ;  et  c'est  alors  qu'on  y  éprouve  tous  les  in- 
convéniens  de  l'encombrement  et  de  la  confusion  des 
accusés  et  des  condamnés,  et  que  l'insalubrité  du  séjour 
et  la  société  pernicieuse  des  criminels  démasqués  exer- 
cent leurs  ravages ,  dans  l'ordre  physique  comme  dans 
l'ordre  moral. 

On  n'évitera  jamais  ces  inconvéniens  tant  que  sub- 
sistera l'ordre  de  choses  actuel ,  pour  la  répartition  des 
prisonniers  dans  les  diverses  maisons  de  force,  qui  exis- 
tent en  vertu  de  la  loi.  La  division,  introduite  par  le 
Code  d'instruction  criminelle,  eji  prisons  pour  peines 
et  maisons  d'arrêt  et  de  justice ,  ne  me  parott  pas  hco- 
reuse  et  fondée  sur  une  analogie  bien  entendue.  On 
âvoit  sagement  fait  une  première  distision ,  qui  met 
d'un  côté  les  condamnés ,  et  de  l'autre  les  accusés  et  les 


0U  MATERIEL.  371 

prévenus;  mais,  dans  la  subdivision  des  deux  dernières 
dasaes,  on  semble  avoir  oublié,  ou  plotàt  nëgliçé  le 
principe  sur  lequel  est  basée  la  première  disposition  ^  la 
séparation  des  criminels  convaincus  d  avec  ceux ,  que 
signalent  seulement  des  présompHons ,  plus  ou  moina 
fortes  ;  et  »  en  ordonnant  que  les  maisons  d'arrêt  se^ 
raient  destinées  aux  prévenus,  et  les  maisons  die  justice^ 
à  ceux  contre  lesquels,  aivoit  été  rendue  une  ordon-^ 
nance  de  prise  de  corps ^  le  législateur  a  séparé  deux 
classes  de  prisonniers,  qui  pou  voient ,  sans  le  moindre 
inconvénient,  se  trouver  ensemble >  les  prévenus  et  les 
accusés,  et  il  a  confondu  les  dernier»  avec  les  condam^ 
nés,  qu'il  étoit  très-dangereux  de  leur  adjoindre,  fin 
même  temps*  il  a  laissé  dans  la  maison  d'arrêt  les  con-^ 
damné»  par  voie  de  police  correctionnelle,  deTnanière 
que,  pour  l'avantage  imperceptible  deséparer  les  pré-» 
venus  des  accusés ,  il  a  laissé  les  uns  et  les  autres  avec 
des  condamnés,  de  la  société  desquels  il  fallait  surtout 
les  délivrer.  Il  a  négligé  des  caractères  réellement  dis- 
tibctifs,  Tévidence  du  crime  dans  les  uns,  et  Tincerti^- 
tude  de  la  criminalité  dans  les  autres,  pottr  s'atli^cher 
à  la  distinction  »  presque  inaperçue,  des  présomptions^ 
plus  ou  moins  graves,  qui  placent  certains  prisonniers 
dans  la  classe  des  prévenus ,  et  font  renvoyer  les  autres 
en  état  d'accusation<^Telle  n'a  peut-être  pas  été  rinten- 
tion  du  législateur;  mais  telle  est  la  manière  dont  on 
exécute  la  loi ,  et  il  paroi^  di|£icile  de  la  suivre  plus  lit- 
téralement qu'on  ne  le  fait. 

Il  eût  été  plus  avantageux  de  diviser  les  prisonniers 
ordinaires,  les  seuls  que  je  voudrois  voir  dans  les  pri- 
sons proprement  dites,  en  inculpés  et  en  condamnés, 
et  dé  distinguer  encore  dans  ces  derniers  deux  classes; 


3;^  Ï)ES  PRISONS. 

Ttoie  des  individus  condamnés  correct ronnellêmi^nt  à 
un  emprisonnefment  de  moins  de  six  mois ,  ou  à  on 
plus  long  temps ,  mais  pendant  les  délais  de  lappel , 
et  destrondamnés  en  cour  d'assises ,  pendant  les  délais 
dn  pourvQi ,  et  Faiitre  des  condamnés  par  voie  de  po^ 
lic€  correctionnelle  à  plus  de  six  mois  d'eniprisonne- 
ment  et  des  condamnés  à  la  réclusion ,  dont  la  con- 
damnation seroit  devenue  définitive.  Au  moyen  de 
cette  division  >  les  maisons  d'arrêt  seroient  entièrement 
réservées  aux  incul{^iés,  soit  si  m  plies  prévenus^  soit  mis 
en  accusation  ;  la  première  catégorie  des  condamnés 
«eroit renfermée  dans  les  maisons  de  justice,  à  partir 
du  jour  de  leur  condamnation ,  et  les  autres  seroient 
envoyés  dans  les  prisons  définitives  *  soit  centrales, 
soit  départementales.  C'^st  ainsi  qu'on  pourroit  éviter 
de  confondre  des  hommes  évidemment  coupables  avec 
d'autres  ,  qui  peuvent  être  reconnus  innoceas,  avaiH 
tage  trop  précieux  pour  qu'on  le  néglige. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  et,  dans  Tétdt  actuel  des  choses, 
comme  les  condamnés  restent  toujours  un  certain 
temps  à  la  maison  de  justice,  il  seroit,  sans  doute,  à 
désirer  qu'ils  pussent  s'y  livrer  à  quelque  occupation 
réglée.  Le  travail  est  un  véritable  besoin  pour  des 
malheureux ,  que  rien  ne  distrait  ;  c'est  d'ailleurs  un 
puissant  moyen  d'amendement.  Comment  les  détour- 
ner du  vice ,  et  les  ramener  à  la  vertu  qu'ils  ont  ou- 
bliée ,  si  un  leur  permet  de  passer^  dans  une  oisiveté 
honteuse  et  immorale,  les  premiers  mois  du  temps 
d'expiation,  auquel  la  loi  les  condamne?  Ce  seroit  un 
grand  pas  de  fait  vers  la  correction  des  coupables 9 
que  de  procurer  aux  condamnés,  qui  attendent  le^ir 
translation,  les  moyens,  et  surtout  l'espace  néces- 


BU  MATERIEL.  373 

saîre  pour  travailler.  Dans  beaucoup  de  maisons  de 
justice  ,  l'un  et  Tautre  leur  manquent  absolument. 

Au  surplus,  la  petitesse  est  le  défaut  général  de 
toutes  les  prisons;  elles  sont  toutes  disproportionnées 
avec  le  nombre  des  prisonniers ,  sans  en  excepter  les 
prisons  définitives,  où  cet  inconvénient  est  d autant 
plus  fâcheux,  que  les  prisonniers  doivent  y  faire  un 
plus  long  séjour. 

CHAPITRE  III.  Insalubrité  des  prisons. 

Deux  causes  concourent  avec  énergie ,.  à  faire  dès 
prisons  le  séjour  le  plus  pernicieux  :  la  mauvaise  si- 
tuation de  ces  édifices,  et  le  défaut  d'air  q^'on  y 
éprouve.  Souvent  combinés ,  ces  deux  àgens  de  des- 
truction exercent  alors  Tinllaence  la  plus  terrible , 
entretiennent  dans  les  prisons  des.  épidémies  perma- 
nentes^ et  les  dépeuplent  avec  uneeffrayante  rapidité. 
Pour  ne  citer  qu'un  seul  exemple  de  cette  funeste 
disposition  des  lieux,  dans  desétablissemens,  qui  au- 
roient  tant  besoin  d'être  assainis,  nous  parlerons  seu- 
lement d'un  de  nos  départemens  frontières,  où  les 
prisons,  réunies  dans  un  ancien  palais,  présentent  tous 
les  incouvéniens  de  la  petitesse  et  de  l'insalubrité. 
Cette  maison  de  force ,  qui  est  tout  à.  la  fois  maison 
de  justice ,  maison  d'aprét  et  de  correction ,  maison 
de  dépôt  pour  la  translation  des  prisotmiers  d'un  dé- 
partement à  l'autre ,  et  dépôt  de  sûreté  pour  la  justice 
de  paix,  est  désolée  par  des  épidémies  fréquentes, 
et  presque  périodiques.  Ce  n'est  qu!à  l'aide  des  moyens 
tes  plus  forts,  et  des  soins  les  plus  assidus,  que  l'on 
parvient  à  désinfecter  l'air ^  toujours  vicié,  de  cette 
prison«  Faut  -  il  s'étonner  si ,  dans  des  prisons  de  ce 


374  DES  PtUSONS: 

{ifcure ^  la  mort  enlève,  chaque  année,  un' et  quelque 
fois  de%ix  cinquièmes  de  la  population  moyenne ,  tan^ 
dis  que,  dans  les  bagnes,  où  sans  doute  le  régime  n'a 
rien  de  trop  doux,  un  quarantième  seulement  suc- 
combe ,  sur  la  population. 

Sans  doute,  toutes  nos  prisons  ne  sont  pas  aussi 
mauvaises  que  celle  dont  nous  parlons  ^  et  que ,  depuis 
long-temps,  il  est  question  de  reconstruire;  mais,  eo 
général ,  elles  laissent  beaucoup  à  désirer  sous  le  rap- 
port de  la  salubrité ,  soit,  comme  nous  l'avons  déjà  re- 
marqué ,  à  cause  de  la  petitesse  du  local ,  soit  à  cause 
du  mauvais  choix  de  remplacement ,  et  des  vices  de 
distribution  ,  qui  lés  privent  de  la  quantité  d'air  né> 
cessaire  à  la  santé. 

Beaucoup  dès  prisons  de  France  sont  bâties  au  mi- 
lieu des  villes ,  dans  des  quartiers  populeux  ,  où  lair , 
déjà  altéré  par  la  respiration  d'un  grand  nombre  de 
per^rines,  est  d'ailleurs  privé,  par  la  hauteur  des b^ 
timêtis,  et  le  peu  de  largeur  des  rues ,  de  ce  mouve- 
linent ,  et  de  cette  circulation ,  qui  liii  retidroient ,  en 
gratide  partie ,  sa  pureté  et  sôn^  ressort.  Placées  daas 
nt\e  atnriosphère  ainsi  corrompue ,  les  prisons  ne  jouis- 
sent pas  même  d'une  masse  suffisante  de  cet  air  vicié , 
qui  ne  leur  parvient  que  difficilement.  Elles  sont  en- 
core presque  toujours  privées  de  recevoir  les  rayons 
du  soleil  9  condition  si  essentielle  de  la  salubrité  dies 
édifices.  Souveiit,  dans  une  prison  considérable,  le 
soleil  éclaire  à  peine  le  pied  des  murailles,  et  les  préaax 
mêmes  y  semblent  voués  a  un  crépuscule  perpétuel, 
parce  qu'on  n'y  rfeçoît  que  la  réverbération  du  s<h 
leil.  Sans  que  ses  rayotis  y  parvienhent  jamais  direc* 
iém^nt.  .        i 


IJ 


DU  MATERIEL.  3^S 

A  ce  défaut  ^  dont  les  conséquences  sont  toujours  fu- 
nestes, se.  joignent  souvent  des  vices  de  localité,  qu^ 
ne  détruisent  pas  moins  complètement  toute  salubrité. 
Les  prisons  construites  au  milieu  des  villes,  partici- 
pent, nécessairement  à  tous  les  inconvéniens^  que  celles- 
ci  présentent  par  leur  situation.  Â  Texception  de  queh 
que^unes,  que  des  motifs  politiques  ont  fait  placer  sur 
des  eoUuies^  et  qui  sont  plutôt  des  citadelles  habitées^ 
que  des  açgrégations  de  citadins  industrieux  et  paisibles, 
la  plupart  de  nos  villes  se  trouvent  dans  le  fond  def 
vallées  ou  <sur  le  bord  des  eaux  courantes ,  dont  lef 
unes,  par  leur  volume»  fournissent  à  la  navigation 
des  communications  précieuses ,  et  les  autres  prêtent 
aux  manufactures  le  secpurs  d'un  moteur  puissant  e^ 
caûtinUf  ou  d'un  liquide.,  nécessaire  aux  procédé^ 
des  arts. 

De  ces  diverses  situations ,  les  plus  avantageuses  sont 
la  position  élevée  ,  et  le  voisinage  des  fleuves  navigar 
Ues,  qui  se  confondent  presque  Tune  avec  Tautre ,  par 
la  tendance  des  grandes  rivières  à  couler  au  pied  des 
plus  hautes  montagnes.  Mais  ces  deux  positions  sont 
aussi  les  plus  rares,  il  n'y  a  point  de  grandes  villes  qui 
soient  ^tuées  sur  des  hauteurs  ^  et  quant  à  celles  qui 
avoisinent  un  fleuve  navigable,  elles  sont  en  petit 
nombre  sur  la  masse»  D'ailleurs,  dans  cette  quantité, 
il  en.  est  peu,  dont  les  prisons  ressentent  l'avantage 
de  cette  situation  ^  parce  qu'elle^  sont  éloignées  des 
bords  du  fleuve,  qui  en  fait  la  salubrité.  Quant  au^ 
villes  bâties  sur  un  terrain  bas,  comme  cela  se  ren- 
contre fréquemment,  à  cause  de  la  fertilité  ordinaire 
de  cette  position,  l'humidité,  à  laquelle  elles  sont  expq- 
sées,  influe  puissamment  sur  la  salubrité  des  prisons, ,, 


376  DES  PRISONS. 

OÙ  elle  agît  avec  bien  plus  d'énergie  encore;  aussi  ee 
est-il  beaucoup,  qui  ont  ce  défaut,  parmi  Us.maisons^ 
d'arrêt  et  de  justice^ 

On  ne  peut  pas  faire  le  même  reproche  aux  maisons 
centrales.  (]omme,  kleurégard,  on  n'a  pas  été  gêné  par 
la  nécessité  de  les  placer  auprès  des  tribunaux ,  on  les 
à  presque  toutes  établies  dans  des  monastères ,  où  elles 
jouissent  de  tous  les  avantages,  qu'on  avoit  recherchés 
dans  la  construction  de  ces  édifices ,  et  surtout ,  celui 
d'une  heureuse  position,  de  l'isolement,  et  d'une  at- 
mosphère libre  et  pure.  Tout  ce  que  Ton  pourroit  dé- 
sirer ,  ce  seroit  qu'elles  fussent  plus  multipliées,  et 
qu'on  eût  affecté  à  cette  utile  destination  beaucoup 
d'édifices ,  qu'avoît  épargnés  le  marteau  révolution- 
naire.  La  petitesse  des  prisons ,  ou  leur  disproportion 
avec  le  nombre  des  prisonniers  est  un  vice  général;  et 
les  prisons  centrales  ^les- mêmes,  plus  régulièrement 
garnies  de  prisonniers,  n'y  sont  pas  moins  sujettes  que 
les  autres.  Leur  local  est  également  insuffisant,  pour  le 
nombre  de  détenus  qu'on  y  enferme,  parce  qu'on  n'a 
pas  eu  la  précaution  de  fixer  un  taux ,  qu'il  né  de- 
vrott  pas  dépasser.    Des  administrateurs ,  qui  tien- 
jfieht  à  honneur  le  nofubre  d'homnies ,  que  contien- 
nent les  prisons  soumises  à  leur  garde ,  et  qui ,  outre 
l'avantage  pécuniaire  qu'ils  y  trouvent ,  ont  intérêt, 
pour  soutenir  une  certaine  concurrence  avec  des  éta- 
blissemens  rivaux ,  ou  pour  obtenir  quelques  fwéroga- 
tîves ,  d'en  augmenter  la  population ,  mettent  souvent 
tout  en  œuvre  pour  y  parvenir.  Un  prisonnier  de  plus 
est  pour  eux  une  conquête  précieuse,  et,  pour  l'ob- 
tenir ,  il  en  est  qui  n'épargnent  ni  soins ,  ni  démar* 
ches ,  ni  intrigues. 


Dû  MATERIEL.  377 

Au  milieu  de  tous  ces  calculs  d'un  intérêt  privé  et 
sordîde,  on  conçoit  que  celui  des  prisonniers  est  ton* 
jours  compté  pour  peu  de  chose.  Peu  importe  qu'une 
prison  ait  déjà  le  nombre  de  détenus,  suffisant  pour  la 
remplir^  sans  se  nuire  les  uns  aux  autres;  tant  qu'il 
n'est  pas  physiquement  impossible  d'y  amener  de  nou- 
veaux prisonniers,  on  n'examine  pas  si  ce  surcroît  de 
population  n'aura  pas  l'inconvénient  de  faire  des  pri- 
sons, ainsi  encombrées,  un  séjour  souvent  mortel, 
pour  les  malheureux  qu'on  y  retient. 

Ce  n'est  pas  sans  un  sentiment  pénible,  que  l'on 
voit,  dans  dès  prisons,  d'ailleurs  bien  administrées, 
et  tenues  avec  beaucoup  de  soin,  même  relativement 
au  coucher,  la  manière,  vraiment  pernicieuse,  dont 
les  chambrées  sont  remplies  de  prisonniers ,  au  moyen 
de  lits  à  deux  étages,  qu'on^y  a  construits.  Nous  entre- 
rons dans  quelques  détails  à  cet  égard ,  quand  nous 
parlerons  du  coucher.  Il  suffit  de  faire  observer  ici  que 
cette  augmentation  du  nombre  des  détenus  admissi- 
bles dans  les  prisons ,  ne  peut  avoir  lieu ,  sains  dimi- 
nuer, dans  la  même  proportion,  la  masse  d'air ,  déjà 
si  insuffisante,  qui  leur  est  accordée.  On  peut  même 
ajouter  que  cette  superposition  des  lits  est  dangereuse, 
en  ce  qu'elle  place  les  prisonniers  des  lits  supérieurs , 
dans  un  air  vicié  par  les  émanations,  qui  s'échappent 
des  lits  placés  au-dessous  et  qui^  comme  on  sait,  tèu~ 
dent  toujours  à  s'élever.  La  place  supérieure  est  donc 
déjà  malsaine  par  elle-même,  indépendamment  de 
la  multiplication  des  lits  ,  qui  résulte  de  la  latitude 
laissée  aux  chefs/ et  qui  contribue  puissamment  à  la 
prompte  dépravation  de  l'air ,  dans  les  dortoirs. 
Si,  à  cette  dispositipn  si  dangereuse,  se  joignent 


37»  DES  PRISONS. 

encore ,  comme  chi  n'en  voit  que  trop  d'exemplea^  des 
vices  de  localité ,  comme  Thumidité  ,  le  défaut  de  so- 
leil ,  ou  si  une  distribution,  maladroite  ou  mesquine^ 
prive  les  prisons  du  nombre  d'ouvertures,  nécessaire 
pour  y  renouveler  l'air  d'une  manière  suffisante ,  on 
conçoit  combien  ces  diverses  causes  réunies  doivent 
avoir  des  suites  fâcheuses  pour  la  santé  des  prisonniers. 
Il  est  certaines  prisons,  d'où  l'humidité  n'est  jamais 
bannie.  Quelques-unes,  par  le  désavantage  de  leur  posi- 
tion, ne  parviennent  jamais,  même  dans  les  jours  les 
plus  chauds  de  l'été,  à  un  état  de  siccité  satisfaisant.  Il  en 
est  aussi  qui ,  établies  dans  ces  anciens  châteaux-forts, 
dont  les  murailles  de.  pierre  a  voient  plusieurs  pieds 
d'épaisseur^  n'ont  juste  que  le  nombre  de  fenêtres,  in- 
dispensable pour  en  éclairer  l'intérieur,  de  sorte  qoe^ 
dans  ces  édifices,  qui  semblent  voués  à  une  éter- 
nelle et  humide  obscurité  ,  l'air  ne  pénètre  qu'en  trop 
petite  quantité,  pour  lès  besoins  de  leurs  habitans. 
Ils  manquent  donc  du  premier  agent  de  la  santé  ^ 
nn  air  pur  et  souvent  renouvelé. 

Souvent  aussi,  ces  défauts  ne  se  bornent  pas  aux 
chambres  et  les  prisonniers  n'ont  pas  plus  d'air  dans 
leurs  ateliers  que  dans  les  lieux  où  ils  couchent.  Les 
mêmes  causes  s'opposant  encore  à  l'ouverture  des  fe; 
nêtres,  ils  ne  quittent  l'air  empoisonné  de  leurs 
chambres  que  pour  passer  dans  des  salles  ,  qui  sont 
bientôt  tout  aussi  dangereuses.  Il  est  même  certaines 
prisons ,  où  les  préaux  eux-mêmes  sont ,  pour  aiasî 
dire^  p4*ivés  d'air ,  tant  on  semble  en  avoir  été  avare 
dans  leur  disposition.  La  hauteur  des  murailles ,  le 
peu  d'intervalle  qui  les  sépare ,  et  qui ,  dans  certaines 
prisons ,  leur  donne  plutôt  l'apparence  d'un  corridor 


DU  MATERIEL.  379 

qiie  d'nn  lieu  destiné  à  la  promenadç,  en  font  uneres^ 
source  pre^sque  illusoire  et  inutile  pour  la  salubrité; 
Tous  ces  inconvéniens  sont  réels ,  ils  existent ,  sou- 
vent même  réunis,  et  l'on  conçoit  combien  cette  ac- 
lion  combinée  doit  être  funeste  ;  aussi  les  prisons  qui 
les  éprouvent  sont-r-elles  toujours  exposées  aux  rav^iges 
des  -épidéniies.  On  ne  les  en  préservera  que  par  une 
réforme  totale  et  complète. 

CHAPITRE  IV,  De/aui  de  sûreté  des  prisons. 

Il  est  un  autre  vice  capital,  que  présentent  la  plupart 
des  prisons  particulières  :  c'est  le  défaut  de  sûreté. 
Presque  jamais  les .  maisons  d  arrêt  ou  de  justice  ne 
sont  asseà^  fortes,  ni  assez  bien  disposées,  pour  mettre  à 
Tabri  de  la  crainte  des  évasions. 

Entre  les  causes,  qui  donnent  naissance  à  cet  incon- 
vénient grave,  les  unes  tiennent  à  l'ensemble  des  prî- 
.scftiSy  les  autres  aux  détaiU/de  leur  construction  ou  de 
leur  distribution  ;  toutes  sont  importantes,  et  ne  cède- 
rdient  qu'à  Teaiploi  de  mesures  assez  étendues.  Elles 
seroient  Tobjet  d'une  réforme,  quelquefois  considéra- 
,ble,  fnais  souvent  facile  k  et  toujours  aussi  avantageuse 
.•pour  la  société  entière ,  que  pour  les  prisonniers  eux- 
mêilies  et  pour  leurs  gardiens.  En  général ,  tout  se 
lient  dans  l'administration  i  on  ne  peut  faire  le  bien 
des  uns,  sans  favoriser  en  même  temps  quelque 
antre  clafiîse,  et  chaque  bienfait  d'un  Gouvernement 
fait  tonfOOTS  plus  d'un  heureux. 

La  première  cauise  qui  reorde  les  prisons  peu  sures, 
c'est  leur  Situation  au  milieu  des  villes,  et  le  voisinage 
des  inaisoâs    particulières  «  dont  elles  ne  sont  p^s 


3ya  DES  PRISONS. 

isoIées^,  commc'  cela  devroit  être.  Beâuconnp  de-  pri- 
sons on(  (eurs  murs  de  clôture  en  mitoyenneté 
avec  les  propriétaires  voisins.  Le  même  mur  soutient 
le  toit  de  la  prison  et  celui  de  Thamble  demeure  d'un 
artisan  ou  quelquefois  du  palais  d'un  éminent  fonc- 
tionnaire. Dès  lors  la  surveillance  extérieure  est  nulle 
et  impossible.  Le  gardien  ne  peut  avoir  rœil  sur  des 
dehors,  qui  sont  eux-mêmes  occupés  à  titre  particulier^ 
et  on  ne  peut  l'autoriser  à  faire  des  rondes  dans  une 
maison  voisine ,  comme  iM'auroit  pu  dans  des  préaux, 
dépendant  de  la  prison ,  ou  dans  la  voie  publique.  Le 
prisonnier  n'est  donc  plus  surveillé  qu'au  dedans ,  et 
déjà  ses  tentatives,  pour  forcer  la  prison  ne  peuvent  être 
reconnues  que  d'uncôté,  surtout,  si  la  partie  delà  mai- 
son ,  qui  avoisine  le  mur  qu'il  veut  percer ,  n'est  point 
habitée ,  ou  si  elle  est  réservéeà  quelque  usage,  qni  n'y 
appelle  les  maîtres  qu'à  certains  intervalles  éloijgnés , 
comme  cela  se  rencontre  souvent.  Le  voisinage  des 
cachots  est  si  triste  ,  que  ceux  qui  demeurent  auprès 
d'une  prison ,  éloignent ,  autant  que  possible ,  des 
murs  mitoyens  ou  séparatifs,  leur  habitation  ordinaire 
et  relèguent  de  ce  côté  les  dépendances  les  moins  fré- 
quentées de  leurs  maisons.  C'est  ordinairement  des 
granges ,  des  bûchers ,  quelquefois  des  basses-cours 
ou  des  magasins,  qui  se  trouvent  près  de  cette  limite. 

Un  tel  voisinage  paroît  disposé  tout  exprès,  pour 
les  évasions.  Si  le  détenu  parvient  à  percer  le  mur  qui 
l'enferme ,  il  est  libre  et  n'a  plus  qu'à  chercher  les 
moyens  de  sortir  d'une  maison  particulière ,  toujours 
bien  moins  exactement  fermée  qn'une  prison  ;  et  l'on 
a  déjà  pu  sentir  combien  ils  seroient  peu  découverts, 
dâds  leurs  travaux ,  pour  forcer  ce  premier  obstacle. 


DU  MATERIEL.  38  i 

Ob  a  vu  lies  exemples  fréquents  de  ces  évasions  ,  qnt 
prouvent  combien  le  défaut  d'isolement  leur  est  favoî- 
rable;  mais  Tun  des  plus  frappans  est  fourni  par  nn 
chef-lieu  de  département ,  où  les  prisonnî^s,  ren^ 
feri^és  dans  la  maison  de  ju^iee ,  après  avoir  percé 
une  cloison  ,.qui  les  séparoît  seule  deThôtel  delà  Pré» 
fectore  ,  se  «ont  trouvés ,  dans  les  premiers  momens 
de  leur  évasion,  dans  lesappartemens  du  préfet.  Leura 
travaux  n'a  voient  point  été  troublés,  parce  que  la 
cloison  qu'ils,  perçaient  faisoit  partie  d'une  antique 
chapelle,  dépendante  de  la  Préfecture,  n^ais  depuis 
long<-tenips  abandonnée.  Ils  n'eussent  point  trouvé, 
sans  doute ,  la  même  facilité,  si  cette  cloison  eût  donné 
sur  lui  chemin  de  ronde,  qui  lui  même  eût  été  placé 
sur  la  voie  publique.  Leur  tentative  eut  été  promp-^ 
teroent' éventée,  si  l'extérieur  avoit  pu  être  surveillé , 
soit  par  le  gardien  lui-même,  soit  par  les  factionnaires^ 
•qui  doivent  toujours  être  postés  dans  les  environs 
•d'une  prison  et  d'une  Préfecture  et  qui  eussent  infail- 
liblement été  avertis,  par  le  bruit,  qu'ils  ont  dû  faire.- 
Cependant ,  le  détaut  d'isolement  auroit  des  résul- 
iats  bien  moins  graves ,  si  les  prisons  étoient  plus  soli- 
dement construites  qu'elles  ne  le  sont  pour  l'ordinaiie. 
Si  les  détenus  ne  se  voyent  enfermés  que  par  de  foi^ 
blés  cloisons ,  ou  par  des  murailles  composées  de 
parties  sans  adhérence,  l'évasion  lepr  devient  pos- 
sible et  l'amour  de  la  liberté  la  rend  bientôt  facile. 
Malheureusement  heaucoup  de  prisons ,  même  parmi 
celles  destinées  aux  condamnés,  ne  présentent  pas  ,  à 
un  degré  suffisant,  la  condition  de  la  solidité.  So.u< 
vent  lenceinte  consiste  dans  une  cloison  en  légères 
soKves ,  dont  Ifs  intervalles  sont  remplis  par  des  Iatte>^ 


38i  BES  PRlâOlïïS: 

areyé^ues  déplâtre  otî  dé  mortier  dé  chaax.  Celle  cona» 
trucHoQ  n  qui  est  suffisante  pour  les  diitributions  in- 
tëeieuses  et  pour  subdiviser  des  apparteinêhs ,  xompris 
dans  Teoceinte  générale  ,  est  absoLument  trop  foible  ^ 
foutef  lés  fois  que  les  prisonniers'  n'ont  pas  d*antre 
obstacle  à  vaincre ,  pour  se  trouver^or^  de  la  prison. 
0»H(g  dmt  donc  l'employeg  que  poor  les  doîs^na  de 
refend ,  mais  jamais  pour  f^ire  Fenceisilè  d'un  iiâti^ 
ment,  quel  qu'il  soit ,  quand  méipe  il  seroit  placé  au 
milieu  de  la  clôture  générale.  On  a  vq  ,  tout  récem- 
ment encore,  des  prisonniers  s  évader  d'une  inir* 
merie,  située  au  milieu^d'une  prison  assise  forte,  en  se 
glissant  tout  le  long  des  bàtimens*,  sons  le, toit ,  dans 
Tétroit  intervalle ,  qui  le  sépare  des  chambres  en  man« 
sardes ,  où  ils  étoient  enfermés..  Cette  iafif  meriè  étant 
située  au  milieu  de  la  prison ,  on  avoît  bâti  ses  laro-- 
bris  avec  une  économie  tellement  imprudente ,  qu'on 
ne  leur  avoit  donné  quinze  lignes  d 'épaisseur v atis^i 
les  détenus,  en  perçant  cette  foible  cloison  et  m  se 
glissant soûs  les  toifs ,  sont  parvenus  jiisqu^à  la  crête  des 
murs  extérieurs,  d-où  ^iis  sont  assez  facilement  des- 
cendus dans  la  campagne.  Cett«  évasion  éfoit  due  à 
l'insuffisance  d'uôe  clôture  ,  que  l'on  n'avoit  pas  crue 
importante  parce  qu'elle  étoit  centrale. 

Ce  défaut  capital  est  bien  plus  choquant  encore, 
quand  il  affecte  les  murs  de  clôture  extérieure,  comme 
on  le  voit  dans  quelques  prisons.  Il  est  alors  absolument 
intolérable  et  il  est  du  l'urgence  la  |dus  pressante  d^y 
porter  remède.  Qn'en  trouvera  plus  d'une  fcis  l'occa- 
sion. On  a  vu  des  prisons  nouvelles,,  dont  les  murs, 
qui,  d'après  les  marchés,  dévoient  Mre  en  pierres  de 
taûlle,  n'avoientété  construits  qu'en  moëlions,  déguisés 


BU  MATERIEL.  Ui 

%îl  moyen  d'un  revétenaent  de  piarpe ,  à  là  largeur 
convenue  V  niais  de  Tëpaisseur  d'un  pouée  seulement. 
Rien  fi'étoUplus  facile  que  de  briser  cette  foible^ldture: 
on  fut  obligé  de  la  refaire  entièrement. 
>  Il  ne  fai^t  pas  croire  cependant  que  les  grosses  pierres 
soient  les  meilleures  à  employer  p<>ur  les  murs  de 
elôtore*  Il  suffit  d'en  retirer  une  seule,  pour  avoir  une 
grande  ouverture  ,  et  on  parvient  souvent  avec  iisséz 
de  feciliUé  à  les  arracher  e.t  surtout  à  les  replacer ,  de 
manière  que ,  '  dans  les  visites ,  on  ne  s'aperçoit  p^s 
de  leur  déplacement.  Il  est  plus  sur  de  faire  l^s  solms 
avec  des  cailloux,  solidement  liés  avec  du  ciment; 
l'irrégularilé  de  leur  forme ,  et  la  facilité  qu'on  a  pour 
les  enchevêtrer  les  uns  dans  les  autres,,  en  fait  une 
clôture  très-difficile  à  percer ,  surtout  sans  laisser  aiper-^ 
cevrâr  le  travail  qu'on  a  fait. 

^  Il  n'est  pas  moins  nécessaire  de  faire  attentioii  auac 
fjafonds ,  qui  font  également  partie  de  la  clÀture  ,  et 
par  où  les  évasions  peuvent  facilement  avoir  lieu* 
"Quelquefois  lessolives  qui  les  soutiennent  sont  telle- 
nient  éloignées  l'une  de  l'autre ,  qu'un  hommf^  jtrou- 
veroit  entre  deux  un  libre  passage ,  et  la  légère  cons- 
truction j  qutenrefnplitles  intervalles,  est  ordinaire- 
ment trop  fotble  pour  opposer  la  moindre  résistance. 
'Dans  quelques  prisons.,  on  a<eu  Inattention  très-sage,  de 
Caire  des  plafonds  doubles ,  de  manière ,  que  les  deux 
tangs  de  solives  se  eoupént  à  angles  droits.  Alors 
«Mes  ne  laissent  entre  elles  ^ie  des  carrés  fort  droits , 
<|uHl  est  impossible  de  franchir ,  ou  d'agrandir  ,  sans 
tm  travail  très^long,  et  trop  visible  po^r  qu'on  puisse 
le  tenter." 
*    Malheureusement,  ces  précautions^  qui  devroient 


384  Î>ÊS  PRISONS. 

toujours  être  cumulées^  pour  faire  un  bon  système  de 
clôture,  sont  rarement  réunies,  de  sorte  qu'elles  sont 
presque  toujours  inutiles.  Quelquefois  les  croisons 
sont  assez  fortes  ^  mais  les  plafonds  ne  sont  pas  dou- 
bles, ou  leurs  solives  sont  trop  écartées,  et  par  là ,  on 
n'aTéelIeraent  qu'une  clôture  incomplète.. 

La  même  cause  a  donné  tous  ces  vices  au^  prisons; 
la  plupart  de  ces  constructions  ont  été  faites  à  Tentre- 
prise,  par  des  architectes,  qui  n'ont  cherché  qu'à  rem- 
plir, avec  le  moins  de  frais, possible,. le  devis  qu'ils 
avoient  présenté.  Cette  injuste  et  funeste  parcimo- 
nie, en  assurant  à  Tentrepreueur  un  bénéfice  illicite, 
détruit  entièrement  la  sûreté  de  la  prison.    ; 

Dans  beaucoup  de  prisons,  on  a.  employé;  commç 
moyen  de  sûreté,  les  chemins  de  ronde,  qui,  consis- 
tent dans  un  étroit  corridor,  formé  par  deux  murs, 
dont  Tépaisseur  diminue  graduellemeat ,  à.  mesure 
qu^ils  s'élèvent.  Des  chiens,  dressés  pource. servi/çe, 
circulent ,  pendant  toute  la  nuit ,  dans  Cjes  corridors , 
et  font  ainsi  une  garde  trèsrcxacte ,  pourvu ,  toute- 
fois^ que  le  chemin  f^sseje  tour  entier  de  la  prison  j 
mais  presque  toujours  cette  clôture  est  illusoire ,  parce 
qu'elle  est  incomplète*  Aussi ,  dans  les  prisons ,  où. un 
chemin  de  ronde  a  été  jugé  nécessiiire ,  il  faut  2|hsolu- 
ment  qu41  entoure  la  prison,  dans  tout  son  circuit  ;  au- 
trement il  est  inutile. 

Tous  ces  défauts,  outre  qu'ils  rendent  les  prisons 
plus  ou  moins  incapables  de  remplir  leur  destination., 
ont ,  d'ailleurs ,  comme  npus  l'avons  déjà  fait  observer, 
l'influence  la  plus  fâcheuse  sur  le  sort  des  détenus,  en 
i^utorisant  les  geôliers  à  faire  peser  sur  les  prisonniers 
une  discipline,  d'autant  plus  sévère,  que  la  prison  est 


DU  MATÉRIEL  m 

moins  $ûre*  C'est  toujours  sur  la  crainte  des  ëvasioni 
qu'ils  s'excnsént  d avoir  charge  de  chaînes^  ou  préci-« 
pité  dans  les  cachots  «  des  malheureux  sans  défense  et 
sans  forcée.  Il  esl  pëntï)Ie  de  ne  pouvoir  rëfufer  ce  n\o^ 
tif,  presque  tonjours  sininlë,  d'une  rigueur  inutile  i 
et  de  reconnoltre  que  le  mauvais  ëtat  des  clôtures  lui 
donne  au  moins  Tapparence  de  la  vérité. 

Cependant  la  loi  a  posé  les  bornes,  dans  lesquelles 
ks  moyens  de  sârreté  peuvent  être  employés.  Jan^ais, 
à  Ce  seul  titpe,  ils  ne  peuvent  excéder  1^  peine  légale^ 
prononcée  par  la  condamnation ,  et  cependant ,  com^ 
bien  ces  déplorables  abus  d'autorhé  n'ont-'ils  pas  af-* 
fligé  nos  regards!  J'ai  vu  souvent ,  et  je  né*  me  le  rap-^ 
pelle  point  sans  un  sentiment  pénible ,  des  malheu- 
retiXy  qui  venoient  d'être  condamnés  aux  triavsrux 
forcés  y  chargés  j  pendant  tout  le  délai  du  pourvoi  en 
cassation  ^  des  fers  les  plus  lourds  et  les  plus  incom-' 
modesy  et  réduits  à  une  immobilité  presque  com-« 
plète  y  par  cette  charge  pesante  et  douloureuse.  Je  ne 
parle  point  ici  de  la  chaîne  et  du  boulet ,  que  doivent 
traîner,  pendant  leur  peine,  les  condamnés  aux  travail]! 
forcés;  quelque  pénifble  que  soit  la  vue  des  chaînes,  au 
moins,  elles  sont  une  rigueur  légale,  et ,  si  U  cœur  se 
serre  toujours,  au  bruit  sinistre  de  ces  liens  ignomi«» 
meiix ,  l'âme  ne  se  révolte  pas  contre  l'idée  d'un  tour- 
ment infligé  par  rio{ustice.  Il  n'en  est  pas  ainsi  des 
fers,  que  fait  porter  aux  condamnés  la  soupçonneuse 
surveillance  des  geôliers.  Au  lieu  d'une  chaîne  et  d'un 
boulet ,  qui  appesantissent  la  marche ,  et  empêchent 
de  courir  ou  de  s'élancer,  les  condamnés,  mis  aux  fers, 
ont  les  deuxi  ïambes  entourées  d'énormes  colliers  ^ 
ou'un  seul  ânaeaii  réunit  ensemble.  Oaas  cjctf  doo- 

aS 


r 


38G  DES  PRISONS, 

loureuses  entraves ,  les  pieds ,  toujours  rapprochés  Fan 
de  l'autre,  peuvent  à  peine ^  au  prix  de  souffrances 
aiguës ,  faire  des  pas  de  quelques  pouces.  Ce  n'est 
qu'en  soulevant  avec  effort  ces  masses ,  aussi  pesantes 
que  grossièrement  façonnées,  qu'ils  parviennent  à 
traverser  lentement  les  préaux  et  les  corridors.  Souvent 
le  sang  jaillit  de  leurs  pieds,  déchirés  par  les  aspé*- 
rités  des  fers ,  qu'on  n'a  pas  pris  le  temps  de  polir , 
mais  qu'on  a  eu  soin  de  river  solidement.  La  nuit 
n'est  pas  moins  affreuse  que  le  jour,  et,  quand  ils 
cherchent ,  dans  un  changement  de  situation  quel- 
conque ,  le  repos  dont  ils  ont  tant  besoin ,  les  liens 
étroits,  qui  les  retiennent ,  leur  enlèvent  ce  dernier 
soulagement. 

Tout ,  dans  l'usage  des  fers,  est  également  odieux  et 
repoussant.  L'instant  même  où  on  les  attache  aux  con- 
damnés ,  n'est  pas  le  moins  pénible  pour  eux.  Encore 
émus  et  bouleversés  par  une  séance  longue  et  ora- 
geuse ,  atterrés  par  le  prononcé  d'une  condamnation , 
à  laquelle  souvent  ils  ne  s!attendoient  pas  ^  ou  dont  ils 
n'avoient  pas  encore  senti  toute  l'horreur,  jusqu'au 
moment  terrible  qui  a  renversé  leurs  dernières  espé- 
rances ,  les  condamnés  entrent  dans  la  prison ,  qui  ne 
doit  plus  s'ouvrir  pour  eux  de  long-temps.  Arrivés 
dans  la  geôle ,  où  les  reçoivent ,  avec  une  indifférence 
cruelle  ,^ceux  qui  vont  désormais  leur  commander  en 
maîtres ,  on  leor  attache  les  fers  qu'ils  doivent  porter 
jusqu'au  bagne.  Des  ouvriers  s'empressent  de  les 
river,  aVec  une  active  rudesse;  S'il  en  est  qui  résistent, 
qu'un  reste  de  sentimens  généreux  indigne  à  la  vue 
de  ces  affreux  signes  dé  leur  opprobre  ^  on  les  terrasse 
avec  violence ,  et ,  contenus  par  la  force  dans  cetl^  pér 


DU  MATERIEL.  33^ 

nible  position ,  ils  voyent  le  marteau  et  ]a  lime  Bxer 
a  grands  coups,  les  fers  autour  de  leurs  jambes  capl 
tiyes.  Qui  pourroit  voir,  sans  gémir,  uue  pareille 
scène,  qui  se  renouvelle  presque  à  chaque  condamna- 
tion! Qui  pourroit  n'être  pas  indigné,  en  pensant 
que  ces  traitemens  odieux  ne  sont  pas  autorisés  par 
la  loi,  et  que  le  mauvais  état  des  prisons  est  le  seul 
prétexte,  qui  serve  aux  geôliers,  pour  motiver  cet 
odieux  emploi  d'une  autorité  usurpée  !  Nous  parle- 
rons plusloin  des  autres  abus,  qu'ils  se  permettent  sou- 
vent en  ce  genre;  quant  à  présent,  nous  n'avons  en 
vue  que  d'esquisser  les  funestes  effets  d'un  état  de  clô- 
ture imparfait  dans  les  prisons.  Ces  réultats  ne  sont 
malheureusement  que  trop  communs  en  France, 

TITRE  III. 

JDE   LA    DISCIPLINE.  " 


CHAPITRE  I".  Des  Geôliers. 

L'iTïPLUENCE  des  vices  matériels  des  prisons  n'est 
pas  bornée,  nous  Favons  vu,  aux  seuls  inconvéniens 
sanitaires.  Outre  ces  dangers,  que  Vofï  ne  sauroît  évi- 
ter avec  trop  de  soin ,  ils  donnent  encore  naissance  à 
une  foule  d'abus  fâcheux ,  entre  lesquels  nous  remar- 
quons surtout  l'excessive  sévérité  de  la  discipline. 
Nous  avons  déjà  fait  entrevoir ,  dans  le  titre  précédent, 
une  des  faces  de  cet  important  objet  ;  il  convient  ici- 
Ae  l'examiner  plus  en  détail.  On  peut  l'envisager  sous 


383  DES  i^RlSONS. 

deux  points  de  vue  différens  :  d'abord  9  $ous  celai  de 
rautorîtë,  légitime  ou  usurpée,  dont  les  geôliers  font 
u^ge ,  et  ensuite  dans  Tétat  où  se  trouvent,  en  g^néraU 
les  difTérentes  classes  de  détenus,  qui  peuplent  nos 
prisons. 

$i  les  geôliers  n'usoient  jamais  que  des  droits  «  et 
du  pouvoir  que  leur  accorde  la  loi ,  quoique  cette  au- 
torité légale  nous  paroisse  encore  trop  étendue,  à  cer- 
tains égards^  Vétat  des^  détenus  seroit  infiniipeut  meil- 
leur qu'il  ne  Test  ordinairement.  Soumis  à  unedîsci* 
nline  sévère  ,  mais  fixe  et  sans  arbitraire,  ii&cooQoi* 
4roient  d'avance  leur$  devoii's,  et  les  peines  qui  ea 
i;épriment  la  violation.  La  mercantile  cupidité  d^llk 
geôlier  ne  iendroit  pas  à  leur  sobriété  des  piégeSt 
qu'on  les  punit  ensuite  de  n'avoir'  pas  évités,  et  le 
cercle  de  leurs  devoirs  ne  comprendroit  pas  celui 
d'apporter  régulièrement  à  la  cantine  le  tribut ,  qiie 
l'avidité  impose  sur  leur  modique  bénéfice:  des  châ- 
timens  arbitraires ,  illégalement  inHigés,  ne  vien- 
droient  pas  aigrir  leur  âme  contre  Tordre  social,  et 
leur  montrer  que  les  ministres  subalternes  de  la  loi, 
^oiit  loin  de  respecter  ia  justice  dans,  leur  ^conduite. 
Telle»  sont,  en  effet,  quelques-unes  des  conséquences 
de  Vusurpation  de  pouvoir,  que  se  permettenl  les 
geôliers f  soit  que  lautorité  tende  toujours  delle-ménie 
à  s'agrandir  dans  la  main  de  ses  dépositaires,  soit 
qu'ils  y  trouvent  un  instrument  pour  leurs  passions, 
comnie  moyen  de  fortune  ou  de  vengeance. 

De  toutes  les  causes  qui  réduisent  les  détenus  à  oo 
état  fâcheux,  il  en  est  peu  de  plus  active,  de  plus  gé- 
nérale, que  le  deq>otisme  des  geôliers,  que  cette  aa- 
tprité  de  tous  les  instans ,  qui  pèse  sur  tow  te«  points 


«      DE  LA  DtèeiPLmE.  58^ 

àé  l'existence  â\iA  devenu  ,  et  qui ,  en  TâCCâblant  du 
joug  le  plus  intolérable ,  Ini  enlève ,  tomme  tontes  les 
tyrannies,  jusqu'à  là  liberté  de  ta  plfiinte ,  par  la  crainte 
de  les  voir  s'appesantir  encore.  AfIVanchis  de  ce  joug  ; 
inévitable  pour  eux  dans  l'état  actuel  des  choses ,  les 
détenus  verroient  leur  position  sensiblement  amé- 
liorée ;  car  9  c'est  là  qu'est  l'origine  de  leurs  peines  les 
pins  cruelles,  et,  je  ne  crains  pas  de  le  dire,  la  ré-* 
forme,  sur  ce  point  important,  trop  négligé  peut- 
être  jusqu'à  ce  jour,  seroit  pour  les  détenus  Tune  des. 
plus  utiles ,  et  surtout  des  plus  agréables,  que  l'on  pût 
opéren 

Cependant ,  je  dois  à  la  justice  et  à  la  vérité  de  te^ 
ccmnottre,  qu'en  général,  les  geôliers  ne  sont  pas  Ini- 
hnmatns  ;  que,  par  réflexion  et  de  propos  délibéré ,  ils 
ne  cherchent  point  gt-atùitement  à  abuser  du  pouvoir 
dangereux  qui  leur  est  confié.  Mais  l'intérêt  per- 
sonnel, cette  lèpre  de  l'humanité ,  qui  gangrène  tant 
de  cœurs,  nés  pour  être  bons ,  et  cette  tendance  natu- 
relle à  abuser  de  l'autorité  que  l'on  a  ^ur  des  hommes , 
que  Ton  croit  ses  inférieurs,  corrompent  presque  ton- 
joui*s  les  bonnes  intentions,  que  les  geôliers  peuvent 
apporter,  à  leur  début  dans  les  fonctions ,  que  la  loi 
leur  confie ,  et  transforment  en  tyrans  avares  et  cruek 
ceux,  qui  devroient  être  seulenîent  les  gardiens  et  les 
suryeillans  des  détenus.  Devenus ,  sous  le  prétexte  spé- 
cieux de  la  slireié,  les  uniques  et  exclusifs  fournisseurs 
de  la  prison ,  ils  profitent  de  leur  puissance  pour 
étendre lènr  injuste  commerce,  et  punissent,  comme 
des  fautes ,  l'économie  et  la  sobriété ,  qui  les  frustrent 
dn  gain  honteux ,  dont  ils  avoient  fondé  Tespérance 
sur  l'incondoite  des  prisonniers*  Souvent  on  voit  \» 


3^0  DES  PRISONS.  t 

même  concierge,  compatissant  et  serviabie  pour  oa 
malheureux  dont  il  n'attend  rien  j  inspiré  par  la  seule 
humanité ,  lui., rendre  quelque  ^service  gratuit ,  »et  sô 
montrer   dur  et  impitoyable  envers  un  prisonnier 
moins  pauvre,  dont  il  espère  tirer  quelque  .bénéfice, 
si  ce  malheureux  ne  fait  pas  une  dépense,  proportion-*' 
née  à  Tavidité  de  son  gardien.  C'est  pour  lui,  que  se- 
ront réservés  les  mauvais  traitemens ,  les  vexations  i 
les  châtimens  arbitraires;  et  s'il  ose  élever  la  voix,  s'il 
a  l'audace  de  faire  entendre  une  plainte. timide  contre 
son  oppresseur ,  il  peut  être  sûr  de  yoir  s'aggraver  ses 
maux ,  de  toute  la  vengeance  d'un  homme  double- 
ment irrité ,  tandis  que  sa  réclamation  va  s'ensevelir, 
avec  tant  d'autres,  dans  les , cartons ^ d'un  greffe,  on 
d'un  bureau  d'archives ,  si .  même  elle  n'attire  sur  son 
auteur  un  redoublement  de  supplices  ,  par  la  perfidef 
adresse  du  geôlier ,  qui  sait  toujours  mettre  les  torts  du 
côté  du  prisonnier.  C'est  ainsi  que  le  despotisme  et 
l'avarice  des  geôliers  s'unissent  et.  se  fortifient  mu- 
tuellement, pour  aggraver  la  position,  déjà  si  fâcbeose, 
des  détenus. 

Ceux  qui  ont  quelque  intérêt  au  maintien  de  ces 
abus  trouvent  aisément  des  raisons ,  pour  les  faire  re- 
garder comme  nécessaires ,  et .  il  faut  convenir  qu'ils 
défendent  leur  cause,  avec  toute  l'adresse ,  que  peut 
avoir  la  cupidité ,  menacée  dans  la  source  de  ses.gains 
illicites.  Si  on  leur  reproche  le  monopole,  qu'ils  exer- 
cent sur  les  malheureux  confiés  à  leur  garde,  c'est 
jparla  crainte  des  évasions  qu'ils  Je  justifient.  Ils  font 
entendre  que  si  l'on  permettoit  à  des  personnes,  étran- 
gères de  venir  exercer  «leur  commerce  à  la  prison  et 
vendre  aux  prisonniers  les  denrées  de  première  aé- 


DE  LA  bKCIPÏJNE.  391 

cessité,  fl  seroil  assez  difficile  d'empéeher  qu'ils  ne  se 
servissent  de  ce  moyen ,  pour  leur  fournir  des  instru- 
mens  dangereux  et  desarqfies ,  ou  pour  établir,  entre  la 
prison  et  les  hahîtans  de  la  ville ,  une  correspondance, 
dont  les  suites  pourroient  être  funestes  à  la  tranquil; 
lité  pnblique.  On  sent  tout  ce  qu'ont  de  spécieux  de 
semblables  raisons ,  appuyées  sur  Tintérêt  général  et  la 
sûreté  des  prisons;  mais  qui  ne  voitraussi ,  que  ce  ne 
sont  véritablement  que  des  prétextes >  inventés  par  les 
ge61iers,  pour  conserverun  monopole,  qui  les  enrichit, 
et  que  leur" véritable  motif,  c'est  le  bénéfice  qu'ils  y^ 
font  ?  S'il  en  étoit  autrement ,  n'auroient-ils  pas  de 
défiance ,  à  l'égard  de  ceux  qui  fournissent  aux  pri- 
sonniers des  objets  9  sur  lesquels  ils  n'ont  aucun  béné- 
fice à  faire  ?  Et  cependant ,  nous  voyons  tous  les  jours 
des  personnes  charitables  venir  dans  les  prisons,  dis- 
tribuer aux  détenus  du  linge  blanc ,  des  aumônes  pé-* 
cuniaires,  ou  d'autres  menus  objets,  et  jamais  les 
geôliers  ne  pensent  à  leur  interdire  cette  faculté* 
Mais  s'ils  s'avisoient  d'y  vendre  une  once  de  tabac  , 
aussitôt  ce  seroit  des  conspirateurs,  des  agens  d'éva- 
sion. L'interdiction  la  plus  formelle,  seroit  prononcée 
contre  eux.  L'intérêt  public  n'est  donc  réellement 
qu'un  prétexte ,  mis  en  avant  par  Tavarice  des  geôliers. 
Il  en  est  de  même  des  vexations ,  dont  les  détenus 
sont  très*  souvent  les  victimes ,  et  des  rigueurs  que  l'on 
exerce  contre  eux,  sous  prétexte  de  surveillance:  colo- 
rées d'un  motif  d'intérêt  général,  elles  n'ontde source 
véritable  que  dans  l'abus  dé  l'autorité  des  geôliers. 
Sans  doute ,  il  faut  prévenir  les  tentatives  d'évasion  et 
prémunir  les  geôliers  contre  les  violences  de  misera*, 
blés,  qui  n'ont  rien  à  perdre  et  tout  à  gagner ,  et  qui 


DES  PRISONS. 

prëfëreroiidt  même  quelquefois  lés  datrgers  di*une 
sédition  à  l'ennm  d'cine  eaptîvitë  perpëtoelle.  Geiit 
dtenc  avec  raison  que  ta  loi  a  permis  d'employer  des 
Bi^ens  sévères  de  répression ,  entèrs  les  détenus,  qui 
se  rendroient  coupables  de  rébellion.  Mais  en  énon-^ 
çant ,  d'une  manière  vague ,  le  délit  en  loi-«méme  ^  la 
peine  qu'il  enconrt ,  et  l'autorité  compétente  pour  la 
prononcer,  l'art.  6^4  du  Code  d'instruction  crimi-^ 
nelle  a  ouvert  la  porte  aux  abus  les  plus  déplorables. 
Quand- ou  pense  qu'un  malheureux,  condamné  à  une 
ample  détention  ,  peut  être  mis  Bui  fers,  pouf  aVoir 
dit  des  injures ,  soit  à  un,  antre  détenu,  soit  aux  ged-* 
liers,  ou  aux  autres  préposés  de  la  maison  ;  que  cette 
pane  arbitraire  peut ,  sous  le  visa  d'un  fonctionnaire 
négligent  ou  aveugle ,  être  prononcée  et  appliquée  par 
le  geôlier  lui-même  ,  qui  se  trouve  ainsi  aceusnteur , 
juge  etbourreau  de  sa  victime,  et  que  cette  aggravation 
de  peine,  peut  être  le  châtiment  d'une  ëiconomie,  qui 
déplaît  au  geMier ,  quelquefois  même  d'unef  honorable 
résistance  à  d'infâmes  propositions,  ou  de  la  constance 
d'un  malheureux  à  nier  le  crime  qu'il  n'a  point  com-' 
mis,  on  se  demande  si  un  citoyen  est  hors  la  loi, 
parce  qu'il  est  accusé  ou  prévenu ,  s'il  perd  *  tous  ses 
droits  de  cité ,  et  même  de  nature ,  en  entrant  danU 
ees  prisons  tçrribles,  dont  aucun  de  nous  ne  peut  se  flatter 
de  ne  point  passer  le  seuil ,  puisqu'on  écartant  même 
Fidée  affligeante  de  ces  temps  d'anarchie,  on  être 
plongé  dans  les  fers  étoit  un  titre  de  gloire,  qui  ne 
s'accordoit  qu'à  la  fortune ,  au  talent ,  à  la  vertu ,  per- 
sonne ne  peut  se  flatter  de  conserver  toujours  sa 
liberté ,  sa  réputation, -  à  l'abri  d'une  accusation  ca* 
lomnieuse« 


DE  LA  lîlSCïPLINE.  i()3 

Dana  l'état  actnel  des  choses,  tons  les  àëtenns,  de-- 
puis  le  pn^veiiu  jasqu^au  condamna ,  sont  soumis  à -ce 
pouvoir  terHble  du  gedUer.  C'est  lui  qui  fait  mettre 
au  cachot ,  charger  de  fers,  et  séquestrer  de  la  vue  de 
tout  être  humain  le  prisonnier ,  qui  a  encouru  sa  dis- 
grâce. Il  lui  suffit,  pour  légaliser  ces  actes  arbitrai -^ 
res  9  de  les  consigner  dans  un  prcicès-verbal ,  qti'un 
agent  de  police  vient  signer  dans  la  geôle.  Et  voilà 
toutes  les  garanties ,  qu'a  uni  malheureux  détenu , 
contre  les  vexations  d'un  tyran  qu'il  né  peut  fuir  !  Lh 
signature  d'un  homme  ,  souvent  sans  consistance  mo- 
rale ,  agent  révocable  d'une  autorité  ,  qui  peut  ^ 
d^un  moment  à  l'autre,  le  transplanter  loin  des  lieux  ^ 
#m  il  exerçoit  sa  surveillance.  N'est-ce  pa^  abandotiuer 
«o  plus  déplorable  arbitraire,  le  sort  de  personne^ 
àé}à  assez  malheureuses,  par  leur  position  même,  pour 
qu'on  ne  l'aggrave  pas  encore  de  tout  le  poids  de  Fin*- 
justice? 

Sans  doute  la  loi  qui  nous  régit  a  pris  des  précau* 
lions,  pour  qu'il  n'en  fût  pas  ainsi  ordinairement; 
Mais,  presque  toujours,  les  garanties  qu'elle  donne  sont 
éiodées,  par  la  négligence  des  fonctionnaires,  auxquels 
est  confié  le  soin  de  les  maintenir ,  et  les  geôliers,  ha*- 
bitaés  à  user  sans  contrainte,  d'un  pouvoir  que  rien  ne 
borne  ,  defriennent  bientôt  les  despotes  les  plus 
redoutables.  Cet  abus,  qui  étoit  devenu  presque  gé-^ 
néral ,  a  beaucoup  perdu  de  sa  force ,  depuis  que  les 
nouvelles  ordonnances  relatives  aux  prisons  côm«- 
mencent  à  recevoir  leur  exécution.  I.ies  commis* 
sions  des  prisons  étoient  à  peine  établies  depuis 
quelques  jours,  dans  les  villes  auxquelles  elles  sont 
attachées,    qu'on  en  épn>uvoit  déjà  des  effets  sen- 


594  DES  PRISONS, 

sibles.  Pour  la  première  fois  peut-être ,  les  prisooi.  le 
virent  inspectées  par  des  bammes,  dont  cette  sorveil-^ 
lance  est  Tobjet  spécial,  et  qui>  par  cela  niên>e,  s'y 
adonnent  avec  le  zèle  le  plus  ardent  et  le  plus  soutenus 
Depuis  qu'un  œil  vigilant  s'introduit ,  avec  la  sanc-^ 
tiop  de  Tautorité ,  dans  l'empire ,  jusqu'alors  inconnu, 
des  geôliers ,  leur  despotisme ,  sous  leK^uel  les  détenus 
sembloient  destiné^  à  trembler  à  jamais ,  paroit  lai- 
même  ébranlé  $ur  soc^  trâne.  Ces  hommes  absolue 
qui ,  sous  leur  joug  de  fer  \  plioient  de  malheureux 
détenus ,  dont  les  plaintes  étoient  traité  eis^  de  révoltes  y 
et  les  pleurs  d'insubordination ,.  commencent  eux- 
mêmes  à  ne  plus,  se  croire*  aussi  indépendans.  Le  ter- 
rible  mot  de.  destitution  a  retenti  à  leur  oreiller  il& 
ont  appris  à  redouter  un  châtiment,  pour  les  actes  ar- 
bitraires, qu^,  naguère  encore,  ils  se  permettoient  jour- 
nellement, et  les  prisonniers  ont  essuyé  leurs  larmes, 
en  voyant  qu'ils  n'étoient  plus  abandonnés  sans  défense 
à  la  rigueur,  souvent  capricieuse,  d'un  maître  absolu, 
qui  avoit  l'effrayant,  pouvoir  d'étouffer  les  plaintes  de 
ses,  victimes.. 

En. traçant  ce  :tableau  consolant  d'une  réforme  or- 
donnée par  le  Gouvernement.françois,  qu'on  ne  s'iraa- 
gine  point ,  qu'écrivain  flatteur  et  mercenaire  j  je  cher- 
che à  me  concilier  des  juges  parmi  les.coopérateurs  de 
cette  belle  et  noble  entreprise!  A  Dieu  ne  plaise  que 
le  premier  essai  de;  ma  plume  soit  souillé  par  d'aussi 
lâches  calculs.  .Mais  j'avois  vu  le  mal ,  et  j'en  avois 
gémi ,  ne  pouvant  l'empêcher  ;  l'aurore  d'un  pins 
heureux  avenir,  s'ouvre  à  mes  yeux  ;  je  cède  au  plaisir 
de  m'en  féliciter  avec  tous  les  hommes  compatissans, 
et  la .  crainte  des  interprétations  perfides  ne  doit  pa» 


DE  LA  DISCIPLINE.  SgS 

,  comprimer  Félan  de  ma  reconnoissance ,  envers  les 
bienfaiteurs  de  rhumanité.  Honneur  aux  dépositaires 
du  pouvoir ,  qui  n^en  font  usage ,  que  pour  consoler 
le  malheur,  et  verser  le  baume  sur  de  douloureuses 
blessures  !  Honneur  aux  hommes  généreux ,  qui  con- 
tribuent, de  leurs  travaux  et  de  leurs  aumônes,  à  Fœu- 
vre  immortelle  de  l'amélioration  des  prisons!  Hon- 
neur à  ceux  qui ,  d^ns  un  rang  moins  élevé,  et  sur  un 
théâtre  moins  étendu ,  ont  déjà  su  faire  sentir  ,  dans 
les  détails ,  les  heureqx  effets  de  Timpulsion  générale, 
qu'imprime  à  cette  grande  réforme  ,  la  volonté  bien- 
faisante d'un  Roi ,  qui  i»e  cherche  que  le  bonheur  de 
ses  sujets  dans  toutes  les  classes! 

J'ai  déjà  fait  entrevoir  une  des  causes,  qui  me  pa- 
roissent  avoir  produit  ces  heureux  résultats.  Les  com- 
missaires des  prisons  ont  pour  mission  spéciale  de  les 
inspecter,  et  de  surveiller  la  manière  dont  les  lois  y 
sont  exécutées.  Chargés  de  cet  objet  précis  et  déter- 
miné ,  ils  s'en  occupent  uniquement  et  tout  entiers  ; 
quelles  que  soient  leurs  autres  occupations,  ils  n'oublient 
pas  qu'ils  sont  cpmmissaires  des  prisons,  et  que  leur 
responsabilité  morale  est  engagée  à  ce  que  les  abus,  qui 
pourroient  s'introduire  dans  leur  régime ,  soient  sur- 
le-champ  dénoncés  et  réprimés.  Ces  commissions 
forment  des  compagnies,  dont  chacun  ctes  membres 
sent  qu'il  a  contracté  l'engagement  solidaire  de 
combattre  Farbîtraîre,  et  de  protéger  la  foiblesse.  Une 
vive  et  noble  émulation,  qu'animent  encore  et  renou- 
vellent de  fréquentes  assemblées ,  donne  à  leur  zèle 
toute  l'activité  de  la  concurrence ,  tout  l'enthousiasme 
de  l'esprit  de  corps.  L'amour- propre  loi-même,  qu'il 

'  est  toujours,  bon  d'appeler  au  secours  du  dévouement , 


396  DES  PRISONS, 

vient  encore  stîmnier,  par  d'innocentes  sëdoctîon^, 
la  vigilance  des  commissaires.  L'obligation  de  rendre 
compte  à  leurs  côUègaes  des  travanx  et  des  observa- 
tions de  la  semaine ,  le  désir  de  parottre  dignes  de  la 
confiancepnblique,  sont  de  puissans  motifs  pour  son- 
tenir  leur  courage  ,  au  milieu  des  détails,  souvent  pé- 
nibles, et  toujours  assez  multipliés ,  d*une  surveillance 
complète. 

Combien  l'ancien  état  .de  choses  n'étoît-îl  pas  in- 
férieur à  cette  nouvelle  organisation?  Rappelons- 
nous  quelles  étoient  alors  les  garanties ,  dont  jouis- 
soient  les  prisonniers.  Quelques  articles  du  Gode  d'ins- 
truction criminelle,  encore  en  vigueur  aujourd'hui v 
mais  avec  des  additions  bien  précieuses,  posoient, 
d'une  manière  vague,  les  limites  de  l'autorité  des  gar- 
diens et  les  attributions  des  fonctionnaires  chargés 
de  la  police  des  prisons.  Par  l'effet  de  cette  législation, 
c'est  aux  autorités  municipales,  en  principe,  qu'ap- 
partient cette  police ,  et  le  droit  de  l'exercer  dans  les 
prisons;  plusieurs  magistrats,  dans  l'ordre  adminis- 
tratif et  dans  l'ordre  judiciaire,  étoient  chargés  de  vi^ 
&iter,  à  certaines  époques,  plus  ou  moins  rapprocliées , 
les  prisons  situées  dans  les  lieux  011  ils  exercent  leurs 
fonctions.  Qui  ne  se  rappelle  avec  quelle  négligence 
tous  ces  devoirs  étoient  remplis?  Mais  qui  n'excnse; 
en  mêmeti!mps,  quelques-uns  de  ces  fonctionnaires, 
que  la  multiplicité  de  leurs  occupations  emp'i^Ghoit  évi- 
demment de  se  livrer,  par  eux-mêmes,  à  une  inspec- 
tion ,  qui  n'auroit  pas  dû  être  ajoutée  a  leurs  attribu- 
tions, déjà  trop  compliquées  pour  un  seul  homme?  Il 
est  vrai  que  des  commissions  des  prisons  avoient  été 
créées  dans  chaque  ville;  mais  cette  institution éloil 


DE  LA  DISCIPLINE.  397 

plus  nominale  qae  réelle  ;  le  despotisme  oftibitigenx 
d!un  homme ,  qui  ue  pouvoit  pas  souffrir  dé  délibéra  < 
ticMBi ,  même  dans  les  degtés  les  plus  éloignés  de  soq 
trône ,  et  pour  les  matières  les  pins  étrangères  an  Gou- 
vernement» avoit  comme  frappé  de  nitUî té,  dès  leur 
origine,  ees  commissions ,  simulacre  inconnu  el  illu- 
soire de  celles  que  nous  devons  au  Roi.  N^ayant  aucune 
espèce  de  pouvoir,  n'ayant  pas  même  le  droit  de  se 
réunir  sans  autorisation /tant  le  fondateur  du  Gorps^ 
Législatif  avoit  en  horreur  tout  ce  qui  pouvoit  rappeler 
une  assemblée  délibérante ,  ces  commissions  s'étoient 
trouvées  réduites  aux  fonctions  de  répartiteurs  de 
quelques  aumônes,  qu'on  cessa  bientôt  de  leur  porter 
pai^e  qu'on  ne  les  connoissôit  pas.  L'inspection  des 
prisons  resta  donc  toute  entière  aux  fonctionnaires 
désignés  par  le  Gode  d'instruction  criminelle /dé)à 
cfaai^gés  de  soins  trop  multipliés,  pour  pouvoir  remplir 
cette  nouvelle  mission. 

Quand  est-il  jamais  a^rivé  que  ce  fût  sur  Tordre 
du  maire,  seul  magistrat  compétent,  que  les  fers  aient 
été  itiis  i'un  prisonnier?  Combien  de  fois  le  maire 
d^une  grande'  ^iile  a-t-il  fait  cette  visite  de  chaque 
niois>  dont  la  loi  lui  fait  un  devoir?  Et  s'il  en  est  quel- 
que&^uns,  qui ,  scrupuleusement  attachés  à  leurs  obli- 
gations, s'y  soient  effectivement  astreints,  cesvidtes 
n'étoient^elles  pas  au  fond  de  vaines  formalités ,  par  le 
peu  de  temps  ,^ue  les  autres  occupations  de  ces  fonc- 
tionnaires leur  permettoient  d'y  donner?  Quant  aux 
présidens  des  assises,  qui  doivent  également  les  visi- 
ter à  chaque  session  ^  on  sait  assez  quel  effet  produit 
tQiojèé  iiispectiôn,  dont  l'instant  est  connu  d'avance; 
il  ne  laut  pas  y  attacher  t^ne  grande  influence ,  ni  en 


398  OES  PRISOKS. 

attendre  des  succès  bien  satisfaisans  ;  d'aîlienrs ,  est-îl 
bien  certain  que  les  magistrats ,  sentant  eux-iïiêmes 
rinutilité  dé  cette  démarche,  ne  se  l'épargnent  pas 
quelquefois? 

Les  différentes  mesures  prescrites  par  la  loi ,  se  ré- 
duisoient  donc  à  peu  de  chose  en  réalité.  De  loin  en 
loin ,  un  agent  de  police  parcouroit  les  prisons  ,  auto- 
risoit  par  sa  signature  les  décisions  prises ,  les  con- 
damnations «anticipées  et  arbitraires ,  prononcées  par 
le  concierge,  et  légalisoit souvent,  par  cette  déplorable 
connivence ,  l'exercice,  le  plus  immodéré ,  d'une  au- 
torité, toujours  fâcheuse,  parce  qu'elle  est  toujours 
usurpée. 

Grâce  à  la  nouvelle  législation ,  nous  n'aurons  plus, 
sans  doute,  à  gémir  de  semblables  abus.  Les  plaintes 
des  détenus ,  victimes  de  quelques  vexations ,  seront 
reçues  par  des  hommes  intègres,  impartiaux,  et  non 
par  un  agent  subalterne ,  souvent  d'accord  avec  le 
geôlier.  L'opprimé  pourra  faire  entendre  ses  réclama- 
tions, sans  que  la  présence  de  l'oppresseur  vienne 
glacer  sa  voix  et  comprimer  l'expression  de  sa  juste 
douleur,-  et  l'autorité  municipale ,  toujours  investie 
jusqu'à  présent  du  droit  de  protéger  les  prisonniers  et 
les  gardiens,  les  uns  contre  les  autres,  recevra  au 
moins  des  rapports  fidèles  et  désintéressés-",  qui  lui 
traceront  les  ordres,  qu'elle  n'aura  plus  que  le  jsoîn  fa- 
cile de  prononcer. 

Ainsi,  dorénavant,  seront  éclairées  toutes  les  ac- 
tions  des  geôliers,  et  la  publicité,  que  recevra  leur 
conduite ,  sera  déjà  une  garantie  puissante  de  sa  régu- 
larité. Tel ,  qui  vexoit  les  prisonniers ,  à  l'abri  d*une' 
impunité  presque  certaine,  sera  infailliblement  re- 


DE  LA  mSCIPLmE.  399 

teutt.par  la  criainte^de  voir  sa  honte  dëvoHée  et  soii 
injustice  punie.  Mais  cette  crainte ,  suffisante  dans  ter-' 
tain3cas,  léserait-elle  indistinctenoent,  pour  arirétet 
les  concierges ,  dans  toutes  les  circonstances ,  et  ne  se- 
ront-ils pas  quelquefois  entraînés  par  des  motiCs ,  assez 
pnissans  pour  la  balancer?  Tant  qu41s  n'ont  a  craindre 
que' la  destitution,  punition  qui,  d'ailleurs,  est  tou-^ 
jours  odieuse  9  parce .qu- elle  est  toujours  arbitraire ,  ne 
peut-on  pas  croire  que  ce  frein  sera  trop  foible,  pour 
les  écarter  de  certains  abus  d'autorité,  de  certaines 
fautes,  plus  ounioins  graves,  où  les  entratneroit  un  in- 
térêt plus  puissant?  Il  semble  que  la  loi  auroit  dû  pré- 
voir au  moins  quelques-unes  des  fautes,  que  peuvent 
commettre ,  et  que  commettent  en  effet  souvent  les 
geôliers;  mais  elle  est  muette  à  cet  égard ,  et,  si  le  lé^ 
gislateur  a  eu  grand  soin  de  prévenir  les  évasions ,  en 
déterminant  avec  précision  les  différens  degrés  de 
criminalité  des  geôliers  dans  ce  cas ,  on  est  réduit  à  re-* 
gretter  qu'il  n'ait  pas  cherché  ,  avec  la  même  isollici'- 
tude,  à  empêcher  les  abus  d'autorité  et  les  exactions, 
dont  les  prisonniers  sont  si  souvent  victimes. 

  la  vérité ,  quelques  articles  de  l'arrêt  du  règlement 
de  1 7 1  7t  portoient  des  peines',  contre  certaines  faates 
des  geôliers  et  autres  préposés^  notamment  contre 
leurs  concussions;  mais  ces  dispositions ,  presque  ou« 
bliées  aujourd'hui,  paroissent  entièrement  tombées 
en^désuétude.  On  citeroit  avec  peine  l'exemple  d'un 
geôlier ,  puni  de  l'amende  prononcée  dans  l'art.  4  de 
ce  règlement  ;  d'ailleurs,  les  délits  les  plus  fâcheux ,  et 
en  même  teùips  les  plus  communs,  y  sont  passés  sons 
silence ,  ou  signalés  d'une  manière  si  vague ,  qu'ils  res- 
tecQÎent ; touJQurs.impunis,  sous  l'empire  de  cette  lé-^ 


4oo  DES  PttiSONS. 

gislation  imparfaite.  C'est  donc  use  lacmie  Uè^acn- 
sîble  dans  nos  Codes ,  qiie  le  «lence  qu  f  b  gardesl  sur 
le»  devoirs  des  g^Uers,  et  la  manièfe  ^.ks^  bnte 
observer* 

Qu'arrive-t'il  dans  ee  silence  de  la  loi?  Qtie  les  gtA* 
liers  sont  ponis  trop  sévèrement  ^  ati  qu'ils  ne  le  sont 
pas  do  tont.  Placés  dans  Taltemalive,  de  les  laisser  im^ 
punis,  on  de  lenr  ôier  leur  état  poar  des  fautes,  qoi 
souvent  ne  méritent  pasicet  excès  de  rigueor^lesso^ 
périeurs  ferment  les  yeux  snkt  des  contnavenlioss,  qoe 
leur  humanité  se  refuse  à  punir  de  la  ruine  d'une  f»* 
mille  entière  ;  et  Tarbîtraire,  enhardi  par  cette  indul- 
gence funeste,  résultai  inévitable  du  silence  de  la  loi, 
règne  sans  crainte  iians  les  lieux  ou  il  est  parvenu  à 
s  établir. 

Tel  est ,  ou  plutÀt  tel  étoit^  il  n'y  »  qqepeii  dejnois, 
le  despotisme  des  geôliers.  Déconra^  par  vu  arbt-' 
traire  continuel ,  aigris  par  le  sentiment  de  l'inîiis* 
lice ,  et  habitues  à  ne  jamais  regarder  un  mdre  que 
comme  une  vexation ,  les  prisonniers  dévoient  néces- 
sairement prendre  en  haine  l'ordre  social  ,^  qui  ne  se 
fisisoit  sentir  à  eux  que  par  des  tourmenè.  C'éboif  au 
nom  de  la  société  qu  on  les  chargedit  de  okaîoes,! qu'on 
les  plongeoi t  dans  d' obscurs  cachots,  pourun  mormure^ 
pour  un  soupir  échappé  à  la>so^iffranGe,  qneiqaefoîs, 
peut 'être,  animé  par  Findignatioii.  Comment  pbo- 
voit'on ,  ensuite,  tes  engager  à  respetftfer  âe$  lois,  qui 
avoient  toujours  pstrn  à  leu^yeux  les  protectrices  de 
leurs  oppresseurs?  Comment  leur  parler  de  yostice, 
quand  on  la  violoit  tous  les.  jours  à  lenr  égard?  Cet 
état  de  choses  étoit  aossL  impolidqoe  qu'inhumain,  et 
l'on  doit  applaudis  à  rbsorease^réfoÉme^qpiJlii.asobs- 


DE  LA  DiSeiPUNË.  4oi 

til%i(^  un  nouveau  système.,  pkls  conformera  buî  et  à 
Ptfsprit  d'une  bunne  législatioa  ^rimirieUetf 

CHAPITRE  IL  De  Véiat  des  détenus  dans  lès  prisons^ 

Sectio»  1'*».  MméoHS'  d*(9rrél, 

\.  Ifaus  avons  appelé  rattention  sur  un  des  plus  grands 
al^qni  désolent  les  prisons,  cette  autorité  despotique 
c^  ÎUégîf  ime  desgeôliers,  à  bquellc  les  premiers  coups 
vif^mient  d'être  portés.  Les  vices  de  l«t  discipline  «>c-* 
tuell^  ^  ou  plutôt  la  manière  inexacte  dont  on  exécu4e 
l^s  fèglemens  qui  la  composent  ,  donnent  encore 
naiîssaiice  à  beaucoup  de  maux  et  d'abus >  qu'il  n'est 
P^nioîns  intéressant  de  connoître.  Toutes  les  prisons^ 
(fileUes  que  soient  leur  natui^e  et  leur  destination  ,  sont 
pli|9  ou  moins  entachées  de  ces  vices,  qui  en  rendent 
le  séjour  aussi  dangereux  pour  Tordre  public  ^  qu'in- 
Sffpportabte  pour  ceux  qui  y  sont  renferinés* 
.  .{^ous  avons  déj^  parlé  des  inconvéniens  graves ,  que  • 
produit  la  réunion  desprisonniers^  dont  la  détention 
a  unç  tiHise  différente.  Cette  îHégate  confusion  n'est 
f^nUe-  pâriiplus  marquée,  que  dans  les  maisons  d'arrêt 
d^f  chefs-lieux  d'arramiifisememt.  Comme  ces  prisons 
Sfiat  ordinairement  les  seules  maisons  de  fprce,  que 
possèdent  les,  petites  villes >  où  elles  sont  établies,  o4t 
ytvoît,  indistioctefi^nt  cocifondues,  toutes  les  classes  de 
prbt»imiefs*  à  l'exception  des  condamnés  pour  crimes: 
encolle  se  trouva  t-U  quelquefois^  dans  ces  maisons, 
flesparisottniers  4e  celte  classe,. qt)  nne  faveur,  bien  illé- 
g»lie,  y  «a  fi^itcondufir^.iSaus  ne  reviendrons  pas  de  no\,i- 
v«ati  SOT  les  çonséquence^s  moi'ales  de  cette  confusion  , 
luaw  nQW  deycM^s  faire  observ-er  ici ,  qu'elle  a  pour 

i6 


4o2  DES  PRISONS. 

effet  clii*ect,  de  soumettre  à  laTuénie  discîpUne,  et 
d'astreindre  aux  mêmes  observances  et  âu  mêhie  ré* 
gîme  des  personnes,  auxquelles  une^pareille  comma- 
ndante ne  peut  convenir.  La  nourriture,  le  genre  de 
travail ,  les  instructions  religieuses ,  toutes  choses  in^ 
dispensables  dans  une  prison  bien  administrée ,  ne 
peuvent  être  données  ;  çn  commun  et  de  la  même  ma- 
nière ,  à  des  militaires  détenus  par  mesure  de  disci- 
pline ,  à  des  enfans  enfermés  par  voie  de  correction ,  à 
dés  prévenus,  à  des  mend^ans ,  et  aux  autres  classes  de 
détenus,  qui  se  trouvent  dans  ces  prisons.  Ce  quicon- 
viendroit  aux  uns,  seroit  absolument  m<iuvais  pourles 
autres ,  et  souvent  ils  sont  tous  privés  d'un  avantage^ 
dont  quelques-un§  seulement  auroient  pu  jouy:,  par 
la  seule  raison  qu'on  n'en  peut  faire  la  règle  générale 
de  la  prison.  C'est  s'autoriser  d'un  mal,  pour  en  intro- 
duire un  plus  grand  encore. 

Cette  étrange  et  fâcheuse .  insouciance  ,  qui  asçujétit 
tous  les  détenus  dans  ces  maisons ,  à  une  absurde  uni- 
formité ,  seroit ,  d'ailleurs ,  bien  moins  préjudiciable , 
si  le  régime  général  y  étoit  bon,  et  n'étoitpas  infecté 
d'une  foule  d'abus,  qui  font  que ,  de  toutes  Ihs. prisons, 
ce  sont  les  plus  intolérables.  Reléguées  dans  l'ombre 
et  presque  inconnues ,  les  maisons  d'arrêt ,  à  raison  du 
petit  nombre  de  détenus,  qu'elles  contiennent  ordinai- 
rement, n'excitent  pas  l'attention ,  aussi  vivement  que 
les  prisons  centrales,  dont  l'importance  est  plus  généra- 
ment  sentie.  Aussi  leuTs concierges  ont-ils  toujoursbien 
plus  de  facilités  que  les  autres,  pour  user  largement  de 
leur  puissance.  Il  n'est  donc  point  de  prisons,  où  ils 
soient  moins  contrariés  dans  l'exercice  de  leurs  volon- 
tés. 11  est  vrai ,  en  même  temps ,  que  leur  administra- 


DE  LA  DISCIPLINE.  4o3 

lion ,  à  raison  du  petit  nombre  de  ceux  qui  y  sont  sou- 
mis ,  a  quelque  chose  de  plusdoux  que  celles  des  grandes 
prisons,  et  qu'à  tbut  prendre,  en  général ,  le  sort  des 
prisonniers  n'est  guère  plus  à  plaindre,  dans  les  unes, 
que  dans  lés  autres.  Mais  c'est  dans  les  petites  maisons 
d'arrêt ,  que  se  ftnt  le  plus  sentir  ces  différences  indi- 
viduelles de  traitement,  qui  servent  souvent  d'instru- 
ment aux  passions ,  ou  d'objet  à  la  vénalité  la  plus  sor- 
dide. Malheur  au  détenu  qui  seroit  l'ennemi  d'un  con- 
cierge! Il  sentiroit  souvent  combien  il  est  affreux  d'être 
soumis  à  une  autprité  vindicative. 
:  Il  n'en  est  point  non  plus ,  où  la  conduite  des  déte- 
nus soit  plus  inactive  et  plus  déréglée.  Presque  tou- 
jours privés  d'ouvrage,  parce  que  leur  petit  nombre  et 
le  temps  que  dure  leur  détention  lie  suffisent  pas  pour 
que  les  manufactures  les  emploient,  ils  passent  des 
journées  entières  à  la  geôle ,  où  le  concierge  tient  une 
cantine  perpétuelle,  et  où  le  jeu,  la  débauche  et  l'ivresse 
consomment  la  ruine,  déjà  commencée,  dé  tons  ceux 
qui  ont  le  malheur  d'être  repris  de  justice.  Dès  les  pre- 
miers jours  de  leur  captivité ,  les  prisonniers  pren- 
nent le  goût  de  l'oisiveté ,  de  la  débauche ,  et  ceux  qui 
sont  de  là  transférés  à  la  maison  de  justice  ,  y  portent 
toutes  les  dispositions  qui  mènent  au  crime ,  et  une 
âme  déjà  préparée  à  recevoir  les  funestes  leçons,  qui 
les  y  attendent, 

S£CTioïi  II.  Maisons  de  justice. 

.  Le  séjour  dans  cette  seconde  prison  n'est  pas 
moins  funeste  à  leur  innocence.  C'est  laque  la  confu- 
sion des  classes  est  encore  plus  fâcheuse ,  s'il  est  possi- 
ble ,  puisque  les  simples  accusés  s'y  tri^uvent  journel- 


4o4  DES  PRIIONS. 

■  > 

lement  associés  à  des  condamnés,  qui  ne  lewf  épargnent 
jamais  leurs  pernicieux  conseils. D'ailleurs,  là ,  eoraniè 
à>  la  maison  d'arrêt,  ihs  passent'  à  la  gfeôle  font  te 
temps ,  que  leur  laisse  Tennuyeux  et  funeste  loisir  « 
dont  iU  sont  accablés.  Tant  qu'il  leur  reste  qtTefqites 
pièces  de  hionhbie,  on  les  voit,  aiss^' aux ^ fables  qui 
garnissent  la  geftle,  n'inférrufnpt^  leurs  perpétuels  fes- 
tins que  pour  jouer,  soit  enlre  eux  ,  soit  avec  les  gar- 
diens eux-mêmes,  à  tous  tes  ji'^x  que  lés  reglemens 
défendent.  Les  dés  ,  les  cartes  sdftt  cofttvntielleinent 
sous  les  yeux  du  geôlier ,  qui ,  bien  loin  dVmpécber 
qu'on  ne  se  livre  à  ces  dlvertisseméhs  prohibés,  prend 
bien  souvent  sa  part  de  ces  plaisirs  illicites.  L^intérét 
du  cantinier  remporte  toujours  sur  la  fidélité  du 
concierge,  et  janiais  il  n'invoque  bn  règlement,  qtii  fa*» 
riroit  pour  lui  une  source  féconde  de  bénéfices. 

*  C'est  d'après  le  même  principe ,  que  les  geôliers  ac* 
cordent  oo  refusent  arbitrairement  la  permission  dé 
visiter  des  détenus ,  qui  peut  avoir  des  cotfiséqtiences  sk 
graves,  mais  qui  ti'est  ,  pour  eux,  qu'un  moyen  dé 
plus  d'entretenir  le  commerce  abusif,  qu'on  a  jusqu'à 
pr^Ht  toléré.  Ces  concierges,  qui  se  montrent  ordî-* 
nairement  si  soiipçonneux,  qui  voient  partout  des  pro- 
jets d'évasion  ou  de  révolte,  qxi}  ne  manquent  jamais 
de  présenter  comme  des  imprudences  périlleuses ,  lea 
moindres  permissions,  la  moindre  liberté,  qu'on  pro^ 
pose  d'accorder  aux  prisonniers  ,  sont  bien  loin  d'être 
aussi  scrupiUeux  sur  les  conditions  qu'ils  exigent,  de 
ceux  qui  viennent  voir  un  détenu.  S'il  en  est  on  qui 
ait  de  l'argent ,  et  qui  paroisse  disposé  a  faire  sa  visite 
à  la  cantine  ,  il  est  presque  sur  d'être  bien  reçu.  Cette 
recommandation  vàjudra  mieux  pour  lui  qu'une  per^ 


DE  LA  DISCIPLINE.  4è5 

mission  du  juge  instructeur.  Au  lieu  d'une  courte  en- 
trevue dans  on  parloir  et  sons  les  yeux  d\in  prépose  , 
ii  pourra  pas^r  la  journée  entière  nvec  son  ami,  étr 
ne  le  quitter  <)u'à  la  nuit,  ou  qUanil  il  n'aura  pltis 
d'argent*  Que  devieimeâtalors  ces  alarmes  hypocrites , 
que  les  concierges  aiFeetent  toujours  à  l'occasion  d^s 
visites? Où  sont  ce»  précautions  minutieuses,  qui,  à 
les  entendre ,  ëtoient  indispensables  pour  prévenir  lés 
plus  grande  malheurs?  Le  prisonnier  et  son  ami ,  rej~ 
Yent  ensemble  à  h.  geôle , se  parlent  bas,  sont  souvetit 
laisses  seuls.  L'intérêt  a  fermé  les  yeux  du  concierge  , 
et  déterminé  sa  confiance.  Cette  imprévoyance ,  qui 
contraste,  singulièrement  avec  la  sévérité ,  que,  mon- 
trent les  geÀliers  dans  beaucoup  d'autres  cas ,  prouve 
combien,  il  «st  immoral  et  d«'tngereux  de  tolérer  te 
scandaleux  commerce  qu'ils  font  dans  tes  prisons. 

Ces  abus  9  funestes  pour  l'ordre  social ,  et  même 
pour  les  détenns,  dans  leurs  conséquences  éloignées, 
tie  sont  pas  cependant  de  ceux  qui  leur  rendent  pénî- 
lile  le  séjour  des  prisons.  Ils  y  trouvent,  au  contraire^ 
t|n  charme  tiompenr ,  qnî  les  entraîne  et  les  empêché 
de  voir  les  dangers  que  leur  fait  courir  cette  facilité 
qu'on  donne  à  leurs  passions  pour  se  sati.^faire.  Il  est 
4'autres  actes  d'autorité ,  où  ils  ne  voient  que  des  tor- 
tures ,  et  qui  concourent  puissapiment  à  faire  naiti'e. 
dans- leur  coeur ,  un  <}ésespoir  mortel.  Les  prisonniers, 
y  sont  toujours  en  butte  à  partir  de  leur  captivité. 
IJne  fois  privée  de  la  liberté  ,  ils  doivent  s*attendre  à 
bien  des  peines ^  et  préparer  leur  âme  ^  recevoir  bien 

m 

(Aes  atteintes  dooloureuses. 

Avant  la  condamnation,  et  lorsqu'ils  ne  sont  encore 
que  prévenus  ou  accusés ,  ils  ont  à  redouter  totis  lesi 


4o6  DES  PRISONS. 

moyens  qu'on  emploiera ,  pour  arracher  à  leur  bouche 

Taveu  du  crime  dont  on  les  accuse.  Combien  ils  se 

croiroient  heureux ,  ces  infortunés ,  si  ,  renfermés 

dans  les  bornes  légales,  les  concierges  n'excédoient 

jamais  les  ordres  que  le  juge  d'instruction^  peut  leur 

donner,  dans r intérêt  de  la  vérité!  Si  quelquefois  il 

étoit  nécessaire   d'interrompre  les  communications 

d'un  prisonnier  avec  les  autres,  et  de  prévenir  p2^ 

cette  rigueur ,  déjà  très-pénible ,  les  plansî  de  défensjs 

concertés  et  les  conseils  insidieux  qui  apprendroient 

aux  prévenus  l'art  de  cacher  des  vérités  dangereuses 

pour  eux^  ces  ordres,  donnés  par  un  magistrat  humain 

et  juste ,  n'aggraveroient  jamais,  par  aucune  rigueur 

'.accessoire,  le  mal  déjà  si  grand  du  séquestre  absolu .» 

s'ils  étoient  exécutés  litténilement.  Mais  on: a. vu  des 

concierges,  dans  les  maisons  de  justice,  etphitôt  encore 

dans  les  maisons  d'arrêt ,  faire  endurer  de  véritables 

tourmens  aux  prisonniers,  pour  leur  arracher  l'aven, 

opiniâtrement  refusé ,  du  crime  qu'on  leur  imputoit. 

Il  semble  qu'une  cruelle  tradition  chez  les  geôliers , 

ait  confondu  le  secret  avec  la  question.. 

Nous  n'évoquerons  point  les  plaintes  éljpvées  contre 
les  rigueurs  du  secret ,  dans  les  prisons  de  Paris  (i). 
Devenues,  pendant  quelques  mois,  l'objet  de  l'attention 
des  partis,  et  récemment  encore  portées  à  la  tribune 
nationale  ,  ces  accusations  ont  acquis  assez  de  publicité 
pour  qu'il  soit  inutile  de  les  rappeler  ici.  D'ailleurs  trop 
de  souvenirs  politiques  se  mêlent  à  cesdocumens,  pour 
que  nous  les  fassions  entrer  dans  un  ouvrage,  heureuse- 
ment étranger  à  l'examen  de  ces  questions,  dont  la  so- 

(i)  On  ^crivoit  ceci  à  la  fin  de  1819. 


DE  LA  DISCIPLINE.  407 

lution,  quelle  qu'elle  sôît ,  soulève  toujours  des  pas- 
sions €t  des  haines.  Maïs  le  secret  et  ses  douloureux 
accessoires  n'étôîent  point  réserves  pour  les  prîsoa- 
niers  de  la  poKtîqne.  Oh  ne  dédaîgnoit  pas  de  les  em- 
ployer contre  des  criminels  plus  obscurs  ,  contre  des 
prévenus  de  vol  et  de  brigandages,  et  Ton  a  vu  plus 
d'un  accuse ,  siir  le  banc  des  assises ,  protester  avec 
énergie ,  contre  les  violences,  dont  ilavoit  élé  victime, 
dans  la  première  instruction ,  et  dénoncer  au  public 
qui ,  pour  la  première  fois,  sembloit  l'écouter  avec  in- 
térêt,  tous  les  moyens  mî^  en  œuvre,  quelquefois 
pendant  une  année  entière  de  détention  provisoire, 
pour  lui  arracher  un  aven  qu'il  ne  pouvoît  donner. 
Et  alors  quelles  honteuses  et  perfides  manœuvres > 
étoient  dévoilées  aux  yeux  des  magistrats  indignés 
On  apprenoit  par  quelle  alternative  de  mauvais  trai-» 
temens  et  de  séductions ,  des  agens  méprisables  avoient  . 
extorqué  des  aveux ,  souvent  contradictoires  et ,  pres- 
que toujours,  rétractés  et  démentis  aux  débats.  Tantôt 
le  prévenu  avoit  été  en  butte  à  un  système  de  menaces 
terribles,  de  vexations,  de  mauvais  traitemens,  bien 
capables  d'abattre  la  constance,  et  de  briser  la  fermeté 
d'un  homme,  déjà  affoibli  par  le  malheur  et  la  solitude; 
tantôt  une  conduite  toute  différente  succédoit  à  ces 
mesures  violentes,  et  tendoit  au  même  but  par  des 
moyens,  plus  doux  en  apparence,  mais  bien  plus  perfi- 
des. La  douceur  prenoit  la  place  de  l'injure  ;  aux  me- 
naces avoient  succédé  les  prières ,  la  séduction ,  les 
promesses  les  plus  attrayantes ,  et  en  même  terflps,  le$ 
plus  illusoires.  «  Tremblez ,  disoit-on  quelquefois  à 
«  ces  malheureux,  tremblez,  si  vous  persistez  dans 
<c  vos  dénégations.  Vous  ne  sortirez  des  cachots ,  vous 


4o8  DES  PRISONS, 

«  n*aTirez  xine  nonmttire  soffisanle  et  supporlidbte  « 
«  vous  ne  serez  à  Tabri  des  maavaû  Irait emens,  qu« 
«  V011S   endnrez   tous  les  jours,  qu'après  qiie  voas 
«I  VOUS  serez  dénonces  vous -anémes,  en  dënonçant 
if  fons  vos  complices.  »  Souvent  on  lenrfj|i$ok  enten- 
dre cjue  des  aveux  ëtnient  échappés  eux  antres  acctisés  ; 
qu'ils  y  ëtoient  gravement  compromis ,  et ,  par  ceâ 
rapports  menson^rs,  on  les  poussoit  à  de  fonesles  i«- 
présailles,  satisfait  d'enlever  au  déseapètr  de  la  ven- 
geance des  déclaration^,  que  la  lerrènr  n'avoit  pd  arra-^ 
cher.  D'autres  fois ,  on  essavoit  rinsinuatlon  ,  on  leur 
faisoit  les  offres  les  plus  séduisantics,  les  pins  propres  à 
égarerVhomme  qui  soupire  après  fa  liberté.  «  Avonet 
h  vas  fautes ,  disoîent ,  avec  une  douceur  feinte ,  ces 
«  indignes  servhenrs  d'une  justice  impartiale;  con  - 
«  fessez  franchement  vos  crimes  ,  et  les  juges  anront 
«  pitié  :de  vous;  ils  auront  égard  à  votre  repentir,  à 
«  votre  foiblease  ;  vous  parottrez  entraîné  par  un  as^ 
4r  cendant  Irrésistible ,  oti  V/Ous  pardonnera.  »  Cèsl 
ainsi  qn'on  tâchott  de  les  ébranler  par  une  alternative 
crne)le  >  pour  leur  arradier  des  aveux  et  deis  dénoncia- 
tions, qu'on  rt'fftit'pas  obtenus  an^peraent. 

Que  produisoient  cependant  ces  exécrables  *nan«ro- 
vres?  Une  procé  lure  monslrueusè,  oà  les  înterroga- 
toiros  snppléoîent  aiïx  dépositions  des  témoins;  oè 
chacun  des  accusés,  dans  plusieurs  déclarations  con-^ 
tradictoîrcs,  avoit  toujours  lisiblement  cbertihé  â 
écarter  de  sa  tête,  des  soupçons  qu'il  faisoit  retomber 
sur  la  tête  des  antres;  un  système  d'accusation  mn- 
•  tnelle  ,  o.à  ils  se  perdoîent  tous  ensemble ,  en  se  char-^ 
géant-  les  uns  les  autres,  ^i  fournissoient  contre  la 
masse  les  anues,  qi^ils  avoif^nicrii  u'abandcmner  que 


> 


DE  LA  ©éciKUNE.  éog 

rontre  lenrs  co-accusës.  Et  <(ufta^.aiie  condamaaiion 

rigoureuse  vendît  renverser  leAefiiiérances  troni|>eii»>s 

doiit  oïl  les  avoit  bercés;  ^via|i(jl  ils  voyaient  «|u'i49 

^voient  entraîné  leurs  iconi|>agnom  âans  Tabimes  où 

ils  ton^jKiient  eax-niémes,  avec  quelle  énergie  o'ex^ 

primotent-ils  pas  leur  indjgiiaftion .,  contre  les  per^ 

fides  suggestions  f  ^i  les  avpienjt  am^aés  à  ce  résliltat 

inattendu!    .  >  •^ 

Peut-être  étoît- ce  de  grands  coupables;  mais  U 

nécessité  de  délivrer  la  société  d^e  ises  ennemis ,  ne  pent 

jamais  justifier  Teniploi  de  semblables  mesures  :  tû 

^eroit  autoriser  l'î^justice  ^  par  Tutilité  qu'elle  peut 

avoir  ^  et  Topintion  publique  se  prononce  toujours  a^eè 

force  contre  ces  manœuvres  illégales^  quelc^ue  peu 

d'intérêt  qu'elle  porte  d'aiUenrs*  à  ceuK  qtû  en  ont  été 

les  victimes. 

Ces  rigueurs  préliminaires  spnt  un  prélude  el-* 
frayant ,  nviis  soi^vent  prophétiqw  de  celles  qui  atten- 
dent les  prisonniers,  s'ils  ont  le  malheur  d'être  coa^ 
damnés.  On  a  déjà  pu  se  fair4e  une  idée^des  tràitemens» 
auxquels  doivent  se  résigner  ceux  qui  sont  condan^nés 
aux  travaux  forcés;  il  en  est  ci* antres <]ont  la  position  ^ 
bien  plus  déplorable  par  ellç«méme,  est  encore  aggra^ 
vée  par  la  dureté  de  la  règle^  à  laquelle  on  les  assujétit. 
Je  veux  parler  des  condampés  à  la  peine  capitale. 

Dès  qu'im  malheureux  ^  entendu  i'arr^  qui  le  coii«- 
darune  à  une  mort  ignominieuse  et  sanglante ,  il 
.  semble  que  ce  soit  pour  la  société,  et  notamment  peur 
le  concierge ,  un  ennemi  déi:laréet  formidable,  contre 
lequel  il  ne  puisse  prendre  de  trop  sévères  précau^ 
tions ,  et  qu'on  ne  puisse  contenir  que  par  des  moyens 
de  violence  et  une  forc^  physique ,  qui  paroîtroient 


4iQ  DES   PRISONS. 

superflus,  même  à  Tégard  des  animaux  les  plus  vigoo* 
reux  et  les  plus  féroces.  Sans  doute  il  est  de  la  pru- 
dence de  surveiller,  avec  plus  de  soin  que  jamais» 
Thomme  dont  la  tête  est  dévouée ,  ef  qui  n'a  plus  de 
châtîmens  à  craindre ,  parce  que  la  justice  humaine 
a  épuisé  sur  lui  les  derniers  traits  de  sa  rigueur.  It 
n'est  pas  moins  intéressant  de  prévenir  un  suicide, 
toujours  affligeant  pour  la  morale  publique  et  relî- 
gieose,,. toujours  fâchetix  par  la  perte  d'un  exemple ^ 
peut-être  salutaire  à  la  multitude.  Mais  qu'il  y  a  loin  de 
précautions  sages  et  nécessaires ,  renfermées  dans  les 
bornes  que  posent  la  justice  et  l'humanité ,  aux  trai- 
temens  révoltans,  dant  oq  empoisonne  les  demiersmo- 
mens,  déjà  si  affreux,  d'un  condamné  à  mort  ! 

A  peine  le  condamné  a  quitté  la  triste  et  solennelle 
enceinte ,  où  sa  sentence  vient  d'être  prononcée ,  et 
traversé  pour  la  dernière  fois  la  voie  publique ,  au 
milieu  d  une  foule  avide  du  plaisir  cruel  de  contem- 
pler un  malheureux ,  qu'il  est  chargé  de  fers  pesans  y. 
et  précipité  dans  un  cachot,  où  il  ne  verra  plus  le  jour, 
avant'd'en  être  tiré  pour  aller  an  supplice.  Arrivé  dans 
cette  «lernière  et  triste  demeure  »  il  n'y  trouve  pas 
même  ce  repos  physique ,  dont  il  auroit  tant  besoin , 
dans  l'agitation  de  son  âme.  Il  ne  faut  pas  qu'il  espère 
étendre  sur  un  misérable  grab^f  ses  membres  fati- 
gués  et  souffrans.  Depuis  3a  condamnation ,  jusqu'à 
Texécution  de  l'arrêt ,  il  restera  toujours  dans  la  même 
position ,  et  n'aura  pas  seulement  la  triste  consolation 
découvrir  son  visage  de  ses  mains,  pour  pleurer  li- 
brement le  plus  horrible  des  malheurs. 

Attaché  sur  une  sellette ,  où  le  garottent  de  fortes 
.  et  lourdes  chaînes ,  forcé  à  une  désespérante  immo- 


DE  LA  DISCIPLINE.  4ii 

bilîté,  par  Tappareil  qui  le  maintient  dans  nne  po-* 
sition  gênante  et  contrainte ,  il  souffre  tout  à  la  fuis 
les  tortures  physiques ,  et  les  douleurs  de  Tâme.  Un 
large  collier  de  fer  lui  entoure  le  corps ,  et  le  fixe ,  par 
une  courte  chaîne  ,  au  poteau ,  sur  lequel  il  s  appuie. 
Des  fers  retieùnènt  et  meurtrissent  ses  pieds  et  ses 
mains ,  et  lui  laissent  à  peine  la  liberté  nécessaire  pour 
porter  à  sa  bouche  un  pain  -trempé  de  larmes,  et, 
comme  si  Ton  ne  pouvoit  s^assurer  contre  un  mal- 
heureux sans  défense ,  enfermé  au  fond  d^un  cachot  ^ 
sans  le  réduire  à  une  immpbilité  presque  absolue ,  de 
nouveaux  liens,  qui  réunissent  les  premiers,^ lui  in- 
terdisent jusqu'aux  plus  légers  mouvemens.  Instru- 
ment de  douleur,  désigné  par  la  cruelle  insensibilité 
des  geôliers  sous  un  nom  bizarre ,  une  forte  barre  de 
fer ,  qui  s'élève  entre  les  deux  jambes  du  condamné , 
jusqu'à  la  hauteur  de  sa  poitrine,  est  le  centre  où  se 
rattachent  ses  pieds,  son  corps  et  ses  mains.  L'odieuse 
cajjtne  major ,  en  usage  dans  quelques  maisons  de 
justice,  met  le  comble  auk  maux  du  condamné  à  mort. 
Quand  on  pense  que  c'est  dans  cette  horrible  ma- 
chine qu\m  infortuné,  condamné  à  perdre  la  vie, 
voit  s'écouler  les  douloureux ,  et  pourtant  trop  rapides 
momeps  qui  le  séparent  du  dernier ,  on  ne  peut  s'em- 
pêcher de  frémir  et  de  se  demander  si  Thomme  peut 
bien  supporter  de  pareilles  angoisses.  Poursuivi  par 
ses  remords,  ou  déchiré  par  l'affreuse  idée  d'une  con- 
damnation injuste,  le  condamné  arrose  en  vain  de 
ses  larmes  les  chaînes  qui  l'accablent;  pendant  des 
mois  entiers,  seul  avec  lui-même,  il  fait^  l'un  après 
l'autre ,  et  sans  réserve ,  tous  les  sacrifices  qui  rendent 
la  mort  horrible ,  et  l'opprobre  de  l'échafaud  vient 


4w  .      DES  PRISONS. 

«ncore  ajouler-  soa  amcrtanae  à  tontes  ees  ^oalevirs. 
Rieo  ne  ilîsirai^  «es  longues  et  funèbres  mëditatiotts  ; 
jamab  uo  rayoade  soleil,  qni.  vienne  consoler  sa  pan- 
pière ,  jamais  ua  moirrement,  qui  vienne  diversifier  la 
fati^jante  monotonie  d'une  position  contrainte:  Des 
ténèbres  contiuiieUes  t  noe  iramdl>iUté  constante,  tel 
est  l'état  de  ces  homnies,  à  qm  4a  consolation  seroit 
plus  nécessaire  qu'à  lont  autre» 

Et  pourquoi  donc  œtte.  rigpenr  à  Tëgard  des  con- 
damnés à  mort  ?  Pourquoi  les  priver ,  tout  à  la  fois,  de 
la  lumière,  de  Tair  et  de  1^  liberté  de  leçrs  membres? 
On  craint  qu'ils  ne  s'échappent.  Mais  n'éit-il  donc  de 
prisons  sures ,  qu^à  dix  pieds  sous  terre?  La/enétre  qui 
admet  lair  et  le  jour,  ne  peut-elle  pas  être  garnie  de 
barreaux  capables  de  prévenir  une  évasion ,  et  faut-il 
qu'un  tachot  n'ait  que  quatre  à  cinq  pieds  d'élévation , 
pour  qu'on  n'en  puisse  percer  la  muraille?  Quant  aax 
entraves  où  le  prisonnier  est  enchâssé,  elles  sont,  dit- 
on  ,  nécessaires  pour  empêcher  les  suicides^  D'abord, 
c'est  un  moyen  insuffisant.  On  a  va  des  prisonniers 
trouver  le  moyen  de  mourir ,  quoique  attachés  à  la  fa- 
tale sellette:  et  d'ailleurs,  it'est-il  pas  de  mesiires  plus 
douces,  qui  puissent  prévenir  ce  crime?  Quels  moyens 
de  se  faire  périr  auroit  un  homme  enfermé,  seul  et 
sans  li<»ns^  dans  une  chambre  suffisamment  forte,  et 
néanmoins  saine  et  éclairée  !  Le  suicide  n'est  pas  aussi 
facile  qu'on  pourroit  le  croire»  et  celui  qui  n'a  ni  poi- 
son ,  ni  arme ,  ni  corde,  ne  peut  pas  aisément  se  don- 
per  la  mort.  Les  nègres,  poussés  au  dernier  terme  du 
désespoir,  et  exaltés  par  une  espérance  superstitieuse, 
qui  leur  montre  dans  la  mort  le  terme  d'nn  doulou- 
reux exil,  savent  trouver,  s^n&  le  secours  étrangers  « 


1 


LE  LA  DISCIPIJNE.  4i5 

)es  rnoyens  <lé  s'ôter  la  vie  ;  mais  un  Enropéeti  nVst 
guère  capable  d'une  pareille  résolution.  Qu'on  ne 
craigne  pas,  d'ailleurs,  qn'un  condamné  se  brise 
la.  tête  contre  lès  itnô'aitles;  (m  n^en  a  jamais  vu 
(t'exeiDpIes^  et  ce  genre  de  inncide  parott  impossible. 
I>'aill)eurs.t  >l  ue  seimfc  ni  dispendieux  ni  difficile  de 
rembourrer  les  muraïUes.  G'est  donc  i>ar  une  cmanf ë 
^atuifv  et  inutile ,  qn'oii  réduit  les  condamnés  à  mort 
àt'ëtat  déplorable,  dont  nous  avons  esquissé  l^  tableau. 

SECtiolf  lie.  Prisons  pour  peines. 

y 

■  Ces  divers  abus  qui ,  en  généra! ,  f  lennenf  à  l'inexé- 
cn4îon  des  règles  de  la  discipline ,  ot i  au  défaut  d'ins- 
pection, et  q^ii ,  dans  beaucoup  de  maisons  d  arrêt  et 
de  justice^  se  trouvent  aujourd*hm  presque  consacrés 
par  un  long  usage ,  sont  beaucoup  moins  fréqueus  dans 
ies  pinsons  centrâtes^  dont  la  tenue  est  généralement 
jrttis  satisfaisante  et  miénx  ordonnée  que  celle  des  au- 
tres prisons.  Il  ne  faudroît  cependant  |>as  s\*n  laisser 
imposer  par  cet  appareil  de  régu!ari*#,  et  croire  que 
t(H»t  y  est  bien ,  parce  que  tout  s'y  feit  uniformément^ 
€fl  d'îiprès  des  règles  assez  eonstantès.  Tout  y  paroît 
juste»  parce  que  tout  y  est  régulier;  mais  si  rînjustîre 
y  est  périodique ,  sî  Tarbitraîre  s'y  perpétue  sous  le 
nom- de  coutume,  il  ne  fa^rt  pas  traindre de  les  com- 
battre, malgré  les  recoai mandations  frivoles  dont  ils 
se  couvrent,  et  ^  sans  se  laisser  éblouir  par  une  vaine 
unifth'nHté,  qui  n'est  que  l'organisation  régulière  d'un 
mauvais systèn^e ,  porter  saiis cîràinte  la  réforme,  sur 
^es  abus  parés  dé  dehors  spécieux ,  sans  être  pour  cela 
plus  re^ipectableH. 

Un  usage  très- tllégab  mais  néanmoins  généra! ,  et 


4i4  DES  PRISONS. 

qne  nous  aurions  pu  relever  en  parlant  des  maisons 
d'arrêt  et  de  justice ,  s'il  n^étott  pas  bitsa  plus  choqnant 
et  plus  dangereux,  dans  les  prisons  pour  peines,  <{a^ 
dans  aucune  autre,  c'est  celui  de  traiter  différem- 
ment les  condamnés,  selon  leur  fortune ,  relativement 
au  concher  et  au  logement;  en  un  mot,  la  distinction 
établie  entre  les  prisonniers  à  la  paille,  et  ceux  à  la 
pistole.  Cette  division  peut  être  justifiée  à  certains 
égards,  quand.il  ne  s'agit  que  des  prévenus.  On  peut 
dire  que ,  possesseurs  de  tous  leurs  droits ,  dont  quel- 
ques-uns seulement  sont  suspendus ,  ils  doivent  jouir, 
dans  la  prison  ,  de  tous  les  avantages,  qu'ik  auraient 
eus  dans  la  société,  pourvu  qu'ils  ne  soient  pas  con- 
traires à  l'ordre  et  à  la  sûreté.  Mais  il  n'en  est  point 
de  même  des  condamnés.  La  loi  ne  doit  plus  recon- 
noitre  entre  epx  de  distinctions.  Punis  de  la  même 
peine ,  ils  doivent  tous  subir  le  même  sort ,  et  les  dif- 
férences de  condition  ou  de  fortune  doivent  s'évanouir 
dans  leur  commune  infamie.  La  loi  elle-même  indi- 
que  son  intention ,.  de  plier  à  une  même  règle  tous  les 
condamnés ,  et  en  cela  elle  est  d'accord  avec  les  vrais 
principes;  une  peine  doit  toujours  être  la  même  pour 
tous  ceux  qui  l'ont  encourue  ;  l'interdiction  légale , 
dont  le  Code  pénal  a  fait  une  dépendance  nécessaire 
de  toute  condamnation  infamante  ,  en  ôtant  aux  con- 
damnés jusqu'à  la  jouissance  de  leurs  revenus ,  et  ne 
laissant  à  leur  disposition  qu'une  foible  partie  du  prix 
de  leurs  travaux ,  les  réduit  à  cette  uniformité ,  à  cette 
égalité  native,  qui  ne  peut  se  rompre  que  par  des  efforts 
cpnstans ,  et  une  supériorité  toute  naturelle. 

C'est  d'après  les  mêmes  principes  que  les  anciens, 
comme  les  nouveaux  règlemens,  ne  reconnoissent. 


j 


DE  LA  DISCIPLIKE.  4i5 

^€ï\Te  les  prisonniers,  d'autres  raisons  de  préférence 
que  rancienneté ,  qui  donne  droit  à  la  place  la  plus 
commode  dans  les  dortoirs,  sans  néanmoins  qu'au- 
cune  différence  spécifique  distingue  cette  place  ou 
c^tte  celkile  de  toutes  les  autres.  Cette  triste,  mais  iné- 
vitable égalité  du  crime,  est  tout-à-fait  incompatible 
avec  rétablissement  des  chambres  particulières,  con-* 
nues  sous  le  nom  de  pistoles,  que  Ton  trouve  dafis 
toutes  les  prisons,  et  qui  sont  l'objet  de  gains  assez 
considérables  pour  les  geôliers.  Cet  usage  est  d'autant 
plus  blâmable  que,  dans  quelques  prisons,  les  con- 
cierges se  sont  arrangés  pour  transformer  en  pistoles , 
une  partie  si  importante  des  bâtimens ,  qjae  les  pri- 
sonniers, trop  pauvres  pour  y  être  admis,  sont  res- 
serrés dans  un  espace  beaucoup  trop  étroit  pour  eux^ 
et  qui  pourroit  être  agrandi ,  si  l'avidité  du  geôlier  ne^ 
préféroit  toujours  de  lucratives  pistoles,  à  l'avantage 
des  prisonniers  à  la  paille.  Ainsi ,  à  la  prison  comme 
dans  le  monde ,  l'inégalité  des  conditions  exerce  en- 
core son  empire ,  dont  elle^'a  conservé  que  les  incon- 
véniens,  et  le  superflu  do  riche  y  est  encore  pris  sur 
les  besoins  du  pauvre. 

Cette  disparate  est  plus  ou  moins  choquante ,  sui- 
vant la  différence  plus  ou  moins  grande ,  qui  existe 
entre  les  chambres  ordinaires  et  les  pistoles.  Dans 
quelques  prisons,  ces  dernières  sont  décorées  avec  une 
propreté  et  une  recherche  de  soins,  qui  leur  donnent 
l'apparence  de  chambres  d'auberge  ordinaires.  Cet  as- 
pect contraste  assez  fortement  avec  celui  des  autres 
salles,  dans  leur,  triste  et  sombre  nudité ,  pour  rendre 
très-sensibles  les  inconvéniens  d'une  pareille  dlstinc- 
lioUé  Dans  quelques  autres ,  les  pistoles  ne  se  distin- 


4i6  DES  PRISONS. 

gaent  des  chambres  orditiatres ,  qiie  parce  qu'elles  sont 
particulières,  et  qùfe  les  prisonniers  qui  y  logent  ne 
sont  point  confondus  avec  tés  autres  détenus.  C'est  dé- 
guiser, autant  que  possible,  nn  abus,  qvfon  vent  per- 
pétuer ;  cependant ,  il  ne  fant  pas  se  laisser  séduire  par 
cette  demi-  justice;  les  pi^loles  doivent  être  absolu- 
ment bannies  des  prisons  des-  condianmés ,  et ,  quelque 
pénible  qu'î!  soit*  ()our  quelqiiès^inis  d'entre  eux, 
ifétre  conCnndus  a^c  toiirs  les  habitans  de  ces  maisons 
d'igtioniinfe,  tèttfe  comnwnautë  fait  partie  de  leur 
peinié,  il  fant  qu'ils  la  subi^ehl  tonte  entière* 

il  est  encore  im  point  très4bn portant^  sur  lequel 
doit  se  porter  rattention-,  et  qui  sollicite  la  réferme 
dans  tontes  le^  pi*isons ,  mais  surtout  dans  les  prisons 
centrales,  où  les  détenus  sont  destinés  à  fatre  nu  plus 
teng  séjour  que  dans  les  autres;  c'est  Tarbi traire  avec 
lequel  on  ptinit  les  fautes  ou  les  délits ,  dont  les  pri- 
sonniers sont  réputés  coupables,  et  le  genre  des  puni- 
tions qu'on  leur  inflige  ordinairement,  pour  ces  mé- 
fiiiH^  étrangers  à  leur  condamnation.  Cet  abns,  qne" 
ncms  avons  déjà  sigtialé,  dans  les  maisons  d'arrêt  et  de 
justice,  se  retrouve,  peut-être,  même  avec  plus  de 
gra^rîté  encore,  dane les  maisons  de  détention  défini- 
tive. Là^  le  despotisme  est  encore  plus  dur  que  dans  les 
^irisons  ordinaires  ;  Timportance  d'un  gardien  ^  décoré 
à\r  litre  de  gouverneur  ,  et  qui  croît  n'avoir  d'ordres 
à  recevoir  que  dtfmiinstre^  ou  tout  au  pfes  Ai  prcfet, 
et  de  compte  à  rendre  qï/à ces  grands  fonctionnaires, 
rend  nuls  ou  entièrement  iHusoires  la  surveillance,  et 
le  droit  de  police  réservés  aux  antorités  municipales. 
Un  gouverneur  sait  tonjotu's  bien  se  rendre  înd^ 
pendant  du  maire  d'une  petite  ^itle,  qni  n'a  souvent 


DE  LA  DISCIPLINE.  4i^ 

nr  raiilorîlë ,  ni  la  fermeté  nécessaires  pour  exercer 
une  véritable  surveillance  dans  la  prison ,  ei  maître 
absolu  dans  son  enceinte,  jusqu'à  la  vîsîfe  dn  préfet, 
qui  souvent  se  fait  attendre  long-  temps ,  il  commande 
en  despote,  condamne,  exécute  lui-même  ses  sen- 
tences, et  réunit  sur  sa  tête  la  plénitude  des  pouvoirs 
à  Tantorité  légale  de  l'administrateur. 

C'est  surtout  dans  l'application  des  peines ,  et  dans 
le  genre  de  celles  dont  on  punît  les  moindres  fautes , 
que  cette  puissance  arbitraire  se  déploie  de  la  manière 
la  plus  affligeante  pour  les  amis  de  l'humanité.  On  se 
figureroit  à  peine  avec  quelle  facilité  des  châtimens, 
réellement  très-rigoureux,  sont  infligés  anx  détenus. 
Dans  toutes  les.  prisons,  on  est  sôr  de  troilver  un 
ample  magasin  de  fers  et  de  chaînes,  qu'à  la  moindre 
alarme  on  s'empresse  de  distribuer  à  ceux  des  pri- 
sonniers dont  on  croit  avoir  à  se  défier,  ou  qui  ont 
commis  quelque  légère  faute»  Si  Ton  parcourt  les  rlî- 
vcrses  parties  de  la'prison,  les  regards  se  portent  avec 
épouvante  sur  de  nombreux  cachots ,  tout  prêts  à  en- 
gloutir sans  jugement  et  sur  le  simple  ordre  du  chef, 
les  malheureux  qui  lui  auront  paru  mériter,  cette 
rigueur. 

Ces  affreux  réduits  sont  de  plusieurs  espèces,  plus 
ou  moins  horribles,  plus  ou  moins  malsains,  suivant 
le  degré  de  sévérité  avec  lequel  on  veut  punir  les  dé- 
linquans.  Les  plus  doux ,  ceux  qu'on  emploie  le  plus 
fréquemment,  sont  situés  au  rez-de-chaussée,  dans 
l'angle  de  quelque  obscur  corridor,  sous  un  escalier, 
ou  dans  toute  autre  place  étroite  et  inapplicable  à  un 
autre  usage.  Une  porte  épaisse,  doublée  de  fer  et  ar- 
mée de  forts  verroux ,  forme  une  clôture  impénétrable 

27 


4i8  DÈsi  PRISONS. 

et  garantit  suffisamment  la  sûreté  contre  les  cfFûrtàdâ 
prisonnier  le  plus  violent  ;  il  est  impossible  de  forcer 
une  semblable  clôture,  surtout,  quand  Tobscurité  assez 
profonde,  qui.  règne  dans  ces  cachots,  empêche  le 
prisonnier  de  préparer  son  évasion  par  un  travail 
suivi. 

On  n'auroit  qne  peii  à  se  plaindre ,  si  tous  les  ca- 
chots étoient  de  ce  genre;  malgré  leur  petitesse  et  leur 
position  dans  un  rez-de-chaussée  souvent  humide,  ils 
ne  sont  pas  essentiellement  malsains  4  parce  qu'ils  se 
trouvent  encore  assez  près  du  courant  d'air,  pour  que 
leur  atmosphère  puisse  se  renouveler  facilement,  et 
que  Tôbscurité  n'y  est  pas  aussi  complète  qde  dans  les 
autres.  Cependant  le  séjour  en  est  très-péûible ,  même 
sous  les  rapports  sanitaires.  On  ne  pourroit  donc ,  en 
tous  cas,  le  tolérer  que  pour  un  temps  très-court. 

Malheureusement  les  autres  cachots  sont  réellement 
dangereux,  indépendamment  de  la  rigueur  excessive 
de  cette  peine,  appliquée  à  la  plupart  des  fautes  que 
commettent  les  détenus.  On  en  voit  dans  certaines 
prisons,  qni^  bien  que  situés  au  rez-de-chaussée,  sont 
presque  aussi  homidés  et  aussi  privés  d'air,  que  s'ils 
étoient  creusés  sous  terre.  Placés  à  droite'et  à  gauche 
d'un  corridor  spécial,  qui  lui-même  est  une  sorte  de 
cachot  ^  ils  ne  reçoivent  jamais  un  rayon  de  lumière, 
et  l'air  méphitique,  qui  s'y  amasse,  peut  à  peine  en 
sortir,  et  ne  se  renouvelle  jamais  entièrement.  Aussi 
le  séjour  de  ces  cachots  est  absolument  malsain ,  et 
'^l'on  ne  peut  s'en  servir,  sans  exposer  la  vie  des  prison- 
niers aux  pluis  grands  dangers. 

Cependant,  ils  n'ont  rien  de  comparable  avec  les 
cachots  souterrains,  que  l'on  voit  encore,  avec  douleur^ 


DE  LA  DISCIPLINE.  4,t| 

tlahs  les  prisons  les  pins  récemment  constrnîfes.  Après 
tant  d'éloquentes  réclamations ,  contre  l'usage  de  ces 
(bachots  dans  les  anciennes  prisons ,  où  ils  existent  de- 
puis long-temps,  on  devoit  péutétre  s'attendre  à  ne 
plus  en  voir  établir  dans  les  prisons  nouvelles,  dont 
là  construction  et  le  régime  sembloient  devoir  être 
dirigés  d'après  des  vues  plus  généreuses  et  plus  phîlan- 
thropiques^  Cet  espoir  a  été  trompé,  le  nouveau  sys- 
tème des  prisons  est  encore  souillé  de  cette  lèpre  ,  et , 
ce  qu'il  y  a  peut-être  de  plus  étonnant ,  c'est  que  les 
cachots  construits  dans  le  nouvel  éiat  des  choses,  aù- 
roient  pu  servir  de  modèles  abx  anciens,  tant  ils  sont 
malsains  et  horribles. 

Si,  pour  vous  assurer  de  cette  triste  Vérité,  vous 
demandez  à  voir  les  cachots ,  dans  Tune  des  prisons 
nouvellement  construites,  le  guichetier  qui  dirige 
votre  n^arche  se  nnmit  d'une  grosse  lanterne  ^  pré- 
caution indispensable ,  pour  pénétrer  dans  les  épaisses 
ténèbres  qui  y  régnent.  Après  avoir  traversé  de  longs 
corridors,  et  parcouru  le  chemin  de  ronde  dans  une 
grande  partie  de  son  étendue,  on  trouve,  à  l'un  des 
angles  que  forme  cette  allée,  une  grille  eh  fer,  qui 
donne  entrée  sur  une  espèce  de  caveau  profond ,  par 
un  long  escalier^  bâti  solidement  e'n  pierres  de  taille. 
Une  faut  pas  s'imaginer  que  cette  première  pièce  soit 
déjà  le  cachot,  quoique  l'on  soit  descendu  à  vingt 
pieds  sous  terre ,  que  le  foible  rayon  de  lumière  qui 
y  pénètre i  réuni  à  la  flamme  de  la  lanterne,  ne 
donne  plus  qu'une  clarté  douteuse,  et  qu'un  air  fixe 
et  glacial  fasse  déjà  de  cette  cave  un  séjour  aussi  mal*» 
sain  qti'odieux;  un  pareil  cachot  n'auroit  pas  rempli 
le$  vues  do  ceux  qui  ont  dirigé  les  travaux^  Ce  n'en  est 


42à  DES  PRLSONS. 

encore  que  le  vestibule,  et  cette  affreuse  salle ,  dont 
l'aspect  seul  fait  frémir,  servira  tout  au  plus  à  reofer- 
aier  des  condamnés  ordinaires,  qui  n'auront  commis 
aucune  faute ,  mais  que  la  craintive  prudence  du  geô- 
lier n'osera  pas  laisser  dans  les  chambres  commurtes. 

Les  portes  des  cachots  donnent  sur  ce  vestibule 
commun;  elles  sont  si  basses  qu'on  les  aperçoit  à 
peine,  et,  quand  on  a  ouvert  le  premier  guichet  qui 
les  ferme,  on  trouve  encore  leur  hauteur  sensible- 
ment  diminuée  par  des  barreaux  de  fer,  dont  le  pre- 
mier n'est  pas  à  trois  pieds  de  terre  >  et  qui  ne  per- 
mettent de  passer  parle  guichet,  qu'en  se  courbant 
entièrement.  Deux  guichets  et  deux  rangs  de  barreaux 
sont  pratiqués  dans  l'épaisseur  du  mur,  et  opposent 
quatre  obstacles  successifs  à  l'issue  du  prisonnier ,  qui 
ne  peut  sortir  du  cachot,  sans  se  mettre  absolument 
à  la  merci  du  préposé  qui  l'en  tire,  par  la  position 
qu'il  est  forcé  de  prendre. 

.Cette  sujétion,  toute  pénible  qu'elle  est ,  ^  justifie 
par  le  motif,  puisqu'elle  a  pour  but  de  prévenir  des 
violences,  et  de  garantir  la  sûreté  ;  et  les  barreaux,  ne 
diminuant  en  rien  la  salubrité,  peuvent  être  conser- 
vés, comme  une  utile^précaution.  Mais  pourquoi  op- 
poser encore  une  double  barrière  à  l'entrée  de  l'air  et 
dç  la  lumière ,  en  fermant  le  cachot  par  deux  guichets? 
N'est-il  pas  déjà  assez  fort ,  par  lui-même ,  par  sa  po- 
sition ,  par  les  diverses  clôtures'  qui  l'enferment  ?  Le 
prisonnier ,  d'ailleurs ,  seroit-il  moins  retenu  par  une 
grille  forte  et  serrée ,  qui  au  moins  laisseroit  parvenir 
j.usqu'à  lui  quelques  foibles  parties  d'air  respirable? 
Ne  peut-on  le  garder,  sans  prohiber  rigoureu.sement 
l'entrée  de  la  lumière  et  de  l'air  dans  les  cachots ,  et 


>5V 


DE  LA  DISCIPLINE.  421 

Tobscuritë  ab^ohie  est-elle  une  condition  essentielle  de 
leur  existence ,  un  caivictcre  précieux  à  conserver?  S'il 
en  étoit  aini^î ,  les  constructeurs  pourroient  se  glorifier 
de  l'hahileté  cruelle  qu'ils  ont  dépioyre  dans  ce  travail; 
il  est  liuficile  de  trouver  une  ohscnrité  plus  complète 
que  celles  des  cachots. 

On  conçoit  que  Taboivl  d'un  pareil  séjour  est  re- 
poussant, et  fait  frémir.  Hov^ard  peint  avec  une  élo- 
quence sans  apprêts,  qiais  bien  puissante,  Thorrible 
spectacle  qui  la  frappé  dans  les  prisons  de  Vienne  y 
où  il  avuit  visité  les  donjons.  Français ,  et  vivant  au 
dix-neuvième  siècle,  je  bénissois  le  ciel  de  m'avoir  fait 
naître  à  une  époque ,  et  chez  une  nation  9  où ,  sans 
doii.te,  de  pareils  abus,  s'ils  a  voient  existé,  u^attriste- 
roient  plusTno«  anie,  oùdu  hioins  je  ne  verrois  point 
s'en  augmenter  le  nonibre.  lUosion  trompeuse!  j'a« 
vois  trop  compté  S(Ur  les  progrès  de  la  morale  publique^ 
•sur  les  pl'ojets  et  les  vues  philanthropiques  de  Tadrni^ 
nîstratio»  ,  et  j  oubliois  que  les  agens  subalternes 
ont  toujours  des  moyens  pour  tromper  les  intention^ 
bienfaisantes  (Jes  chefs  des  nations..!  ai  vu  des  cachots, 
qu'on  vient  de  creuser,  tout  récemment,  dans  des  pri- 
sons nouvelles,  dont  le  ciment,  encore  frais  trahit 
la  nouveauté  ,  et  qui ,  par  leur  aspect  affligeant , 
ne  rappellent  que  trop  les  tristes  et  nobles  accents 
d'Howard. 

Danf  ce  réduit,  où  la  lumière  du  jour  n'a  jamais 
pénétré,  se  trouve  pour  tout  meuble,  un  petit  lit  de 
bois,  garni  d'une  paillasse.  C'est  là  que  des  rnalheu- 
fleuxont  passé  des  semaines  entières ,  quelquefois  des 
mois  entiers,  au  milieu  d'une  obscurité  profonde ,  et 
4ans  une  atmosphère  humide  et  glacée,  dont  la  froi- 


42  3  DES   PRISONS. 

dure  saisit  au  niorneni  oi>  on  y  entre  ;  et  quels  fruits  ak^ 
tendon  d'une  semblable  rigueur?  Quelles  pensées  ssù- 
Inla  ires  croît-on  que  fera  n^Ure  dans  Tân^e  don  coo> 
pable,  le  sentiment  à\me  longue  et  inutile  criiante^ 
qui  punit  une  faute,  souvent  légère,  sauvent  excusable, 
par  des  tourmens  physiques,  aussi  injustes  qu'odieux? 
Si  la  solitude  est  souvent  utile  ,  comme  moyeu  d'a- 
nienclement  -moral ,  s'il  peat  être  avantageux  de  laisser 
un  Retenu  ,  seul  avec  lui-même  et  livre  à  ^es  réflexions, 
ne  peut  oi)  lui  procurer  cç  recueillement,  sans  ténèbres 
«t  sa«n$  cachots?  Croît-on  qu'il  sera  capable  de  sages  et 
frOfides  méditations,  sur  les  inçonvéniens  du  crime, 
et  la  nécessité  d'une  bonne  conduite  ,  l'homme  aigri 
jHVr  uu  traitement  cruel ,  révolté  par  Vidée  de  L'injus-r 
liçè,  irrité  çoptre  la  société,. qu'il  regarde,  avec  rai- 
son ,  comme  acharnée  contre,  lui  ?  Les  cachots  doivent 
^voîr  un  etfet  tout  contraire  à  celui  qu^  la  loi  a  toU'- 
Jours  en  vue  dans  rappUcation  des  peines  ,  la  correct 
tipn  du  coupable,  et  la  conservation  d'un  bomme,  qui 
pçut  devenir ,  quelque  jour  ,  membre  utile  de  la  socié^r 
té.  Ou  nç  peut  donc>  sans  une  cruauté  gratuite  et  dan-r 
gereuse,  en  continuer  l'usage,  surtout  quand  iU  soat 
creusés  sous  terçe ,  comme  ceux  que  Von  voit  encore 
{aujourd'hui  dans  plusieurs  pûsons  ,^  où  Von  ne  devoii 
pas  s'î^t tendre  à  Içs  trouver.  . 

Des  hommes,  dont  je  respecte  les  intentiousetVex^ 
pérîeuce,  insisteront,  peut-être,  pour  la  conservation 
des  cachots  qui  existent  et,  à  l'appui  de  leur  opinion , 
ils  citeront  les  cas ,  heureusement  assez  rares,  où  une 
prison  se  trouveroit  remplie  de  ces  brigands  redoutar 
blés ,  qui ,  sous  le  poids  des  chaînes  ,  font  encore  trenir 
})\çy  tout  ce  qui  les  eutoure,  et  qui  n^ettroient  peptrélr<( 


DE  LA  DISCIPLmE.  4^3 

le  gardien  en  përii,  s'il  n^avoit  pas,  pour  sa  protection, 
des  moyens  de  siWté,  capables  de  contenir  ces  dangfe- 
renx  prisonniers.  Quelque  imposante  qne  soit  raulo*- 
rite  de  ces  hommes,  instmils  par  une  longue  expé- 
rience ,  je  ne  crois  pas  qne  leur  opinion  puisse  déter- 
miner à  conserver  les  cachots,  t^ls  qu'ils  existent. 

D'abord-,  quelque  fo^ts  que  doivent  être  les  lieu]^ 
destinés  à  la  garde  de  ces  hommes,  qu'il  y  a  peut-être 
quelque  exagération  à  présenter  comme  si  dangereux 
dans  les  prisons,  ii  n'est  jamais  nécessaire  qu'ils  soient 
souterrains.  On  peut  sans  doute  construire  des  cham- 
bres ,  très-fortes  et  très-bien  fermées ,  an-dessus  de  U 
superficie  du  sol ,  et  la  profondeur  d'un  cachot  n'est 
pas  le  seul  moyen  de  prévenir,  les  évasions.  Ensuite, 
pourquoi  condamnera  une  obscurité  absolue  les  mal- 
heureux, qu'on  punit  dé}à  dn  supplice.de  l'isolement? 
La  vue  du  ciel ,  celle  de  la  campagne ,  les  accidens^ 
variés. de  la  nature  ne  sont-rls  pas,  plutôt  que  les  té- 
nèbres ,  capables  de  produire  ou  de  réveiller  en  eux 
des  idées  religieuses  et  Imorales?  L'homme  le  plus  fé- 
roce sentira  s'adoucir  insensiblement  son  caractère  , 
dans  une  chambre  où  pénétreront  les  rayons  consola- 
teurs du  soleil ,  ou  des  fenêtres  de  laquelle  il  pourroit 
voir  encore  la  nature,  avec  toutes  ses  beairtés,  et  re- 
monter,  de  l'idée  des  choses  créées ,  à  l'idée  sublime 
dn  Créateur.  Dans  le  cachot ,  son  unique  sentiment 
sera  la  rage;  sa  pensée  continuelle,  la  haine  des  ins- 
titutions sociales;  son  désir  constant,  le  suicide.  Fer- 
mons donc  à  jamais  ces  odieux  cabanons ,  aussi  fu- 
nestes pour  la  morale  publique,  qne  pour  la  santé  des 
nialheureux  qu'on  y  précipite. 

Cette  mesure  est  d'autant  plus  urgente,  que  les 


4^4  DES  PRISONS. 

concierges  et  gardiens  usent  lonjonrSy  sans  lejtiojmtre 
nionagenient  de  la  faculté  illicite  çh  plonger  dans  les 
cachots  les  prisonniers  qu'ils  veulent  punir.  La  k- 
cilité  avec  laquelle  ils  en  ouvrent  les  portes  y  poor 
y  \eter  des  malheureux  «  qu'ik  y  abandonnent  en- 
suite avec  une  insouciance  cruelle  9  ne  permet  pas  de 
laisser  à  leur  disposition  une  arme  terrible,  qu'ik  em- 
ployent  d'une  manière  aussi  inpste.  L'abus  qu'ils  font 
d'un  moyen  t  aussi  odieux  en  lui-même,  est  une  noo- 
velle  raîson  pour  le  leur  enlever  absolument.  C'est  au 
nom  de  la  justice  et  db  l'humanité  que  nous  sollici- 
toQS  cette  indispensable  réforme. 

TITRE  IV. 

nu    RÉGI  MB    PHYSIQUE. 


CHAPITRE  ^^  Des  prisonniers  dans  téteUde  sanii 
Section  i".  Mesures  préservatrices* 

» 

L'hygiène  ,  comme  on  Ta  vu  dans  la  première-par- 
tie ,  a  un  double  but  ;  préserver  la  santé  des  accidens 
qui  peuvent  la  compromettre,  et  Tentretenir  par  «n 
régime  sain  et  modéré ,  qui  soutienne  les  forces  et  les 
répare  convenablement. En  général,  on  paroit  s'être 
beaucoup  plus  occupé  du  second  objet  que  du  premier, 
^et ,  satisfait  d'avoir  pourvu  aux  besoins  les  plus  pres- 
sés et  les  plus  apparens  des  prisonniers ,  on  a  trop 
cuvent  négligé  de  prémunir  leur  santé. contre 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  4-2$ 

dangers ,  qui  la  menacent  ordinairement  dans   les 
prisons. 

Un  senl  ahns  en  entraine  toujours  plusieurs  autres 
à  sa  suî^e  et ,  chaqne  fois  que  nous  avons  si^alé  quel- 
que défaut  d»ns  une  partie  du  système  i\es  prisons , 
on  a  à\\  s'attendre  à  en  retrouver  des  conséquences 
dans  les  antres  branches.  Nous  ne  pourrions  donc  évi- 
ter lies  redites  fréquentes,  si  nous  voulions  relever 
toutes  les  suites  fàcheitses  de  plusieurs  abus ,  que  nous 
9Vons  déjà  dénoncés.  C'est  ainsi  que  la  petitesse  des 
prisons.»  et  les  vices  de  construction  qu'on  y  remaf- 
^ue,  après  avoir  causé   des  maux   véritables,  dans 
Tordre  de  la  discipline ,  ont  encore  des  suites  funestes 
pour  le  régime  physique,  et  détruisent  toute  salu- 
brité dans  les  prisons.  Nous  éviterons  donc  de  revenir 
ici  sur  tous  les  vices  qui  tiennent  au  matériel ,  en  nons 
bornant  a  faire  observer  que  c'est  un  devoir  pressant 
pour  l'administrât  ion  de  prévenir ,  ou,  tout  au  moins 
de  combattre,  des  causes  qui  influent  puissamment 
sur  Tétat  sanitaire. 

Mais  il  convient  de  parler  ici  des  soins  journaliers 
ou  généraux,  que  Ton  devroit  prendre  dans  toutes  les 
prisons,  pour  entretenir  la  salubrité ,  et  qui ,  malheu- 
reusement,-n'y  sont  que  trop  souvent  négligés.  Ici, 
toutefois,  comme  dans  presque  toutes  les  autres  par- 
ties de  l'administration  ,  l'état  des  prisons  définitives, 
soit  centrales,  soit  seulement  départementales,  est  beau- 
coup plus  satisfaisant  que  celui  des  maisons  d'arrêt  ou 
de  justice.  La  propreté  y  est  entreteque  avec  pins  dç 
soin  et  d'exactitude  ^  parce  que  tout  y  est  assujéti  à  un 
ordre  régulier ,  et  qu'à  défaut  des  chefs ,   la  règle 


4ae  DES  PRISONS. 

veitle  continuellement  et  maintient  la'propreté,  qui 
exige  des  soin$  permanens  et  san^  intermption. 

Le  service  4es  chambres  y  est  fait  ordinairementpar 
un  certain  nombre,  d-hommes,  proportionné  à  la 
gi^nd^r  de  la.prisoa ,  que  Ton  choisit  parmi  les  pri- 
sonniers, et  qni  ont  pour  fonctions  de  veiller  à  la  pro- 
preté ,  dans  tous,  les  détails.  Ces  yalels  nétoyent  les 
chambres ,  en  ouvrent  ks  .fenéti!ie$ ,  remplissent  d'eau 
les  baquets.,  qui  Sf9  trouvent  de  di^ance  en  distance 
dans  les  corridors ,  et  entretiennent ,  sous  leur  respon- 
sabilité ,  une  propreté  exacte.  Ce  service  est  générale- 
ment bien  fait  dans  l^s  grandes  prisons,  et  il  en  est 
dont  les  chambres  ont  un  aspect  cFordre  et  de  pro- 
preté, qui  satisfait.  Les  prisonniers  chargés  de  cet  em- 
ploi reçoivent  des  ^ages  proportiomiés  à  leurs  peines, 
qui  ne  les  empêchent  pas  de  donner  encore  une.partie 
de  la  journée  au  travail  des  ateliers. 

Les.  ateliers  sont  encore  fort  bien  tenus  dans  ces 
prisons  considérables  ;  cependant,  comme,  par  un  abus 
très-fâcheux ,  les  prisonniers  y  sont  abandonnés  à  eux- 
mêmes  ,  on  n'y  trouve  ni  le  même  ordre ,  ni  la  même 
propreté  que  dans  les  chambres. 

Ces  conditions  essentielles  ne  peuvent  être  garan- 
ties que  par  l'exécution  littérale  de  règles  précises  et 
inviolables.  Aussi  n'est-il  pas  de  prisons  plus  mal  te- 
nues que  les  petites,  sous  le  rapport  de  la  propreté. 
Un  geôlier,  qui  n'a  sous  ses  ordres  que  cinq  à  six  dé- 
tenus ,  tout  à  la  fois  législateur  et  souverain  de  ce  petit 
peuple ,  ne  suit  ni  ordonnances ,  ni  règlemens  géné- 
raux, dans  cette  administration  peu  compliquée.  Laissé 
à  sa  discrétion,  ou  plutôt  abandonné  à'  son  caprice, 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  417 

ï'ordre  génëral  y  est  absolument  noKTout  s'y  fait  en 
vertu  de  ses  commandemens  ,  et  »  comme  le  bon  plai- 
sir dn  geôlier  est  la  seule  loi  que  Ton  suive,  et  que 
cette  loi  est  susceptible  «  de  varier  à  chaque  instant ,  la 
propreté,  comme  toutes  les  autres  parties  du  service , 
est  assujétie  à  toutes  les  chances,  que  produit  la  diffé- 
rence de  caractère  des  gardiens.  D'ailleurs,  dans  l'ab- 
sence d'une  règle  générale  et  toujours  en  vigueur  ;  qui 
commande  perpétuellement  ^  même  pendant  le  si- 
lence des  supérieurs ,  rien  ne  s'y  fait  que  par  Tordre 
exprès  et  spécial  du  geôlier,  et ,  s'il  oublie  ou  néglige 
une  fois  de  le  donner,  le  service  est  interrompu,  la 
propi^té,  et  par  suite  la  salubrité ,  sont  coQipromises, 
et  souvent  la  négligencç  d'un  seul  jour  a  des  suites 
longues  à  réparer. 

Fant-il  d'autres  causes  pour  faire  de  ces  prisons  le 
séjour  le  plus  pénible,  et  pour  rendre  leur  abord  seul 
redoutable ,  même  à  ceux  qui  n'y  doivent  passer  que 
de  courts  instans?  Quand  une  prisoia,  déjà  malsaine 
par  sa  position,  par  le  nombre  excessif  de  détenus 
qu'elle  renferme ,  parle  manque  absolu  ^e  préaux ,  ou 
l'insuffisance  de  ceux  qui  existent ,  réunit  à  ces  vices 
l»ssentiels  toi;is  les  inconvéniens  d'une  tenue  négligée, 
quelle  autre  source  que  cette  malpropreté  fatale  répand, 
jusqu'au  dehors,  cette  odieuse  odeur  des  prisons,  qui 
semble  porter  avec  elle  la  contagion  et  la  mort?  Com- 
posé impur  d'un  amas  d'exhalaisons  malfaisantes, 
frette  vapeur  nauséabonde  se  fait  jour  à  travers  les  gui- 
chets eux-mêmes,  et  avei'tit  ceux  qui  traversent  les 
l*ues  de  nos  villes ,  qu'ils  passent  devant  une  prison. 

Quel  supplice  d'être  plongé  pour  vingt  ans  au  mi- 
lieu d'une  m^sse  d'air,  dont  les  moindres  parcelles 


428  DES  PRISONS. 

sont  insupportables  à  ceux  qui  ne  font  que  les  rece- 
^voîr  en  passant !i  Combîeti  ne  seroît-U  pas  à  désirer 
que  des  soins,  joyTnalîers  et  attentifs  fussent  pris  dans 
toutes  les  prisotis,  pour  chasser  ce  fléau  ,  ou  du  moins 
pour  Tatlénuer  autant  que  possible!  Les  prisons  les 
plus  considérables  sont  celles  où  il  est  le  moins  sen- 
sible; ce  résultat  qui ,  sans  être  complet ,  est  satisfai- 
sant^ ne  peut  être  attribué  qu'aux  soins  plus  particuliers 
qu'on  y  a  de  la  propreté;  il  seroît  donc  facile  d'en  ob- 
tenir de  semblables,  peut  être  même  de  plus  avantageux 
encore  ,  dans  les  prisons  peu  nombreuses,  où  Tair  est 
moins  promptement  vicié  que  dans  les  autres.  Mais, 
pour  arriver  à  ce  but  désirable,  il  fiiudroit  faire  observer 
lesrèglemens  avec  la  même  exactitude,  dans  les  pri- 
sons de  détention  préliminaire,  que  dans  les  maisons 
centrales  ou  de  correction. 

Quant  à  la  propreté  personnelle  âes  détenus,  elle 
est  encore  bien^plus  négligée  que  celle  des  bâtimens, 
et  le  désavantage,  sur  ce  point ,  est  encore  pour  lespri- 
sonS/pen  considérables;  preuve  évidente  que  c'est  à 
l'inexécution  des  règlemens  que  tiennent  la  plupart 
de  ces  défauts.  C'est  dans  ces  prisons  surtout  que  1  as- 
pect des  prisonniers  est  réellement  rep'oussant ,  après 
quelq«)e$  mois  de  captivité.  Comme  leur  insouciance 
naturelle  n'est  pas  réveillée  par  une  surveillance  active 
et  soigneuse,  ils  croupissent  dans  une  malpropreté, 
qui  leur  fait  promptement  contracter  les  maladies  les 
plus  opiniâtres  et*  les  plus  fâcheuses.  La  proportion 
effrayante  des  malades  de  toute  espèce,  et  surtout  des 
galeux,  dans  certaines  prisons,  et  les  caractères  pa- 
trides ,  que  présentent  presque  toutes  les  maladies  qui 
s'y  déclarent  »  sont  des  pi^ûvcs  frappantes ,  mais  ton- 


bu  REGIME  PHYSIQUE.  4at) 

)oars  inutiles  9  des  funestes  conséquences  de  la  mal* 
propreté. 

Section  ii.  Mesures  conserçofiricâs, 

TARAORAFOS  FAEMIEIU    NourritUTS. 

Les  règlemens  généraux ,  circonscrits  dans  les  bornes 
d'une  économie  sévère,  mais  indispejisable,  ont  assi- 
gné aux  prisonniers  une  nourriture,  suffisante  polir 
leurs  besoins,  mais  réellement  frugale.  Un  p^in  de 
trois  livres,  pour  deux  jours,  un  peu  de  soupe ,  compo^ 
sent  un  ordinaire  assez  austère ,  pour  qu'on  ne  trouve 
rien  à  y  retrancher.  Cette  ration  réglementaire  ne 
peut  être  considérée  que  comme  un  minimum  uéces- 
saiie ,  et  nou  comme  une  largesse ,  accordée  par  Ki 
munificence  publique  ,   et  sur  laquelle   Téconomie 
puisse  s  exercer  sans  inconvéniens.  Cependant,  beau- 
coup de  prisonniers  se  regarderoient  comme  très-heu- 
reux, s'il^étoient  assurés  d'avoir,  tous  les  jours,  la  por- 
tion de  vivres,  que  la  loi  leur  accorde.  Sur  les  quatre- 
vingt-six  départemens  de  la  France,  il  n'en  est  que 
cinquante-trois,  où  les  prisonniers  reçoivent  journelle- 
ment la  soupe,  soit  de  l'administration ,  soit  i\ts  per- 
sonnes ou  des  associations  charitables.  Dans  les  autres, 
ils  ne  la  reçoivent  que  périodiquement,  et  à  desihter- 
valles  plus  ou  moins  éloignés. 

C'est  encore  dans  les  prisons  provisoires,  que  se  font 
sentir,  de  la  manière  la  plus  sensible,  les  inconvéniens 
de  cette  omission  importante  ;  c'est  dans  les  maisons 
d'arrêt  et  de  justice,  que  les  détenus  sont,  le  plus  ordi- 
nairement i  privés  de  la  nourriture  à  laquelle  ils  ont 


43o  DÈS  Prisons. 

droit,  et  qu'ils  învoqnent  en  vaiti  des  règlemens,  qui 
tendent  seulement  à  les  empêcher  de  mourir  de  faim. 
Dans  beaucoup  de  ces  prisons ,  soit  par  la  néf^ligence 
des  admifiîstralions  locales^  soit  à  cause  des  difficultés, 
que  présente  ce  service  dans  des  maisons  dont  la  popu- 
lation est  variable,  6n  ife  fournit  jamais  de  soupe  aux 
prisonniers ,  aux  frais  du  Gouvernement.  C'est  en 
prenant  sur  leurs  modiques  bénéfices ,  où  Siir  les  au- 
mânes  qu'ils  reçoivent  de  la  charité ,  qu'ils  peuvent 
quelquefois  s'en  procurèr.  Tantôt,  ils  se  cotisent  entre 
eux  y  pour  acheter  quelque  peu  de  mauvaise  viande, 
avec  laquelle  ils  se  font  faire  une  soupe  très  médiocre  ; 
d'autres  fois ,  les  n>ères  de  charité  employent  au  même 
usage,  une  partie  du  produit  des  quêtais;  quelquefois, 
des  personnes  pieuses  et  charitables  donnent  la  soupe 
aux  prisonniers,  soit  à  titre  purement  gratuit,  soit 
en  leur  demandant  des  prières ,  qu'elles  récompen- 
sent  au   moyen   de   ces    aumônes  salutaires;   mais 
toutes  ces  ressources  sont  >  comme  on  le  voit ,  très- 
précairiîs. 

La  plus  assurée ,  celle  qui  résulte  de  la  cotisation 
des  prisonniers ,  est  évidemment  insuffisante,  pour  leur 
fournir  la  soupe  tous,  les  jours.  H  y  a  beaucoup  de  pri- 
sonniers, qui  ne  peuvent  pastrontribuer  pour  les  cinq 
centimes,  auxquels  se  borhe  leur  cote  personîielle; 
une  pareille  indigence  peut  étonner,  nrais  elle  n'est 
que  trop  réelle.  11  arrive  donc  très-souvent,  dans  ces 
prisons ,  que  les  détenus  se  passent  de  soupe ,  et  sont 
obligés  de  se  contenter  de  la  ration  de  pain ,  presque 
toujours  inférieure  à  leurs  besoins.  Heureusement  cet 
abus,  comme  tant  d'autres,  va  céder  à  la  réforme 
générale  qui  s'opère;  déjà  des  me&uressont  prises  pont* 


bu  REGIME  PHYSIQUE.  45 1 

y  parvenir:  dëjà,  dans  plusieurs  villes,  les  commis- 
sions des  prisons^  en  vertu  d'ordres  supérieurs ,  s'oc- 
icupent,  sous  }a  dii'ection  des  préfets,  de  procurer  à 
tons  les  prisonniers  la  ration  de  soupe ,  qui  leur  eA 
due  i  et  Ton  peut  espérer  qu'avant  peu  de  temps ,  si 
partout  le  zèle  des  administrateurs  seconde  les  inten- 
tions du  Gouvernement ,  on  n'aura  plus ,  en  visitant 
les  prisons,  la  douleur  d'entendre  un  misérable  dé- 
tenu ,  pâle  et  exténué ,  se  plaindre,  d'une  voix  altérée, 
d^  manquer  du  nécessaire  le  plus  indispensable^ 
Naguère  encore,  des  gémissemens  semblables  affligè- 
rent tnon  âme  ;  bénie  soit  la  puissante  et  généreuse  vo- 
lonté, qui  nous  fait  espérer  d'en  voir  bientôt  tarir  1^ 
source  ! 

Toujours  plus  heureux  que  les  simples  inculpés ,  le^ 
Condamnés  ont  ordinairement  la  ration  complète,  au 
moins  quand  ils  soht  transférés  à  la  prison  définitive; 
car  la  nourriture ,  à  la  maison  de  justice  ,  est  à  peu 
près  la  même  qn'à  la  maison  d  arrêt.  Mais ,  dans  les 
maisons  de  correction ,  centrales  ou  départementales , 
la  régularité  du  service  s'étend  jusqu'à  la  nourriture, 
et  les  règlemens  y  sont  exécutés,  au  moins  dans  leurs 
dispositions  capitales.  Les  détenus^  outre  leur  pain, 
y  reçoivent  une  ration  de  soupe ,  composée  de  légumes 
pendant  la  semaine,  et  de  viande  le  dimanche.  11  faut 
remarquer  toutefois  que ,  bien  souvent,  la  lettre  seule 
de  l'ordonnance  est  remplie ,  parce  que  la  qualité  de 
la  soupe  est  loin  de  répondre  au  vœu  de  la  loi ,  et  aux 
promesses  des  fournisseurs.  La  négligence  d'une  part, 
les  malversations  de  l'autre,  sont  telles  que,  presque 
toujours,  les  conditions  des  marchés  sont  violées ,  an 
détriment  des  prisonniers;  souvent  la  soupe  qu'oti 


432  DES  PRISONS. 

leur  distribue  est  de  mauvaise  qualité  ;  les  ingi*ëdien« 
qui  doivent  y  entrer  sont  fournis  avec  une  telle  par- 
cimonie, que  Ton  obtient  à  peine  une  foible  teitiUire, 
quand  le  Gouvernement  paye  Tent repreneur,  comme 
s  il  fournissoit  une  bonne  soupe  «  et  la  quantité  de  lé- 
gumes ,  qîii  doit  y  entrer. 

Ces  proportions  sont,  en  général,  de  5o  kilog.  de 
pommes  de  terre ,  ou  de  tons  autres  légumes  verts  on 
secs,  de  5  kilog.  de  pain  blanc  ,  2  litres  de  gruau ,  1  ^ 
kilog*  de  grai&se,  i  litre  de  viiiaigre,  du  poivre  et  du 
sel,   pour    cent    rations».   Celte   composition  réunit 
toutes  les  qualités  diététiques^  qne  nous  avons  cru 
utile  de  donner  aux  alimens  des  prisonniers.  La  quan^ 
tité  en  est  également  bien  combinée,  etJes  prison- 
niers n'auroient  pas  à  se  plaindre  »  si  ces  bases  étoient 
suivies,  dans  Texécution  des  marchés,  dont  elles  ont 
fait  les  conditions.  Mais  presque  jamais  elles  ne  sont 
observées.   Les  prisonniers,   qui,   en  général,    sont 
assez  exigeans,   mais  dont  toutefois   le  témoignage 
n  est  pa&  à  négliger,  relativement  à  k  nature  et  à  la 
quantitédes  fournitures,  ne  manqueroient  pas,  si  on 
les  interrogeoit ,  de  dire  que,  bien  souvent,  on  les  a 
frustrés  de  leur  nécessaire ,  soit  pour  la  dose,  soit  pour 
la  bonté  ,.et  ces  plaintes  seroient  presque  toujours  bien 
fondées.  D'ailleurs,  les  munitionnaires  ont  tant  de 
moyens  pour  en  ipiposer^  pour,  tromper  l'inspecteur, 
'  qui   croit  s'assurer  par  lui-même  de  la  qualité  de& 
objets  fournis;  ils  savent ^  avec  tant  d'adresse,,  substi- 
tuer à  rinsipide  bouillon  des  détenus,  une  soupe  ptqs 
forte  et  plus  substantielle»  dans  le  vase  qu'ilis  présentent 
à  1  examen,  qu'ils  paroîtroient  toujours  faire  leur  four- 
niture avec  la  plus  grande  fidélité,  si  Ton  n'avojit 


1 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  433 

égard  aux  réclamations  des  prisonniers ,  poiir  exami- 
ner plus  scrup^kusement  encore  la  manièrevdont  ils 
exécutent  leurs  marchés.  * 

Il  n'est  qu'un  moyen  de  savoîp  bien  exactement  de 
quelle  qualité  sont  les  fournitures ,  et  notamment  la 
soupe;  c'est  de.se  préseiHer  à  Timproviste ,  ^on  pas  à 
la  cuisine,  où  se  préparent^  tout  à  la  fois^  les  banquets 
des  régisseurs  et  la  soupe  des  prisonniers ,  mais  dans 
la  prison  même,  à  Tinstant  où  se  fait  la  distribution 
des  rations,  et  de  prendre  l'écudle  d'un  prisonnier, 
pour  l'examiner.  Là  ,  il  n'est  pas  possible  de  tromper 
SOT  la  qualité.  L'inspecteur  voit  par  lui-^méme  la 
composition  de  la  soupe ,  et,  à  moins  de  la  changer  ce 
jourrlà  pour  toute  la  prison ,  il  n'y  a  point  de  fraude 
qui  puisse  lui  en  imposer.  Je  ne  donte  pas  qu'une  pa- 
reille épreuve,  faite  avec  précaution ,  ne  dévoile  bien 
des  manœuvres,  dont  Içs  prisonniers  sont'}ûurnelle- 
n^ent  victimes.  .  -      .1  ,    . 

La  cause  de  ces  alnis  nous,  semble  résixler  dans  le 
mode  employé  pour  isubvenir  aux  besoiosiphyisiques 
Nies  détenus ,  et ,  en  général ,  à  toute  la  tenue  des  pri- 
sons* C'est  ordinairement  un  soumis^oimaire  géné- 
ral, qui,  moyennant  une  rétribution^  calculée  sur  le 
nombre  des  prisonniers ,  se  charge ,  ,par  adjudication 
au  rabais,  de  toutes  les  fournitures  dont  se  composé 
Tensemble  du  service  i  et  notamment  de  i  fournir  le 
pain  et  la.  soupe ,  ainsiuque  la  paille-^  de  payer  le  sa-^ 
lairedes  employés,  et  de t procurer  •dfl'oavrageiaïix 
détenus.  Cette  réiwion.,  dans-la  mmi^d'un  seulindi«- 
viiJUif  de  toutes  les  fournitures,  est  d^tJiin  grand 
moyen  de  dilapidation  et  d'impunité'  pour  les  mal- 
ver^téurs  ,  par  l'importance   des  marchés  qu'elle 

28 


434  ï)Êà  ï»RtSONl 

lobïfgè  à  passer,  et  par  la  presque  certitiide  «{libellé 
)âaDlfe  atix  adjudicataires^  dé  conserver,  pendant  plu- 
sieurs années,  le  droit  de  faire  les  fournitures,  en 
vertn  d'un  marché^  4|ui  ne  peni  être  rompu  sai^s  des 
causes  très-fortes.  -A  l'ahri  d'une  convention  qui  suIh- 
siste  toufours,  ils  peuvent  commettre  sans  crainte 
tikie  feiule  d'infidélilés  de  détail,  tfài  seroient  plus  que 
snffisantes,  pour  chariger  un  fournisseur  au  comptant^ 
uu  a  tëi^me  court ,  avec  leqtteUoii  neseroit  pas  Ité  par 
iiQ  engagement  réciproque  pendant  un  laps  de  f^mps 
a^sez  bng ,  pour  lui  permettre  de  s'enrichir  à  force  de 
'malversations*  • 

On  a  des  exemples  asseat  fréquens  ^ii  pea  <1- exâicti- 
tu.de  'des  adjudicataires  gé»éi(m>x-  à  rempKr  lea  cmi-* 
ditionSide  jleor  .marché  ;  on  n'en  a  pas  de  la  répreasion 
de  cet  abus  ;  t«nt  il  est  difficile  de  remettre  l'ordre  dans 
cette  partie  du  ser^vtoe ,  avec  le^nfvode  de$^d§udieat4ons 
générales.  Les  malversations  des  munitionitaires  ne 
atot  ptis-'iiisêz  fortes,  poor  faire  roiiypre  deé  i»arehés 
ccnmidéiiables.^.  ou  si  elles  le  sototy  elles  ont  u«ie  telle 
grayitë  qa'eUies  atttreroient  sur  ces  préposés  la  ten- 
geaitcendéskiis^  de  sorte  que  les  autorités,  chargées  de 
les  lîéprimer;.  n^osent  souveilt  les  dévoiler,  dansia 
crainte  déifierdre' entièrement  ces  adjudicataires  in^ 
fidèies.     •  ■'<',. 

ti  n'entre  pals  dam  notre  pensée  de  4ire  que  tous 
les  £uturnM^usb  jstMént  ooupitbltis  tle  ces  infidélités^ 
MsKisnestii&t-il|iasqoe  leur  posilâon  4es  mette  dans  kf^as 
Vie  ks  commettre  kiipuilénient ,  pow  qu'on  ne  s^lipose 
t>as  Vtésormais-  aux:  dangers  qu'entraîne  un  tel  mode 
de  fourniture?  11  n'en  est  pas  de  m4me  des  prisons, 
•û  les  adjudkatÎDns  se  font  parlieUement,  c'e^t-à^dite , 


DU  REGÎMÉ  PHYSIQUE.  435 

>è  titfespéeial  et  poar  uû  tenupsfort  Umité ,  par  sou- 
niissioni  cachetées,  oo  par  toute  autre  voie  légale ,  qui 
donne  le  droit  d'eiLclure  les  fiournisseiirs,  dont  on  a 
été  mécontent  pour  les  wiarchés  antérieurs;    t 

Ce  mode  auroit  peut-être  l'inconvénient  de  ceût^ 
un.  peu  plu  au  trésor  que  celui  4es  adjudications  géné- 
rales. Mais  «e  léger  désavantage,  s'il  existe,  est  plus 
que  balancé  par  l'intérêt  des  prisonniers  et  par  la  ga- 
rantie qu'on  y  trouve,  de  Tenxploi  intégral  dosjsomnies 
avancées  pour  ee  service ,  tandis  que ,  dans  les  four- 
nitures générales ,  on  est  sûr  qu'une  partie  des  fonds 
sera  absorbée  par  les  bénéfices  du  fournisseur  ^  au  pré* 
)  udice  des  prisonniers*         ' . 

La  réduction  apparente  dé  dépenses ,  «fut  résiiUeroit 
du  mode  des  adjudications  générales,  applii|[ié.à  ton- 
tes les  prisons,  ne  peut  évidemment  avoir  lieu  qu'au 
préfudite  des  prisonnière.  Un  calcul  bien. siniple- dé- 
montrera cette  vérité.  Quand  on  met  eu  ad judicatioii 
la  fofurttit\|re  de  toutes  les  choses  nécessaires  pour  une 
prison,  la  mise  à  prix,  sur  laquelle  on  reçoit  les  proposi. 
tioiis,est  calculée,  en  général,  sur  ta  valeur  présumée  des 
diverses  fournitures  qu'on  demande.  Elle  égale  à  peu 
•près  la  somme  qu'il  en  coàteroit,  pour  acheter,  séparé- 
ment ,  et  sans  marché  général ,  tous  ces  objets.  Encore, 
cette  valeur  est-elle  ordinairement  portée  au-dessous 
du  prix  qu'elles  peuvent  avoir  dans  le  commerce.  Ce- 
pendant les  soumissionnaires  doivent  ofFrirë'entre- 
prendre  la  fourniture  pour  un  prix  inférieur  à  celui  in- 
diquée Si  le  bénéfice,  que  peut  présenter  cette  opéra- 
tion*» n'étoit ,  comme  on  devroît  le  supposer ,  que  dans 
l'avantage  d'une  fourniture  en  masse  ,  sur  une  fouf^ 
suilTive  foi  te  en  détail ,  la  loyale  modicité  de  ce  béoé- 


436  DES  PRISONS. 

fice  seroit  pen  propre  k  attirer  les  adjoclk^ilaires.  Ce;' 
pendant  noos  ne  soyons  pas  que  les  fooralliires  des 
prisons  soient  abandonnées;  dès  capitalistes  s'eoipres- 
sent  touionrsà  Tenvi  de  faire  des  propositions,^  et  Ion 
est  souvent  étonné  du  taux  peu  élevé  ,  pour  lequel  ils 
se  trhargent  d'un  marché,  toujours  très-considérable. 
Mais  quand  ils  ont  exploité,  pendant  cinq  à  six  ans,  la 
mine  précieuse  qu'ils  se  sont  ouverte,  on  voit  que  leurs 
travaux  n'ont  pas  été  infructueux,  et  qu  ils  ont  agrandi 
leur  fortune ,  dans  une  spéculation  qui  ^mbloit  de- 
voir être  désavantageuse ,  et  qui,  dans  le  fait,  n'eut 
îamais  produit  pour  eux  le  résultat  inespéré  de  les  en- 
richir, s'ils  eussent  rempli  les  conditions  de  leurs  mar- 
chés, comme  on  pouvoit  croire  qu'ils  s'y  engageoieat 
par  leurs  sommissions. 

Si  donc  ils  se  chargent  sans  crainte  d'une  entreprise, 
qui,  régulièrement  exécutée,  seroit  très<-peu  avanta* 
geuse;-  si  même  ils  y  trouvent  un  bénéfice  considéra- 
ble ,  c'est  qu'évidemment  ils  ne  remplissent  pas  les 
conditions  qu'ils  ont  sonscritets,  et  que  Tiotérét ,  mo- 
dique en  apparence ,  qu'ils  reçoivent  comme  indem- 
nité, est  eiicore  supérieur  à  leurs  avances  et  aufuste  bé- 
néfice ,  qu'ils  dévoient  tr^raver  dans  ces  spéculations. 
Les  détenus  supportent  donc  le  double  préjudice  de  la 
réduction  opérée  sur  la  valeur  des. fournit\]res, par 
reflet  direct  de  l'adjudication  au  rabais,  et  du.  bénéfice, 
que  le^edjudîcataires font  encore  €le  leur.c^té,snr des 
fournitures  nécessairement  insuffisantes,  à  raison  du 
prix  qu'on  en  donne.  Ainsi  »  d'un  côté,  l'Etat  fait,  ou 
plutôt,  paroit  faire  ,sur  la  valeur  des  fournitures,  une 
H^onomie,  quia  tonjoarspour  effet  de  réduire  les  déte- 
nus à  une  ration  inférienve  àlenrs  beeoiiis^  et  le  bénéfice 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  437 

dé  cette»ëeonoroie  déplorable,  an  lieu  de  loorner  à 
Tavantagé  du  trésor  public ,  va  augmenter  les  gains 
immoraux  de  quelques  spéculateurs,  qni  Ont  fondé 
Tespoir  de  leur  fortune  sur  la  mi^e  et  les  larmes  des 
prîsoiiMefs. 

Ces  conséquences  ne  paroltront  pat  exagérées,  si  Ton* 
recherche  à  quel  prix  sont  fiiites  ces  adîudicatiaos. 
Dans  certains  départemens,  à  l'époque  de  1789.,  qù,  le 
prix  des  denrées  étoit  généralement  inférieur  à  ce 
^u'il  est  aiqourd'hui ,  la  dépense  joursillififcl  dès  pri^ 
sauniers  roontoit  à  26  cent,  par  tfte,  non  compris  lar 
soupe,  qui  étoit  fournie  par  les  couventa  Dans  un'dé- 
pairtement  qui  appaitient  à  une  contrée  pauvre  êt^oà, 
par  conséquent,  la  subsistance  est  peu  dispendieuse, 
le  taux  commun  de  iMépense  par  homme ,  VM  éle* 
vée,'en  i8o5|i^à  74  cent.  Qu'on  rapproche  de  ^s 
faits,  la  mise  en  soumission  des  fournitures  dans  un 
tmtre  département ,  qui  sans  être  beaucoup  plus  riche 
que  le  premier ,  peut  au  moins  soulemr  la  concurrence 
pour  le  prix  des  denrées,  et  dans  lequel  les  fournitures 
sont  adjugées  à  4o  cçnt.  parjonr,  et  Ton  me  pourra  se  re- 
fuser al  idée  affligeante  queradjudicationraété  faite  à 
un  taux  trop  modique  pour  que  les  détenas  soient  trai- 
tés convenablement.  Et  s'il  arrive  que  leôraunition- 
naire,  dans  le  second  département, fasse,  en  peu  d'an- 
nées ,  une  de  ces-fortunes  scandaleuses ,  qui  révoltent 
souvent  nos  regards ,  qui  pourra  ne  pas  gémir  sur  le 
sort  des  prisonniers  dans  un  tel  ordres  de  choses! 

Il  est  un  autre  clëpartement ,  bien  plus  riche  que 
les  deux  premiers  et  assez  reproché  de  la  capitale , 
pour  que  Tabondance  do  nuoaérldre  et  la  rareté  rela- 
tive des  denrées  y  rendent  les  subsistaneea  tfès-ehères. 


458  DES  PRÎSONSI 

On  crairoit  que  la  foiirnitiKre  (ie&  prison»  ne»  dèYroit 
s'y  a<^uger  qu'à  un  taux  farl  élfevé ,  «*»  comme  leschar- 
ges  de  cette  adjudîieation  sont. la  nourrknre^  l'habil- 
létnent  et  le  travaHdes  détenus,  ainsi  que  les  menues, 
réparations  et  le  traitement  descher$d'ate)lefs,^|imhe-^ 
tiers,  infirmiers;  et  âtrtres  préposés,  il  semble  que  la 
mise  à  prix  doit  #tre  assez  considérable,  si  Von  veol 
que  Fadjudîcataîre  remjJîsse  d'une  manière  conve- 
nable ses  nombreuses  obligations.  On  n'apprendra 
pas  sans  étofirtenjent  qu'elle  y  est  fixéevà  4S  cent.,  ou- 
tre le  tiers  du  prix  de*maîn  d'œuvre,  que  l'on  pect 
évaluer  à  25  cent.  C'est  donc  pour  *-©  icent. ,  qui  sont 
encore  diminuée  par  FeflBet  de  raA)ndtcatton  sht  rabais, 
qu'un  soumissionnaire  se  charge,  dans  un  départe-^ 
ment  rtcbe ,  de  la  fourniturcAgélWale  de  la  prison  et  de 
tontes  les  dépenses  d'entretien  ,  Iorsqii§la  nonrritore 
seule,  dans  un  déparlement  pauvre,.est  évaluée  à  74eent, 
On  peiit  juger  par  ce  rapprochement  si  les  fournibircs 
peuvent  être  bien  mites  pour  un  prix  aussi  modique^ 
et  si  les  besoins  des  prisonniers  sont  iM^ellement  satis- 
faits ,  comme^à  loi  le  veut. 

Aussi,  cfrtWfnent  les  détemis  sont-ils  entretenus,  dans 
les  prisoHs^  dé-GéS  départeraens?  Avec  quelle  sordide 
parcimonie  lie^ïlélivrë-t-on  pas  aux  prisonniers  la  ra- 
tion ,  presque  toujours  trop  foible,  qu'on  ne  peut  leur 
refuser?  Combien  n'est-eile  pa$at)férienre ,  soit  pour 
la  qualité-,  soit  mime  quelquefois  pour  la  dose,* aux 
conditions  imposées  et  acceptées?  IVIest  le  résultat 
de  ces  adjudications  générales,  pour  un  certain  nom- 
bre d^années,  qm  mettent  daujsla  n^estiti^  de  se  con^ 
tenter  de  fdwnitm-es  médiocres,  ou  d'intenter  un  proh 
tes  fadieux  à  chaque  mtinitibnnaire  infidèle^ 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  439 

Les  eonséqnences  dësaivMilageuses  de  ces  adjudica- 
tions, et  de  l'improbitë  de  beaucoup  des  personnes 
qui  y  preni^nt  part ,  se  font  sentir  dans  tonies  les  par- 
ties du  service.  Partout  on  retrouve  deseffets  de  Téco- 
aomie  mal  entendue  et  des  calculs  intéressés  /qui  y 
ont  présidé  ;  nous  continuerons  de  les  faire  remarquer 
dans  l'occasion.  Mais  c'est  surtout  k  l'éfcard  de  la  nour-' 
riture  qu'ils  sont  le  plus  sensibles. 

La  fourniture  même  du  pain  se  ressent  des  effets 
de  ce  funeste  système.  L'esprit  de  p^cimonie ,  qui  di- 
rig;e  le  fournisseur  général,  £t  qui  se  communique 
bientôt  à  tous  ses.agens  et  subordonnas ,  se  fait  sentir 
dans  Tachât  des  farines  et  dans  la  manière  do  les.  ma- 
nuteutiojmer.  L#  résultat  déboutes  ces  manœuvres 
est  qn^  Tétat  paye  lentreprenetu',  pour  fournir  aux 
fHÎsonniers  une  quantité  suffisante  de  bon  pain ,  et 
que ,  néanmoins,  ces  malheurenx  n'y  trouvent  jamais 
ni  le  poids,  ni  la  qualité  qui  leur  est  due.  On  connoit 
les  moyens,  réellement  coupables,  à  Taide-  desquels 
un  fournisseur  saiis  probité,  sacrifie  la  bonté  réelle  desu 
aliroens  à  une  apparence  trompeuse  ,  qu'on  n'acquiert 
)aniais  qu'aux  dépens  de  la  réalité.  Je  laisse  à  penser>'i|s 
sont  employés,  qiiand  le  munitionnaire  enchef  et  ceux 
qui  exécutent  sous  ses  ordres  doivent  trouver,  dans  un 
prix  assez  modique ,  des  bén^ces  suffisans.  pour  tous? 
I^  mise  à  prix  seroit  à  peine  assez  forte  pour  la  îqstc^in- 
demiûté  d'un  fournisseur ,  spécial  dans  chaque  partie, 
qui  confectionneroit  luiroéme  les  denrées,  qu'  il  se  seroit 
engagé  à  fournir,  et  il  faut  qu'elle  paye  Tentrepreneuret 
les  agents  en  sous-ordre  !  Leur  bénéfice  ne  peut  être  pris 
que  sur  ta  part  des  prisonniers,  qui  ne  s'aperçoivent  que 
tropsouvenldes  vices  d^ce  systèn))?«Ët  l'<m  s'étonne  ,^01:1 


I 

44o  DES  PRISOή. 

s'irrite  même ,  quand  leurs  plaiétes  sont  assez  vires 
pour  arriver  jusqu'aux  oreilles  du  chef  de  la  prison  ; 
on  traite#de  révolte  des  murmures ,  peutfêtre  un  peu 
violens ,  mais  qui ,  après  tout  •  sont  le  seul  nfioyen 
qu  aient  les  détenus  pour  obtenir  justice  ;  et  les  fers 
les  plus  lourds,  les  cachots  les  plus  sombres  ne  semblent 
pas  des  peines  trop  rigoureuses  pour  châtier  l'audace 
des  détenus  qui  se  sont  plaints  d'un  fournisseur  !  Ce- 
pendant ,  quand  le  pain  qu'on  leur  donne  et  qni  sou- 
vent est  leur  seul  aliment ,  est  si  mal  cuit  que  la  su- 
perficie seulenoent  est  ^atteinte  par  le  feu ,  et  que  l'in- 
térieur contient  sous  une  croûte  ,,  bonne .  en  appa- 
rence ,  une  pâte  compacte  et  indigeste ,  faut-il  donc 
iqu'ils  souffrent  sans  so^laindjre  ?  Les  prîsomiiers  sont 
déjà  assez  portés  à  la  révolte  par  eux-mêmes  ;  cependant 
ils  ne  sont  pas  séditieux  sans  motifs.  Délivrez  -  les  de 
leurs  avares  tyrans ,  ou  permettez -leur  de  porter  libre- 
ment leurs  plaintes  aux  supérieurs  et  vous.n'eotendrez 
que  rarement  parler  de  sédition. 

If:i ,  pour  la  première  fois ,  l'avantage  se  trouve  du 
côté  des  prisons  provisoires.  Le  paiu  y.  est  souvent 
meilleur  que  dans  les  maisons  de  correction  ou  les 
autres  prisons  considérables.  Il  faut  remarquer*  en 
même  temps,  qu'en  général  les  adjudications  j 
sont  beaucoup  moins  étendues ,  soit  pour  le  temps , 
soit  pour  l'objet ,  que  dans  les  prisons  définitiies. 
Là,  pourTordinaire  ,  on  ne  trouve  plus  d'adju- 
dicataire général,  qui  se  charge  de  tout  rentreiieo  de 
la  prison,  et  dont  les  spéculations  embrassent  toutes 
les  branches  du  service  ^  pendant  plusieurs  années. 
Mais  plusieurs  fournisseurs^  chargés  séparément  d'une 
partie  déterminée ,  pour  un  temps  qui  n'excède  pas 


DU  REGIME  PHYSIQUE,  44i 

uoé  année  »  |Maissent  bien  pins  de  pouvoir  à  l'admi-' 
nistration  et  bien  pins  de  moyens  de  les  assujëtir  à 
iine  exécution  loyale  de  leurs  engagemens,  dont  le 
terme  est  trop  court  pour  qn-il  ne  soit  très -facile 
de  les  y  astreindre ,  par  la  crainte  d'être  à  Tavenit 
exclus  des  adjudications. 

On  trouve  aussi ,  à  cette  répartition  du  service  en.' 
différentes  (franches ,  l'avantage  de  pouvoir  en  charger 
directement  ceux  qui ,  par  état  ^  doivent  faire  les  four- 
nitures par  eux-m^mes,  sans  passer  par  rintermé- 
dial^e  des  capitalistes,  dont  l'intervention  est  néces-^ 
saire  pour  les  entreprises  générales.  On  évite  donc  en- 
core ,  par  là ,  l'inconvénient  de  supporter  4e  bénéfice 
de  deux  personnes ,  au  lieu  d'un  seul  bénéfice ,  et  on 
a  toutes  les  garanties  désirables,  pour  la  fidélité  des  li- 
vraisons, et  la  bouue  manutention ,.  conditions  dont 
rien  n'assure  Taccomplissement  <kins  les  entreprises 
générales.  Aussi  les  fournitures  de  ce  genre  sont,  ordi- 
nairement, plus  satisfaisantes  que* celles  des  entre- 
preneurs généraux;  et, si  Ton  pouvoit  les  rendre  plus 
complètes ,  et  les  introduire  dans  toutes  les  prisons ,  le 
régime  alimentaire  en  recevroit  une  amélioration 
très«précieuse«  * 

rARAGRÂiPHE  II.  VêteTuena. 

L^BTiCLE  des  vétemens.  se  présente  sous  deux  rap- 
ports, l'habillement  proprement  dit,  et  le  linge.  Les 
prisonniers  sont  assez  régulièrement  fournis  de  l'un 
et  de  Taatre  dans  les  maisons  de  correction  et  d  arrêt , 
soit  sur  les  fonds  de  TEtat ,  soît  sur  ceux  de  la  charité. 
Il  n'en  est  pas  toujours  de  même  dans  les  maisons  de 
justice.  Comme  les  détepus  n -y  doivent ,  en  général, 


44>  BES  PRiaOKSL 

r««ten  que peu,  èe  temps ,  et  qu'  ils  y  apftrtenl  des  )uh- 
Mt9%  oa  ne  leur  en  founik  point  ioujotirs  dans  i»s 
firistnis^,  et  c'est  \k  que,  le  pliis  souvent,  les  regards 
smnt  affligés  p^  la  denii- nudité,  tout  à  la  fois  dan- 
gereusQ  i&k  iiidécente,  de  eertains^  prisonniers,  pins  n»i* 
sérables  qne  tes  antres,  ou  captils  depuis  plus  long^ 
temps.  Ni>us  avons  déjà  fait  observer  qne^  dans  Finie- 
r^  de  )<^  vérité  même ,  et  pour  conswvef*  detrcdijels^ 
qui  peuvent  devenir  de  'précieuses,  pièces  de  convie*, 
tion,  on  devoit  donner  aux  incutpés  d'antres  hiMts 
cpie  ceiuc  qu'ils  avoienlloffs  de  ieur  arre^atiatf^  si 
cette  règle  étolt  observée  généralement^  on  y.fagBe- 
iroit  SOI13  le  rapport  de  la  diaeî|Altne«  de  Tcudre  puUic , 
eil  snrtout  de  la  saifté  des  prisonniers. 

Celte  dernière  considération  devroit  surtout  eag»- 
ger  à  ne  pas  négliger ,  comme  on  le  fait,  une  impor- 
tante partie  de  rimbillenient,  la  chaossttrie&*Ce  n^êsl 
passais  une  iminresûon  doiitonrense  qne  Ton  voit , 
dans  les  mois  les  plus  froids  de  Thiver ,  des  prison- 
niers traverser ,  sans  la  rnoiudre  chaussure,  des  préaux 
eouveHs  de  neige  ou  endurcis  par  la  gelée.  Une  paire 
de  sabots  n'est  pas  bien  chère ,  et  délivreroit  ces  mal- 
heureux de  bic^  des  maux ,  auxquels  ils  sont  exposés , 
et  qui  ne  les  épargnent  pas. 

L'usage  est  de  donner  des  habits  tous  les  deux  ans 
aux  prisonniers.  L'été,  ils  sont  habillés  en  toile,  mais 
rbiver  on  leur  donne  ^des  habits  d'étoffe  grossière  «i 
laine.  On  pourroit  seulement  déârer  plus  d'ampleur 
à  ees  vétemens,  qui  doivent  les  préserver  contre  Tin- 
elém^ace  des  saisons. 

Quand  ib  sortent  des  prisons,  ils  smat  obligés  de 
laisser  les'vétemens  qu'on  leur  y  avcât  donnés.  Gstti^ 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  441 

^Af^DsllIon ,  qui  est  assea  )uste«  ne  doit  cependant  pas 
être  «^^utée ,  dans  tons  les  cas ,  avee  une  exactîinde 
trop  rigoureuse.  Renvo^r  un  priaonnifr^sanalui  de^-^ 
lier  les  vétemena  nécessaires ,  c'est  Texposer  à  périr 
de  mitère,  ou'à  i^tomber  dans  ses  anciens  égaremena» 
G'estune  raison  de  plos  pour  lui  faire  quitter  les  ha« 
bits  qu'il  avoit  en  arrivant.  On  pourra  les  lui  rendre 
sans  crainte  à  sa  sortie ,  et  les  habits  dé  radaiinistra-** 
tion  lui  seront  repris  en  échange ,  et  ne  sortiront  pas 
de  la  prison. 

Quant  au  linge  de  €orps«;la  distribu tion«s!an  fait, 
en  général, 'assez «régulièrefnent.  Confiée,  dans  le% 
grandes.' prisons ,  à  un  préposé  rétribué ,  et ,  dans  quel** 
ques  autres ,  à  des  da«yies  pieuses  et  charitables,  qui  se 
ebargent  de  Tentretènir ,  cette  régie  est  bien  ordon- 
née. Tous  les  samedis ,  les  prisonniers  reçoivent  une 
chemise  blanche ,  et  rendent  L  ancienne.  Cet  usage  esl 
très-bon ,  et  ne  demande  qu'à  être  rendu  général. 

• 

PARAGRAPHE  III.   Couc/ier. 

Les  anciens  règlemens  ordonnent  qu^il.  soit  fourni 
Ions  les  huit  jours,  aux  prisonniers,  une  Iptte  d^ 
paille,  du  poids  de  dix  livres«Telle  a  été  jusqu'en  iK  iS, 
la. règle  qui  fixoit  le  coucher,  et  en  déterminoit  le 
mode.  Il  en  est  peu, qui  aient  été  plus  souvent  éludées 
dans  r^éci^tion ,  et  qui  soient  encore  plus  souveiM; 
ei^reintes,  dans  certaines  primions.  Presque  jamais  la 
paille  n'est  renouvelée  aux  époques  prescrites,  et  cet 
abus  est  quelquefois  porté  au  point,  que  lesprisonniersi 
au  bout  de  quelques  semaines,  n'ont  plus,  pour  se 
coucher,  qM'un  fqmier  infect  et  niialsain ,  qui  les 
jpouvre  «de  pondère  j^  o^oiçidjQe  mo^vepaent ,  et  ne 


444      \  DES  PRISÔNiS- 

leur  offre  qu'une  couche  humide  et  mal  pcopre.  Mais, 
comme  c'est  un  des  objets,  sur  lesquels  lesgardii 
font  le  plus  de  J^ënéfice ,  on  a  souvent  fait ,  pour 
mettre  Tordre  dans  cette  partie  du  service,  deseffoi 
qui  sont  restes  inutiles.  Espérons  que  la  surveillani 
active  et  persévérante ,  qui  commence  à  porter  la  la^ 
mière  dans  le  système  des  [visons,  mettra  fin  à  ud 
abus  aussi  condamnable. 

Ces  malversations  dans  la  dbtributiou  jle  la  paille , 
avoient  déjà  fait  adopter,  à  titre  particulier  et  avec 
des  conditions  diverses,  la  proposition ,  faitç  par  des 
concierges  ou  des  entrepreùeurs ,  de  substituer  à  la 
fourniture  hebdomadaire  de  la  paille,  un  coucher 
plus  complet  et  plus  régulier,  pour  le  mêaie  {>rix.  La 
circulai ie  du  19  mai  1818,  a  généralisé  la  facuUé  de 
remplacer  la  fourniture  hebdomadaire  par  des  pail- 
lasses, qui  doivent  être  garnies  tous  les  quatre  mois. 
Dans  qtielques  prisons ,  le  comptable  chargé  de/bar- 
nir  la  paille ,  s'est  engagé,  moyennant  la  même  rétri- 
bution ,  à  construire  des  couchettes ,  et  à  donner  aux 
prisonniers,  deux  à  deux,  une  paillasse,  des  draps, 
un  trai^sin  et  une  convertnre.  Cette  opération  parott 
leur  avoir  été  fort  avantageuse ,  parce  qu'une  foiS  cou- 
verts des  frais  de  premier  établissement,  qui  se  trou- 
vent compensés  en  peu  de  temps ,  ils  touchent  pen- 
dant plusieurs  années,  sans  presque  rien  fonroir,  le 
prix  de  toutes  les  bottes  de  paille  qu'ils  auroient  don- 
nées ,  ce  qui  fait  en  peu  de  temps  une  somme  con»- 
dérable. 

Ce  changement  ne  paroît  pas  moins  avantageux 
SiU%  prisonniers,  qui  y  trouvent  un  coucher  propre  et 
suffisamment  chaiul.  L'œil ,  en  parcourant  les  dortoirs. 


DU  llËGIME  PHYSIQUE,  445 

• 

esA  agréablement  frappé  de  l'aspect  d'ordre  et  de  pro- 
preté, que  présentent  ces  lits  nombreux,  garnis  de  tra^ 
Tersins  et  de  bonnes  couvertures  en  laine.  Mais  crai- 
gnons de  nous  laisser  séduire  par  des  dehors,  trom- 
peurs, et  gardotts-ntHis  de  prendre  Tuniformité  pour 
l€  bon  ordre ,  et  l'apparence  pour  la  réalité.  Les  pri- 
sonniers ont-ils  efFectivement  gagné  à  ce  changement, 
qui  se  présente  sous  l'aspect  le*  plus  flatteur?  Nous  ai- 
mùns  à  le  croire  ;  mais ,  en  même  temps ,  nous  ne 
dissimulerons  pas  les  inconvénieps ,  que  nous  avons 
cra  y  remarquer.  * 

D'abord,  pour  que  l'entrepreneur  fasse  sur  cette 
spéculation  le  béné&ce,  qui,  seul ,  a  pu  l'y  engager,  il 
fiiot  qlie,  pendant  loog-^emjïs ,  peut-être  même  pen- 
dantf^nit  le  temps  de  son  marché ,  il  ne  renouvelle 
plus  la* paille.  Sans  doute.,  à  la  vérité,  elle  s'altère 
moifis  dans  une  toile  que  lorsqu'elle  restoit  à  décou- 
ipert ,  et  il  est  juste  aussi  d'indemniser  le  fournisseur 
des.  avances  extraordinaires  que  lui  cause  ce  change- 
ment ;  mais  il  ne  faut  pas  que  cette  indemnité  soit 
aux  dépens  des  prisonniers.  Si  les  changemens  pro- 
posés ne  leur  sont  pas  avantageux ,  ils  ne  doivent  pas 
être  admi^.  Or ,  la  question  est  ici  de  savoir  combien 
de  temps  la  paille  pKit  rester  dans  la  paillasse,  sans 
èlre  plus  altérée  et  plu»  mauvaise  que  celle  qui  est 
restée  huit  jours  à  découvert.  Cette  question  e^  ré- 
solue par  la  circulaire,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut, 
et  qui  fixe  ce  laps  de  temps  à  quatre  mois.  Il  ne  faut 
donc  conclure  de  marché  avec  les  entrepreneurs ,  que 
sous  la  condition  expresse  que  les  pailflbes  seront  gar- 
nies au  moins  trois  fois  par  an.  Cette  condition  doit 
être  de  rigueur,  et  les  autorités  locales  y  tiendront 


» 

sévèrement  k  main.  Mais ,  cotxtme  il  seroit  passable 
qu'eue  ne  kiiss&t  pae  assez  d*a vanlage  à  rentrepreneâi, 
ptout*  le  dëterjnoiner  à«eeharger,  pouï*  le  pm  brdiiiaire, 
de  ce  nouv^  éliÂ)lksenieiit  >  la  justke  ^et  rîntérét  des 
prisoiM:^iers  exigent  ^'i3ti  ^ve  yn  pe« ,  s'M  est  né- 
cessait*e ,  riudemnilé  dti  fournisseur.  Cette  légère  aug- 
mentation de  dépense  est  trop  juste  €t  trop  utile,  pbtir 
qu'un  n'y  souscrive  pas  volontiers»        » 

Uhe  ofajedtion  plus  forte  ^  que  l'on  peut  faîrt;  à  la 
matnère  dotot  les  nouveaux  couchers  «ont  disposés, 
dans  certaines  prisons ,  c'est  l'accumi^iftion^'untiom^ 
bre  disproportionné  de  détenus ,  dans  des  chambres 
peu  spacieuses.  L'économie  de  tniatéHaux  et  de  «nain- 
d'oeuvre ,,  pent-étire  au&si  le  désir  d'entasser  te  yhis 
d'hommes   possible  dans  %ts  hâftitsietis^  ont  %onAé 
ridée  de  construite  les  coiichettes  l'une  au-ndessus  de 
fautre ,  de  manière  que  tous  les  fils  sotft  k  dèus  éloges, 
séparés  !'mi  de  i'auti^  pat-  une  distance  d'iHiviron  \mis 
pieds  ;  et,  comme  chaam^des  étires  de  ces  e^udlèttes 
est  disposé  pour  recevoir  deux  prisonniers ,  quatre 
hommes  n'occupent  guère  plus  d'espace  qù^^n  seul  en 
devroît  ordinairement  etnpl^yer.  Cette  malheureuse 
facilité  de  coucher  beaucoup  d'h(mih)és'  dam  Un  ébH>ft 
espace  doit  avoir  les  i'ésùtt'ais*  llls  plus  funestes  pour 
la  santé  ;  elle  a  surtout  un  effet  désastreux ,  par  la  pos- 
sibilité qu'elle  donne  d'admettre  dans  les  prions  quatre 
ou  au  moins  trois  fois  plus  de  prisonniers  qu'elles 
n'en  contenoient,  dans  un  temps  où ,  déjà ,  on  se  plài- 
gnoit ,  avec  r^son ,  dé  leur  encombrement.  Ainsi , 
sous  ce  secônorapport ,  on  ne  devroit  tolérer  de  cha»- 
gemens,  qu'autant  qu'ils  lie  multiplieroient  point  fe 
uombre  des  détenus  dans  chaque  chart)bi>e«  ' 


\ 
I 


DU  RÉGIME  PHYSIQUE.  447 

'■  ICes  lits  superposés  les  nm  aux  autres  ont  encore  de 
graves  inconvéniens,  sous  le  rapport  de  la  décence  et 
xlê  la  morale.  Ce  systèjDe  de  lits  quadruples  exclut 
d'ailleurs  toute  possibilité  d'isoler  les  prisonniers  peii* 
dant  la  nuit ,  mesure  qui  me  paroît  l'une  des  plus  in-^ 
dispensables. 

Voilà  de  fortes  raisons  pour  mettre  en  défiance 
contre  une  innovation ,  qui ,  sous  une  apparence  très« 
favorable ,  cache  néanmoins  de  véritables  défauts  ;  ce- 
pendant >  il  ne  faut  pas  s6  bâter  de  proscrire  un  chan- 
gement^ qui  peut  amener  d'utiles  réformes,  et  qui  à 
déjà  fait  le  bien  des  délenm.  Les  règlemens  pour  la 
distribution  de  la  paille  n'ayant  jamais  rté  observés ^ 
les  prisonniers  se  trouvent  très-bien  d'un  changement, 
qui  pallie  cette  omission  ,  et  en  couvre  les  principaux 
inconvéniens.  C'est  donc  nne  véritable  amélioratlom 
qu'ils  ont  obtenue;  et,  parce  qu'elle  ne  seroit  pas  aussi 
parfeite  qu'on  auroit  pu  le  désirer ,  il  ne  faut  pas  la 
rejeter  entièrement.  Mais  en  même  temps,  c'est  un 
avis  pour  npus,  de  ne  la  regarder  jamais  que  comme 
un  provisoire ,  préférable  à  l'état  qu'il  remplace ,  mats 
biéii  inférieur  enc^i'eâux  améliorations,  que  Ton  doit 
introduire  par  la  suite  dans  les  prisons  >  et  qu'il  peut 
servir  à  préparer  de  loin. 

CHAPITRE  U.  D£s  prisonniers  dans  Vétal  de 

maladie^ 

Là  partie  du  régime ,  qui  a  pour  objet  de  rendre  la 
santë  à  ceux  qui  l'auroient  perdue  ,  laisse  beaucoup  à 
désiser  dans  l'état  actuel  des  prisons.  On  ne  trouve 
nulle  uniformité  dans  la  manière  dont  cette  partie  de 


448  DES  PRISONS. 

l'administration  esf  organisée^  et  la  confusion  qui 
règne  encore  dans  Tensemble  du  système,  et  dans  la 
repartition  des  prisonniers^  s'y  fait  sentir  d'une  ma- 
nîpre  très-marquëe. 

Les  prisons  définitives,  qu'on  s'occupe  sans  relâche 
de  préparer  pour  les  condamnés,  ne  sont  pas  en- 
core finies  ;  et  ne  peuvent  encore  admettre  tous  les  pri- 
sonniers, qui  leur  sont  destinés.  11  en  résulte ,  pour  les 
maisons  d'arrêt  et  de  justice,  dans  le  montent  actuel , 
un  excédant  de  population ,  composé  de  condamnés , 
qui  n'y  devroient  point  rester.  Environ  neuf  mille 
prisonniers  de  cette  classe  sont  en  ce  moment  dans  les 
prisons  provisoires. 

Si  les  choses  dévoient  rester  dans  cet  état ,  il  fau- 
droit  des  infirmeries  presque  partout ,  puisque  la  plu- 
part des  prisons  font  le  service  des  maisons  de  déten- 
tion définitive.  Mais  comme  cet  état  n'est  que  provi- 
soire, et  que  des  infirmeries  ne  seront  plus^nécessaires, 
dans  la  plus  grande  partie  des  maisons  d'arrêt  et  de 
justice ,  quand  elles  seront  réduites  aux  prévenus  et 
accusés ,  et  à  une  population  moins  forte  et  souvent 
renouvelée,  il  seroit  inutile  d'en  établir  dans  toutes 
ces  prisons.  D'ailleurs,  la  plupart  étant  peu  considéra- 
bles, rinfirmerie  y  seroit  presque  toujours  déserte,  et 
quand  il  s'y  trouveroit  quelque  malade,  il  seroit  né- 
cessairement mal  soigné,  par  des  infirmiers  peu  accou- 
tumés  à  ce  service. 

■ 

Il  est  donc  plus  avantageux  pour  les  détenus  de  ces 
prisons,  qu'on  use  de  la  faculté ,  accordée  parla  loi  du 
4  vendémiaire  an  YI,  de  les  envoyer  aux  hospices 
civils.  Avec  quelques  précautions,  cette  translation 
n'aura  pas  d'inconVéniens ,  et  l'on  y  gagnera  sous  le 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  449 

double  rapport  de  réconomie  pour  l'Etat,  et  de  l'intérêt 
des  détenus. 

Cependant,  îl  est  quelques  prisons  provisoires  qui 
sout  pourvues  d'infirmeries.  Il  ne  faut  pas  renoncer  à 
s'en  servir,  par  la  seule  raison  qu'il  seroit  facile  de  s'en 
passer  ;  îl  y  a  toujours  de  l'avantage  à  pouvoir  conser- 
ver les  détenus  à  la  prison  :  mais  ces  infirmeries ,  si  on 
les  emploie,  doivent  être  mises  en  état  de  remplir 
convenablement  leur  destination.  Celles  qui  existent 
dans  un  petit  nombre  de  départemens ,  sont ,  en  gé- 
néral ,  mal  disposées,  insuffisantes  pour  les  besoins  pré- 
sumés de  la  prison ,  et  manquent  des  distributions 
nécessaires.  Les  médicamensy  sont  fournis  parla  phar- 
macie des  hospices  civils.  Dans  plus  de  quarante  dé- 
partemens ,  les  prisons  provisoires  n'ont  aucune  infir- 
merie ,  et  les  prisonniers  sont  transférés  dans  les  hô- 
pitaux. 

Dans  les  prisons  considérables,  le  service  se  fait 
d'une  manière  uniforme,  et  les  infirmeries  sont,  en 
général,  beaucoup  plus  satisfaisantes.  Assez  spacieuses 
pour  le  nombi^e  présumé  de  malades  qu'elles  doivent 
contenir ,  et  divisées  en  plusieurs  salles  ou  chambres , 
elles  laissent  très-peu  de  chose  à  désirer ,  sous  le  rap- 
port du  matériel,  mais  le  régime  en  est  encore  très- 
imparfait  ,  et  l'on  auroit  des  réformes  très-essentielles 
à  y  introduire ,  soit  relativement  à  l'admission  des 
malades  y  soit  à  l'égard  du  traitement  et  de  la  dis- 
cipline* 

Ce  qu'on  ne  peut  trop  déplorer ,  c'est  la  négligence 
avec  laquelle  on  s'occupoit ,  dans  bien  des  cas,  des  pri- 
sonniers qui  tonïboient  malades.  Soit  que  l'hôpital 
général  ou  l'infirmerie  de  la  prison  ne  présentassent 

29 


456  DES  PRISONS. 

pas  aitoez  de  places  disponibles,  soit  cju'on  ne  fil  pa$ 
assez  d'attention  à  Tëtat  de  malheureux,  dévorés  par 
une  fièvre  ardente  i  ou  abattuâ  par  des  maladies  chi*o- 
niques  et  dangereuses  ^  0]>  avoit  souvent  la  douleur, 
en  visitant:  les  prisons,  d^  les  voir  habitées  par  des 
hommes,  dont  le  teint  cadavéreux  et  la  démarche  lan- 
guissante indiquoient  le  besoin  le  plus  pressant' des  se- 
cours de  la'  médecine- 

Oh  a  vu)  au  milieu  même  des  chaleurs  de  l'été, 
im  jeune  prisonnier ,  rachitiqu^  ,  exténué  ,  prêt  à 
rendis  le  dernier  soupir,  chercher  dar>s  le  préau 
quelque  rayon  'de  soleil ,  qui  pût  le  réchauffer  encore 
une  fois.  Les  cruels  sarcasmes  des  gtiicbetiers  lui 
montroient  déjà  la  tombe  entr'ouverte  sous  ses  pieds, 
et  ie  malheureux  euibrassoit  comme  sa  seule  espé- 
rance, la  fin  déplorable,  que  lui  prédisoient  d'atro- 
ces plaisanteries.  Une  maladie  dégoûtante  et  conta- 
gieuse ,  portée  à  son  pliis  haut  de^i*é  d'énergie ,  le  dé- 
voroit.  Ou  l'avoit  exclu  de  l'infirmerie ,  parce  que, 
disoît-on  ,  il  n'avoît  plus  que  quelques  jours  à  vivre  et 
qu'on  redoutoit  rinlection,  qu'il  menaçoit  d'y  appor- 
ter. Mais  pcmr  qui  donc  sont  faites  les  infirmeries,  si 
lesmoukans  n'y  sont  pas  admis?  n'est-ce  que  pour 
les  hommes  sains  ou  pour  certains  malades  privilégiés 
que  cet  asile  est  ouvert,  et  depuis  quand  '  une  mala- 
die contagieuse  est-elle  un  titre  d'exclusion  pour  l'hô- 
pital? Croit-on  qu'il  y  ait  moins  de  danger  à  laisser, 
au  milieu  des  prisonniers  sains,  un  malade,  qu'il pa* 
roît  trop  périlleux  d'admettre  à  l'infirmerie?  Cette 
étrange  et  i)arbare  décision  est  une  trî«te  pretive  de 
rindifFérencé  avec  laquelle  certains  hommes  voient 
l'existence  de  leurs  semblables*    * 


DU  REGIME  MORAL.  45x 

Sous  un  autre  point  de  vue,  c^Iui  de  la  police  et  de  la 
sûreté)  les  Infirmeries  des  prisons  sont  souvent  tenues 
d'une   ffîfinière  très-peu  satisfaisanteé  C^esl  presque 
toujours  de  là  qu'ont  lieu  les  évasions  :  tantôt ,  parce 
que  la  construction  n'est  pas  assez  solide,   tantôt,  et 
c'est  le  cas  le  plus  fréquent ,  parce  que  la  surveillance 
n'y  est  pas  aussi  exacte  qu'elle  devroit   l'être.  On 
abandonne  trop  les  malades  à  eux-aiemes  ;  presque 
toujours  ils  sont   seuls   dans  l'infirmerie,  .  de   sorte 
qu'aussitôt  que  les  forces  leui*  reviennent ,  r  ils  em- 
ploient leur  loisir  à  chercher  \es  mbyens  de  s'évader  ^ 
et  n'y  réussissent  que  trop  isouvent«La  position  des  in* 
firmerîes  contribue  aussi,  fréquerpment ,  à  les  rendre 
peu  5Ûres,  parce  que ,  pour  les  isoler  de  la  prison  ,  on 
les  met  presque  ea  dehors ,  au  lieu  de  les  comprendre 
dans  i'enceinte.  Aussi ,  les  prisonniers  ,  une  fois  sortis 
de  rinfirm^ie,sont  presque  en  liberté.  Ce  vice  de  posî-* 
lion  ,  joint  au  défaut  de  surveillance^  y  rend  les  éva-: 
sions  très-fréquentes,  On  rèmédieroit  à  cet  inconvé- 
nient par  une  construction  plus  solide ,  par  utie  sur-^ 
Teillance  plus  exacte,  et  surtout  en  plaçant  les  infirme- 
vies  au  milieu  des  bàtimens,  comme  nous  l'avons  indi- 
qué 4ans  la  première  partie. 

TITRE    V. 

DU    RÉGIME     MORAL. 


Si  nous  avons  remarqué  beaucoup  d'abus  de  détail 
^ans  le  régime  physique  des  prisons ,  le  coup  d'œil 
que  nous  allons  jeter  sur  la  partie  ,  sans  doute  aussi 
itxipoilaale ,  du  régime  .roûdral^  $era  moins  satisfais^t 


452  DES  PRISONS. 

encore  ;  là,  cç  ne  sont  pas  seulement  des  vîc^sde  dé- 
tail quîl  faut   corriger,  c'est  nn  ensemble  vicieux,. 
t]n'il  faut  réfornier  de  fond  en  comble,  ou  plutôt 
c'tîsil  «n  système  tout  entier  à  créer.  Il  semble  que,  jns- 
o'i'a  ce  jour,  on  ait  regardé  comme  secondaire  l'objet 
c  «jHtal  de  toute  peine  légalie,  1 -amendement  *du  cou- 
{Kîlle;  et  qu'après  avoir  pourvu,  tant  bien  que  mal, 
^\x  principaux  besoins  des  prisonniers,  dans  Tordre 
physique,  on  ait  cru  pouvoir  se  dispenser  de  prendre 
aiu uns  soins,  pour  réformer  leurs  inclinations  dépra- 
vées et  substituer,  dans  leur   cœur,  des  sent imeus 
tumriêtes  et  religieux  à  leur  ancienne  perversité. 

Cependant  il  est  juste  de  convenir  que,  dans  quel- 
qi:«s  prisons  cohsîilérîibles ou  privilégiées,  soit  par  les 
soins  (\  administrateurs  zélés  et  intelligens,  soit  à  rai- 
son <ie  1  impulsion, qui  y  a  été  donnée  par  une  autorité 
piépondérante,  on  trouve  un  régime  moral,  satisfai- 
sant sous  quelques  rapports.  L'oisiveté  n'y  accable  pas 
de  son  poids  des  prisonniers,  qui  accepteroient  le  tra- 
vail comme  un  bienfait.  L'instruclion  n'y  est  pas  en- 
tièrement négligée,  et  les  augustes  leçons  de  la  religion 
y  viennent  assez   régulièrement  instruire  et  consoler 
les  liéleims.  Mais  ces   résultats,  qu'on  ne  remarque 
d'ailleurs  que  dans  quelques  prisons  et  à  titre  d'excep- 
tion ,  n'ont  pas  ce  caractère  d'ensemble  et  de  système, 
qui  seroit  nécessaire,  pour  former  un  régime  moral 
ï)ien  complet.  Ce  sont  des  matériaux  précieux,  mais 
siins  liaison  entre  eux  ,  qui  attendent  qu'un  habile  ar- 
cliiiecfe  en   compose  un  édifice  régulier,   pour  être 
i  éelleuïent  utiles  et  atteindre  leur  destination.  Nous 
serions  cependant  trop  heureux  de  pouvoir  dire  que 
CCS  élémens  se  trouvent  dans  toutes  les  prisons  •  il  en 


r 


DU  REGIME  MQRAL.  453 

esl  beaucoup ,  qnî  en  sont  totalement  privées  et  d'où 
lès  prisonniers,  d'après  tonnes  lés  prol>abiHtés,  doi- 
Tent  sortir  plus  pervers  qu'ils  n'y  sont  enlrés. 

Ainsi,  dans  certaines  prisons,  le  régime  moral  est 
nul,  et  les  prisonniers  n'ont  pas  même,  dans  lefravail, 
la  première  et  la  plus  simple  des  ressources,  qu'on 
puisse  leur  fournir  contre  leur  propre  immoralité,  lien 
est  d  autres,  qui  présentent  quelques  parties  détachées t 
propres  a  former  par  leur  réunion  entre  elles  et  avec 
d'autres ,  que  Texpérience  indiquera,  un  bon  systèine 
de  réforme  morale.  Nous  examinerons  successivement 
les  iines  et  les  autres. 

On  sent  bien  qu'Ici  nous  n'avons  aucunement  en  vue 
cette  Maison  de  Kefu^e,  étahlieà  Paris,  pour  Tinst  rue - 
tiondes  jeunes  prisonniers,  qui  produit  déjà  des  ré- 
sultats si  encourageans,  sous  la  direction  d'un  noble 
Pair,  dont  le  nom  se  rattache  à  tous  les  bienfiiits  q\ie 
l'humanité  a  reçus  dans  notre  siècle.  Celte  maison, 
unique  en  France  et  peut-être  en  Europe ,  n'est  pas  , 
à  proprement  parler,  une  de  nos  prisons;  c'est  le  mo- 
dèle sur  lec^uel  on  devr|^  les  réformer;  elle  montre  ce 
que  l'on'peut  faire  pour  la  correction  des  coupables  ^ 
mais  .elle  n'a  rien  de  commun  avec  les  prisons  ordi- 
naires. Ce  qu'on  doit  désirer,  c'est  que  ces  dernières 
s^en  rapprochent,  autant  que  possible,  et  qu'on  tâchts 
d'y  obtenir  les  résultats  satisfaisans ,  mais  trop  res- 
treints, que  présente  cet  établissement.  On  y  voit  toute 
la  puissance  de  l'éducation  sur  les  naturels  qui  parois- 
soient  les  moins  heureux.  Des  enfans,  qui,  tous,  a  voient 
des  inclinations  vicieuses,  qui ,  tous ,  avoient  trahi  par 
des  crimes  leur  précoce  perversité,  après  un  temps 
assez  court ,  passé  dans  cette  maison,  précieuse  pour  la 


454  DES  PRISONS. 

mot-ale  pobliqaé  ^  en  soi^t  ^rtis  corriges  radicalémenf • 
On  peut  du  niaiiis  lespérer,  d'après  la  conduite  que 
tiennent  ceux  d'entre  eux ,  qui ,  après  le  tetnps  d^éxpîa- 
tion  anquei  ils  àvoient  été  condamnes,  sont  t^enfrés 
au  milieu  de  la  société ,  qui  leur  .ouvre  ses  blras  afveè 
joie ,  et  retrouve  en  eux  des  ehfans,  égarés  nn  momeut^ 
mais  revenus  à  la  vertu.  Combien  n^st-il  pas  conso- 
lant  de  voir  ces  anciens  élèves  d'une  maison  ^  qui  sans 
leur  laisser  aucun  souvenir  ignominieux,  leur  rappelle 
seulement  les  vertus  et  les  sages  conseils  des  hoùimes 
de  bien  auxquels  ils  doivent  à  leur  éducation  ,  Venir  se 
Joindre  à  leurs  camarades  encore  détenus ,  pour  rertoplît^ 
aveceujt  les  devoirs  de  la  religion  et  présenter,  tout  A  la 
fois,  un  pieux  exemple  dTiumilité  à  leurs  frères  de  Rb 
société  y  et  une  perspective  encourageante  à  leurs  frères 
des  prisons!  A  peine  établie  depuis  deux  ans ,  cette  belle 
institution  a  déjà  produit  lés  fruits  les  plus  heureux 
et  prouvé  qu'il  ne  faut  jamais  désespérer  de  l'homme 
et  l'abandoi^ner  à  ses   mauvais  penehans.  Ge  qu'on 
a  pu  faire  pour  les  enfans,  on  le  fera,  peut-être  avec 
plus  de  peine ,  mais  infailliblement ,  pour  tes  homimes 
faits  :  il  ne  fout  poiir  y  parvenir  qu'tine  volonté  ferme 
et  persévérante.  La  corruption  morale  est  un  de  cei 
obstacles,  que  l'homme  peut  tt>u}oui*$  surmonter,  eti 
empbyant  les  moyens  convetlables ,  avec  te  cotîtage  et 
surtout  la  constance  nécessaires. 

CHAPITRE  I-.  Du  travcdl 

L'homme  ,  dans  tontes  les  positions ,'  éprouve  le  be- 
soin d'exercer  les  facultés  dont  il  est  doué.  L'oisiveté 
absolue  est  un  poids  qu'il  ne  pébt  supporter;  il  faut 
toujours  qu'il  agisse,  soit  pour  le  bien,  soit  pour  le 


I 


DU  REGIMB  MORAL.  455 

mal.  S'il  en  e^^  doat  Tactiviié  m  soit  malheùreufie^ 
ment  tournée  vers  le  crime ,  il  suffit  qu'ils  ne  puissent 
plus  ^  livrer  aux  immorales  occupations,  qui,  na- 
.guère ,  employ oient  leur  temps ,  pour  qu'ils  sentent 
le  besoin  du  travail ,  et  qu'ils  fassent  ainsi ,  par  enimi^ 
le  premier  pas  9  qui  est  toujours  le  plus  difficile ,  dans 
la  carrière  de  ta  vertq.  . 

Telle  est  la  position  des  détenus.  Dans  les  premiers 
momens  de  leur  captivité ,  ils  regrettent  peut -être  en«- 
core  ces  courses  hasardeuses ,  ces  expéditions  hardie^ 
et  pénibles,  au  prix  desquelles  ils  achet oient  la  pos^ 
aession  d'objets,  que  le  travail  leur  eût  procurés  bien 
j^ns  facilement ,  et  sans  4es  mêmes  dangers.  Mais , 
bîentâit  convaincus  de  l'impuissance  de  leurs  vœux ,  et 
de  la  nécessité  de  passer  dans  la  prison  des  années-  en.- 
tiènes ,  ils  senteut  le  besoin  d'une  occupation ,  qui  les 
délivre  du  poids  aGc^blant  de  l'ennui ,  et  se  trouvenf: 
ainsi  amenés ,  tout  naturellement ,  à  désirer  le  travail, 
4]ue ,  jusqu'alors ,  ils  avoient  repoussé  avec  horreur. 

Cependant ,  1  hi^mme  ne  travaille  pas  canstanimeot 
pcMir  le  seul  plaisir  de  s'occuper;  s'il  u'est  pas  soutenu 
{Mir  on  intérêt  quelconque ,  le  travail  lui  sera  bientôt 
inauipportable.  Il  faut  donc,  si  Ton  veut  entretenir 
diinA|les  prisonniers ,  cette  excellente  disposition ,  qui 
les  écarte  de  l'oisiveté ,  leur  procurer  un  travail  sur  et 
^  assee  lucratif  pour  les  encourager  dans  leurs  bonnes 
résolfilîons. 

Il  est  fâcheux  d'avoir  à  remarquer  que ,  dans  beau« 
coup  de  prisons ,  par  la  négligence  des  personnes 
chargées  de  procurer  de  l'ouvrage  aux  détenus,  oii 
par  la-  manière  mesquine  ou  îoexaete  dont  ils  sont 
pay^s^  les  prisonniers  ne  soient  pas  occupés  »  autaiU 


456  DES  PRISONS. 

qa'ils  ledësiréroient ,  ou  se  dëgoutent  prompCement 
des  travaux  trop  improductifs,  auxquels  ils  se  livrent. 
Dans  un  certain  nombre  de  prisons  provisoires ,  les 
détenus  manquent  absolument  d'ouvrage.  Il  est  aisé 
d'apercevoir  les  graves  inconvéniens  d'one  semblable 
inaction  ,  qui  n'est  pas  volontaire  de- la  part  des  dé- 
tenus ,  bien  que  la  loi  ne  les  oblige  pas  an  travail.  Sou- 
vent ce  défaut  d'ouvrage  est  dû  aux  circonstances  lo- 
cales ,  et  Ton  n'en  peut  accuser  les  gardions.  Quand  les 
prisons  sont  situées  dans  des- villes  sans  commerce, 
s^ns  manufactures/ Ja  consommation  intérieure ,  pres^ 
que  toujours  insuffisante  pour  occuper  les  ouvriers  de 
la  ville,  ne  peut  entretenir  d'ouvrage  les  prisonniers, 
qui  n'ont  en  leur  faveur  ni  davantage  d'être  du  pays, 
ni  la  préférence  diie  à .  la  probité.  Alor^  ils  doivent 
manquer  entièrement  d'occupation.  On  le^  voit  se 
promener  oisiCs  dans  les  préaux ,  entretenir  des  con- 
versations, souvent  dangereuses,  toujours  propres  à 
leur  inspirer  un  mutuel  découragement,  souvent  se 
livrer  au  jeu  et  à  la  débauche  ;  et  tons  ces  maux  n'ont 
d'autre  origine ,  qu'une  oisiveté  qui  leur  pèse ,  et  dont, 
pour  beaucoup ,  ils  voudroîent  être  délivrés.  Dans  des 
cas  semblables,  et  si  les  fabriques  des  environs  ne  peu* 
vent  leur  fournir  d'occupation ,  il  seroit  bon  que  le 
Gouvernement  pût  donner,  dans  ces  prisons,  quel- 
ques-uns des  nombreux  ouvrages,  qu'il  doit  toujours 
faire  confectionner.  On  y  trouveroit  le  double  avan*' 
tage,  d'avoir  des  ouvriers  à  un  prix  peu  élevé,  et  de 
concourir  puissamment  à  l'amélioration  du  sort  des 
détenus. 

.    Il  est  d'autres  prisons ,  où  les  détenus  ont  assez  régu- 
lièren>ent  de  l'ouvrage,  surtout  depuis  quelque  terap&s 


DU  REGIME  MORAL.  457 

mais  malheareoseaient  celte  partie  du  services©  res- 
sent encore  de  l'imperfection  inévitable  d'une  înstî* 
tution  naissante ,  et  l'on  s'aperçoit  qu'il  y  a  encore 
beaucoup  à> faire  sous  ce  rapport. 

Les  travaux  les  plus  généralement  établis  dans  les 
prisons  sont  ceux  des  manufactures,  et  ce  choix  a  été 
fait  avec  discernement.  Les  fabriques"^  ayant  surtout 
pour  objet  d'employer  en  grand  la. force  mécanique  « 
et  de  faine  opérer  des  manœuvres  uniformes,  et  pu^ 
rement  manuelles,  à  un  grand  nombre  d'ouvriers,  qui 
n'ont  hesoin ,  pour  apprendre  leur  métier ,  que  de 
.Fintelligence  la  plus  ordinaire ,  c'est  avec  raison 
qu'on  a  cherché  à  introduire  ces  travaux  dans  les  pri-' 
sens ,  surtout  lorsqjue  leur  nature  ne  s'oppose  pas  à  ce 
que  les  prisonniers  puissent  dans  la  suite  ,  les  exercer 
indi^duellement  et  sans  devenir  nécessairement  ou- 
vriers de  manufacture.  Les  détenus  peuvent  tons  les 
apprendre,  quelle  que  soit  leur  ignorance  primitive, 
et  iln'.en  est  pas,  qui  ne  puissent ,  avec  un  peu  de  bonne 
volonté,  y  trouver  une  occupation  régulière. 

tJn  second  avantage  de  ce  genre  d'ouvrage ,  c'est  la 
facilité  qu'il  pi*ésente,  pour  diviser  les  prisonniers  par 
ateliers j -et  pour  les  occuper  dans  l'intérieur  de»  bâti- 
mens.  L'organisation  d'une  manufacture  présente 
déjà  tous  les  élémens  d'une  discipline  régulière,  et, 
par  ce^a  même ,  est  très-utile  à  appliquer  aux  prisons. 

C'est  ainsi  que,  dans  plusieurs  prisons*  on  a  établi 
des  fabriques  de  draps,  de  toiles,  de  calicots,  etc., 
qui  sont  en  pleine  activité,  et  dont  les  produits  ont 
concouru  à  soutenir  l'honneur  de  l'industrie  nationale 
dans  cette  exposition  brillante,  où  la  France,  après 
qqatre  années  de  sacrifices  pécuniaires,  s'est  parée. 


458  DES  PRISONS, 

aux  yeux  de  l'Europe  étonnée,  du  fruit  disses  conquêtes, 
commerciales.  D'estimables  nëgocians,  de  riches  at-^ 
pitaiistes^  des  manufacturiers ,  dont  Us  utiles  et  belles 
fabriques  soutiennent ,  et  nourrissent  des  contrées  en- 
tières, foornisseot  aux  prisons  toutes  les  matières  pre- 
mières dont  on  y  a  besoin ,  et  procurent  ainsi  sax  dé- 
tenus les  moyens  de  se  livrer  à  nu  travail  constant  et 
profitable.  Houneuraux  hommes  générenx,  qui  savent 
faire  de  leurs  richesses  un  emploi  &i  beau,  si  pa- 
triolique  ,  et  qui ,  après  avoir  nourri  le  pauvre,  four- 
nissent encore  aux  malheureux  les  moins  caprities 
d'inspirer  l'intérêt ,  les  consolations  et  les  secours 
physiques  et  moraux  qui  leur  sont  si  nécessaires! 

Noos  n'avons  à  regretter  que  la  modicité  du  gain , 
que  peuvent  faire  lies  prisonniers,  et  que  réduit  en- 
core sensiblement,  la  répartition  de  ces  salaires  en 
trois  portions,  dont  une  seule  leur  est  remise  à  Tins^ 
tant*  On  conçoit  combien  cette  répartition  dimimie 
rintérét  qu'a  le  prisonnier,  à  se  livrer  au  travail ,  puis- 
que la  majeure  partie  de  ses  salaires  ne  lui  est  jamais 
remise ,  ou  ne  doit  l'être  qu'à  une  époque  trop  éloi- 
gnée, pour  l'exciter  bien  vivement.  Quand  ^  d'aUleors* 
la  somme  totale  est  déjà  fort  modique ,  on  sent  que  le 
tiers  9  qui  revient  au  délienti  ,est  très-peu  de  chose ,  et 
c'est  ce  qui  arrive  dans  le  pins  grand  nombre  de  cas. 

Les  meilleurs  ouvriers,  dans  les  prisons,  gagnent 
rarement  plus  d'un  franc  par  jour:  encore  n'est  ce 
qu'une  portion  très-foibîe  de  la  population ,  qui  at- 
teint ce  ma^iinlum.  Beaucoup  dâutres,  q.ni  sont  payés 
à  la  téche ,  pour  plusieurs  esf^>èces  de  travaux  mécani- 
ques, auxquels  ils  se  livrent,  gagnent,  tout  au  pins, 
60,  5o,  et  même  3o  centimes  par  jour.  En  calcutant^ 


DU  REGIME  MORAL,  459 

fVaprèd  ces  bases,  la  foible  rétribution  cpî  leur  revient, 
on  voit  que  los  pins  heureux  touchent  moi  ns  de  35  cent, 
par  jour  ^  tandis  que  les  autres  en  reçoivent  à  peine  ic, 
i5,  ou  même  10.  Un  salaire  aussi  misérable ,  est  évi- 
demment insuffisant  pour  les  engager  au  travail ,  et 
ce  qui  le  prouve ,  c'est  le  refus  de  travailler  de  beau- 
coup de  détenus ,  qui  n'y  sont  pas  forcés  par  une  con- 
damnation. 

Ce  résultat  y  bien  fâcheux  sans  doute,  est  difficile  à 
éviter  dans  certains  cas  ;  celui ,  par  exemple ,  où  il  s'a- 
git de  rétribuer  des  ouvriers  sans  talent ,  dont  la  main- 
d'œnvre  est  si  peu  précieuse  ,  qu'on  ne  peut  l'évaluer 
beaucoup  au-dessus  des  salaires  qui  leur  sont  alloués.' 

Il  n'en  est  pas  de  même  de  ceux  qui ,  ayant  une  in- 
dustrie spéciale  et  un  talent  accfuis,  exercent,  dans  la 
prison ,  la  profession  qui  les  nourrissoit  dans  la  société, 
et  se  rendent  réellement  utiles  par  un  travail  assidu 
et  profitable.  Ceux-là  doivent  être  payés  convenablo  - 
ment;  et  si,  par  la  force  des  choses,  que  je  ne  raé^ 
connois  point ,  leurs  peines  doivent  toujours  être  éva^ 
luées  moins  haiHque  celles  ded  ouvriers  ordinaires,  au 
moins  ne  doivent-elles  pas  être  mises  à  un  prix  évi- 
demment trop  vil. 

C'est  malheureusement  ce  qui  arrive  presque  tou^ 
jours;  et ,  trop  souvent ,  les  geôliers,  par  un  abus  d'au- 
torité aussi  cruel  que  sordide,  profitent  de  leur  posi- 
tion pour  lever  une  injuste  contribution  sur  le  salaire , 
â^à  si  modique,  des  détenus. 

Je  sais  que ,  dans  toutes  les  prisons  9  on  n'a  pas  à  dë<- 
iioncer  une  malversation  aussi  révoltante ,  «1  qu'il  «en 
est ,  à  ma  connoissance  même,  où  le  prisonnier  reçoit 
loi'^xnême ,  à  la  geèle,  l'ouvrage  qu'on  lui  apporte ,  et 


46o  DES  PMSONS. 

le  prîxqoi  a  été  convenu  avec  loi.  Je  me  plais  à  rendre 
.  justice  anx  concierges  ou  aux  administrateurs,  dont  la 
probité  et  la  vigilance  ont  introduit  un  ordre  aussi  ré- 
gulier. Mais  ces  bons  exemples  sont  malhenreusemeht 
trop  rares.  Dans  certaines  prisons ,  le  chef  arrête  an 
passage  les  commandes  qui  sont  faites^  les  enregistre 
dans  ses  bureaux  particuliers ,  fixe  lui-même  le  prix  fie 
la  main-d'œuvre ,  le  reçoit  pour  l'ouvrier ,  et  remet  la 
marchandise  confectionnée ,  sans  qu'il  j  ait  eu  le 
moindre  rapprochement  entre  le  prisonnier  et  la  per- 
sonne qui  lui.  a  donné  de  Touvrage.  Aussi ,  que  I  on 
compare  la  somme  versée  entre  ses  mains  avec  celle 
qui  revient  au  prisonnier^  déduction  faite  de  la  réserve 
légale,  et  la  disproportion  choquante^  qu'on  y  remar- 
quera souvent ,  ne  permettra  point  de  douter  de  l'inii 
délité  de  l'entremetteur. 

On  se  fait  à  peine  l'idée  du  découragement ,  que 
cette  déloyauté  jette  dans  le  cœur  de  tous  les  prison- 
niers ,  et  de  l'aversion  qu'elle  leur  doune  pour  le  tra- 
vail ;  funestes  résultats,  qu'on  éviteroit  sans  doute,  si^ 
l'on  introduisoit  dans  toutes  les  prisons  l'usage,  que 
nous  avons  remarqué,  avec  plaisir  dans  quelques- 
unes  ,  de  laisser  le  détenu  traiter  lui-même  avec  les 
personnes  qui  l'emploient.  Il  faut  d'ailleurs  que  le 
compte  du  prisonnier,  tant  pour  la  somme  qu'il  reçoit 
à  rinstant,  que  pour  celle  mise  en  réserve  ,,soit  de  la 
plus  grande  évidence,  et  qu'il  n'ait  pas  à  craindre  de 
voir  son  modique  pécule  s'évanouir  en  réclan^ations 
d'accîdeus  ou  de  réparations.  Une  ordonnance  pleine 
de  sagesse  ,  du  8  septembre  1819,  fiait  tmirner  au 
profit  général  la  retenue  du  tiers,  mis  en  réserve 
pour  chaque  individu  ,  pendant  tout  le  temps  de  sa 


DU  REGIME  MORAL.  •  46i 

captivité.  Elle  ordonne  que  les  sommes  en  provenant 
seront  employées  en  rentes  sur  l'Etat ,  inscrites  au  nom 
des  prisons  mêmes.  Par-là,  les  prisons  se  trouvent, 
en  quelque  façon,  dotées  d'un  revenu  assez  certain,  et 
les  détenus  jouissent  ert  commun  des  avantages  pro- 
duits par  les  salaires ,  puisqu  ils  servent  à  améliorer 
leur  condition.  Cet  emploi  de  la  réserve  en  fait  d'ail- 
leurs une  sorte  de  fonds  sacj'é  ,  qui  se  conserve  de  lui-^ 
même  et  que  le  prisonnier  peut  être  sur  de  retrouver 
à  Texpiration  de  sa  peine.  Cette  confiance  est  propre  à 
leur  donner  beaucoup  de  courage. 

Entre  les  réformes  que  sollicite  le  règlement  des 
ouvriers,  dont,  jusqu'à  ce  jour,  on  paroit  avoir  sou*- 
vent  négligé  l'intérêt  pour  l'avantage  des  entrepre- 
neurs, il  faut  compter  celle  d'un  usage,  qui  tient  encore 
à  cet  te.  négligence  fâcheuse,  dont  nous  avons  vu  tant 
d'exeoiples  ;  c'est  celui  d'abandonner  les  prisonniers 
à  eux-mêmes,  pendant  les  heures  destinées  au  travail 
et  de  ne  mettre  aucun  surveillant  dans  les  ateliers. 
Cette  imprudence ,  qui  pourroit  avoir  les  conséquen- 
ces les  plus  graves  pour  la  sûreté,  et  faciliter  les  sédi- 
tions, si  elles étoient  à  craindre,  a  d'ailleurs  l'incon-' 
vénient  dé  laisser  les  prisonniers  maîtres  de  s'entre- 
tenir librement,  de  se  faire  des  confidences  immorales 
et  de  professer  publiquement  lés  doctrines  les  plus  per- 
nicieuses. Elle  compromet  tout  l'espoir,  qu'on  pourroit 
avoir,  de  les  ramener  au  bien ,  en  entretenant  au  mi- 
lieu d'eux  une  perversité  constante  et  communicative 
et  en  laissant  aux  grands  criminels  toute  liberté, 
pour  contreminer  chaque  jour  l'effet  d'une  leçon  sa- 
lutaire ,  mais  fugil  ive. 

Je  sais  que ,  dans  les  prisons  divisées  en  un  trop. 


462  DÉS  PUISONS. 

grand  nombre  d'ateliers,  il  seroit  impossible  de  mçttre 
à  chacun  un  surveillant;  mais  pourquoi  tant  subdivi- 
ser? Ne  suffiroit-il  pas  dç  quelques  ateliers  en  petit 
nombre^  qui  pourroient  être  surveiliés  convenable- 
ment, soit  par  des  employés  ^  soit  par  dies  chefs  de  tra- 
vaux  et  Quvrier$  principaux,  que  les  fournisseurs  d'ou- 
vrages enverroieçt  à  la  prison  ,  comme  condition 
du  marché  passé  avec  eux?  On  éviteroit  par-là  les  in- 
convéniens  les  plus  fâcheux  de  Tétat  actuel  des  pri- 
sons: Ton  né  doit  pas  négliger  une  mesure,  à  laquelle 
est  attaché  tout  l'espoir  de  la  réforme  morale  des 
.prisonniers. 

CHAPITRE  II.  Instruction  civile. 

Itserpit  sans  doute  à  désirer  que  les  prisonniers,  outre 
le  travail  manuel  et  mécanique,  qui  occupe  leur  temps  et 
Ipur  procure  un  léger  bénéfice,roçussentquelquesieçOBS, 
sur  les  coui^oissances  les  plus  indisponsablesà  Thomme 
social  et  qu'ils  pussent  mettre  à  profit^  pour  leur  ins- 
truction, le  temps,  toujours  si  long  et  souvent  si  inu- 
tile, de  leur  captivité.  Chaque  prison  devroit  avoir  son 
école  élémentaire ,  où  les  détenus  apprendroient  au 
Q)oins  à  lire  et  à  écrire,  et  recevroient  quelques  notions 
snr  le  calcul.  Presque  tous  sont  étrangers  à  ces  con- 
Qois^ances»  dont  J'utilitéfi'a  pas  besoin  d'être  démon- 
trée et  qu'ils  pourraient  facilement  acquérir,  pendant 
leur  détention. 

C'est  donc  avec  regret,  que  Ton  trouve  la  plupart  des 
prisons  dépourvues  de  ce  grand  et  puissant^ioyendepré 
,  parer  aux  prisonniers  des  ressources  pi'écieuses,  pour  l'é- 
poque ik  leur  retour  dans  la  société  ,  et  dç  i<!^ormer 


DU  REGIME  MORAL.  463 

lenr  coeur  en  éclairant  limr  esprit.  Dans  la  plupart  des 
maisons  d'arrêt  et  de  justice,  il  n'y  a  point  d^ecoles; 
et,  si  Ton  en  voit  s'ouvrir  qneiqueis-unes,  depuis  a$sez 
peu  de  temps,  c'est  seulement  dans  les  maisons  cen- 
trales ou  d^paHementales. 

On  a  trouvé  un  nïôyen  assez  simple  ',  pour  engager 
les  prisonniers  à  dés  études,  qu'ils  repoussoîent  d'a- 
bord ,  avec  d'autant  plus  de  constance  ,  qu'ils  étoierit 
plus  âgés  ;  c*est  de  refuser  la  ration  de  soupe  à  ceux  qui 
n'auroient  pas  assisté  à  la  leçon  du  jour.  On  assure  que 
cette  règle  a  produit  le  meilleur  effet  dans  les  prisons 
où  on  l'observe,  et  que  les  cours  y  sont  toujours  très- 
exactement  suivis.  Il  ne  s'agit  d'ailleurs,  fort  souvent , 
ijue  de  Vaincre  une  première  répugnance,  qui  n'est 
point  ï*aisonnée  ;  et,  quand  une  fois  les  prisonniers 
l'ont  surmontée,  qu'ils  ont  reçu  quelques  leçons  et 
qu'ils  commencent  à  acquérir  des  connoissances  nou- 
velles ,  ils  reviennent  sans  peine  a  l'école,  où  ils  s'ins- 
tmîsent,  en  gagnant  un  complément  de  nourriture  , 
pfétièux  pour  eux. 

te  mode  de  l'enseignement  mutuel ,  qui  est  déjà  ap- 
pliqué à  plusieurs  prisons,  semble  fait  tout  exprès  pour 
ces  établîssémens.  A  Téconomie  du  temps  et  des  dé- 
penses, considération  importante  dans  la  circonstance, 
il  joint  l'avanlage  de  rendre  l'instruction  agréable  à 
ceux  qui  la  reçoivent ,  et  d'être  très-propre  à  instruire 
des  personnes  d'un  âge  mur ,  comme  l'ont  prouvé  les 
écoles  régîmenta ires.  L'heureuse  expérience  qu'on  en 
a  déjà  faîte  doit  engager  à  étendre ,  le  plus  possible  , 
l'usage  de  cette  méthode  dans  les  prisons;  le  peu  de 
frais,  qu'entraîne  l'établissement  de  ces  écoles,  est  un 
motif  de  plus  pour  né  pas  le  retarder. 


464  DES  PRISONS. 

CHAPITRE  m.  Instruction  religieuse. 

L'instruction  religieuse  des  prisonniers  est  loin 
d'atteindre  le  degré  de  perfection  où  elle  devroît  être 
portée.  Quels  <|ne  soient  le  zèle  et  le  dévouetnent  des 
personnes  chargées  de  cette  branche  du  service,  leurs 
travaux  n'obtiennent  pas  généralement  tout  le  succès 
qu'on  devroit  en  attendre.  Des  exercices  trop  rares  et 
trop  précipités,  des  instructions  trop  peu  fréquentes, 
des  visites  trop  courtes  et  séparées  par  de  trop  longs^ 
intervalles  «  ne  suffisent  pas  pour  faire  connoitre  et 
aimer  à  ces  malheureux  la  religion  consolante^  ^^^». 
seule,  ne  les  abandonne  pas  dans  leur  triste  position. 
N'accusons  de  ce  malheur  ni  la  négligence ,  ni  la  mau- 
vaise volonté.  Enflammés  d'un  véritable  zèle  et  de  cet 
ardent  amour  de  l'humanité  dont  la  religion  a  fait 
une-vertu  divine,  les  prêtres  chargés  du  service  des 
prisons,  s'acquittent  avec  le  plus  entier  dévouement , 
de  tout  ce  que  ce  ministère  a  de  plus  pénible  ;  mais  la 
multiplicité  de  leurs  autres  devoirs ,  et  la  nécessité  de 
partager  leur  temps  entre  les  soins  qu'ils  doivent  aux 
citoyens  et  ceux  qu'ils  donnent  aux  prisonniers,  ne 
leur  permettent  pas  de  remplir ,  comme  ils  le  vou- 
droient,  des  fond  ious ,  ,qui  excèdent  leurs  forces  et  le 
temps  dont  ils  peuvent  disposer. 

Aussi ,  dans  beaucoup  de  prisons ,  dire  la  messe 
le  dimanche  et  les  jours  de  fêtes ,  assister  les  mala- 
des, conduire  les  patiens  à  Téchafaud  et  faire,  de  loin 
en  loin  ,  quelques  visites  aux  détenus,  est  tout  ce  que 
peut  Tauniônier  le  plus  zélé.  Ces  soins ,  peu  sensibles 
pour  la  plupart  des  prisonniers ,  et  réellement  iusuf- 


DU  REGIME  MORAL.  465 

fisans  pour  tous,  sont  loin  d'atteindre  le  bnt  important^ 
dû  doivent  tendre  les  atimônîers.  Il  faut  une  assistance 
continue,  des  leçon's  fiéquentes,  des  conférences,  tan* 
tôt  générales^  tantôt  intimes  et  familières,  et  surtout 
iHie  application  constant.é  et  assidue,  pour  consommer 
Toenvre  difficile  de  la  conversion  des  coupables.  Mais  „ 
dans  l'état  actuel  des  choses,  il  est  presque  impossible 
que  les  aurnôniers  remplissent  ces  fonctions,  dans 
toute  leur  étendue.  L'instruction  religieuse  sera  donc 
toujours  infiniment  loin  de  ce  qu'elle  doit  être  ,  tant 
que  chaque  prisop  n'aura  pas  son  aumônier  spécial, 
uniquement  chargé  d'y  administrer  les  secours  de  la 
religion,  et  d'anuonœr  la  parole  divine  à  deshomùies» 
qui  ,  tous,  l'ont  méconnue  ou  niiise ei^  oubli. 

Cette  amélioration  entraînera ,  sans  doute,  un  léger 
surcroît  de  dépense;  mais  jamais  dépense  fut-elle  plus 
nécessaire;  et  qui,  pour  un  aussi  misérable  intérêt , 
refuseroit  de  faire  jouir  les  prisonniers  des  secours 
précieux  de  la  religion?  Qu'ai  je  besoin  d'ailleurs  dç 
faire  des  eiforts  pour  obtenir  une  réforme,  sur  laquelle 
le  Gouvernement  s'empresse  de  prévenir  nos  vœux? 
Au  moment  on  j'écris ,  une  ordonnance  du  Préfet 
de  la  Seine  élève  Je  traitement  des  auniôniers  de 
600  fr.  à  2,4oo  fr. ,  preuve  certaine  de  la  .nécessité, 
bien  reconnue,  de  rétribuer  les  aumôniers  des  pri- 
sons ,  de  manière  à  ce  qu'ils  n'aient  pas  besoin  d'exer- 
cer >,  en  même  temps ,  d'autres  fonction;;.  Ce  qui  doit 
encore  engager  à  étendre  généralement  la  mesure 
prise  pour  le  département  de  la  Seine >  c'est  que,  dans 
les  autres  parties  de  la  France  ^on  n'aura  pas  besoin  de 
fixer  à  l'aumônier  un  traitement  aussi  élevé.  Six  ou 
sept  cents  francs,  joints  à  la  |>ension  que  les  ecctésias- 

3o 


466  DES  PRISONS. 

tiques  reçoivent  du  Trésor,  suffiront  pour  les  rétribuer 
convenablement ,  dans  presque  tous  les  cas*  On  peut 
toujours  considérer  cette  somme  comme  le  terme 
tnoyen  de  leur  traitement.  Avec  cette  légère  aug- 
isientation  dé  dépense,  les  détenus  pourront  espérer 
de  recevoir  les  secours  de  la  religion ,  d^une  manière 
plus  complète  que  jusqu^à  ce  jour.  Alors  seulement,  le 
service  religieux  ne  sera  plus ,  comme  II  n'arrive  que 
trop  souvent,  la  partie  la  plus  négligée  du  régime  des 
prisons.  Les  prisonniers  n'attendront  plus,  pendantdes 
intervalles  souvent  considérables ,  les  secours  de  la  re- 
ligioii ,  et  des  exercices  plus  fréqnens  entretiendront 
chez  eux  les  sentimens ,  que  raumônier  saura  leur  ins* 
pirer  par  ses  exhoi%ations.  Livré  tout  entier  à  Tinstruc- 
lion  de  ces  malheureux,  il  pourra  leur  donner,  avec 
bien  plus  de  fruit ,  les  leçons  dont  ils  ont  besoin  , 
sans  crainte  de  manquer  à  ses  devoirs  de  vicaire,  en 
remplissant  ceux  d'aumônier.  Ce  fâcheux  cumul  de 
deux  emplois,  dont  un  seul  réclameroit  tout  le  temps 
et  toute  Tardeur  d'un  ecclésiastique ,  jeune  encore  et 
plein  d'activité,  est  la  seule  cause  de  la  manière, 
.  véritablement  incomplète ,  dent  les  détenus  reçoivent 
renseignement  religieux ,  sans  que,  dans  Tétat  ac- 
tuel, il  soit  possible  de  lui  donner  plus  d^extension. 
Les  détenus  trouvent  souvent  des  seco.urs  supplé- 
mentaires dans  le  zèle  de  certaines  corporations,  qui , 
abstraction,  faite  de  toutes  considérations  étrangères  à 
notre  objet ,  ont  le  mérite  réel  et  incontestable  de 
rendre  des  services  précieux  à  plusieurs  classes  de  mal- 
heureux >  notamment  aux  prisonniers ,  et  sous  ce  rap- 
port ,  ont  droit  à  la  reconnoissance  des  amis  de  Inhu- 
manité. Dans  beaucoup  de  villes  du  Midi,  des  asso- 
ciaiioiis  religieuses ,  indépendamment  des  secours 


BU  REGIME  MORAL.  467 

spirituels,  et  de» exhortations  les  plus  salutaires,  ré- 
pandent sur  les  prisonniers  des  aumônes,  qui  donnent 
plus  de  poids  et  d'autoritë  à  leurs  leçons,  et  les  habi- 
tuent à  recevoir ,  avec  la  même  reconhoissance ,  des 
avis  et  des  dons,  que  la  même  charité*  paroit  avoir  ins** 
pires.  Dans  les  départemens  septentrionaux,  où  ces 
congrégations  sont  moins  répandues,  c'est  encore  à 
dés  sociétés ,  réunies  sous  les  bannières  de  la  religion 
et  de  la  bienfaisance  y  que  les  prisonniers  doivent  les 
secours  les  plus  précieux  et  les  consolations  les  plus 
douces.  Les  membres  de  ces  associations  se  partagent 
Fœuvre  charitable  de  renseignement  religieux  dans 
1^  jprisons,  de  manière  que  chacun  d'eux,  à  son 
tour ,  y  va  faire  une  lecture  de  piété  ou  une  exhor- 
tation Iftmilière.  Tous,  d'ai-lleurs,  se  font  une  loi 
de  visiter  fréquemment  les  prisonniers  pendant  leuts 
maladies ,  et  de  les  engager  à  ren^lir  les  devoirs  de  la 
religion  y  surtout  quand  ils  semblent  approcher  de 
répoque  fatale,  qui  les  rend  indispensables.  Ils  ont  tou- 
jours soin  d'accÀnpagner  ces  consolations,  purement 
morales,  de  secours  et  d'aumônes,  qui  rendent  leur 
présence  chère  aux  prisonniers.  L'autorité ,  persuaçlée 
du  bien  que  peut  opérer  ce  concours  bénévole  et  de 
la  nécessité  de. suppléer,  par  un  moyen,  même  pré- 
caire, à  la  disette  d'ecclésiastiques,  permet  volontiers 
ii  ces  diverses  sociétés  l'entrée  des  prisons,  où  leur$ 
membres  ne  vont  jamais  que  pour  faire  du  bien. 

Cependant,  et  quels  que  soient  les  avantages  actuels^ 
produits  par  les  congrégations  de  ce  genre,  ilseroit  peut-: 
être  dangereux  de  se  confier  pour  toujours  à  leur  zèle  ^ 
et  de  regarder  ces  associations  ,  purement  laïques , 
comme  propres  à  remplir  indéfiniment  une  partie 
des  fonctions  qui  appartiennent  aux  aiunâoiers.  D'a^ 


468  DES  PRÏSÔÎfS. 

bord  ,soii3  ut)  point  de  vue  piiremciit  religieux  ,  on 
pourroit  même  dire  théolotgiqne,  c'e$t  anx  ministres 
du  cnlle  à  annoncer  la  parole  d^  Dieu  ^  à  enseigner  la 
'doctrine  et  la  discipline,  qui  composent  ta  religion. 
On  ne  peut ,'  sans  danger  pour  la  pureté  de  la  foi , 
«bandonner  à  des  laies,  sans  caractère  et  sans  garan< 
lie ,  renseignement  de  toutes  les  vérités  révélées.  Cette 
în<!0nvenance  sera  mieux  sentie  que  partout  ailleurs 
dans  un  royaume,  dont  la  plus  grande  partie  des  habi* 
fans  est  catholique,  mais  où  il  se  trouve  cependant 
un  assez  grand  nombre  de  sectaires,  et  les  protestais 
eux-mêmes,  s'ils  sont  dé  bonne,  foi,  convieudrout 
qu'il  seroit  abso.luniettteonlraire  à  la  doctrine  àe.  l'E- 
glise catholique,  de  laisser  ainsi  les  simples  fidèles 
empiéter  sur  les  droits  de  Tautorité  ccclél^stiquc. 
C'est  Tuêtne  précisément  parce  que  nous  sommes  di- 
visés^ les  uns  des  autres ,  sur  ce  point  important ,  qu'il 
elt  pins  nécessaire  d'y  tenir  la  main.  Si  les  protestàns 
ne  trouvent  point  d'inconvéniens  à  laisser  leurs  laïcs 
prêcher  eux-mêmes  la  doctrine  qu'Ms  professent,  il 
n'eA  peut  être.de  même  des  catholiques.  Nul  autre  que 
leurs  prêtres  ne  doit  monter  dans  la  chaire  réservée 
aux  successeurs  des  Apôtres. 

Mais ,  fious  tes  rapports  politiques,  il  seroit  peut- 
être  plus  imprudent  encore  de  donner ,  par  une  sanc- 
'  tion  irréfléchie ,  une  existence  légalç  à  des  corps  qui 
peuvent  bien  n'être,  pas  dangereux  dans  les  premiers 
mtomeiiS,  et  le  devenir  par  la  suite,  à  T insu  même 
de  ceux  qui  les  composç*nt.  Les  sociétés,  par  cela 
même  qu'elles' sont  assujéties  à  un  renouvellement 
continuel ,  ne  fournissent  aucun  gage  de  stabilité  fu- 
ture^  et  Taccession  journalière  des  nouveaux  membres, 
qu'elles  sont  forcées  d'admettre ,  ne  permet  jamais 


BU  REGIME  MORAL.  469 

âe  fuger,  par  lair  manière  d'agir  actuelle,  de  leur 
conduite  nltërîeure.  Il  ponrroît  donc,  dans  cerraios 
cas,  devenir  iiécessâîre  de  dissoudre  des  associations  , 
•trabord  absolument  inoflensîves  ,  et,  souvent  même, 
^stituéps  sous  les  plus  favorables  auspices.  Alors  îl  sç- 
roît  fâcKenx  que  le  Gonvernenient  les  eut  reconnues, 
çt  leuî;  eôt,  en  quelque  sorte,  donné  un  caractère 
légal,  en  les  çhargea<it  d'un  service  public^. 

La  justice  et  la  recounoissapce  me  f^isoient  i^n  de- 
voir de  proclamer  les  obligations  qu'où  al  aux  mem- 
bres des  associations  religieuses,  pour  le  soulagement 
<Jes  prisonniers;  ma  conscience  rie  ua'brdonnoit  pas 
moins  impërîeusçment  de  isîghaler  les. dangers,  que 
1*011  pouji*roît  courir,  en  les,  admettant  comme  auxi- 
liaires légitimes  des  aum^hiers.  J'ai  du  remplir  Fun 
et  Tautre  devoir:  heureux  si  la  jostiçe,  que  ^âi  pu 
rendrjç  aux  individus  ,  proAiye  suffisanimenl  1^  pureté 
de  mes  intentions,  quand  j'examine  si  les  sociétés, 
cjont  ils  sont  membres ,  ne  sont  pas  sujettes  à  quelques, 
inconvéuîens  !^ 

#      «  > 

J'ai  parcouru  successivement ,  et  dHih  coup  d*œil 
général,  les  diverses  parties  du  régime  des  pmons.  Le 

.  matériel  de  ces  établissemçns ,  la  discipline,  le  régime 
physique  et  moral  ont,  tour  à  tour;,  été  Tobjet  de 

mon  exsmen.  On  a  pu  nemarquQr  q^iie  je  n'avois  rien 
dit  sur  une  branche  qui  tient  une  place  assez  consi-^ 
dérablé  dâ,ns  la  preniiiçre  jpirtie  de  cet  ouvrage ,  et 
que  j'aî  appelée  réduçation  des  prisonniers.  C'est  que 
rien  de  semblable  îj'existe,  jusqu'à  ce  jour ,  dans  nos 
prisons»  Vit  aunf&nier,  tel,  que  nous  l'avons  désiré, 
lin  instituteur,  des  inspecteurs ,  sofit  les  agens  iiéces- 
^iresdeçé  grsin(l  et  bel  ouvragé,  q^né  nous  pouvoirs 


470  DES  PRIiSONS. 

espérç^  de  voir  s'accomplir  quelque  jour^  mats  dont 
les  prisons  anciennes  ne  préseotoient  aacon  élément. 
D'utiles  et  nombreuses  réformes  s'opèrent  ou  se  pré- 
parentf  dans  le  moment  actuel  ;  la  plus  précieuse ,  l'a- 
mendement du  coupable,  sera*  le  résultat  de  leur  in- 
fluence combinée ,  et  un  grand  problème  ^ura  été  ré* 
solu  pour  l'honneur  de  l'humanité. 

Dans  l'examen  auquel  je  viens  de  me  livrer ,  j'ai  eu 
quelquefois  à  louer ,  souvent  à  blâmer ,  presque  tou- 
jours à  désirer.  Mais,  pendant  que  j'écris ,  ^es  abus  qui 
m'avoîent  frappé  disparoissent  en  grande  partie,et  d'im- 
portantes améiioratioiis  s'introduisent  dans  les  prisons; 
tant  est  puissante  l'influence  d'une  impulsion  géné- 
reuse, sur  un  peuple  digne  de  la  recevoir!  Cependant, 
beaucoup  reste  encore  à  faire ,  pour  arriver  au  but  que 
nous  poursuivons.  Des  années  se  passeront  encore, 
^  avant  que  les  prisons  aient  atteiat  le*  degré  de  perfec- 

tion ,  dont  elles  sont  susceptibles.  En  attendant  cette 
heureuse  époque,  ne  faut  «-il  pas  chercher  tous  les 
moyens  d'adoucir  le  sort  des  malheureux,  qu'elles  ren- 
ferment maintenant?  Faut  il  ^  parce  qu'on  ne  peut 
construire  sur-le-chaltip  des  édièces  convenables,  lais- 
ser les  prisonniers  languir  entassés  dans  des  salles  étroi- 
tes et  infectes,  les  abandonner,  sans  défense^  au  des- 
potisme ,  saiis  contrepoids,  d'un  geôlier  avare  et  cruel , 
^  oublier  ceux  qui  gémissent  au  fond  des  caclipts,  sous 

Je  poids  accablant  des  plus  lourdes  chaînes?  Qui  pour- 
roit  le  penser?  «  Quand  en  ne  peut  faire  tout  le  biea 
<r  que  l'on  désire,  a  dit  un  magistrat  ^lein  d'hunia- 
«  nité ,  faut'il  se  refuser  à  en  faire  aucun  ?  »  Non^  sans 
doute ,  et  quelque  imparfait  que  soit  leàiien  que  noas 
pouvons  opérer ,  n'en  perdons  pas  l'occasion;  nous  en 
serions  comptables  envef's  Dieu  et  envers  les  hoames. 


INTRODUCTION.  4,1 


li^tawimniiimw^wmnnmiwimwi^MKWfcw 


TROISIÈME  PARTIE. 

^&,  MESURES  A  PRENDRE ,  QUANT  A  PRÉSENT ,  POUR 
AMl^IilORER  LE  RÉGIME  DES  FRISONS. 


TITRE   PREMIER. 


INTRODUCTiaN* 


Après  Tesquisse  rapide  de  l'état  dès  prisons  françaises, 
que  .présente  la  seconde  partie  de  ce  travail,  il  est 
évident  qu^ine  réforme  générale  est  indispensable, 
sinon  sur  tous  les.  points  indistinctement  ^  an  moins 
$nr  Fensemble  des^  établissemens  et  snr  une  grande 
partie  des,détails#  J'ai  indiqué,  dans  la^preniière  par-- 
tîe ,  comment  il  seroît  à. désirer,  que  ces  réformes  pus- 
sent s'opérer,,  et  sur  quel  plaa  ou  devroit  construire 
et  administrer  les. prisons,  si  les circoqstancejs  permet- 
toient  de  les  soumettre  à  une  refonte  totale.  Ce  n'e^ 
donc  pas  une  simple  théorie  que  fai  jouln  présenter. 
Assez  d'écrivains. ont  déjà  rempli  cette  tâche,  pour 
qu'il  fût  inutile  de  publier  de  nouveau  des  idées  con- 
nues ,,  et  d'établir  des  principes,  généraux,  que  personne 
n'a  besoin  d'apprendre.  Mais  J'ai  voulu  montrer  à  quel 
degré  de  perfection  ou  pouvoit  amener  les  prisons. 
Xai  voulu  donner  comme  le  type  de  ce  qu'elles  me^ 


4îa  DES  PRtSONS. 

p^Foissent  pouvoir  <i€\eiiir,  et  iinliquer  les  moyens 

de  se  rapprocher,  le  plus  possible^  de  ce  modèle.  Je  croîs 

donc  susceptibles  d'eiiécQtiou  toutes  les  propositions 

insérées  dans  cette  première  partie,  et  mes  vœox, 

comme  mes  e^péjrances^^  spht  de  les  voir  un  )oyr  se 

réaliser. 

Cette  henreuse  époque  est  pins  on  moins  éloignée 
encore;  je  sens  q«e  cette  grande  réforme  ne  peut  s'o- 
pérer en  pen  de  temps,  qu'on  ne  ponrras'en  occuper 
que  graduellement,  et  que  les  améliorations  les  plus 
importantes,  qui  sont  en  même  temps  les  pins  dis- 
pendieuses ,  seront  nécessairement  réservées  pour  une 
époque  plus  reculée;  telle  est ,  par  exemple ,  celle  que 
Je  réclame  pour  le^matériel,  et  qui  entraîneiroit  la  re- 
construction des  ^prisons.  Cette  amélioration  pré- 
cieuse, qui,  d'après  mes  vues,  s'opéreroît  cîe  la  ma- 
nière la  plus  économique,  ne  peut  cependant  avoir 
lieu  sans  une  mise  de  fonds  assez  considérable,  et 
cette  raison  seale  peut  la  faire  ajourner  indéfiniment. 

Mais  sî  foutes  ces  idées  de  réforme  et  d'amélioration, 
proposées  dans  la  première  partie ,  ne  sont  pas  sus- 
ceptibles d'une  exécution  actuelle ,  et  s'il  faut  attendre 
une  auf  reépoque  pour  les  opérer,  ce  n'est  pas  une  raison 
pour  laisser,  d'ici  là,  les  prisons  dans  Tétat,  réellement 
fâcheux ,  où  nous  les  voyons.  S'il  est ,  dans  leur  ré- 
gime, des  vîce%  qu'on  ne  puisse  extirper  entièrement 
dès  aujourd'hui ,  il  faut  au  moins  briser  leur  énergie, 
ou  en  neutraliser,  autant  que  possible,  les  désastreux 
effets.  Nous  avons  exposé  nos  idées,  snr  ce  que  les  pri- 
ions doivent  devenir,  pour  cesser  d'être  un  des  fléaux 
de  l'humanité  ;  nous  avons  cherché,  dans  les  prisons  acn 
*  tuelles,  quelles  raisons  nouvelles  faisoient  désirer  une 


DU  MATERIEL.  47  3 

réforme  complète,  et  quels  obstacles  s^opposerqieat  à 
rexécution  des  réformes  projetées»  w\  4u  rtoins  les 
rendrolent  plu,s  difficiles. à  opérer;  il  nous  reste  à  in- 
diquer, diaprés  ces  dociimens,  \e&.  mesures  qu'il  con-' 
vient  de  prendre,  pour  passer,  Iç  plus  rapidement  pos- 
sible,^ à  on  état  de  choses,  plus  satisfaisant,  qui  s^it 
çotnme  le  prélude  de  la  réforme  générale,  que  nous  rér» 
clamons,  et  qui  la  prépare  sans  secousse,  et  sans  un 
iiouUe  emploi  cfe- nos  ressources' financières.  Faire, 
quant  à  présent  ^  toujes  les  réformes  possibles ,  pré- 
parer celles  qui  ne  pourront  être  &îtes  que  plus  tard , 
etprandre,  en  attendant^  des nxesures provisoires,  qui 
;^méliorent  la  condition  d,es  prisonniers,  sans  perdre 
de  vue  l'ensemble  des  réforn^es  projetées  et  sans 
cesser  de  les  préparer,  tel  est,  l'objet  dont  nous. devops 
MOUS  occuper  dans  çettç  troisième  partie.   ^ 

TITRE  II. 


i*ï" 


CHAPITRE  l•^  Des  prisons  à  construire  entiiremenh 

L'iMP£iiF£CTiON  db  matéiâiel  dans  nos  prisons ,  n'est 
pas  douteuse ,  et  la  néoessf^  d'y  faire  une  réforme 
eompLète,  me  paroit  évidente.  J'avpis  proposé,  dans  la 
première  partie,  un  planlqui  me  paroîssoit  remplir 
toutes  les  conditions,  que  l^iii  peut  désirer  dans  linc 
prison,  et  qui  ne  tne  sembloit  pas  devoir  en  définitive* 
coûter  plus  que  tout  antre  mode  de  reconstruction. 


474  DES  PRISONS. 

J'ai  renoncé  à  Tidée,  que  j^avois  d'abord  conçiie>  dc^ 
réunir  aux  prisons,  des  établissemens  publics  «  destinés, 
à  en  former  Tenceinte  extérieure.  Maisconritaie  tout  le 
reste  de  mon  plan  peut  subsister ,  eu  remplaçant 
cette  clôture  par  un  chemin  de  ronde  »  je  u!sà  à  y  faire 
d'autre' modification  que  de  supprimer  ce  quia  rap-^ 
port  à  l'enceinle  extérieure. 

En  proposant  un  nouveau  mode  de  construction,, 
pour  remplacer  les  prisons  vicieuses,  je  u! entende  pas» 
demander  la  destruction  et  le  remplacement  de  celles, 
qui  seroient  jugées  bonnes.  Loin  de  moi  le  zèle  absurde 
de  ces  réformateurs  ^  qui  renversent  tout  Tonvrage  de 
leurs  prédécesseurs ,  pour  y  substituer  un  ordre  de- 
choses  qu'ils  trouvent  préférable,  et  qui  privent  la  so- 
ciété d'un  bien  réel ,  dans  Tattente  d'un  mieuj^  hypo« 
thétique ,  que  mille  circonstances  peuvent  empêcher 
de  s'opérer  et  dont  rien  d'ailleurs  ne  garantit  les  avan- 
tages. Je  suis  donc  bien  éloigné  de  vouloir  détruire  ce 
qui  existe ,  pourvu  qu'il  ne  soit  pas  vicîisux.  Des  amé- 
liorations partielles  ont  dé)à  ét4  apportées  an  régime 
des  prisons ,  il  faut  en  profiter ,  quand  même  elles  ne 
seroient  pas  aussi  satisfaisantes  que  nous  pourrions  le  dé- 
sirer. Gardons-nous  de  nous  dessaisir  d'un  bien,  sans 
être  surs  de  le  remplacer. 

Ainsi ,  toutes  les  prisons  qui  sont  .vicieuses  essen- 
tiellement, doivent  être  rj[(eçnstruites,  et  je  propose  un 
plan  pour  cette  re<^onstruc|{on  ;  quant  aux  autres ,  que 
les  administrations  passées  pntamenées  àunétatsatis* 
faisant  ,^quofqu'el  les  ne  soient  pas  conformes  an  plan 
que  je  présente  ,  je  serai  le -premier  à  en  demander 
la  conservation.  Mais  s'il  en  est,  dont  les  défauts  exi- 
gent le  remplacement ,  pourquoi  ne  les  transféreroit^ 


DU  MATERIEL.  4:5 

•n  pas  dans  les  lieux  les  plus  propres  à  les  recevoir  ? 
Pourquoi  ne  les  construiroit-on  pas  j  sur  le  plan  qui 
seroit  }ugé  le  plus  convenable?  On  auroit  soin  de  ne 
faire  les  changemensou  constructions  nouvelles,  qu'au- 
tant qu'on  en  senliroit  la  nécessité ,  et  qu'on  auroit 
les  moyens  nécessaifes  pour  subvenir  à  la  dépense, 
sans  épuiser  le  Trésor,  ni  surcharger  les  contribuables* 
Voici  par  quels  moyenis  on  peut  entreprendre  cette 
réforme^  sans  aucun  des  inconvéniens  qu'on  auroit  pu 
craindre.  ^ 

Il  faut   d'abord  examiner  toutes  les  prisons ,  et , 
d'après  le  résultat  de  cet  examen  ,  les  diviser  en  deux 
classes  :  celles  qui  sont  bonnes  ou  susceptibles  de  le  de- 
venir, sans  beaucoup  de  travaux  et  de  dépenses,  et  celles 
€fae  deà  vices  importants  rendent  mauvaises,  et  que 
de  simples  réparations  ne  suffiroient  point  pour  amé- 
llirer.  Les  premières,  quelles  que  soient  leur  forme 
et  leur  distribution,  doivent  être  conservées  :  peu  im-* 
porte  la  manière  d'atteindre  le  bien,  pourvu  qi^'on  y 
arrive.  Quant  aux  autres,  il  faudra  voir  s'il  n'y  auroit 
pas  encore  lieu  d'établir  entre  elles  une  subdivision; 
les  unes  décidément  et  radicalement  vicieuses ,  et  les 
autres  seulement  insuffisantes  pour  le  nombre  de  pri- 
sonniers, qu'elles  doivent  contenir.  11  est  des  m^i^ns 
de  force ,  qui  ne  sont  malsaines  et  peu  sures,  que  par 
la  surabondance  de  prisonniers  qu'on  y  entasse,  et  qui, 
réduites  à  un  plus  petit  nombre  de  détenus ,  ne  pré- 
senteroient  plus  aucun  des  inconvéniens  qu'on  y  re- 
marque. Relativement  à  ces  dernières,  il  suffiroit  de 
changer  leur  destination,  ou  de  leur  retirer  une  por- 
tion de  détenus,  pour  les  rendre  très*bonnes,^  on  ne 
devra  pas  négKger  cette  facile  et  peu  onéreuse  réforme. 


4:6  DES  PRÎSON& 

Aîosî,  telle  prîsoii  ^acUielleinent  destinée  à  .servir  tte. 
maison  départenieiitale,  succursale  d'une  maison  cen-. 
traie,  et  évidemment  inférieure  aux  besoins  de.  celte 
destination,  deviendra  une  excellente  maison  d'arrêt 
ou  de  justice;  telle  antre ,  où  les  deux  prisons  provisoi^ 
r es  sont  réunies,  seroit  suffisante  et  commode  ponr 
une  seule  des  deux  ;  il  faut  se  hatet  d^opérer  cette  sé- 
paration-, qui  peut   leur  dopner  toute  la  sainl^rité 
désirable. 

Il  restera  celles  qui  doivent  être  absolument  pros- 
crites, soit  qu'une  situation  peu  favorable  ne  per- 
mette pas  de  les  assainir  complètement,  5oit  quele. 
mauvais  état  des  bâtimens.  et  rexiguité  de  l'espace 
dont  on  ponrroit  disposer,  rendent  impossible  àjén 
faire  jamais  une  prison  convenable.  Il  est  iuévital^Q 
de  remplacer  ces  prisons,  et  c'est  surtout  à le^r  égard 
que  notre  plan  se  trouve  applicable. 

Dans  tous  les  cas,  ou  devra  commencer  par  l'en- 
ceinte extérieure,  et  s'en  occuper  exclusivement ,  jus- 
qu'à ce  qu'elle  soit  construite.  On  occupera  à  ce  tra- 
vail des  ouvriers  libres;  tout,  le  reste  des  travaux  de. 
constructioii  sera  confié  à  des  prisonniers ,  toutes  les 
fois  qu'il  y  en  aura  en  nombre  suffisant ,  et  on  ne  leur 
;id  joindra  des  ouvriers  libres -que  lorsqu'ils  seront  tous, 
employés- 

Les  premiers  ouvriers ,  chargés  de  bâtir  Fenceîntc , 
élèveront  en  même  temps  quelques  baraques  dans  Fin- 
térieur.  Aussitôt  qu'il  y  en  aura  assez  de  faites  pour 
loger  cinq  à  six  hommes,  on  y  mettra  ce  nombre  de 
prisqnûiers  ,.q"i  construiront  aussitôt  d'autres  bara- 
ques, sûr  le  modèle  des  premières,  pour  loger  tous  les 
prisGtfiniers,  qui  devront  être  occupés  aux  travaux- 


DU  MATÉRIEL.  47) 

C'est  après  ces  dispositions  préliminaires,  qnè'  l'on 
commencera  la  construction  de  la  prison  proprement 
dite.  On  suivra,  pour  l.es  dimensions  a  lui  donner v 
la  propGrti(m  du  nombi:e.de  détenus,  qu'elle  sera  des- 
tinée à  renferi^ier  ordinaîremenl.  Un  «àtcul  fort  siiU- 
ple  en  déterminera  l'étendue  :  comme  c'est  dans  les 
chambres,  que  les  prisonniers  ont  le  plus  besoin  de 
place,  on  les  prendra  pour  base  dans  la  fixation  de 
la  grandeur  du  terrain.  L'étage  supérieur  sera ,  comme 
on  sait,  toiijonrs  réservé  aux  chambres,  lés  ateliers 
seront  au-dessous,  de  sorte  cjue  la  £jrand«?ur  des  un» 
déterminera  en  même  temps  celle  des  autres  et  par 
conséquent  celle  du  tout. 

Quant  à  ces  dimensions,  voici  cortiment  on  pourra 
les  calculer.  Les  lits  et,  par  suite ^  les  celluhes',  qui 
seront  toujours  de  la  même  longueur  ,  auront  six 
pieds.  CoflLime  il  faudra  toujours  un  corridor,  en 
avant  de  chaque  rangée  de  lits^  et  que  ce  torridor  ne 
peut  pas  avoir  moins  de  quatre  pîeds,  les  bâtimens 
auront  dix,  ou  vingt  pieds  de  large  ,  entre  deux  .rnu^ 
railles,  suivant  le  parti^qu'on  adoptera,  d'après  leux* 
étendue  au  totale  de  les  faii'e  doubles  ou  simples^ 
c'est-à-dire  d'y  mettre  deux  où  seulement  une  rangée 
de  lits.  Dans  l'autre  sens,  chaque  cellule,  calcnlée  sur 
quatre  pieds  de  large,  les  bâtimens  auiT>nt,cuî  lon- 
gueur ,  autant  de  fois  quatre  pieds ,  qu'il  y  aura  de 
prisonniers  ,  si  l'on  ne  fait  qu'un  rang  de  cellules,  et 
la  moitié  moins ,  si  Ton  en  fait  âeux.  Il  faudra  y  ajou- 
te;' une  fenêlre  de  quatra  pieds  de  large,  toules'les 
quatre  cellules.  C^s  ouvertures  seront  suffisantes  pour 
renouveler  l'air ,  concurremnient  avec  celles  qui  se- 
ront ouvertes  au-dessus  des  cellules,   comme  nous 


479  t)ES  Î'ÏWSONS. 

rexplîqoerons  ultérieurement.  La  largeur  de  cesfene- 
très,  répartie  sur  la  longueur  totale^  fait  qu'on  peut 
compter  chaque  lit  comme  occupant  un  espa.ce  de  cinq 
pîeds  en  largeur*  D'après  ces  bases ,  il  est  facile  de  con- 
naître sur-le^* champ  les  dimensions  de  toute  pri- 
son, d'après  le  nombre  de  prisonniers  qu'elle  doit 
contenir.. 

Prenons  pour  exemple  une  prison  destinée  ponr 
cent  prisonniers  (ï).  Le  centre,  comme  od  le  sait  ^ 
sera  occupé  par  l'infirmerie;  d'après  les  données  gé- 
nérales, il  suffira  ordinairemeAt  qu'elle  soit  disposée 
pour  vingt  malades.  On  parviendra  aisénnreot  à  les.  lo- 
ger,  d'une  manière  saine  et  commode  et  cependant  sans 
superfluité  d'emplacement,  dans  un  bâtiment  carré , 
(C) ,  de  trente  pieds  en  tous  sens  et  à  deux  étages.  On  a 
calculé  que,  dans  les  hôpitaux»  auxquels  les  infirmeries 
doivent  être  assimilées,  chaque  malade  doit  avoir  sir 
toises  et  demie  ou  i,4o4  pi^ds  cubes  d'air  à  respirer. 
Cette  base  doit  être  notre  règle ,  dans  la  construction 
de  l'infirmerie.  Alors  chaque  étage ,  dont  l'aire  sera  de 
^oo   pieds    carrés  ,   pourra  éontenir    dix   malades , 
pourvu  que  l'appartement  ait  iS  pieds  6  dixièmes 
d'élévation.  Ces  dimensions  sont  nécessaires,  pour 
procurer  aux  malades  la  quantité  d'air,  qu'exige  leur 
position.  Oiî  voit  pourquoi  nous  avons  demandé  que 
l'infirmerie  fiit  à  deux  étages.  Le  rez-de-chanssée  et 
les  mansardes  seront  employés  aux  dépendances  néces- 
saires. Nous  entrerons  plus  loin  dans  quelques  détails, 
sur  la  distribution  de  ce  local. 

L'infirmerie  sera  entourée  d'un  préau ,  (E)  qui  aura 

«^      ■  '  • 

(i)  Voyez  la  figure  i  «•. 


DU  MATERIEL-  47g 

partout  quinze  pieds  de  large  et  qtii  lui  servira  de  dé- 
gagement, en  même  temps  que  de  promenoir  aux  ma-, 
lades.  On  pourra  également  l'employer  à  divers  usages 
domestiques',  comme  la  buanderie ,  le  dépôt  du  l>ois , 

ou  des  autres  combustibles,  les  bains,  etc. 

« 

Le- bâtiment  de  la  prison  proprement  dite  (B)  ,  qui 
fera  Fenceinte  de  ce  préau,  aura.60  pieds  en  tous  sens, 
à  l'intérieur,  et  100  pieds  noti compris  l'épaisseur  des 
murailles ,  à  chaque  faee,  de  l'autre  côté.  Il  se  compo- 
sera  ainsi  de  quatre  ailes,  de  20  pieds  de  largeur  iuté* 
rienrenient ,  à  deux  étages  carrés ,  sans  mansardes. 
Ce  bâtiment  présentera  une  superficie  de  6,400  pieds 
Carrés )  dans 'laquelle  on  trouvera,  outre  les  dépen- 
dances nécessaires  à  une  prison,  la  place  de  cent  prison-* 
niers. ,  calculée  à  raison  de  cinquante  pieds  carrés  à 
4:haçun,  y  compris  les  fenêtres. el  l'intervalle  à  laisser 
entre  lesdeux  rangsde  lits/Lescent  prisonniers  occupant 
5,000  pieds  carrés,  il  en  restera  i,4oo  pour  le  loge- 
ment des  guichetiers  ,1'escalier ,  les  chambres  d6  force 
et  les  corridQrs,  et  cet  espace ,  réparti  vers  les  quatre 
angles  du  bâtiment,  sera  suffisant  pour  ces  divers^ 
usages.  * 

Quant  au  préau  ext^ieur,  il  seroit  à  désirer  qu'il 
a' eût  jamais  moins  de  trente  pieds  de  large. 

Ces  propcfrtions  seront  les  mêmes,  quel  que  soit  lé 
nombre  des  prisonniers..  Il  suffira  deie  connoître  pour 
savoir,  par  analogie,  quelles  dimensions  on  devra 
donner  à  la  prison.  Nous  expliquerons  plus  loin  la 
manière  de  construire  les  cellules ,  et  de  disposer  les 
détails  dans  les  prisons,  soit  qu'on  les  établisse  entiè-* 
rement,  soi{  qu'on  fasse  seulement  les  dispositions 
nécessaires,  dans  celles  qui  seront  conservées. 


48o  i)ES  iPRISÔNS. 

CHAPITRE  II.  Bes  prisons  à  agrandir  ou  réformer. 

Nous  avons  Irèmarqaé  que  toVilès  les  prisons  qui 
sollicitent  la  réformé^  tie  sont  pas  essenlhellenient  vi- 
cieuses; qu'il  en  est  un  terlaîn  nombre,  qui  sont  peu 
satisfaisantes  «  mais  qu'on  pountjit  améliorer,  sans  en 
venir  à  une  réforme  int^rale.  Dans  quelques-unes,  les 
bàtimens  sont  suffisàns  et  bien  construits ,  mais  les 
prisonniers  n'ont  paa^  de  préauX  pour  la  promenade-  H 
faut  nécessairement  leur  procurer  cet  avantage,  indis- 
pensable pour  la  salubrité,  et  pour  ta  consolation  des 
détenus ,  déjà  assez  malheXireux  de  leur  captivité,  sans 
qu'on  les  prive  encore  du  triste,  maïs  pourtant  pré- 
cieux délassement  de  la  promenade.  Il  en  est  d^aotres, 
où  il  manque  des  bâtimens  pour  Servir  d'atelier  ou  de 
chapello>  mais  qui,  du  reste,  sont  bien  situées  et  sa- 
tisfaisantes. 

Toutes  ces  prisons  seroient  complètes,  et  ne  laisse- 
roient  plus  rien  à  désirer,  Si  Ton  y  ajoutoit,  par  ac- 
quisition ,  le  terreîn  ou  lès  bâtimens  qui  leur  man- 
quent.. Ainsi  ^  la  question  de  leur  conservation  sera 
subordonnée  à  celle  de  savoir  si  l'on  pourra  trouver 
le  mt)yen  d'y  feîre  les  adjonctions  convenables. 

Qiiand  on  fera  l'acquisition  d'un  terrein ,  pour  la 
promén«ule ,  comme  ce  terrein  sera  toufours  en  de- 
hors de  la  prison  ,  il  faudra  y  comprendre  l'espace  né- 
cessaire pour  un  chemin  de  ronde,  précaution  indis- 
pens^tble,  dans  la  plupart  des  prisons  actuelles ,  on  elle 
est  trop  souvent  négligée. 

Il  est  d'antre^  prisons»  qui  pèchent  par  rexigiiité 
du  logements  On  ne  devra  les  conserv^,  qu'autant 


DU  MATERtEt.  481 

que  les  localités  permettront  d'y  faire  des  augmenta- 
tions^ soit  en  achetant  des  bâtimens  voisins,,  soit  en 
faisant  de  nouvelles  constructions.  Dans  Tu»  ou  l'autre 
cas,  il  faudra  toujours  réserver  la  place  d'un  cheniiu 
de  ronde,  qui  fasse  tout  le  tour  de  la  prison. 

Enfin,  il  est  quelques  prisons,  qui,  sans  laisser  rien 
à  désirer,  soit  pour  les  préaux,  soit  pour  les  bâtiniens , 
sont  seulement  trop  petites,  pour  le  ncmibre  de  pri- 
sonniers qu'elles  renferment.  A  leur  égard ,  la  réforme 
ne  consiste  que  dans  une  mesure  de  discipline;  ilsuf* 
iira,  pour  lés  rendre  bonnes,  de  fixer  le  nombre  de 
détenus,  qu'on  pourra  y  amener^  et  de  ne  jamais  souf- 
frir que  ce  nombre  soit  dépassé.  On  y  parviendra ,  au 
moins  approximativement,  en  calculant  le  moyen 
terme  de  là  population  ordinaire  de  ces  prisons.  S'il 
est  supérieur  à  leur  étendue ,  il  faut  leur  donner  une 
antre  destination.  Par  exenrple  ,  une  maison  d'arrêt 
peut  être  changée  en  maison  de  justice.  Si  cette  sur- 
abondance vient  de  *la  réunion  de  deux  prisons  diffé-» 
rentes,  dans  le  même  local,  comme  cela  se  voit  dans 
beaucoup  de  villes,  il  faut  les  séparer  sans  délai.  Cette 
réforme  mettra  dans  la  nécessité  de  bâtir  une  seconde 
prison ,  ou  d'envoyer  une  partie  des  détenus,  qui  pro- 
àuisoient  la  surcharge ,  dans  une  des  prisons  défini- 
tives ,  où  ils  peuvent  être  enfermés  légalement.  Dans 
tons  les  cas,  on  ne  renoncera  à  se  servir  de  ces  prisons, 
trop  petites ,  sans  être  vicieuses,  qu'autant  qu'on  ne 
verroit  pas  la  possibilité  de  les  distribuer ,  d'après  le 
plan  que  nous  allons  indiquer.  Cette  distribution  est 
absolument  de  rigueur.  Peu  importent  la  forme  et  le 
plan  général  de  la  prison;  ce  qui  est  essentiel,  c'est 
cfue  les  prisonniers  ne  soient  pas  en  nombre  excessif  9 

3i 


4*2  DES  prisons: 

t]uHls  soient  seuls  pendant  la  nuit,  et  qu^ls  aient  (\& 
préaux  pour  la  promenade.  Il  ne  faut  proscrire  que  les 
prisons ,  qu'on  rcgarderoit  comme  incapables  de  rent- 
plir  ces  conditions. 

CHAPITRE  III.  Des  prisons  à  supprimer. 

Au  nioment  où  l'on  s'occupe  de  porter  la  réforme 
dans  le  système  des  prisons  et  d'améliorer ,  par  tous 
\eê  moyens  possibles,  le  régime  de  ces  tristes  de- 
meures, ce  seroit  le  cas  de  délivrer  cette  administra- 
tion d'une  superfétatioù  inutile  et  dispendieuse,  qui 
grève  le  trésor ,  sans  aueun  avantage  réel ,  et  détourne 
gratuitement  desressouhres,  qu'on  pourroit  appliquer 
de  la  manière  la  plus  utile. 

Je  veux  parler  des  dépôts  provisoires  »  ou  prisons 
de  justices  de  paix,  que  la  loi  a  instituées,' mais  qui, 
de  fait ,  n'existent  pres<j[ue  nuile  part.  On  conçoit 
d'ailleurs,  au  premier  abord,  que  ces  prisons  sont 
presque  toujours  inutiles,  parce  qu'en  définitive,  elles 
pe  peuvent  pas  suppléer  aux  maisons  d'arrêt,  ^t  que 
les  cas,  où  elles  pourroient  servir,  sont  si  rares,  qu'on 
ne  peut  s'en  autoriser,  pour  alléguer  la  nécessité  de  les 
consel*ver.  Déjà  un  membre  de  la  Société  royale ,  doat 
les  grandes  connoissances  en  administration  générale 
et  en  législation  sont  justement  appréciées^  a  faitsen* 
tir  l'inutilité  d'une  mesure,  que  le  désir  d'une  ré^i* 
larilé  théorique  a  seule  pu  faire  insérer  dans  la  loi. 
Il  a  calculé  que,  pour  mettre  à  exécution  la  dispo^ 
sitioii,  qui  crée  trois  mille  prisons  nouvelles  en  France, 
il  faudroit  une  mise  de  fonds  de  dix-huit  millions ^ 
qui  ne  dispenseroit  pas  d'une  dépense  annuelle  de 
cent  mille  francs^  Cepwdant ,  ces  prisons  sont  si  pegr 


DtJ  MATERIEL.  48.i 

nécessaires,  que,  dans  beaucoup  de  cantons,  il  nVn 
existe  pas,  sans  que  Ton  éprouve  aucun  mauvais  effet  de 
•  ce  défaut.  S'il  estquelnjues  exceplîutis  peu  nonnbreuses^ 
où  il  puisse  être  avantageux  de  les  établir,  ce  ne  seroit 
jamais  qu'à  titre  particulier ,  et  non  par  une  mesure 
générale ,  qu'il  seroit  bon  de  le  fairje. 

Si  ces  prisons  sont  tellement  inutiles  dans  la  plupart 
des  cas,  qu'on  ne  s'aperçoive  pas  de  leur  défaut,  dans 
les  cantons  où  elles  manquent ,  pourquoi  ne  déchar-> 
geroit  on 'pas  l'Etat  de  la  dépense  qu'elles  occasio- 
nent  et  de  celle,  bien  plus  grande  encore ,  qu'entraî- 
nèroit  l'exécution  totale  de  la  loi  qui  lés  institue? 
Pourquoi  continueroit-on  de  solder  tant  de  concierges 
ou  geôliers,  qui  n'ont  jamais  de  prisonniers  à  garder? 
Tous  ces  traîtemens  réunis,  dont  qUelques-uns  s'élè 
vent  à  8oo.fr. ,  tandis  que  le  magistrat,  dont  j'invoque 
ici  l'autorité,  pense  qu'on  pourroit,  dans  bien  des 
cas ,  faire  remplir  ces  fonctions  pour  loo  fr. ,  s'il  étoit 
nécessaire  de  garder  quelques-unes  de  ces  prisons, 
grèvent  le  trésor  d'une  charge  annuelle ,  dotit  Téco- 
nomie  seroit  très- avantageuse,  et  pourroit  se  reverser 
sur  les  fonds  affectés  aux  prisons.  Cette  dévolution  fa- 
ciliteroit  d'autant  les  réformes,  qu'elles  sollicitent  sur 
beaucoup  de  points.  Il  vaut  mieUx  renoncer  à  des 
simulacres  de  prisons ,  pour  améliorer  les  prisons 
véritables. 

CHAPITRE  IV.  De  la  distribution  des  prisons. 

Comme  la  distribution  porte  sur  les  détails,  et 
qu'elle  n'intéresse  point  l'ensemble ,  elle  devra  être 
soumise  dans  toutes  les  prisons  à  des  règles  uniformes. 
Celles,  qui  n'ens«roient  pas  susceptibles,  né  peuvent 


484  DES  prisons: 

pas  être  conservées,  parce  que  la  distribution  est  One 
garantie  essentielle ,  pour  le  bon  ordre  et  la  salubrité 
générale ,  et  que  les  prisons  qui  ne  pourroieut  pas  s'y 
prêter ,  seroient  par  cela  même  évidemment  yicieuses. 
Ainsi,  une  prison,  où  Ton  seroit  forcé  de  loger  les  pri- 
sonniers dans  le  bas,  ne  sauroit  convenir,  parce  qu'elle 
seroit  malsaine;  celle  où  l'on  ne  pourroit  pas  cons- 
truire  des  cellules,  seroit  encore  mauvaise,  puisqu'on 
y  manqueroit  d'un  avantage  indispensable  pour  le 
bon  ordre,  la  solitude  nocturne.  Il  en  est' de  même 
des  autres  bases,  sur  lesquelles  se  fonde  la  distribution. 
Chacune  d'elles  est  nécessaire,  et  l'on  ne  peut  le$  né- 
gliger ,  sans  s'exposer  aux  plus  graves  inconvénîens. 
Voici,  au  surplus,  quelles  règles  on  pourra  suivre 
dans  la  distribution  de  toute  prison. 

Partout,  on  devra  ménager,  au  rez-de-chaussée,  des 
ateliers  convenables ,  et  assez  grands  pour  le  nombre 
d'ouvriers,  indiqué  par  l'étendue  des  chambres.  Le  sur- 
plus sera  disposé  en  réfectoires,  dont  le  nombre  sera  le 
même  que  celui  des  ateliers.  Les  uns  et  les  autres  ouvri- 
ront sur  un  corridor ,  fait  sur  le  mo(|^èle  des  cloîtres ,  et 
fermé  par  une  grille,  du  côté  du  préau  intérieur.  On 
aura  soin  de  pratiquer  les  petites  fenêtres,  dont  nous 
avons  parlé  dans  la  première  partie,  donnant  de  l'in- 
térieur des  réfectoires  sur  les  préaux ,  ou  sur  les  corri- 
dors ,  dans  les  prisons  où  il  n'y  aura  pas  de  préaux  ex- 
térieurs, et  servant  à  conclure  les  marchés  de  comes- 
tibles, à  l'heure  des  repas;   les  fenêtres  seront  très- 
petites,  et  armées  de  forts  barreaux  de  fer.  Du  reste» 
on  ouvrira  des  ^  jours,  suffisans  pour  le  libre  passage  de 
Pair  et  de  la  lumière,  et  pour  que  les  prisonniers  trou- 
vent, dans  les  ateliers,  les  avantages  réunis- de  la  salu* 


DU  MATERIEL.  485 

brllé  et  de  la  commodités.  Le  rez<' de -chaussée  con- 
tiendra  en  outre ,  le  logement  du  gardien  et  de  sa  fa- 
mille, la  geÀie  ou  chef4ieu  de  la  prison,  le  parloir^ 
les  bureaux,  etc.  . 

Quant  aux  chamlNres ,  elles  seront  toujours  divisées 
en  cellules,  dont  chacune  sera  pour  un  prison'nier  seul  ; 
ces  cellules  seront  formées  par' deux  cloisons,  que  Ton 
construira  en  briques,  posées  de  champ,  les  unes  sur 
les  autres.  Celte  bâtisse  a  l'avantage  de  tenir  très  -peii^ 
de  place  9  puisqu'elle  n'a  que  Fépaisseur  d'une  brique 
de  deux  pouces ,  non  compris  un  léger  revêtement  en 
plâtre,  ou  en  mortier  de  chaux  et  sablé;  elle  charge 
peu  les  bâtimèns,  et  est  très-peu  coûteuse.  EIFe  a  d'ail- 
leurs toute  la  solidité  désirable,  et  intercepte  le  son 
aussi  complètement  qu'une  muraille.  Ce  qui ,  surtout  y 
la  rend  précieuse  dans  les  prisdiïs,  c'est  qu'il  est  im- 
possible de  percer  les  cloisons  de  ce  genre,  sans  les  ren- 
verser entièrement^  ou  du  moins  sans  faire  un  dégât 
très«apparent.  Il  y  a  donc  un  avantage  réel  à  l'employer 
dans  les  distributions  intérieures» 

Ces  cloisons  seront  placées  à  quatre  pieds  l'une  de 
L'autre  5  l'intervalle  sera  occupé  par  un  lit  de  2  pieds  -^ 
de  large,  et  une  petite  ruelle  de  12  à  i4  pouces.  Elles 
&  élèveront  à  8  pieds  du  sol ,  et  formeront  ainsi  des  cel- 
lules ou  petites  alcôves.  Elles  seront  fermées,  par  le  haut 
et  sur  le  devant,  par  des  grilles  ou  claires  voies  en  bois, 
dont  Tune  formera  une  espèce  de  plafond ,  ou  de  ciel 
de  lit ,  et  l'autre  servira  de  porte.  Au-dessns  du  plafond 
de  chaque  cellule ,  se  trouvera  une  fenêtre ,  qui  occu- 
pera «le*  haBt  de  ka  mui^âille, depuis  la  claire-voie  jus- 
qu'au plafond  réel  de  la  chambre  et,  comme  l'appar- 
tement aura  toujours  de  xok  12  piecls  d'élévation ,  ces 


*>■ 


486  DES  PRISONS. 

fenêtres  auraat  eocore  as^ez  4'onveirture,  pour  assainir 
convenablement  les  dortoM's  ,  ^^  établir  dans  leur 
partie  'supérieure  un  courant  d'aif  %  qui  emporte  tous 
les  gaz,  qui  s^y  accumulent  continuellement. 

11  y  aura»  de  pi  as*  toutes  Us.  <)ii^tpe  celloles ,  comme 
nous  ravoci3  dît  au  chapitre  I^^  ^  UAe  grande  fenêtre^ 
de  quatre  pîec^  die  large  çéukment,  qui  s^ouvrira  de-> 
puis  le  lan;^bris  jusqu'en  b^ut  9^  et  Von  aura  soin  de 
percer  aussi  des  ouvertures  dans  la  sens  de  la  iongueur, 
pour  établir  un  courant  d'air  croisé ,  dans  les  prisons 
qui  en  seront  susceptibles. 

La  portCt  enclaire-voÎQ^de  chaqqeceHule^sera^mî^ 
d'un  rideau  fixe  eq.  toile,  qui  laisser^a  passer  Vair ,  sans 
permettre  à  la  vue  de  se  porter  dans  TiiHiérûeui'  de  la 
cellule.  Cette  clôture  est  nécessaire ,  pour  que  les  prl- 
soniiiers,  quand  ils  seroo^t  couchés,  m  se  vbieot  pas 
les  uns  les  autres.  Nou&  avoirs. aissez  développé  les  avai*^ 
tages  de  la  solitude  nocturoi^,  pour  ne  pas  être  obli- 
gé d^entrer  ici dau$ de  plQ& grands  détails,  sur  ruiililé 
de  cette  précaution. 

On  ne  fera  deux  étages  pour  les  prisonniers,  qu'au- 
tant que  Leur  nombre  ei  1^  dimensions  du  terrein , 
y  contraindroient.  La  hauteur  des  bâtimens  a  l'incoor» 
vénient  de  gêner,  la  circujalion  de  Tair,  et  Ton  fera 
toujours  bien  de  V^itof^ . 

Les  angles  du  bâtiment'  ■  sei^nt  réservés ,  ponr  le 
passage  d'une  aile  dii>  bâ^ina^oâ  dans.  Taile  voisitie, 
et  pour  les  chambi^es  d6  fonce  on^  de  punition.  Ces 
chambres,  qjiû  cemplaceroqt;  leSf^racfaols,  seront  fer^ 
mées  de  portes  trèsr-épaii^as^  garnÎQSfde.grosverroQX 
et  doublées  en  fer.  Cep€ndaiiJt,.à]faÎ8Pi!i  de  la  HtuaiJon 
des  chaxnbres  .de  panition.>  à-  un  éta^  élevé  et  dans 


DU  MATERIEL.  487 

rùitérieur  des  bâtimens^  ces  portes  n'auront  pas  he^ 
$oîn  d'êtrç  aussi  fortes  que  les  guichets. 

Le  jour  ne  parviendra  dans  ces  chambres ,  que  par 
vm  entonnoir  en  bois ,  placé  dans  la  p^irtîe  supérieure 
de  la  muraille,  garni  de  barreaux  de  fer  croisés,  et 
surtout  assez,  étroit  pour  ne  pas  laisser  passer  le  corps 
d'un  homme.  On  pourra  lui  donner  toute  lalongueuf 
nécessaire ,  pour  éclairer  suffisamment  la  chambre  | 
mais  la  largeur  n'en  pourra  jamais  excéder  la.  pro- 
portion que  nous  venons  d'indiquer. 

Les  lits  des  guichetiers  seroi^  placés  dans  Fespace 
libre ,  qui  irestera  devant  les^hambres  de  force  et  qui 
•servira  de  corridor,  pour  passer  d'une  aile  de  bâtiment 
à  l'autre^  Us  auront  ainsi,  tout  à  laTois ,  inspection  sur 
lesdortairs communs,  et  si\.r  les. chambres  de'pimitîon. 

Le  second  étage  sera  réservé  pour  la<cbapelleet  l'école^ 
et  pour  le  logement  des  vieillards  et  des  prisonniers^ 
attaqués  de  maladies  lymphatiques  (1). 

Quant  à  l'infirmerie,  nous  avons  déjà  expliqué 
les  .bases  de  sa  distribution  ;  nous  ne  répéterons  pas 
ici  ce  que  nous  avons,  déjà  dit ,  dan&  notre  pre- 
mière partie,  et  qu'il  sufBra  d'adapter  aux  localités. 
L'application  de, ces  diverses  règles  à  la  prison  de 
cent  prisonniers ,  dont  nous  avons  déjà  donné  les 
dimensions  générales^  en  fera  saisir  Tensémble  et  l'u- 
tilîté(u).  .      • 

La  prison,  comme  oa  le  sait,  se  composera  de 

(i)  Nous  avons  indique  un  moyen  de  faire  servir  Técole  et  la 
ohapell«  à  des  prisonniers  de  sexe  différent,  sans  les  eonfôndre 
pour  le  ça$  oii  l'on  seroit  obligé  de  le$.laissei*  provisoirement  dans 
k  même  bâtiment.  Y<^ez  la  figure  4.,  voyez  aussi  pag^  39. 

(i)  Voyez  la  figure  3«.  ' 


488  DÉS  PRISONS. 

quatre  aîles  de  bâtîmens ,  de  loo  ou  102  pî'eds  de  lonç, 
sur  20  ou  2î>  de  large ,  à  cause  des  mtirailles.  La  gçôle 
(A) ,  Ihabitalion  du  gardien;  le  parloir (B) ,  le  cabinet 
du  greffier ,  et  le  magasin  destine'  au  dépôt  des  habits 
ou  autres  effets ,  qui  ne  seront  point  laissés  à  la  dispo- 
sition des  prisonniers  (C),  occuperont  une  des  ailes,  où 
l'on  réservera  aussi  une  salle  pour  les  inspecteurs.  Ce- 
pendant cette  dernière  pièce  pourra;  suivant  les  loca- 
lités, être  réunie  et  confondue  avec  le  cabinet  du  gref- 
fier. Les  trois  autres  ailes  seront  employées  en  ateliers. 

Dans  le  cas  où  tes  trois  ailes  pai'oîtroient  insuffi- 
santes pour  placer  fous  les  métiers,  on  pourra,  très- 
convenablement,  transformer  en  ateliers ,  l'espace  ré-* 
serve  dans  la  quatrième  aile,  pour  le  cabinet  du  gref- 
fier ,  la  chambre  des  inspei^eurs  et  le  dépôt  des  habits 
et  effets  appartenant  aux  prisonniers.  Alors ,  ces  dé- 
pendances seront  placées  au  second  étage ,  où  il  restera 
encore  de  la  place  disponible. 

(1)  L'étage  supérieur  sera  affecté  aux  chambres. 
Dans  chacune  des  ailes  du  bâtiment ,  soixante  pieds 
de  longueur  seront  occupés4)ar  les  cellules  (A);  il  res- 
tera, par  conséquent ,  aux  deux  bouts,  un  espace  carré, 
de  vingt  pieds  en  tous  sens ,  qui  sera  employé  de  la 
manière  suivante  : 

A  l'un  des  angles,  sera  placé -rescalier ,  (E)quî, 
avec  le  lit  du  guichetier,  (B)  placé  sur  le  pallier, 
tiendra  la  moitié  de  l'espace  réservé  et  continuera,  sur 
le  même  emplacement,  jusqu'au  haut  du  bâtiment.  Le& 
60  pieds  suivans  seront  occ\ipés  par  24  cellules,  de 
4  pieds  de  large,  sur  deux  rangs  (A) ,  et  par  six  fenêtres^ 
(D)  de  quatre  pieds  d'ouverture  chacune. 

(0  Voyez  la  figuie  $^ 


mj  MATERIEL.  489 

Au  bout  de  ce  premier  dortoir  et  dans  les  20  pieds 
restant  jusqu^au  mur ,  seront  pratiquées  quatre  cham- 
bres de  force,  de  6  pieds  delargeur  sur  10  de  longueur^ 
et  un  corridor,  pour  passera  la  seconde  aile  du  bâti- 
ment :  cette  galerie  et  la  troisième  seront  partagées  de 
la  même  manière ,  entre  les  prisonniers,  an  nombre 
de  24  et  les  chambres  de  force.  Un  lit  de  guichetier 
pourra  être  placé  dans  le  corridor  de  communication,, 
de  manière  à  inspecter  les  24  cellules. 

Il  restera  à  loger  28  prisonniers,  pour  atteindre  le 
nombre' de  100,  que  la  prison  devra  contenir;  et 
comme  il  restera  un  espace  de  70  pieds,  en  y  com- 
prenant les  5o  pieds,  contenus  dans  la  quatrième  gale- 
rie ,  entre  les  deux  espaces  réservés  aux  angles  et  la 
moitié  de  cehii  où  se  trouve  l'escalier ,  cette  longueur 
donnera  le  moyen  de  placer  deux  rangs  de  i4  cellules, 
au  lieu  de  douze  qu'ont  les  autres  galeries  et  de  rem- 
plir rindication  proposée ,  sans  mettre  plus  de  lits 
dans  le. même  espace. 

(1)  Quant  à  l'infirmerie,  on  se  rappelle  qu*elle  se 
compose  d'un  bâtiment  carré  de  3o  pieds  de  face.  Le 
rez-<le-chaussée  sera  divisé  en  deux  parties  égales, 
dont  l'une  sera  affectée  à  la. pharmacie  (A),  et  à  la 
$£|lle  de  consultations  (  B  )  »  et  l'autf e  à  l'escalier  (  D  ) , 
et  à  la  chambre  de  quarantaine  (C). 

Les  deux  étages  supérieurs  seront  entièrement  af- 
fectés aux  malades  (2).  Nous  avons  vu  qu'on  pouvoit  y 
mettre  dix  lits  à  chacun;  l'un  et  l'autre  pourront,  sans 
inconvénient,  être  encore  subdivisés,  à  raison  delà  na- 

(1)  Voyez  figure  6*. 
(a)  Voyez  la  figure  5«. 


490  BES  PRISONS, 

tare  éck  maladits  ;  mais  on  aura  autant  que  possibt^^ 
l'attention  de  mettre  à  Fétage  snpërienr  ceux  des  ma-» 
l3deii,  auxquels  cette  position  élevée  peut  le  mieux 
convenir  Y  soit  par  le  besoin  qd'eux- mêmes  auroienè 
de  Tair  et  du  soleil  >  soit  pour  ne  pas  exposer  ceux 
qu'on  placermt  an*- dessus  d'eux  ^  à  l'effet  pernicieux 
des  émanations,  que  produisent,  plus  oa  moins,  certai- 
nes maladies.  Il  nous  semble  que  l'on  poai*roit  réser- 
ver l'étage  supérieur  pour  les  malades  ordiuatres ,  fié- 
vreux et  autres  ,  et  mettre  au-dessous  les  ga\eux  oti 
autres  malades  du  même  genre. 

La  nature  des  maladies*,  qui  varie  (£iHie  prison  à: 
l'autre,  décidera  de  futilité  ou  de  l'inutilité  des  snb- 
divisions  de  chacnn  des  deux  étages  de  l'infirmerie^ 
On  y  fera  plusou  moins  de  salles  séparées,  selon  qu'on, 
en  sentira  la  nécessité.  Mais  il  en  est  beaucoup,  où  la 
division  naturelle  des  étages  sera  suffisante.  Dans  cecas^ 
les  lils  (Â)  seront  placés  en  deux  rangées,  de  cinq  cha- 
cune ,  dans  les  salles ,  qui .  comme  on  l'a  dit  plus  haut^ 
aurofit  35  pieds  dans  tous  les  sens.  Chaque  Ht  occu- 
pera, par  conséquent,  un  peu-moins  de  6  pieds  en  lar- 
geur ,  à  raison  de  l'épaisseur  des  murailles  ;  et  comme 
ils  auront  toujours  6  pieds  de  long,  il  restera,  entre  les 
deux  rangées  delitl,  un  espace  de  17  ou  18  pieds,  né- 
cessaire, mais  suffisant ,  pour  placer  des  poètes  ,  des 
tables  pour  le»  opérations  chirurgicales ,  etc. 

Les  fetiêtres  (  B  )  seront  disposées  comme  dan& 
les  chambres  ordinaires;  on  en  ouvrira  également 
dans  la  direction  opposée ,  entre  les  deux  rangées 
de  lits. 

Les  lits  ne  seront  point  enfermés  dans  des  cellules , 
comme  dans  les  chambres;  ils  seront  pourvus* de  ciels 


DU  PERSONNEL.  49 1 

et  de  tEÎiigies,  poor  recevoir  des  rideafix,  qo^nd  \e  mê^ 
decin  le  prescrira. 

Telle  est,  /eecpe  semble,  la  «tanière  dont  il  convient 
de  disposer  le  pi^atérieL  des  prisons ,.  pariie  majeure  et 
fo.ndaaieiii.taik  dans  Jeor  régime^ 

TITRE    III; 


CHAPITRE  1".  Du  gmdUn  et  de  ses  subordonnés^. 

Nous  avons  assea  fait  sentir  les  ineonréniens  de 
rantorîté  des  geôliers ,  soi t  que  la  loi  leur  en  accorde 
quelqu'une,  soit  que  la  cruelle  indulgecKce  de  ceixx 
qui  doivent  les  surveiller,  ferme  les  yeux  sur  leurs 
continuelles  usurpations  de  poavoir.  Il  est  inutile. de 
démontrer  de  nouveau  que  les  geôliers  ne  doivent 
avoir  aucun  pouvoir,  au-delà  de  celui  qui  leur  est  in- 
dispensable ,  pTour  atteindre  le  but  de  leur  institution, 
la  garde  des  prisonniers. 

Les  geôliers  ou. concierges  ne  doivent  donc  être 
que  des  gardiens  responsables,  et  sans,  aucune  autre  an», 
torité  que  celle  de  pure  administration,  sous  les  ordres 
et  d'après  les  indications  des  supérieurs*  Ils  ne  peu^ 
vent  infliger  aucune  peine  à  un  pri^naier,  ni  lui  re- 
fuser aucun  des  avantages, que  les  règlecnens  lui  assurent. 
Jfs  sont  tenus  de  recevoir  toutes  les  personnes,  vao-^ 
nies  de  permissions,  qui  demandent  à  visileir  les  dé- 
tenus, et  peuvent  seulement  faire  leur  rapport^  sur  les 


492  DES  PRISONS. 

dangers  que  pourroîent  avoîr,  à  l'avenir,  ces  pcr- 
fuissions,  sans  pouvoir  prendre  sur  eux  de  ne  pas  y 
déférer.  Du  reste,  ils  auront  le  droit  de  surveiller , 
comme  ils  Tentendront,  mais  sans  s'écarter  des  règ;le$ 
prescrites  dans  la  première  partie ,  les  prisonniers  et 
ceux  qui  les  viennent  voir  ,  pendant  les  visites ,  qui 
n'auront  lieu  qu'au  parloir. 

Il  rentre  encore  dans  leurs  attributions  de  répartir, 
dans  les  chambres  ou  ateliers ,  les  prisonniers,  à  Tios- 
tant  de  leur  arrivée.  Cette  distribution,  qui  a  pour 
objet  de  prévenir  les  dangers  de  la  réunion  de  certains 
prisonniers  avec  lesautj*es,  appartient  au  gardien.  Il 
fera  usage ,  à  cet  effet ,  des  notes  qui  lui  seroient  en- 
voyées par  le  procureur  du  Roi ,  chargé  de  veiller  à 
Texécution  des  condamnations.  S'il  y  a  réclamation 
contre  la, répartition  arrêtée  par  le  gardien,  il  y  sera 
statué  par  les  inspecteurs,  en  assemblée  de  com- 
mission. 

Ilseroit  à  désirer  qu'une  loi  positive  et  suffisamment 
détaillée,  réglât  les  droits  et  le^  attributions  des  con- 
cierges, et  portât  des  peines  sévères  contre.  toul«s  les 
infractions,  dont  ils  se  rcndroient  coupables.  En  at** 
tendant  cette  législation,  que  les  règlemens  de  1 7 1 7 
ne  remplacent  que  très-imparfaitëment^  les  commis- 
sions des  prisons  doivent  veiller,  avec  une  exactitude 
scrupuleuse ,  sur  la  conduite  des  concierge^ ,  et  répri- 
mer, par  la  crainte  d'une  prompte  et  infaillible  des- 
titution ,  des  abus  d^autorité,  ou  des  malversations,  que 
la  loi  devroit  punir  d'uâe  manière  précise  et  purgée 
d'arbitraire. 

Je  voudrois  d' abord  que  la  loi  qui  interviendra  ré- 
voquât la  faculté ,  sans  doute  imprudemment  accordée 


\ 


DU  PERSONNEL.  ^gi 

aux  geôliers ,  de  vendre  aux  prisonniers  des  boissons 
et  des  alinnens.  Simple  gardien,  jamais  le  concierge 
ne  doit  avoir  de  rapports  d'intérêt  avec  les  détenus  ^ 
qu'il  est  seulement  chargé  de  conserver  sous  la  main 
de  Tautorité.  Il  devroit  lui  être  défendu  de  vendre  la 
moindre  chose  aux  prisonniers ,  et  toute  violation  de 
cette  défense  devroit,  à  son  égard,  être  considérée 
comme  un  délit,  et  punie  d'une  peine  légale  et  pro- 
portionnée ,  par  exemple  d'une  amende ,  pour  la  pre- 
mière et  la  seconde  fois,  et  de  destitution  pour  la 
troisième ,  pour  le  seul  fait  de  Texerc^ce  d'un  com- 
merce illicite.  La  prison,  ou  toute  autre  peine  de  ce 
genre^  seroit  prononcée ,  danà  le  cas  oii  il  auroit  com- 
mis quelque  infidélité ,  suivant  la  gravité  des  cas. 

Dira-t-on  que  les  bénéfices  honteux,  mais  consi- 
dérables, que  procure  aux  geôliers  ce  monopole  auto- 
risé ,  sont  nécessaires  pour  les  indemniser  de  ce  que 
leurs  fonctions  ont  de  pénible  et  pour  les  détermiher 
à  s'en  charger  ?  Sans  doute,  privés  de  ce  gain  peu  ho- 
norable, mais  important,  les  gardiens  devront  être 
convenablement  payés  de  leurs  peines;  mais  cette  in- 
demnité, juste  et  nécessaire,  doit-elle  être  un  privi- 
lège immoral  et*  indéterminé,  et  présenter  le  scan- 
dale de  services  publics,  payés  par  la  permission 
d'exercer  le  monopole  et  Fexactiou  ?  Des  appoiiîtemens 
'modérés,  mais  suffisans,  et  surtout  déterminés  à  une^ 
somme  fixe>  ^e  seront-ils  pas  assez  avantageux  pour 
engager  à  prendre  ces  fonctions,  et  croit-on  qu'elles 
seront  dédaignées  à  l'avenir ,  parce  qu'elles  ne  seroient 
pas  plus  lucratives  que  celles  d'un  conseiller  de  Cour./ 
souveraine?  Combien  n'est  il  pas  d'hommes,  vrai-* 
ment  recommandables,  qui  s'estimeroient  heureux 


494  Ï>ES  PRISONS 

d'obtenir  ces  emplois ,  réduits  à  On  trafilement  fixe,  et 
dépotiillÀ  de  ces  privilèges  illégaux  >  qui  enrichissent 
et  déshonorent  tons  les  concierges!  Si*  ces  préposés 
éprouvent  souvent  les  rigueurs  de  Topinion ,  n'est-c^ 
pas  à  Tabus  qu'ils  font  i\e  leur  pouvoir,  et  à  leur  scan- 
daleuse et  niercantiie  avidité,  plutôt  qn^à  la  nature 
de  leurs  fonctions  en  elles-nriémes,  que  Ton  doit  at- 
tribuer cette  défaveur?  L'emploi  qu'ils  exercent  n'a 
rien  de  vil  en  lui-n>énie  ;  institués  dans  la  viie  de  l'in- 
térêt social,  qu'ils  garantissent  de  la  mantèr&  la  pi^ 
immédiate ,  en  réduisant  ses  ennemis  à  Timpuissahce 
de  nuire  s  et  uniquement  chargés  de  les  garder ,  dait^ 
les  lieux  destinés  par  la  ioî  à  cet  usage ,  les  concierges , 
qui  n'ont  aucune  rigueur  à  exercer  personnellement 
contre  les  détenus ,  n'auroient  pas ,  sans  doute ,  à  se- 
plaindre  des  mépris  de  l'opinion ,  si ,  contens  d'un 
Iraitement  fixe  et  honorable,  ils  ne  cherchoient  pas, 
dans  un  honteux  négoce ,  et  dans  d'immorales  spécu- 
lations, des  bénéfices,  qui  ne  devroient  jamais  souiller 
leurs  mains. 

On  les  relèveroit  sans  doute  encore  dans  l'opinion , 
en  épurant  leur  liste ,  et  en  n'y  admettant  à  l'avenir  que 
des  hommes,  dont  la  considératioiî  personnelle  pât 
répandre  elle-même  quelque  lustre  sur  leurs  Fonc-* 
tions.  Pourquoi  les  places  de  concierges ,  qui ,  natu- 
rellemeot,  semblent  devoir  faire  la  retraite  des  sous- 
officiers  de  gendarmerie,  ne  leur  sef oient-elles  pas 
exclusivement  réservées?  L'Etat  y  gagnerdit,  par  l'é- 
conomie de  la  solde  de  retraite  qui  leur  est  due,  et  les 
prisons,  gardées  par  d'anciens  militaires,  assez  braves 
pour  Imposer  aux  prisonniers,  et  assez  au  fait  de  leurs 
inœurs  et  de  leurs  habitudes ,  par  Texpérience  qu'ils 


DUPERâONNÉL.  l^^ 

atiroiént  acquise,  pour  les  adiDÎnistrer  eonvenable<^ 
ment  et  se  mettre  en  garde  contre  l^urs  manœuvres  y 
ne  seroîent  point  livrées,  comme  une  proie  à  dévorer, 
à  d'obscurs  protégés ,  qui  n'ont  souvent  pour  recont^ 
maùdation  que  des  services  privés ,  rendus  à  une  pei -^ 
s6ane  puissante ,  ou  leurs  liaisons  avec  quelque  subal- 
terne favorisé»  Ces  places  de  concierges  ou  gardiens 
ne  devroient  donc  être  données  qu*à  des  sous-offiiciers 
de  gendarmerie ,  ayant  au  moins  vingt>ans  de  service, 
tant  M1X  armées  que  dans  la  dernière  arme  ,  et  je  vou- 
drait que,  le  plus  possible ,  on  fît  tomber  le  choix 
^Qt.tkn  ipilitaire^  décoré  du  signe  de  Thonneur.  Pour 
les  prisons  considérables,  comme  les  maisons  cen- 
trales, on  pourroit  choisir  parmi  les  officiers  de  gen-^ 
darmerie ,  susceptibles  dé  la  retraite. 

Vu  t^l  concierge ,  respectable  par  lui-même ,  et  pai' 
ipne  espèce  de  gloire  personnelle ,  proportionnée  à  son 
ranget  à  sa  condition,  jouiroit  d'une  véritable  cqnsidé- 
râ^tion  dans  sa  piace ,  si,  attentif  à  observer  les  règles  de 
la  bienséance  et  ces  dehors  de  convenance ,  auxquels  Tes- 
pritde>corpshabituetouslesmilitaires,ilsavoit  toujours 
se  distinguer  des  hommes  confiés  à  sa  garde ,  par  une 
tenue  honnête,  et  une  conduite  régulière  et  décente,  \ 

sartont  ea  évitant  de  se  familiariser  avec  eux.  Un  mili- 
taire, plus  que  tout  autre  homme,  dans  la  classe  qui  four* 
pit  ordinairement  Ies€oncierges,séntira  ces  distinctions 
hiérarchiques,  qui  maintiennent  la  subordination  , 
et,  assujéti  par  on  règlement  et  des  inâpections  pério- 
diques,  à  ce  respect  de  soi-même,  première  source 
de  la  considération ,  il  jonira  toujours  de  cet  avantage, 
i{qe  les  €«acierges  d'aujourd'hui  perdent  si  prompte- 


496  DES  PRISONS. 

ment,  sans  que,  le  plus  souvent ^  on  puisse  les  en 
plaindre.  ^ 

Mais  les  nouveaux  gardiei^s  ne  conserveront  cette 
considération  précieuse ,  qu'autant  que  leurs  m^ains 
resteront  pures  des  scandaleux  bénéfices,  que  font 
leurs  prédécesseurs.  C'est  à  leur.désiotéressenient  qu'ils 
devront  cet  avantage;  et,  si  la  moindre,  spéculation 
mercantile  paroît  les  avoir  dirigés ,  i)s  perdront  sur- 
le-champ  l'estime ,  qu'on  accordoit  à  la  valeur ,  et-aax 
services  rendus  à  la  patrie ,  et  qu'on  refuse  aux  caloils 
sordides  de  l'intérêt  privé.  11  faut  donc  interdire  ab* 
solument  tout  trafic  aux  nouveaux  gardiens,  et,,  pour  les 
en  détourner  plus  sûrement,  attacher  une  note  d'in- 
iamie  à  ce  genre  de  contravention* 

Quant  au  traitement,  qui  sera  fixe,  et  assimilé  à 
celui  des  fonctionnaires  de  l'ordre  judiciaire,  il  me 
paroît  bien  suffisant ,  au  taux  actuel  ;et.quand  mi  l'aura 
restreint,  ou  plutôt  réhabilité,  par  le  retranchement 
des  profits  illégitiaies  du  monopole ,  il  semblera  en- 
core une  retraite  honorable  et  douce ,  à  ces  vétérans  de 
l'arifnée ,  qui  protègent  le  citoyen  pabible  contre  les 
attaques  de  ses  ennemis  de  l'intérieur ,  après  avoir  dé-- 
fendu ,  dans  vingt  batailles ,  l'honneur  «français  et 
l'indépendance  nationale.  Si  les  favoris  trouvent  ce 
prix  trop  vil  pour  leur  cupidité  ,  il$  cesseront  de  de--  - 
mander  et  d'obtenir  injustement.desfdaces,  dont  ils 
ne  sont  pas  dignes  et  qu'ils  ont  déshonorées. 

Un  concierge ,  seul ,  ne  suffira  que  rarement  pùor  la 
garde  des  prisonniers  ;  il  aura  souvent  besoin  de  s'ad*' 
joindre  plusieurs  personnes ,  pour  l'aider  dans  iSes  fonc* 
tions.  L'analogie  la  plus  naturelle  indique  de  le^ 


Ï)U  t^ERSONNEL.  l^j 

^Téntire  âaXàs  le  corps  estimable,  d'où  l'on  aura  tiré 
les  concierges.  G'ést  dans  le$  simples  gendarmes,  et 
surtout  parmi  les  militaires  décorés ^  qu'on  leur  trou- 
vera d'utiles  auxiliaires.  Réunis  sous  le  commande- 
ment de  leur  ancien  chef,  ces  vieux  rùilitaires  s'entre- 
tiendroietit  mutuellement  dans  ces  traditions  d'un 
honneur  ombrageux^  mais  incorruptible,  qu'on  ap- 
prend toujours  sous  les  drapeaux;  et^  si  leur  organisa- 
tioD  présentoit  encore  quelquechose,  qui  leur  rappelât 
leur  ancienne  et  chère  profession  ^  je  ne  douté  pas  que 
ces  ressouvenirs  de  gloire  n'eussent  sur  leur  conduite 
une  fouissante  ^t  noble  influence.  Lequel  d'entre  eux 
soutiendroit  l'idée  d'avoir  à  rougir  devant  ses  frères 
d'armes?  L'administration  intérieure  des  prisons  ne 
présenferoit  plus  le  spectacle  honteux  de  plusieurs  su- 
balternes, exerçant  à  l'envi  un  despotisme  avide ,  sous 
la  protection  d'un  chef,  qui  portage  leurs  malversa- 
tions ,  mais  celui  d'une  garnison  brave  et  disciplinée , 
qui  maintient  dans  le  devoir  une  ville  rebelle  j  en  res- 
pectant les  propriétés  et  les  personnes,  et  dont  le  dé^ 
smtéressement  égale  la  fidélité. 

Les  employés  subalternes  seront  toujours  en  nom- 
bre suffisant,  pour  qu'il  puisse  y  en  avoir  un  dans 
chaque  galerie  ou  chambrée ,  pendant  la  nuit,  et  dans 
chaque  atelier ,  pendant  le  jour.  Il  y  en  aura  toujours 
un  ou  deux  de  plus ,  pour  les  besoins  imprévus. 

Eli  faisant  une  réforme,  qui,  pour  être  efficace^  doit 
surtout  être  complète ,  il  sera  peut-être  bon  de  donner 
à  ces  préposés  une  organisation  et  des  caractères,  qui 
les  relèvent  à  leurs  propres  yeux ,  et  les  distinguent  ho- 
norablement de  ceux  qui  remplissent  actuellement 
les  mêmes  fonctions.  Peut-être  y  parviendroit-on ,  en 

3a 


4c^8  DES  PRISONS. 

leur  donnant  un  costume  on  deis  marques  dîstînctives, 
qui  les  fissent  respecter  dans  Tintërienr  des  prisons, 
sans  les  signaler  an- dehors  d'une  manière  trop  sensi- 
ble. Un  frac  bleu  avec  des  boutons  de  métal,  ponrroit 
atteindre  ce  double  but. 

Les  mots  ont  une  telle  influence  sur  ropihibn ,  qu'il 
seroit  peut-être  encoi'e  bon  de  leur  donner  une  autre 
dénomination  que  ces  noms,  successivement  devenus 
pdi^ux,  de  porte-clefs,  guichetiers,  geôliers,  etc..  On 
dira  peut-être  que,  si  ces  manières  de  les  désigner  ont 
cessé  de  convertir,  on  devra  craindre  le   même  in- 
convénient, pour  toute  autre,  qui  seroit  adojjlée^  Maïs 
celte  crainte  ne  seroit  fondée ,  qu'autant  que  les  choses 
resteroient  dans  Tétat  actuel  ,  et  que  les  préposés  dt's 
prisons  continueroient ,  comme  par  le  passé ,  à  souil- 
ler eux-mêmes  leur  réputation  ,  psr  leur  avidité.  Le 
nom  de  concierge,  qu'on  avoit  substitué  a  celui  de  geô- 
lier, participe  déjà  un  peu  de  la  défaveur,  qui  s'étoit 
attachée  à   l'autre   détiomination  ,   parce  qu'on  n'a 
changé  que  le  mot,  sans  changer  la  chose,  et  que  les 
gardiens ,  sous  le  nom  de  concierges ,  se  sont  permis 
autant  d'exactions  et  d'injustices,  que  sous  celui  de 
geôliers.  Mais  si  une  réforme  complète  abat  la  puis- 
sance illégitime  des  concierges,  et  leur  substitue  des 
gardiens ,  dont  le  désintéressement  soît  le  premier 
devoir,  et  que  de  sages  règlernens,  bien  exécutés,  en 
assurent  l'accomplissement,  il  est  bon  que  rien  ne  rap- 
pelle un  ordre  de  choses,  fait  pour  être  oublié ,  et  que 
les  nouveaux  gardiens  ne  portent  pas  un  nom,  qui  rap- 
pelle, mal  à  propos ,  des  défauts,  qu'onze  ponrroit  leur 
imputer.  * 

Les  dénominations  de  gardien  en  chef,  pour  U 


IW  PERSONNEL.  499 

principal  proposé , et  tle  gfiitles  ,  pour  les  suhaiternes, 
me  paroissent  convenir,  soit  par  l'analogie  qn'elles  ont 
entre  elles,  et  la  signîficatû)n  claire  qu'elles  présen- 
tent, soit  enfin,  parla  teinte  militaire  de  la  seconde, 
qui  pourra  la  rendre  agréable  a  ceiix  à  qnî  ou  Tappli- 
qnera.  Jl  est  plus  important  «^iroii-  ne  le  croiroit  d'â- 
bard ,  de  dénommer  les  emplois  dnru?  manière  qui 
plaise  aux  titulaires.  On  remplit  avec  plus  de  plaisir 
,de:s  fonctio^îs,  dont  le  nom  flatte  la  vanité,  et  satisfait 
Tamour-propre, 

On  pourroît  missi  doimer  à^ix  subalternes,  le  nom 
de  sous-gardiens;  ce  titre  anroit  Tavantage  de  mar- 
quer leur  position  hiérarchique,  et  de  les  désigner 
cqnime  les  auxiliaires  du  gardien.  On  choisira  entre 
ces  deux  dénominations. 

En  proposant  toutes  ces  réformes^  il  est  loin  de  ma 
pensée  de  demander  le  renvoi  des  concierges  actuels. 
De  quelque  manière  qu'ils  aient  été  promus ,  le  vice 
de  leur  origine  est  couvert  par  leur  possession  ;  la  ré- 
troactivité est  trop  odieuse ,  pour  que  je  ne  repousse 
pas  avec  force.,  toute  mesure  ,  qui  en  seroit  entachée* 
Les  hommes  qui  sont  en  place  y  lesteront,  mais  à 
condition  dé  se  conformer  exactement  aux  nouveaux 
règlemens.  S'ils  s'y  refusent,  ils  seront  remplacés,  et 
n'auront  pas  le  droit  de  s'en  plaindre. 

Quant  à  ceux  qui  seront  ni.-mmcs  à  leur  place,  ils 
nele  seront  que  d'après  les  règles,  que  noiis  venons  d'é- 
tablir ,  et ,  de  cette  manière ,  la  nouvelle  administra- 
tiou  s'organisera  insensiblement  ,  et  sans  sec9usse4 
Mais  on  aura  soin  d'établir  une  barrière  insurmon- 
table entre  l'avenir  et  le  passé.  Une  nouvelle  ère 
commencera  pour  les  gardiens ,  et  ceux  d'entre  eux  , 


Soo  DES  PRISONS. 

qui  voudroîent  conserver,  de  rancien  ordre  de  choses, 
des  souvenirs  contraires  au  nouveaa  système,  devront 
éire  renvoyés  sans  hésiter. 

CHAPITRE  IL  Ou  Greffier  rédacteur. 

Nous  avons  fait  sentir ,  dans  la  première  partie  (i) , 
la  nécessité  d'un  greffier  rédacteur ,  chargé  de  concou- 
rir, avec  le  geôlier,  an  soin  de  dresser  les  états ,  et  de 
constater,  jour  par  jour,  la  situation  de  la  prison.  On  * 
se  rappelle  que  nous  avons  désiré  qu*t)n  le  rendît  res- 
ponsable du  défaut  de  rédaction  ^  tandis  que  le  gar- 
dien ,  de  son  câté ,  répondroit  de  Texactitode  de  toutes 
les  déclarations.  Nous  ne  reviendrons  point  ici  sur  les 
détails,  qui  feroient  un  double  emploi ,  nous  insisterons 
seulement  sUr  là  nécessité  d'attacher  un  de  des  fonction- 
naires à  toutes  leis  prisons,  grandesou  petites.  Mais,  pour 
ne  pas  charger  inutilement  le  Trésor  de  traitemens,  qui 
pourroient  être  multipliés,  et  par  cela  même  onéreux, 
on  devra ,  pour  le$  prisons  peu  importantes ,  charger 
de  tes  fonctions  une  personne,  déjà  employée  dans  Tad- 
ministration ,  pal*  exemple ,  te  secrétaire  de  la  Mairie  ^ 
ou  un  conimis  greffier  des  tribunaux;  une  légère  in- 
demnité suffira  pour  payer  des  fonction; ,  qui  n'au^ 
ront  quelque  importance  que  dans  les  grandes  prisons. 

On  sait  que  les  greffiers  ne  pourront  pas  loger 
dans  le  bâtiment  même  de  la  prison  ;  mais  rien  n^em- 
pécheroit  de  les  loger  aux  frais  du  Gouvernement ,  et 
ce  logeipenty  dans  bien  des  cas,  pourroit  faire  toute 
leur  indemnité*  • 

(i)  Pages  Ô7  et  5(^. 


DU  PERSONNEL.  5oi 

CHAPITRE  III.  Des  Inspecteurs  des  prisons^ 

En  réduisant  les  concierges  au  simple  rôle  de  gar-*. 
^ensy  le  seul  qui  leur  convienne ,  et  en  leur  refusant 
kl  police  des  prisons  et  le  droit  de  prendre ,  à  l'égard 
^es  dëlenus,  aucune  décision.,  il  faut  nécessairement 
que  cettç  autorité-  soit  confiée  à  des  fonctionnaires  , . 
de  la  part  desquels  on  a'ait  pas  à  craindre  qu'ils  en 
abusent  et  qui,  en  même  temps,  puissent  se  livrer 
complètement  à  la  surveillance  qu'en tr9Înent  ces  at- 
tributions. Le  Gode  d'instruction  criminelle  a  donné 
la  police  des  prisons  à  l'autorité  municipale,  réunis- 
sant ain^li  sur  la  même  tête,  tous  les  pouvoirs  protec- 
teurs des.  citoyens ^^  soit  dan&.  l'état  de  liberté  ,  soit , 
dans  les  fers.  Le  législateur  espéroit  sans  doute  que  ces 
aâmi,nistr4iteurs  s'occoperoient  avec  le  même  zèle  des 
uns  et  des  auti'es.  Sa  confiance  a  été  trompée.  On  sait 
combien,  Jusqu'à  ce  jour,  Tin^ervention  des.munici>- 
.palités  dans  les  prisons  a  été  illusoire. 

Pénétré,  de  l'idée  que  des  fonctionnaires  spéciaux 
pouvoient  seuls  remplir ,  avec  assez  de  zèle  et  d'assi- 
duité., que. surveillance,  qui  devenoît  une  surcharge 
pour  les  administrations  municipales ,  déjà  investies, 
de  tant  d'autres  attributions ,  le  Roi ,  par  son  ordon- 
nance du  9  avril  1819^,  a  ordonné  la  formation,  dans 
chaque  ville  où  il  y  auroit  des  prisons,  d'une  commis- 
sion, de  trois  à  sept  membres,  chargée  de  la  surveil- 
lance intérieure-,  des  marchés  à  passer  avec  les  four- 
nisseurs, et  de  l9  rédaction  de  rapports  périodiques 
sur  les  différentes  parties  du  régime  des  prisons.  Ces 
commissions  répondent  à  peu, près  à.  celles  que  nous 


5o2  DES  PIIISONS. 

avons  proposé  (.riiisûtner,  sousleùoiii  de  coniniîssîoïki 
ci  inspecteurs.  Je  voudroîs  seulenienl  qu  on  ajoutât  à 
leurs  fonctions  la  police  des  prisons ,  si  négligée  par  les 
municipalités  f  qui ,  presque  partout,  Tout  laissé  usur- 
per par  les  geôliers.  Déjà  investis  d'une  forte   portion 
d'autorité  adhiinistrative,  par  le  droit  d'adjudication 
et  celui  de   rapport,  pourquoi   les  inspecteurs  aan- 
roient-ils  pas  la  police ,  qu'euxseuls ,  à  ce  que  je  pense, 
rempliront  d'une  manière  satisfaisante,  et  pourquoi 
les  réduire  au  rôle  de  simples  conseillers  d'un  officier 
municipal,  quand  ce  fonctionnaire  ne  fera   jamais 
qu'attacher  son  nom  et  la  sanction   de  son  autorilé 
aux  décisions  qu'ils  lui  dicteroient?  S'il  est  nécessaire 
de  prendre  quelque  mesure  de  police ,  de  punir. nu 
prisonnier,  onde  faire  cesser  une  rigueur  arbitraire, 
exercée  à  son  égard  par  le  gardien,   fandra-t-il  que 
rinspecteur>  ou  même  la  commission  toute  entière, 
'aprèsen  a  voir  reconnu  la  nécessité,obtienne  d  un  maire, 
qui  ne  sera  instruit  que  par  son  rapport,  un  aveugle 
excquaiur^  pour  sa  décision?  C'est  ici  faire  intervenir 
mal  à  propos  une  autorité  de  plus^  sans  avantage  réel, 
et  avec  l'inconvénient  de  retarder  Texécution  de  dé- 
cisions, souvent  urgentes.  D'ailleurs,  en  administra- 
tion ,  un  fonctionnaire,  qui  n'ajoute  rien  aux  garanties 
déjà  assurées  et  qui ,  sans  accélérer  l'exécution ,  ou  la 
rendre  plus  certaine ,  ne  fait  qu'attacher  son  nom  à 
la  décision  prise  par  un  autre,  est  une  superfluité, 
qu'on  peut  et  qu'on  doit  même  écarter.  Les  officiers 
municipaux  sont  précisément  dans  ce  cas ,   à  l'égard 
de  Ifi  police  dés  prisons.  La  nécessité,  où  l'on  se  trouve, 
de  créer  des  inspecteurs,  prouve  qu'il  a  fallu  confier 
^  d'autres  qu'aux  maires ,  la  surveillance  des  prisons. 


DU  PERSONNEL.  5o3 

Quant  à  la  police,  qui  en  f;ût  nue  dépendance  néces- 
saire, elle  doît  être  remise  sans  parlçige  dans  les 
inêmes  mains. 

Les  inspecteurs  auront  donc  une  autorité  réelle 
dans  la  prisoq  ;  ils  feront  appliquçr  les  règlemens , 
puniront  les  fautes,  qui  n'excèderoient  pas  la  compé- 
tence des  tribunaux  de  poliqç  et  exerceront  la  police 
judiciaire  ,  à  Tégard  des  délits  ou  crînies  caractérisés. 
Les  gardiens  recevront  leurs  ordres,  sur  toutes  les  par- 
ties du  service,  et  leur  diçvront  yne  entière  sou- 
mission. 

Nous  avons  défaille  dans  la  première  partie.  (  i  ) ,  les  \ 
divejrses  atjributians  d^  la  commission  des  in^iccteurs 
çt  dç  çhciçnn  de^  inspecteurs  en  particulier.  Il  est  inu- 
tiles de  le  répéter  ici» 

Nou§  ne  reviendrons  pas  non  plus ,  sur  les  çopditions 
çt  le  mode  de  leur  noniin<%.tioj[i ,  qui  y  sont  suffisam  • 
jmef\t  expliquas  (2)[, 

Il  suffit  dç  rappeler,  que  la  commissioa  devra  se 
réunir ,  au  moins  une  fpis  par  semaine ,  pour  nommer 
jjn  de  ses  membres»  chargé  de  faire,  jusqu'à  la  future 
assemblée,  l'inspection  quotidienne  des  prisons.  Nous 
avons  désiré  l'établissement  4e  commissions  «léparte- 
mentales  ou  d'arrondissement ,  sous  le  nom  de  con- 
seils des  prisons,  qui  seroient  chargées  de  dresser  les 
r^glemcns  généraux,  de  présenter  aux  places  de  gar- 
dien en  chef,  et  de  nommer  aux  emplois  subalternes. 
Nons  ayons  démandé  que  ces  commissions  tinssent  des 
^ssembléçst(*ime$lrieUes,  où  lescommissionsd'inspec- 

(i)  Pages  yoetsuiv. 

(2)  Pages  64-70.  ) 


5(v4  ^  BES  PRISONS, 

teurs  rendroieul  le  compte  de  leur  gestion  et  de  rétai 
des  prisons  confiées  à  leur  surveillance  ,  et  qu'elles- 
mêmes  fissent  tous  les  ans ,  à  la  Société  Royale,  le 
rapport  de  Tétat  des  prisons,  situées ' dans  leur  res- 
sort. Nous  nous  en  référons  à  ce  que  nous  avons  dit 
dans  la  première  partie  (i),  sur  la  nécessité  de  celte 
chaîne  hiérarchique  d'autorités  surveillantes,  et  sur 
les  formes  et  Tobjet  des  divers  rapports ,  dont  elles 
sont  chargées.  Nous  nous  bornons  ici  à  réclamer  de 
nouveau  Texécution  de  ce  plan ,  dans  lequel  entrent 
tous  les  élémens  préparés  par  la  sollicitude  du  Gon- 
Demçnt. 

Il  seta  souvent  nécessaire  d'adjoindre  à  la  commis- 
sion des  inspecteura,  quelques  dames  charitables,  qui 
rendront  aux  prisonniers  certains  services  d'écono- 
mie domestique,  auxquels  des  hommes  seroient  peu 
propres.  Elles  jurant  la  direction  du  linge  et  du  ves-- 
tiaire  et  se  chargeront  de  tous  leis  détails,  de  cette  ré- 
gie. Ces  dames  seront  choisies,  en  général ,  parmi  les 
plus  considérées  et  les  plus  respectables,  et  surtout 
parmi  celtes  qui  auroient  quelque  habitude  de  l'admî- 
nistration.  Elles  seront  comptables  des  deniers  qu'elles 
emploieront.  Cette  mesure  d'ordre ,  qui  n'a  rien  de  fâ- 
cheux pour  des  personnes  intègres,  est  indispensable  et 
par  conséquent  ne  peut  humilier,  quand  il  s'agit  de 
fonds  publics.  Les  comptes»  qui  seront  dressés  d'après 
les  formes  ordinaires  en  administration  ,  seront  reçus 
et  apurés  par  la  commission  des  inspecteurs  ,  sur  le 
visa  desquels  la  décharge  sera  donnée  aux  dames  de 
pharité.  On  pourra  toutefois  les  dispenser  de  rendre 

(i)  Pages  5i  et  suîv. 


DU  PERSONNEL.        ^  5g5 

compte  des  sammes.  qu'elles  recevroieni  à  titre  tfaii- 
n)ône5,qudpd  la  commission  des  inspecteurs  n'y. aura 
pas  vu  d'inçonvénienL  Mais  cette  dispense  ne  pourra 
jamais  valoir  que  pour  tin.  an,  sauf  à  être,  renouvelée. 

CHAPITRe  ly.  i?^  Aumôniers, 

Il  y  aura  un  aumônier  catholique,  daps  chaque, 
prison ,  définitive  ou  provisoire.  Cependant ,  si ,  dans 
une  ville  qui  a  plusieurs  prisons  ,  le  non^lpre  d^  déte- 
nus ,  qu'elles  renferment  toutes  ensemble ,  ne  s'élève 
pas  à  plus  de  cent ,  un  seul  fiumâniér  pourra,  faire  le. 
service  des  divçrses  prisons. 

Cet  ecclésiastique  ne  sera  attaché  à  aucune  paroisse, 
de  la  ville;  mais  il  $e  consacrera  exclusivement  au 
service  des  prisons.  Il  y  exercer;^  toutes  les  fonctions, 
sacerdotales^  l'administration  des  saçremens,  la  célé- 
bration des  offices,  l'instruction  des  prisonniers,  etc. 
Il  recevra  du  Gouvernçment  un  traitement  égal  au 
minimum,  attribué  'du%,  vicaires,  dans  Içs  paroisses 
de  la  ville  où  il  résidera 

Les  détenus  des  communions  protestantes  et  des 
autres  religions ,  pourront  recevoir  les  recours  reli- 
gieux de  leurs  nfiinistres ,  qui  se  feront  préalablement 
agréer  à  cet  effet;  ces  aumôniers  non  catholiques  ne 
recevront  aucun  traitement  du  trésor  public. 

L'aumônier  aura  séance  et  voix  consultative  dans 
les  assemblées  des  inspecteurs^  si  d'ailleurs  \\  n'^faif 
point  partie  de  la  commission* 

CHAPITRE  V.  De  V Instituteur. 
L'instituteur  sera  choisi  parmi  les  personnes  adon- 


5o6  DES  PRISONS.      . 

néesà  l-iastrurtioD  publique,  qai  résident  dans  la  vîUe 
où  sgnt  établies  les  prisons. 

II  recevra  on  Iraîlement ,  proporliofiqé  à  VéfeTiihje 
de  la  prison  ,  où  il  exercera  3^s  fondions. 

Il  sîéfçera  à  côté  des  inspecteurs,  dans  les  cérémonies 
publiques ,  et  dans  les  assemblées  générales- 

Ses  fonctions  seront  plus  «amplement  détaillées,  au. 
chapitre  de  rinstructiou  civile. 

CHAPITRE  Vî.  Des  Officiers  de  Santé. 

Les  prisons  auront  «les  médecins  ,  dan$  la  même, 
proportion  que  celle  établie  pour  les  aumôniers. 

Dans  les  maisons  centrales  ou  dans  les  prisons  par- 
ticulières, d'une  population  considérable,  on  pourra 
adjoindre  au  médecin  un  chirurgien  et  un  élève,  pour 
le  service  de  Tinfirmerie. 

Les  appoîntemens  de  ces  officiers  de  santé  ne  peu- 
vent être  déterminés  que  par  des  règleraens  locaux. 
Dans  les  petites  villes ,  et  pour  les  prisons  peu  con- 
sidérables, l'indemnité  pourra  se  réduire  au  logement. 
Dans  les  prisons  peu  nombreuses ,  un  pharmacien 
de  la  ville  sera  chargé  de  venir,  un  certain  nombre 
d'heures  chaque  jour ,  pour  faire  les  préparations  né- 
cessaires. 

Dans  les  grandes  prisons,  il  y  mira  un  pharmacien 
à  demeure,  qui  aura  ta  garde  et  la  manutention  de  la 
pharmacie,  et  dont  la  comptabilité  se  réglera,  dans  la 
forme  usitée  en  administration  ,  sur  des  états  visés  et 
approuvés  par  le  médecin. 

La  commission  des  inspecteurs  désignera  ,  avec  la- 
grément  des  officiers  de  santé ,  un  nombre  d'hpmmes 


DU  PERSONNEL.  So? 

siiffisanl ,  pour  le  service  de  riii6rmerie  et  de  la  phar- 
macie. Ces  préposés  seront  pris,  autant  qiie  possible, 
parmi  les  prisonniers,  qui  auront  mérité  cette  dis- 
tinction par  leur  bonne  conduite.  Elle  leur  sera  ac- 
cordée à  titre.de  récompense,  et  jamais  autrement, 
et  ces  nominations  seront  proclamées,  en  présence  des 
^prisimnîers,  dans  les  séances,  qui  auront  lieu  de  texnps 
en  temps. 

Telles  sont  les  diverses  personnes,  qui  se  partage- 
ront Tadministration  et  le  service  des  prisons.  Leur 
mission  sera  d'y  entretenir  le  bon  ordre,  et  de  faire 
jouir  les  prisonniers  do  tous  les  avantages  d'un  bon 
régime  physique  et  moral.  Il  nous  reste  à  exposer  les 
détails,  dont  se  compose  Tadministration,  dont  elles 
sont  cbargécs. 

pTITRE  IV. 

DÉ    LA    D  ISCIPLINE. 


CHAPITRE  I".  De  la  discipline  en  elle-même. 

Section  i".  De  la  distinction  des  prisonniers. 

Lks  causes  de  détention  sont  si  différentes  les  unes 
^les  autres,  et  il  y  a  tant  de  disparate  entre  les  pri- 
soiHuers  des  diverses  classes,  qu'il  est  généralenient 
reconi;in  qu'on  ne  satu'oil ,.  sans  injustice,  les  sou- 
mettre tous  à  la  .même  discifdine  et  au  même  régiraxî. 
Les  uns-,  encore  en  possession  de  tous  leurs  droits  d^e 
citoyen,  qu'une  condamnation  irrévocable  peut  seule 


5o8  DES  PRISONS. 

leur  enlever;  les. autres,  dépouillés  par  un  arrêt  mfa-x 
inant  de  tout  ce.  qui  nous  paroît  donner  quelque  prix 
à  la  vie,  la  fortune. et  Thonneur,  et  condamnés  à  deS: 
travaux  continuels  et  forcés,  forment  .bien  certaine- 
ment deux  classes  trop  distinctes,  pour  que  les.  mêmes., 
règles  puissent  leur  être  appliquées.  On  remarquera, 
cependant,  que  nous  n'avons  parlé  ici  que  des  dé-, 
tenus ,.  dont  la  captivité  a  pour  cause  un  procès  cri- 
minel, et  que  nous  avons  passé  sous  silence  d'autres 
prisonniers,   auxquels  il   nous,  coûte  de   donner  ce 
nom  affligeant ,  et  qu'on  ne  peut,  sans  gémir,  voir 
confondus  avec  les  premiers,  les  débiteurs  insolvables, 
et  les  enfaqs  détenus  en  vertu  de  la  puissance  paternelle. 
La  première  mesure  que  l'on  doive  prendre,  et  le, 
fondement  de  toute  bonne  discipline,  c'est  la  divîr- 
sion  des  prisonniers,  à  raison  de  la  cause  de  leur  dé^ 
tention. 

La  captivité  légale  a  cinq  origines,  auxquelles  se. 
rapportent  toutes  les  causes  de  détention  :  i.°  la  puis- 
sance patemélfe  ;  2.^  la  contrainte  par  corps ,  en  ma- 
tière civile;  3.«  le  vagabondage  ;  4«°  la  naise  en  préven- 
tion ou  en  accusation  ;  5.^  les  jugemens  ou  arrêts  des 
tribunaux  de  police  correctionnelle ,  ou  des  cours  d'as- 
sises. Il  est  incontestable  que  les  détenus  de  ces  cinq 
classes  ne  peuyent  pas  être  réunis  dans  les  mêmes  pri- 
sons. Mais  il  n'est  pas  nécessaire  de  leur  assigt^er ,  dans 
tous  les  cas,  cinq  prisons  distinctes  et  séparées  ;  ce  n'est 
que  dans  les  villes  considérables; ,  qui  fournissent  aux 
prisons  une  population  nombreuse,  qu'il  peut  être 
utile  d'en  établir,  pour  chacune  de  ces  catégories; 
dans  la  plupart  des  départemens ,  certaines  classes  de 
prisonniers  sont  si  peu  nombreuses ,  que  les  prisons , 


DE  LA  DISCIPLINE.  609 

qti^on  leur  assigneroit^  seroient  presque  toujours  vides. 
Il  suffira  donc  d^uhe  distribution  plus  convenable  dès 
prisonniers,  et  de  trois  ^  ou ,  tout  au  plus,  quatre  pri- 
sons ,  pour  tous  les  besoins. 

Nous  avons  déjà  fait  voîr(i)en  quoi  est  vicieuse  la  di- 
vision, introduite  par  le  Code  d'instruction  crimipelle, 
en  prisons  pour  peines  et  maisons  d'arrêt  et  de  justice, 
par  TefEet  de  laquelle  on  sépare  les  prévenus  des  ac- 
cusés, pour  confondre  ces  derniers  avec  des  condamnés. 
Nous  en  avons  conclu  la  nécessité  de  diviser  les  prison- 
niers en  inculpés  et  condamnés,  et  de  ne  mettre  que  les 
premiers  dans  les  maisons  d'arrêt ,  en  réservant  aux 
iii verses  classes  de  condamnés,  les  maisons  de  justice 
et  les  prisons  pour  peines.  Voici  comment  pourra  s'o- 
pérer cette  répartitiop. 

Les  prévenus  et  les  accusés  >  jusqù^à  leur  jugement 
ou  arrêt ,  seront  gardés  dans  les  maisons  d'arrêt.  Celle 
du  chef-lieu  de  département  sera  disposée,  pour  re- 
cevoir les  accusés,  envoyés  par  les  tribunaux^d'arron- 
dissement ,  à  chaque  session  des  assises.  La  maison  de 
justice  sera  réservée,  pour  les  prisonniers  dondamnés, 
par  voie  de  police  correctionnelle ,  à 'un  emprisonne- 
ment de  moins  de  six  mois ,  et  aux  condamnés  pour 
crimes,  pendant  leur  pourvoi.  Quant  à  ceux  qui  au- 
roient  été  condamnés,  par  les  tribunaux ,  à  plus  de  sit 
mois  d'emprisonnement,  ou  par  les  Cours  d'assises,  à 
la  réclusion ,  après  que  leur  condamnation  sera  de- 
venue irrévocable ,  ils  seront  envoyés  dans  les  mai- 
sons centrales  ou  départementales ,  pour  y  subir  leut 

peine. 

Il  restera  à  placer  trois  classes  de  prisonniers ,  les  va-' 

(1)  Page  570. 


5 10  bES   niISÔNS. 

gabonds,  les  dctenus  pour  dettes,  et  les  eufans  renfer- 
més en  verUi  de  la  puissance  paternelle.  Les  premiers 
sont  presque  des  prévenus;  ils  sont  v.u  ilmins  dans  la 
même  position,  puistjue  ^  s'ils  ne  sont  pas  précisé- 
ment dans  le  cas  d'encourir  les  peines  portées  conire 
le  Vagabondage,  ils  inspirent  à  peu  près  les  mênKS 
soupçons  et  la  même  défiance  cpie  les  prévenus.  Il  n'y 
a  (îonc  pas  le  moindre  inconvénient  à  les  renfeiiner 
dans  les  maisons  (farrêt^  dans  la  plupart  deis  départe- 
mens,  où  le  nombre  de  prisonniers  de  chaque  classe 
tï'est  point  assez  grande  pourqn'on  leur  construise  une 
prisoli  à  part.  Ou  ïi'aura  pas  d'ailleurs  à  craindre  pour 
eux  les  effets  d'une  Corruption  ihorale  ,  au-dessous  de 
laquelle  se  trouvent  la  plupart  de  ces  malheureux. 

Quant  aux  enfans  et  aux  débiteurs ,  il  y  auroît 
imprudence  et  cruauté  à  les  renfermer,  soit  dans  les  ■ 
maisons  de  justice,  soit  même  dans  les  maisons  d'ar- 
rêt ;  ils  ont  droit  à  tout  leur  honneur  et  tout  le  mondé 
sait  combien  le  compromet  le  séjour  dans  tnie  de  ces 
prisons.  Il  faut  donc  toujours  leur  assigner,  h  part,  ufie 
maison  de  force,  où  la  discipline  se  borne  aux  règles, 
strictement  nécessaires  pour  la  sûreté  et  le  bon  ordre; 
Mais  rien  n'euipêche  de  réunir  ensen^ble  ces  deux 
classes  de  prisonniers,  dont  la  position  est  la  nlême  et 
dont  la  conduite  presque  toujours  déréglée ,  sans  être 
perverse,  n'a  souvent  que  trop  de  ressemblance. 

Au  moyen  de  cette  répartition,  trois  prisons  ou  du 
moins  trois  classes  de  prisons  suffiront ,  dans  tous 
les  cas  :  celles  des  inculpés,  celles  des  condamnés^ 
et  celles  des  détenus  par  l'effet  des  lois  civiles.  Les 
prisons  définitives,  servant  pour  tout  un  départe- 
ment ,  souvent  même  pour  plusieurs  départemens  à 


DE  LA  DISCIPLINE.  5ii 

la  fois,  complètent  ce  système  qui  paroît  suffisant 
pour  tous  les  besoins  et  donne  le  moyen  rie  séparer 
les  prsonniers,  autant  qu'on  peut  le  (désirer,  sans 
multiplier,  par  des  classifications  inconsidérées,, 
le  nombre  des  prisons  qui  doivent  les  recevoir* 

Qnant  à  la  division  des  sexes,  elle  est  si  indispen- 
sable qu'il  est  presque  inutile  de  la  rappeler  ici. 
Je  n'en  parlerai  que  pour  faire  une  observation  de  dé- 
tafil  :  c'est  que,  dans  le  cas  où  la  même  prison,  sépa- 
rée en  deux  parties  liien  distinctes,  sera  jugée  suscep- 
tible de  renfermer  des  hommes  et  des  feamies,  la  di- 
vision des  bâtimens  devra  être  absolue,  et  un  che^ 
min  de  ronde  séparera  toujours  deux  quartiers,  qui 
ne  doivent  jamais  se  confondre.  Les  murailles,  quel- 
que épaisses  qu'elles  soient ,  ne  sont  pas  une  séparation 
suffisante  ;  on  en  a  vu  des  exemples. 

Sectiotî  h.  Dû  la  discipline  qui  cohçient  h  chaque 

classe  de  prisonniers. 

lN])EP£NDAMBt£i<T  dcs  cousidérations  morales,  qui 
ï-endent  indispensable  la  séparation  des  prisonniers , 
cette  mesure  est  encore  impérieus^^mént  commandée 
par  la  nécessité  de  les  soumettre ,  d'après  leurs  classeà  ^ 
à  une  discipline  différente. 

Il  est  des  règles  générales,  que  tous  doivent  obser- 
ver et  qui  forment  la  discipline  commune  dés  prisons. 
Elles  ont  pour  objet  la  sûreté,  le  bon  ordre  ,  la  sahi- 
brité  ,  et  il  n'est  point  de  prison,  où  elles  ne  doivent  re- 
cevoir leur  exéciition.  Ainsi ,  partout,  les  prisonniers 
doivent  une  obéissance  entière  et  instantanée  au  gar- 
dien en  chef;  ils  ne  peuvent  jamais  refuser ,  ni  même 
différer  l'exécution  de  ses  ordres.  Mais  cette  obéissance 


5 11  DÉS  PRISONS. 

absolue  h^exclut  pas  le  droit  de  réclanialioa  ;  àïh  \é 
suppose  même  et  le  rend  inattaonable.  Audsi,  tout 
prisonnier  a  le  droit  de  faire  entendre  ses  plaintifs,  par 
la  voie  qui  lui  Cornaient  te  mieux  ;  réclamation  vierbale, 
lors  de  la  visite  de  Tinr.pecteur,  pétition  écrite  «  appel 
dans  certains  cas  t,  tous  les  moyens  lui  sont  permis  et 
assurés,  pour  faire  cesser  l'arbitraire  dont  il  seroit 
victime. 

Les  prisonniers  doivent  partout  .respecter  Tordre 
et  se  conformer  aux  règlemens  qui  le  garantissent* 
Ainsi  y  toutes  dispositions  réglementaires,  sur  les  ali- 
mens  et  la  manière  de  se  les  procurer ,  sur  les  jeux  » 
sur  les  heures  des  différens  exercices ,  sont  des  règles 
obligatoires  pour  eux,  dans  quelque  prison  ^ue  ce 
soit.  11  en  est  de  même  de  celles  qui  ont  rapport  à  la 
salubrité.  Ce  sont  des  lois  d'intérêt  général  t,  qu'il  n'est 
pas  plus  permis  d'enfreindre  dans  les  prisons  que  dans 
la  société. 

Les  bonnes  mœurs  et  la  déd^ntë  doivent  encore 
être  respectées,  dans  toutes  les  prisons ,  et  par  quel- 
ques détenus  que  ce  soit.  La  sûreté  des  personnes  et 
rinviolabilité  des  propriétés  doivent  également  être 
garanties,  dans  tous  les  cas.  Il  n'est  point  de  position , 
qui  donne  le  droit  de  violer  ces  lois  éternelles;  et^  à 
plus  forte  raison,  doit-on  y  tenir  la  main^  dans  les  pri« 
sons,  qui  ne  peuvent  pas  être  privilégiées  pour  l'immo- 
ralité. Une  règle  fondamentale  et  dont  on  ne  devra 
jamais  s'écarter  dans  aucune  prison ,  c'est  de  suivre  j 
dans  la  distribution  de  la  journée ,  eti  en  général,  dans 
toute  l'administration,  un  ordre  constant  et  invariable. 
Jamais  les  heures  des  travaux,  des  repas,  des  exerci- 
ces ne  doivent  être  changées.  Les  prisonniers  doivent 


DE  LA  DISCIPLINE.  Si3 

toujours  savoir  ce  qu'ils  vont  avoir  à  faire  et  ne  pas 
être  trompés  dans  leur  attente.  Cette  attention 
est  d'une  importance  majeure  pour  le  règlement  des 
mœurs. 

Telles  sont  les  règles  générales,  que  Ton  doit  obser- 
ver dans  toi>tes  les-prisons  et  maisons  de  force.  Aucune 
classe  de  prisonniers  ne  peut  en  être  dispensée ,  parce 
qu'elles  ont  pour  objet  de  maintenir  Tordre.  Mais  la 
disciplina  sera  plus  sévère  dans  les  prisons  de  coudam- 
nésquedans  les  autres.  Là,  il  ne  s'agit  plus  seulement 
de  garder  le  détenu  ;  il  faut  le  corriger  et  même  le  pur 
nir;  il  n'a  plus  le  droit ^de  demander  que  la  prison 
n'ait  pour  lui  d'autre  inconvénient  que  de  l'arracher 
à  sa  famille  et  à  ses  affaires  ;  c'est  un  lieu  d'expiation, 
où  la  loi  le  condamne  à  souffrir ,  pour  l'exemple  des 
autres  et  la  réforme  de  ses  penchans  vicieux  ;  il  faut 
donc  qu'il  y  subisse  toutes  les  conséquences  de  sa  con- 
damnation ;  mais  aucune  rigueur  accessoire  n'y  doit 
être  ajoutée.  Exacts  observateurs  de  la  loi  et  des  arrêts  , 
les  chefs  des  prisons  pour  peines ,  n'ont  le  droit  ni 
d'être  cléments ,  ni  d'être  cruels.  Au  souverain  seul 
appartient  le  droit  d'alléger  la  peine,  parunecommu* 
tation  légitime  ou  une  abréviation  de  sa  durée;  les 
administrateurs  n^e  peuvent  que  diriger  ses  regards  sur 
ceux  qui  leur  paroissent  dignes  de  cette  récompense,  et 
cette  tâche  est  assez  douce,  pour  les  dédommager  de  la 
rig^ueor  ordinaire  de  leurs  fonctions. 

Il  est  une  règle  fondamentale  de  la  discipline  des 
prisons  :  c'est  qu'elle  doit  être  identiquement  la  même, 
potsr  tous  ceux  qui  ont  encouru  la  même  peine.  Leur 
sort  doit  être  absolument  semblable,  puisque  leur 
condamnation  a  été  la  même.  Une  parfaite  égalité 

ii 


I» 


5i4  DES   PRISONS. 

lioît  régner  entre  ceux  que  rassemble  Une  commune 

ignomime.  Il  ne  devra  donc  y  avmr  dans  ces  prisons , 
ni  exemption  des  travaux  ordinaires,  ni  chambres 
particulières  ou  pistoles,  ni  dispense  de  porter  Tha- 
biiienient  commun,  distinctions  aussi  injustes,  que  fâ- 
cheuses pour  les  uns ,  et  souvent  ruineuses  et  funestes 
pour  les  autres. 

^  Dans  ces  prisons,  d'tmr^rae  austère,  la  surveillance 
doit  aussi  s'exercer  d'une  manière  beaucoup  pitis  active 
et  plus  sévère  que  dans  les  autres.  Làypltisdeces  Biéna- 
gemens,  réserves  pour  les  prévenus  et  tes  autresclasses  de 
détenus,  auxquels  on  devra  toujours,  autant  que  possi* 
ble ,  cacher  les  liens  qui  les  retiennent.  Les  prisonniers 
seront  assujëtis  à  des  appels  joitmaliers,  à  des  visites 
fréqueutes  ,  à  des  ibuilles  >  quelquefois  imprévues , 
mais  toujours  motivées,  enfin  à  toutes  les  mesures  de 
précaution ,  que  |a  prudence  peut  suggérer  au^  gar* 
diens.  Dans  les  prisons  4es  prévenus ,  la  surveillance 
doit  surtout  s'exercer  à  l'extérieur  et  de  la  manière  la 
:plus  inaperçue  ^  dans  criles  des.  condamtiés ,  on  em- 
ploiera tous  les  moyens  nécessaire^ ,  pourvu  qu'ils 
u'aient  rien  de  vexatoire. 

Mais  ce  qui  distingue  surtout  la  discipline  des  coa- 
damnés  de  celle  des  autres  prisonniers  ,  c'est  IVibliga* 
tion  du  travail*  imposée  aux  uns,  comme  consé- 
quence naturelle  et  partie  intégrante  de  leur  peine, 
et  dont  les  autres  sont  exempts.  Les  premiers  doivent 
y  consacrer  la  journée  toute  entière.  On  peut  suivre  , 
pour  les  heures  de  travail ,  la  .règle  étaUie  pe«r  les 
prisons  de  Paris.  Les  condamnés  s'y  lèvent ,  en  été ,  à 
cinq  heures  du  matin  et ,  après  avoir  fait  leurs  lits  et 
nettoyé  leurs  chambres ,  entrent  dans  les  ateliers  à  six 


M  LÀ  DISCIPLINE.  Si5 

heures,  y  restent  fusqn'à  onze  heures,  instant  de  leur 
repas,  et  reprennent  leur  travail  à  raidi,  jusqu'à  sept 
henres  du  soir.  En  hiver,  ils  se  lèvent  à  sept  heures ,  se 
mettent  à  l'ouvrage  depuis  huit  heures  jusqu'à  midi^ 
prennent  alors  leur  repas  et  travaillent  encore,  depuis 
une  heure  ,  jusqu'à  quatre  heures,  pour  ceux  qui  ne 
veillent  pas,  et  à  huit  heures  pour  les  autres.  L'heure 
du  coucher  est  fixée  à  huit  heures ,  et  ceux  dont  le 
travail  a  fini  plus  tôt,  peuvent  jouir  de  la  promenade 
dans  les  préaux,  ou  de  la  »récrëation  dans  les  ateliers  , 
depuis  la  cessation  de  leurs  travau;c,  jusqu'à  l'heure  dil 
coucher. 

Ils  doivent  observer  un  silence  rigoureux,  pendant 
les  henres  destinées  au  travail  et  aux  repas  ;  il  ne  leur 
est  permis  de  parler  que  dans  celles  réservées  pour  la 
promenade. 

Quant  à  tous  les  autres  détails  de  la  discipline  ,  sur 
lesquels  nous  nous  sommes  déjà  expllqtiés^  nous  ne 
pouvons  rien  faire  de  mieux  que  de  renvoyer  aux 
règlemens ,  actuellement  en  vigueur  et  partieulièrer 
ment  aux  ordonnances  de  police ,  relatives  aux  prisons 
du  département  de  la  Seine.  Elles  ont  été  rédigées 
avec  tine  grande  prévoyance  et  la  discipline  sera  tou- 
jours bonne ,  dans  les  prisons,  où  elles  seront  observées 
exactement. 

CHAPITRE  II.  De  la  sanction  de  la  dUciplim. 

La  sanction  de  la  discipline  consiste  dans  l'emploi 
mesuré  des  peines  et  des  récompenses.  Mais,  pour  que 
ce  double  ressort  ait  toute  la  force  dont  il  est  suscepfj** 
ble  i,  il  faut  qu'il  soit  infaillible  et  qu'il  y  ai4  toujgurs 


Sitfi  DES  PRISONS, 

un  rapport  évident  entre  les  peiueso»  lesTécorapenses 
et  les  act^ions,  louables  ou  répréhenstbles,  qui  les  auront 
motivées.  Tel  doit  être  Tobjet  du  législateur,  daas  ré- 
tablissement des  dispositions,  |>énales ou  rëraunéra- 
toires,  qui  doivent  faire  la  sanction  de  la  disci[rfine 
des  prisons. 

Section  i'*.  Des  ^peines. 

Les  prisonniers  sont  coronie  les  autres  hommes: 
l'injustice  les  aigrit,  la  cruauté  les  révolte.  Pour  qu'on 
puisse  espérer ,  des  peines  destinées  à  réprimer  leurs 
fautes  9  un  effet  salutaire ,  il  faut  qu'elles  soient  em- 
preintes d'uu  esprit  de  douceur  et  d'équité.  Ce  n'est 
même  pas  assez  qu'elles  soient  justes,  il  faut  qu'elles  le 
soient  d'une  manière  évidente,  et  que  les  prisonniers 
n'aient  jamais  le  moindre  doute  sur  la  justice  des  châ- 
timens,  qu'on  sera  dans  le  cas  de  leur  infliger.  Or,  les 
punitionsn'auront  rien  d'arbitraire  et  ne  paroîtront  ja- 
mais infectées  de  ce  vice,  si  tous  les  prisonniers  peuvent 
savoir  d'avance  quand  ils  font  mal  et  quelle  peine  ils 
encourent,  pour  telle  ou  telle  faute.  On  n'atteindra  ce 
but  qu'autant  que  ces  peines  seront  déternninées  par 
des  règlemens  précis ,  connus  des  prisonniers  et  litté- 
ralement exécutés.  On  devra  donc ,  pour  toutes  les 
prisons,  dresser  des  règlemens  généraux  ,  qui  tracent 
les  devoirs  des  prisonniers,  définissent  les  fautes,  dans 
lesquelles  ils  peuvent  tomber,  et  prononcent  les  peines, 
qu*ils  encourroient  dans  ce  cas.  Cette  espèce  de  code  de 
police  sera  affiché  dans  plusieurs  endroits  apparens 
d^a  prison  et  lu  publiquement ,  le  premier  dimanche 
de  chaque  mois. 


DE  LA  DISCIPLINE.  Si  7 

Ces  règlemenSf  qnî  ne  peuvent  être  que  Tobjet 
•tfune  loi,  mais  dont  toutefois,  une  partie  de  la  rédac- 
tion peut:  être  confiée  à  des  autorités  départementales , 
porteront  seulement  sur  le  genre  de  fautes  ^  qui  peut 
être  assimilé  aux  contraventions  de  police  ;  les  prison- 
niers restent  soumis ,  comme  les  autres  hommes ,  aux 
lois  générales ,  pour  les  délits  et  les  crinles  caractérisés  : 
mais,  au-dessous  de  ces  deux  classes  et ,  indépen- 
damment des  contraventions  ordinaires ,  réprimées 
par  les  lois  sur  la  police  générale ,  il  est  beaucoup 
d'actions  qui ,  indifférentes  pour  les  hommes  libres, 
sont  réellement  répréhensibles  dans  Les  prisonniers. 
C'est  principalement  de  ces  fautes  que  devront  s'oc- 
cuper les  rédacteurs  des  règlemens.  Les  définir  avec 
précision ,  les  punir  de  peines  proportionnées ,  assez, 
efficaces  pour  en  prévenir  le  retour ,  mais  assez  douces 
pour  laisser  toute  leur  force  à  celles,  qui  seront  réser- 
vées pour  les  délits  très-graves,,  telles  sont  les  règles,. 
.   qui  devront  les  diriger  dans  ce  travail. 

Il  restera  aux  personnes  chargées  de  Texécution  des 
vèglemens,  à  ne  jamais  s?ea  écarter,  et  à  ne  jamais, 
les  appliquer  à  faux. 

Dégagé  de  Tarbitraire ,  le  code  des  prisons  devra 
également  être  purgé  de  toute  cruauté.  Les  cachots  et 
les  fers  ont  paru  des  tortures  trop  inutiles  et  trop  dan- 
gereuses, pour  être  appliqués,  comme  peine  légale,  aux 
crimes  signalés  par  notre  Gode  pénal;  la  gêne  a  été 
écartée  de  nos  lois,  comme  inutilement  cruelle,  et 
cependant  cette  peine  étoît  celle  du  meurtre;  la  con- 
servera-t-on ,  sous  un  autre  nom  ;  plusaffreuse  encore 
qu'elle  n'étoit ,  pour  punir  une  tentative  d'évasion  ou 
ViosuUe  faite  à  un  geôlier  ?  ce  seroit  le  comble  de 


5r8  DES  PRISONS. 

Fabsufditë.  Pnisqcie  les  cachots  ne  peavent  pins  être 
d'usa^,  comme  peine  légale  dn  ciiHie'.,  et  qo^il  n  est 
p^  à  croire  qu'on  en  fasse  une  peine  de  simple  police, 
il  est  donc  iiiutile  de  conserver  cens  qui  existent.  Si 
cependant ,  par  un  excès  de  précaution ,  que  je  ne 
crois  pas  fondé  en  raison ,  on  hésitoit  à  mnrer  sur- 
le-champ  tous  les  cachots^  qui  déshonorent  les  prisons 
françaises,  je  voudrois,  ah  rnoinUt  qu'on  en  retira  la 
elef  anx  geôliers  et  qu'elle  fut  remise^  la  tommission 
des    inspecteurs  ,   qui   n'en    feroit    usage  que  dans 
le  cas    d'utie  nécessité  «bien  constatée.  Dans  iiotre 
opinion ,  ce  cas  n'ârriveroit   jamais.  *  Il  nous  sem- 
ble qu'il  né   pent  y  avoir  de   circonstance»  où  un 
homme  vivant  doive  être  privé  de  tout  ce  qui  est  né- 
cessaire à  la  vie ,  l'air,  la  lumière,  une  habitation,  qui 
présenté  les  conditions  de  sîccité  et  de  chatenr  conve- 
nables. Jamais  Thomme  ne  peut  être  autorisé  à  enter- 
rer viva^nt  sou  semblable;  et,  qnatid  les  prisons  seixmt 
pourvues  de  chambres  de  force  assez  snres,  mais  en 
A)enie  temps  incapables  d'altérer  la  santé    de  ceux 
<)ui  y  seront  enfermés,  nous  ne  voyons  pas  pourquoi 
on  s'obstineroit  à  conserver  des  souterrains  obscurs  et 
^  itialsains,  qui  ne  penvent  parottre  utiles  q\ie  dans  l'in- 
térêt de  là  cruauté. 

Il  en  est  de  même  des  fers.  Aucune  loi  n^antorise  à 
charger  les  prisonniers  de  ces  lourdes  et  douloureuses 
etitraves ,  que  les  geôKers  distribuent  toujours  ,  avec 
due  cruelle  profusion^  aux  détenus  qu'ils  craignetit  on 
qu'ils  haïssent.  Le  boulet,  que  la  loi  permet  de  mettre 
dux  galériens  et  qui  est ,  tout  à  là  fois,  un  moyen  de 
(fârété  et  une  punition,  doit,  dans  tous  les  cas>  être  subs- 
titué aUM  fçrs,  qui  sont  une  véritable  torture  et  quî 


\ 


DE  LA  »I8CiPLlNE.  Si^ 

ftrivent  le  pisonnieir  des  moyens  de  travailler,  sans 
#lre  d'uoe  iiéoessîté  iudisfiensable  pour  la  sâreté. 

Il  résulte  de  ces  principes  que  les  peines  prononcées, 
par  lesrègleiuenS)  conire  les  fmites  de  police  des  prison- 
i^iers ,  d&vront  être  connues  d'avance  et  entièrement 
exemptes  de  cette  cruauté  gratuite,  qui,  chassée  des  tri- 
bunaux ordinaires,  cherche  encore  à  a  exercer  à  Tonn- 
bre  des  prisons^  La,  détermination  des  fautes  et  des. 
peines  et  le  droit  de  réclamation  ^  assuré  aux  prison* 
niers,  metthont  un  terme  à  des  abus ,  trop  long-temps 
tolérés*  Le  règlement  de  la  compétence  judiciaire  dds 
prisons  achèvera  de  circonscrire  le  despolisme  des 
subalternes,  dans  des  bornes,  qu^il  n^auroit  jamais  dû 
franchir. 

La  première  règle  de  compétence,  c'est  que  les  geô- 
tiers ,  ou  ceux  qui  rempliront  des  fonctions  analogues , 
19'aient  absolument  ancnne  juridiction.  Ils  ne  sont 
que  des  gardiens  et  non  pas  des  jnges  ;  ainsi ,  toute 
Kfgoeur,  exercée,  par  lenr  ordre,  sur  un  prisonnier,  sera 
loti  jours  un  abus  d'autorité  punissable  et  les  inspec- 
teurs seront  tenus  de  dénoncer  et  de  poursuivre  ces. 
actes,  toutes  les  fois  qu'ils  en  auront  connoissance ^  ce 
qui  né  peut  rn^nquer,  puisqu'ils  doivent  faire  dans  les 
prisons  une  visite  quotidienne* 

Cepfsudant,  si  les  gardiens  ne  peuvent  pas,  à  titrede 
punition ,  changer  à  Tégard  d'un  prisonnier ,  la  disci- 
plîne  générale ,  la  sûreté  publique  et  particulière  et 
Le  bon  ordre  exigent  qu'ils  ptiissent  prendre,  en  Tab- 
ynes  de  l'inspecteur  ^  certaines  mesures  de  police,  que 
uécessiteroit  la  conduite  des  détenus.  Mais  ces  mesures 
ne  doivent  jamais  sortir  des.  limites  de  l'autorité  ad- 
çtinistraiiye ,  ni  participer  en  rien  à  l'exercice  du. 


.  I 


520  DES  PRISONS. 

pouvoir  judiciaire.  Ainsi,  qu'un  prisonnier  furieux 
menace  par  ses  violences  de  tuer  ou  de  bl«sser  ses 
compagnons ,  le  gardien  pourra  sans  dotii^  le  séques- 
trer et  le  mettre  dans  une  chambre  forte ,  où  il  cesse 
d'être  dangereux-  Mais  cet  homme  ne  pourra  y  rester 
plus  d'un  jour,  sans  Tordre  de  l'inspecteur ,  dont  l'ar- 
rivée à  la  prison  fera  cesser,  de  plein  droit ,  l'état  de 
séquestre,  sauf  à  lui  à  en  ordonner  la  continuation, 
sous  sa  responsabilité. 

Le  gardien  aura  encore  le  droit  de  contraindre  les 
détenus  à  l'exécution  de  certains  détails  des  règlemens, 
qui  seroient  trop  peu  importans  pour  donner  lieu  à 
un  jugement.  Mais  il  ne  pourra  encore  employer  à 
cet  effet  que  des  moyens  purement  administratifs, 
c'est-à-dire  ,  la  privation  de  certains  avantages,  sans 
pouvoir  y  ajouter  jamais  aucune  rigueur. 

Dans  tous  ces  cas  et ,  en  général ,  toutes  les  fois  que 
les  gardiens  pourront  avoir  à  prendre  quelque  déter> 
jnination  particulière,  ils  seront  tenus,  conjointe- 
ment avec  le  greffier ,  d'en  di*e$ser  procès-verbal.  Ce 
dernier  ne  répondra  que  de  l'accomplissement  de  cette 
formalité  et  le  gardien  sera  en  même  temps  respon- 
sable de  la  véracité  de  la  ràlaction.  L'un  et  l'autre  de- 
vront signer  le  procès- verbal.  Tous  ces  principes  ont 
déjà  été  établis  dans  la  première  partie  de  cet  ou- 
vrage (i). 

Quant  aux  fautes  plus  caractérisées ,  elles  se  divi- 
sent en  contraventions  de  police  et  en  délits  ou  crimes. 
Les  premières  seront  jugées  par  les  inspecteurs  de 
service ,  qui  feront  à  cet  égard  les  fonctions  de  juges 
de  paix  des  prisons,  les  autres  seront  jugées  par  les 

(i)  Pages  64«6o,  107-114. 


DE  LA  DISCIPLINE.  52i 

cours  d^assises  et  les  tribunaux  de  police  correction^ 
nelle,  dont  les  prisonniers  restent  toujours  justiciables. 
L^appel  des  ju^inens  de  Tinspecteur  sera  porté  au  tri- 
bunal de  police  correctionelle. 

Section  ii.  Des  récompenses, 

L\  distribution  des  récompenses  devra  être  dirigée 
par  la  même  équité  et  les  mêmes  principes  que  Fap- 
plication  des  peines.  Les  détenus  doivent  être  aussi 
sûrs  d'être  payés  de  leurs  bonnes  actions,  que  punis 
de  leurs  fautes.  Les  récompenses  doivent  donc  être 
agréables  pour  ceux  qui  les  reçoivent ,  et  distribuées 
avec  une  justice  évidente.  » 

Les  récompenses  seront  de  trois  sortes  :  des  primer 
en  argent  ^  délivrées  s.ur-le-champ  ;  des  bons ,  payables 
à  la  sortie ,  en  argent ,  en  outils  ou  en  matière  à  tra- 
vailler; et  la  nomination  aux  emplois  d'infirmiers, 
de  valets  de  pharmacie ,  de  distributeurs  de  la  soupe  , 
etc. ,  etc. 

Ces  récompenses  seront  le  prix  de  la  bonne  con- 
duite soutenue,  de  l'assiduité  au  travail ,  et  des  progrès 
dans  rinstrUction  civile  et  religieuse. 

Les  unes,  comme  celles  relatives  à  Finstructloa, 
seront  décernées  par  les  inspecteurs ,  sur  le  rapport  de 
Taumônier ,  de  T instituteur  ou  des  chefs  d'ateliers;  les 
autres  seront  données ,  à  la  pluralité  des  voix ,  par  les 
prisonniers  eux- mênves,  constitués  eu  jury ,  sous  la 
présidence  d'un  inspecteur.  Le  droit  de  siéger  dans  ce 
}ury  sera  lui-même  une  récompense,  qui  n^aura  son 
effet  que  pour  une  fois.  On  l'obtiendra  au  concours. 

Toutes  ces  récompenses  seront  proclamées  ,  en  as-  ^ 
semblée  générale,  danâ  la  salle  destinée  pour  Fécole, 


52^  BES  PRISONS^. 

par  le  plus  aocian  des  inspecleafs ,  assislé  à^  se»  ee^^ 
lègues,  de  raaoïônier  et  de  l'institotetir,  èl  en  pré^ 
sence  da  gardiea  et  de  lous  les  employés  de  la  prison. 
On  lira  dans  la  même  séance ,  qui  anra  lieu  au  moins, 
deux  fois  par  an,  la  liste  des  condammés  recpmmsufi-.. 
dés  à  la  clémence  royale. 

'    TITRE  V. 

pu    RSQLV.E    PHTSIQXJ£« 


CHAPITRE  I«'.  Des  prisonniers  dàhs  Vétàtdé  sahii^^ 

Sectioiv  1".  Des  moyens  de  pré^t^et  la  santé  contre- 
Us  dangers  du  séjour  dans  les  prisons^ 

* 

Nous  ne  devons  avoir  qoe  très- peu  d'ofaserralions. 
à  faire  sous  ce  rapport,  quant  aux  prisons  quiaeront 
c^msirnites  nanvellement.  Cofmnele  il  estȈ  croire  qu'on 
mettra,  dans  le  choix  de 'remplacement  et  dan^-  la 
construction,  toutes  les  précautions  nécessaires,  pour 
prévenir  les  vices  qui  tiennent  à  L'ensemble^  on  n'aura 
point/  dans  ces  étaUissemens^à  soutenir  une  lutte  îné* 
gale  contre  Tiusalubrité  du  locale  et  il  suffira  d'en- 
tretenir, par  des  soins  joarnaliers  ou  périodiques,  la 
propreté  dans  les  bâtimens  et  da«s  les  personnes ,  pour 
écarter  tous  les  dangers  do  séjour  daœ  ces  prisons. 

Il  n'en  est  pas  de  même  des  prisons  actneèlea,  qui 
seront  conservées,  ne  fât-ce  que  temporairement,  et 
jusqu'à  leur  remplacement  ou  à  leur  réédificaticm.  Là, 
se  trouveront  encore  tous  ces  défauts  de.  localité ,  dont 


DU  REGIME  PHYSIQUE.  5j3 

le ^  prisonniers  sont  lous  les  jours  victimes;  position 
humide  et  marécageuse  «  défaut  d'air ,  absence  totale 
de  riufloeace  solaire ,  espace  resserré  an  point  d'in- 
tepdire  toute  proindiiade,  ou  de  n'eu  permettre  qu'une 
représentatipn  illusoire^  dans  un  préau  de  quelques 
pieds  carrés ,  où  le  soleil  ne  descend  jamais.  Il  est , 
malheureusement ,  plus  é'une  prison  de  ce  genre,  et 
les  prisonniers,  devront,  sans  doute,  y  rester  encore 
quelque  temps,  peut-être  même  des  années^  jusqu'à 
l'accomplissemetit  de  la  réforme  qui  s'opère.  Jusqu'à 
celte  époque  désirée ,  il  est  indispensable  de  remédier, 
autant  que  |)08sible»  aux  manx  qui  résultent  des  fâ- 
cheuses conditions,  que  présentent  beaucoup  de  pri- 
sons, et  de  prévenir  les  dangers,  dont  elles  menacent 
continuellement  ceux  qui  sont  soumis  à  leur  in- 
fluetice.  Quelque  salubre  que. soit  une  prison ,  il  sera 
toujours  Irës^fâcheux  pçor  la  santé  >  d'y  faire  un  sé- 
jour un  peu  prolongé.  La  captivité  seule  a  des  consé- 
quences physiques ,  qu'il  faut  chercher  à  combattl*e  , 
par  un  régime  convenable  ;  ou  conçoit  que  ces  pré- 
cautions sont  bien  plus  nécessaires.encorè  <lans  les  pri- 
sons ,  qui  laissent  qoelqqe  çliose  à  désirer,  sous  le  rap-^ 
port  de  la  salubrités 

Le  premier  n^y en  qu'on  doive  employer ,  c'est  de 
f4(piliter,  autant  que  possible,  la  circtilation  de  l'air 
dans  toutes  les  piirties  des  bâtimens,  d'ouvrir  autant 
de  fenêtres  que  la  prudence  le  permettra ,  el  de  déga- 
ger les  corridors^  escaliers  et  antres  lieux  de  passage , 
de  toutes  les  cloisons  et  constructions ,  qui  les  obs- 
truent sans  nécessité.  Chaque  fois  qu'il  ne  sera  pas 
indispensable  qu'une  cloison  existante  soit  conservée 
pleine ,  on  la  remplacera  par  une  claire-^voie. 


524  DES  Î^RISONS- 

On  emploiera  aussi  dans  les  ateliers  et  les  ddrfoîr»^ 
les  ventilateurs  et  les  antres  moyens  propres  à  renoi>- 
veler  la  masse  de  l'air ,  et  à  lai  imprimer  un  mouve- 
ment continuel.  On  aura  soin  également  de  substituer- 
des  fosses  mobiles  inodores  aux  fosses  ordinaires ,  qui; 
infectent  touj^ours  les  prisons,  au  point  que,  dans  celles, 
qui  ont  peu  d'étendue,  il  est  impossible  de  fuir  leurs, 
désagréables.et  funestes  émanations. 

Le  froid  est  un  des  fléaux  les  plus  à*  craindre  pour 
les  prisonniers;  on  devra* chercher  à  les  en  préserver ,. 
en  entretenant,  dans  les  Jieux  qu'ils  habitei^t,  une  tem- 
pérature modérée.  Il  est  done  indispensable  de  pour- 
voir au  chauffage  ,^  dans  toutes  les  prisons.  On  y  par- 
viendra assez  économiquement,  au  moyen  de  poêles 
de  fonte,  que  l'on  chauffera  avec  la  houille  on  la 
touii>e.  Ces  poêles,  qui  «seront  placés  dans  les  ateliers,, 
auront  4es  tuyaux ,  qui  traverseront  les  galeries  supé- 
rieures ou  dortoirs» 

On  évitera  toujours  de  faire  coucher  les  prisonniers; 
au  rez-de-chaussée;  et,  si  le  local  est  humide ,  on  n'y 
établira  des  ateliers,  qu'avec  toutes  les  précautions  que 
la  prudence  indique,  pour  pallier  ce  défaut.  Ainsi,  par 
exemple ,  on  fera  des  tranchées  autour  des  bâtimens,. 
s'ils  étoient  enterrés;  les  appartemens  auront  un  dou- 
ble plancher ,  etc..  Ces  dépenses  une  fois  faites,  outre 
le  bien  qu  elles  opéreront,  en  conservant  la  santé  des 
détenus ,  seront  encore*  la  source  d'une  économie  vé- 
ritable ,  en  prévenant  une  foule  de  maladies  et  d'affec- 
tions scorbutiques ,  dont  le  traitement  serait  une 
grande  charge  financière. 

Il  ne  s'agira  plus  ensuite ,  que  de  tenir  la  main  à  ht 
propreté  journalière  des  appartemens ,  et  des  prison*^ 


l>tl  REGIME  PHYSIQUE.  SaS 

niers  eux-mêmes.  Nous  avons  expliqué  en  détail,  dans 
la  première  partie,  les  moyens  d'y  parvenir  (i). 

Section  ii.  Des  moyens  d'entretenir  la  santé  des 

prisonniers, 

PARAGRAPHE  PREMIER.    Alimens. 

Les  prisonniers ,  quel  que  soit  le  genre  de  leur  dé- 
tention ^  recevront  la  nourriture  fixée  par  les  règle- 
mens,  une  livre  et  demie  de  pain  et  une  soupe,  qui 
sera*  ordinairement  à  la  viande ,  et  les  jours  maigres , 
aux  légumes. 

La  boisson  sera  de  Teau. 

On  leur  partagera  la  viande  ou  les  légumes ,  qui  au- 
ront servi  à  faire  le  bouillon. 

Dans  le  cas  où  Ton  emploieroit  de  la  gélatine  ^  pour 
faire  la  soupe  grasse,  on  ne  fera  bouillir  que  le  quart 
de  la  viande,  et  Ton  fera  rôtir  le  reste. 

Les  fournitures  de  pain  et  de  viande  seront  faites 
par  des  adjudicataires ,  spéciaux  dans  chaque  partie , 
qui  concourront  par  soumissions  cachetées  ou  partout 
autre  moyen  qui  seroit  jugé  convenable ,  aujc  adjudi- 
cations proposées  par  la  commission  des  inspécteufs. 

Les  marchés  ne  seront  passés  que  pour  un  an  au  plus, 
et  l'adjudication  aura  lieu ,  quand  cela  sera  possible  , 
sur  échantillons. 

Les  détenus  seront  les  maîtres  d'ajouter  à  l'ordi- 
naire de  la  prison  un  supplément ,  qu'ils  se  procure- 
ront sur  leurs  gains. 

Ils  ne  pourront  acheter  ces  alimens  extraordinaires, 
que  des  marchands,  qui  auront  la  permission  d'entrer 

(i)  Pages  117 -ia3. 


526  DES  PRISONS. 

à  cet  effet  dans  la  prison  ,  et  jamais  de  gardien ,  qui 
ne  pourra  rien  leur  vendre. 

Les  marchés  se  concluront,  comme  on  Fa  expliqué 
dansla  première  partîe(i), parles  petites  fenêtres,  pra- 
tiquées dans  le  mnr  des  ateliers  ou  des  réfectoires. 

Les  marchands  ne  pourront  débiter  aucunes  li- 
queurs spiritueuses. 

Ils  pourront  vendre  du  vin ,  mêlé  avec  de  Teau ,  et 
seulement  jusqu'^  une. quantité,  qi^i  sera  fixée  par  les 
règlemens. 

Les  inspecteurs  et  le  gardien  feront  tous  leurs  ef- 
forts, pour  prévenir  les  fraujdes  au  préjudice  des  pri- 
sonniers. Le  moyen  le  |>lus  sàr  est  d'établir ,  entre  les 
marchands,  une  concurrence  suffisante* 

Pour  prévenir  la  perte  dq  p^in ,  op  rachètera  des 
prisonpîer^  celui  qu'ils  n'auroient  pas  nr>angé,  pourvu 
qu'il  soit  susceptible  d'être  distribué  de  nouveau  f  à  cet 
effet,  i)s  po^urront  s^  réunir  plqsieurs  ensemble ,  peur 
n'entamer  un  nouveau  pain,  qu'autapt  qu'ils  en  auront 
besoiq.  ^ 

VABAGRAFHE  II.  Vétemens, 

Les  prévenus  seront  amenés  à  la  prison^  avec  les 
habits  qu'ils  avoient  spr  le  corps,  lors  de  leur  arresta- 
tion. Ils  auront  la  faculté  d'apporter  avec  eux  d'autre» 
bardes,  mais  sans  pouvoir  changer  aucune  partie  de 
leur  habillement,  avant  d'être  dans  la  prison. 

  leur  arrivée ,  les  habiès  qu'ils  portoient  leur  se- 
ront ôtés.  On  dressera  procès- verbal  de  leur  état ,  et  on 
les  déposera ,  dûment  étiquettes  et  numérotés ,  cfcins 
un  magasin  attenant  à  \à  geôle. 

(i)  Pages  1 35-1 37. 


DU  REGME  PfJYSIQUË.  $27 

Les  pr^'y.enus  et  accusés  s(eroj[|t  les  oiaitres  4e  rem- 
placer ces  h<ibits  par  leurs  y^temens  ordinaires,  soit 
qu'ils  les  aient  apportes  avec  eux  j  soit  qu'ils  les  fassent 
venir  ultérieurement.  S'ils  n'en  ont  pas  ou  lae  veulent 
pas  s'en  procurer,  on  leur  fournira  des  habits,  sembla- 
bles h  ceux  des  condamnés. 

Les  condamnés ,  hommes  et  ferame§,  porteront  des 
vêtemens  de  la  même  étoffe ,  en  laine  pour  l'hiver,  et. 
en  toile  pour  l'été.  Tou$  ces  vêtemens  seront  teints 
d'une  couleur  uniforme ,  jaune  indigène. 

L'habillement  des  hommes  consistera  ,  pour  l'été, 
en  un  pantalon  de  toile  ,  et  une  veste  d'étoffe.  L'hiver, 
ils  auront  un  pantalon  et  uqe  capotte  ei^  étoffe.  Ils  au- 
ront aussi  un  bonnet  également  en  étoffe. 

Les  femmes  porteront ,  l'été  ,  une  camisole  de  toile 
et  un  jupon  d'étoffe  légère;  l'hiver,  elles  auront  une 
camisole  et  un  jupon  de  l'étoffe  conimune,  indépen- 
damment du  jupon  d'été. 

Les  uns  et  les  antres  rendront,  à  la  fin  de  Thiver, 
toutes  les  parties  de  l'habillement,  qui  ne  devront  pas 
servir  Tété.  On  les  déposera  au  magasin ,  pour  les  leur 
rendre  aux  premières  gelées. 

Les  habits  devront  durer  ^eux  années  pleines.  A  leur 
sortie  des  prisons,  les  détenus  reprendront  leurs  ha- 
bits ordinaires.  S'ils  n'en  ont  pas  assez ^  pour  se  vêtir 
comp^létement,  on  leur  laissera  jusqu'à  la  concurrence 
nécessaire,  ceu^  qu'ils  ont  sur  le  corps. 

Le  linge  continuera  d'être  administré  par  des  dames 
charitables,  qui  Tentretiendront  et  le  distribueront 
aux  prisonniers.  * 

On  donnera  des  sabots  à  tous  les  prisonniers,  et 
ils  seront  tenus  de  les  mettre ,  à  moins  qu'ils  ne  leur 


528  DES  PRISONS, 

substituent  d'eux-mêmes  des  galoches  ou  des  souliers. 
Il  ne  leur  sera  jamais  permis  de  rester  sans  chaussure, 
ou  vêtus  d'une  manière  incomplète.  L'hiver,  ils  por- 
teront des  bas  de  laine. 

PARAGRAPilB  III.  Coucher^ 

Les  prisonniers  coucheront  seuls ,  dans  des  cellules 
sans  commuïiication  les  unes  avec  les  autres. 

On  leur  fournira  un  bois  de  lit ,  une  paillasse ,  deux 
draps,  deux  couvertures  et  un  traversin. 

La  paille  ne  sera  renouvelée  que  tous  les  trois  mois, 
et  cette  économie  donnera  le  moyen  de  subvenir  aux 
dépenses  d'établissement  des  nouveaux  couchers. 

Les  fournitures  relatives  au  coucher,  et ,  en  général, 
toutes  les  fpurnitures  dans  les  prisons,  se  ferodt,  comme 
celle  de  la  nourriture,  par  adjudication  spéciale,  et 
pour  une  année  au  plus ,  si  ce  n'est  pour  les  dépenses 
de  premier  établissement ,  une  fois  fait^ ,  dont  les 
conditions  pourront  s'étendre  à  plusieurs  années ,  s'il 
est  nécessaire. 

CHAPITRE  II.  Des  prisonniers  dans  l'état  de 

maladie. 

Nous  avons  tracé,  dans  la  première  partie  (i) ,  les 
règles ,  qui  nous  semblent  constituer  lin  bon  régime 
pour  les  maindes.  Comme  elles  sont  applicables  à 
toutes  les  prisons ,  et  que  l'on  peut  et  doit  les  faire 
observer ,  dès  à  présent ,  dans  toutes  les  prisons  »  sans 
délai  et  sans  transition  ,  nous  ne  les  reproduirons  pas 

(i)  Pages  1&6-164. 


DU  RBGIKIE  PHYSIQUE.  Sag 

de  nouveau ,  pour  ne  pas  grossir,  d'un  double  emploi, 
un  traité  déjà  volumineux.  Nous  invitons  à  obser- 
ver toutes  les  règles  qui  nous  ont  paru  nécessaires , 
pour  l'envoi  ou  l'admission  des  prisonniers  à  l'infir- 
merie, la  tenue  et  le  régime  de  cet  établissement, 
et  les  fonctions  des  diverses  personnes  qui  y  seront 
employées.  Elles  nous  paroissent  suffisantes,  pour  as- 
surer la  régularité  du  service ,  et  le  succès  des  soins  que 
l'on  prendra,  pour  rendre  la  s^ntéaux  prisonniers  qui 
l'auroienl  perdue. 

On  rappellera  ici  que  toutes  les  prisons  n'ont  pas 
besoin  d'infirmerie.  On  fera  bien  de  n'en  ét;lblir  que 
dans  les  grandes  prisons,  où  ellos  devroient  être  régu- 
lièrement occupées.  Cependant ,  celles  qui  existent 
dans  des  prisons  moins  considérables ,  devront  être 
conservées,  si  elles  sont  montées  convenablement,  ou 
si  elles  manquent  de  peu  des  choses  nécessaires. 

TITRE   VI. 

DU    KEGIME     MORAL. 


Trop  négligé  jusqu'à  ce  jour ,  le  régime  moral  doit 
être  l'objet  de  la  plus  sérieuse  attention ,  de  la  part  des 
administrateurs  des  prisons.  La  commission  des  ins- 
pectenrs  et  l'aumônier  sont  spécialement  chargés  de 
donner  tons  leurs  soins  à  cet  objet  important ,  soit  en 
surveillant  l'exécution  des  mesures  propres  à  conduire 
à  ce  but ,  soit  en  concourant  par  eux-mêmes  à  l'ins- 
truction et  à  la  correction  des  détemis. 

34 


Sâô  DES  PRISONS. 

CHAPITRE  1".  Du  traitait. 

Lb  traVaîl  étant  le  plus  facile  et  souvent  le  plus  puis* 
sant  moyen  d'amendement  moral ,  des  ateliers  seront 
établis  dans  toutes  les  prisons,  indistinctement.  Mais 
les  condamnés  seuls  seront  obligés  de  travailler.  Les 
autres  détenus  n'iront  aux  ateliers  qu'autant  qu'ils  y 
seraient  portés  d'eux-mêmes,  mais  on  ne  négligera 
aucun  moyen  de  persuîision ,  pour  les  y  engager. 

Les  condamnés ,  à  leur  arrivée  dans  la  prison  dé- 
finitive ,  seront  enfermés  seuls  dans  une  cbambre  de 
force,  éclairée  seulement  par  un  jour  en  entonnoir. 
Ils  y  resteront ,  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  demandé  de 
l'ouvrage. 

Leur  nourriture ,  pendant  cet  état  de  séquestre,  sera 
du  pain  et  de  l'eau.  Ils  ne  pourront  parler  à  personne, 
ni  recevoir  aucun  secours ,  soit  en  nature ,  soit  en  ar- 
gent ;  et  l'employé ,  qui  leur  portera  la  nourriture,  ne 
répondra  à  leurs  interpellations  que  lorsqu'ils  auront 
demandé  à  travailler. 

Si  le  condamuiS  reste  plus  de  quinze  jours  dans  cet 
état  d'oisiveté,  il  sera  réputé  en  contravention  à  la  loi 
et  condamné  ,  par  mesure  de  police,  à  rester  deux 
mois  dans  la  chambre  forte,  sous  le  poids  des  mêmes 
privations.  Si ,  dans  cet  intervalle,  il  demande  de 
l'ouvrage ,  on  lui  en  donnera  là  et  il  ne  pourra  des- 
cendre dans  les  ateliers,  qu'après  le  délai  ci  dessus  fixé. 
Il  sera  en  outre  privé  de  la  portion,  qu'il  aurait  touchée 
sur-le-champ,  dans  les  salaires  qu'il  gagnerait ,  autant 
de  jours  qu'il  aura  d'abord  passés  sans  travailler. 

Les  troisparagrapbes  qui  précèdent,  ou  leur  équiva- 


DU  REGIME  MORAL.  S3 1 

lent ,  seront  affichés  en  gros  caractères,  dans  Tendroit 
le  plus  apparent  de  la  chambre.  L'employé,  qui  y 
amènera  des  prisonniers,  leur  en  donnera  lecture  en 
arrivant. 

L'administration  fera  en  sorte  que  les  prisonniers 
ne  manquent  jamais  d'ouvrage.  On  évitera  de  choisir 
les  travaux,  qui  pourroient  nuire  à  la  santé  des  détenus, 
ou  compromettre  la  sûreté  de  la  prison. 

Les  travaux  auxquels  on  se  livre  dans  les  manufac- 
tures sont  les  plus  convenables  pour  les  prisons.  Dans 
celte  catégorie ,  on  remarque  encore  comme  les  plus 
avantageux  ceux  qui  ont  pour  objet  le  tissage  du  fil  ou 
du  coton.  Le  travail  de  la  laine  est  moins  salubre  et  ne 
doit  pas  être  choisi  de  préférence ,  mais  on  peut  l'in- 
troduire dans  les  prisons ,  au  défaut  des  autres ,  ou 
comme  leur  supplément. 

On  peut  aussi  permettre  aux  détentis,  qui  ont  une 
industrie ,  de  s  y  livrer  dans  la  prison ,  toutes  les  fois 
qu'il  n'en  résultera  pas  d'inconvéniens.  Ainsi  ,  les 
tailleurs,  cordonniers,  relieurs  délivres,  tablettiers, 
joailliers,  lapidaires,  et  une  foule  d'autres  peuvent, 
s'ils  le  désirent ,  continuer  d'exercer  leur  profession , 
pendant  leur  emprisonnement.  On  pourroît  même, 
avec  certaines  précautions,  tolérer  l'exercice  de  quel- 
ques professions,  qui  paroissent  dangereuses ^  parce 
qu'on  y  emploie  des  instruraens  de  fer,  mais  qu'une 
bonne  police  peut  rendre  absolument  inoffensives. 
Telles  sont  la  menuiserie,  l'ébénisterie,  etc.  Pour  que 
l'ouvrier  ne  puisse  faire  aucun  mauvais  usage  des  outils 
qui  lui  sont  nécessaires ,  il  suffit  d'empêcher  qu'il  ne 
les  emporte  de  l'atelier,  où  il  travaillera  toujours  sous 
les  yeux  d'un  chef,  et  où  par  conséquent  il  ne  pourra 


6^2  OES  HWSONS. 

feîre ,  à  son  îtisu,  aociïne  'dégrsitiâtion.  iPcwr  $'as»urer 
ijuMfc  ne  iWlôiinrc^iil  îinccrn  otilîl ,  on  atrfanti  support, 
•Âeslhië  à  les  recevoir ,  appliqué  conlfré  la  miTraille 
et  composé  d'autant  de  cases .  visibles  qu'il  y  aura 
d'ontih  dans  Tîitdier.  *UnToup  d'oril,ieté  sur  céUe 
taîfl'etfe,  afpprcîndra  sortie  champ  filous  les  îii^u- 
♦inems  y  ont  été  remis.  ©'arHenrs  onipoin*m  tonjours 
fouiller  les  prîsonnftéfs ,  à  letn'isortîe  dei'atéHer,  et  le 
gkrffreu  ,  respoti^Kle  de  la  sûreté  de  la  frrisoii ,  ^ra 
tODJoitrs  te  maiître  de  refuser  ou  d'accorder  la  pennîs- 
^lôi\  èe  se  livrfer  à  ces  titivaux. 

Miaisîl  ne  devra  jamais  pernneftrel'exefcice  des  arts, 
pour  fesqticIFs^rfaut  un  feu  considérable ,  comme  les 
tbrges  et  en  générid  todfcfs  'ïes  manipulations  d^  mé- 
taux, îifes  coiiséqoenctrs  de  IHncendie  d*une  prison 
sont  trop  effrayantes,  pour  qu'on  s^y<«pose  jamais. 

Oti  conçoit  cependant  que  cette  interdiction  ne 
doit  pas  flipper  sur  les  arts,  qiti  entriahient  -un  usage 
'modéré  dû  feu,  comme  celui  des  ^tisserands,  auxquels 
ilfailt  un  peu  de  feu  pourTapprét  de  la  toile  ,  ou  des 
bi)0ijtiers,  qui  soudent  de  petites  portions  de  métal 
à  laiiamme  d\ine'l*ampe. 'Il  yauroitde  'hat  rigueur  à 
leur  appliquer  cette  'prdhibîtîon. 

'Erifiii  on  tâchera  de  procurer  à  ceux  qui  n'e^vetit  pas 
travailler,  et  qui  ne  sont  pas  condamnés  à  une  déten- 
tion assez  longue  pour  apprendre  nn  métïer,  quelque 
occupation  facile  et  mécanique ,  qui  puisse  leur 
assurer  tin  léger  profit,  et  les  délivrer  du  poids  de 
Totslveté. 

Toutes  les  fois  qu'on  de^ra  faire,  dansles  prisons, 
quelques  travaux,  soit  de  réparation,  soit  d'augmen- 
tation ou  de  perfectioiuremeitt ,  un  y  emploiera^  de 


DU  REGiaftE  ]»«>|IAL.  533 

Ipfféf^Me ,  les  pcîsoQ^Qiei's  ^ui  eu,  seroi^iil  es^^blefii  e| 

Voii  Wadme&tm  qn'ài  Uw  <kf&Mt  I^qs»  Qiivx.iar&  or- 
dinaires. 

Quel  qnespît  kgewe  4»  iw^^H % wqxii&l  s!^90ent 

nité  «fe-  lear&  pQÎne^,,  ^  aMi«ii«e  poriiuQt  n«  powra 
élre  dékHiTMQ  t  sui»  ceMe  qjui  Ww^  ^parlîent ,.  d^n^  1$ 
pflrix  de  ii»4Mte  d'omvre. 

l'occupation  g^év^le  et  hâ^tMluelW  (h  U  ppispft  ou  de 
tout  ua  ateUer ,  soii  <|Me  l^'oy^j^ag^  l«air  s^it  fÎMiif  ni  par 
le  Go(Uver«9«oeDt  %  $oJA  qiViI%  If^v^Ubat  pour  le 
CQimf)te  (k  iô<iAuraciai'iec$ ,  ^eçoAt  payés  et  (irailës 
corau»e  les.«iUMirie9fl|  49S  fWinu(açJiiweSACÇMfi»rjpakéfnent 
»  UH  to^if ,  ar?été  entre  Us  f  Aii?epreneurs  d^S;  travaux 
9l  h  tQxtxmmmh  d>9s^  inspye^t^cirst ,  et  atlkM  dans  les 
ateliiers. 

Cen%  qui  eioercere^  iHie  industrie  spéciale  et  t^ra- 
^^Ulerofit  individ^ell^meiit  pour  le  compte  des  parti- 
culiers, Fecevro^t  euX'isoéiDes  les  coaunandes,  ^ui. 
leur  seront  faites  et  çoiivIeii^Qnt  du  pvix  de  leur  tra- 
vail. Cette  ûégoci^iGMA  aura  lieu  de  la  ruéme  oiauière 
que  les  aciiats  autorisés  d'aUmens  extraordinaires.  Ij» 
greffier,,  dans  les  prisQ^s  m  il  y  en  aura  un ,  et ,  dans 
les  apures  ,^  \»  gardien,  tieudpQ^ii  iiote  de  ççs  conven- 
tions et  ieci  porteront  sur  l'état  du  >ouv. 

Le  prix  stipulé  sera  payé^  par  les  particuliers,  entre 
les  mains  de  Tiospecteuc  de  service  ,  qui  le  recevra ., 
sur  le  vu  de  Tëtat  dressé  par^  le-  greffier.  Il  le  remettra 
sur-le-champ  mi  déteuu>.  s'il  n'esl  pas  condamné  >  et 
dam  le  cas  eoutrairet  il  ne  lui  eu  remettra  qu'une 
portiou.)^^  qui  ne  pourra  p9S  e^u^éder  le  tiers,  mais  qui ,. 


534  DES  PRISONS, 

suivant  les  circonstances  et  confcMrmémcnt  aux  règle-^ 
mens  particuliers,  pourra  être  inférieure  à  cette  pro- 
portion. 

Les  sommes,  dues  à  l'administration  par  un  prison- 
nier, pour  dégâts  on  pertes  occasionées  par  sa  faute, 
seront  prélevées^ sur  la  portion,  qu'il  auroit  eue  sur- 
le-champ,  et  n'affecteront  jamais  celle  réservée.  Si  elles 
excédoient  le  tiers  du  gain  de  deux  mois,  ellesseroieiit, 
pour  la  portion  excédante ,  assimilées  aux  condamna- 
lions  de  dépens  et  recouvrables  de  la  même  manière. 

La  portion  réservée  sera  déposée,  toutes  les  semai- 
nes,  à  la  caisse  instituée  pour  les  consignations,  et  le 
condamné ,  après  l'expiration  de  sa  peine ,  ira  y  récla- 
mer la  somme ,  qui  lui  appartient  sur  ses  sabires. 

Chaque  condamné  aura  un  livret ,  disposé  par  cases 
pour  chaque  jour,  dans  chacune  desquelles  l'inspecteur 
de  service  inscrira  la  somme  par  lui  remise  au  prison- 
nier^ pour  ses  besoins  journaliers.  Cette  inscription 
fera  la  décharge  de  l'inspecteur.  Au  bout  de  chaque 
mois  on  fera  le  total  du  gain ,  et  le  greffier  dressera 
un  état  général ,  sur  lequel  le  receveur  des  consigna- 
tions vérifiera  les  versemens  qui  lui  auront  été  faits , 
chaque  semaine,  par  les  inspecteurs  de  service. 

  l'expiration  de  sa  peine ,  le  prisonnier  fera  viser 
son  livret,  par  le  greffier  et  l'inspecteur  de  service.  Le 
total  général  sera  fait ,  et  l'inspecteur,  en  arrêtant  le 
livret,  écrira,  de  sa  main^  et  en  toutes  lettres,  la 
somme  qui  sera  due  au  prisonnier.  Cette  somme  lui 
sera  payée ,  sur  la  représentation  et  le  dépôt  de  son 
livret.  S'il  y  avoit  quelque  soupçon  d'erreur  dans  le 
compte  général,  soit  par  l'effet  d'une  erreur  de  calcul, 
soit  par  celui  d'une  falsification,  ou  d'une  surcharge. 


DU  REGIME  MORAL.  SJS 

tm  recourra  aux  états  de  mois,  déposés  à  la  baisse  dea 
consignations^ 

Le  livret  restera  entre  lesmainsdii  receveur,  comme 
pièce  comptable. 

il  contiendra  une  colonne,  pour  inscrire  les  amen- 
des ou  restitutions ,  que  le  détenu  pourroit  devoir  ;  la 
balance  sera  faite,  ati  bout  de  chaque  mois,  et  cons- 
tatée par  l'aiETêté  mensenaire.  ' 

Les  prisonniers  qui  se  distingueront ,  par  leur  assi- 
duité au  travail  et  leur  habileté,  recevront,  à  titre  de 
récompense ,  une  prime  en  argent  ou  un  prix ,  consis- 
tant en  outils,  ou  en  matière  à  travailler. 

CHAPITRE  II.  Iiisiruciian  cwile. 

Les  prisonniers,  relativement  à  Tinstructiou  dont 
ils  sont  susceptibles,  sont  naturellement  diviçés  en 
deux  classes ,  les  enfans  et  les  adultes.  L'âge  de  dix- 
huit  ans  fobme  le  point  de  séparation  de  ces  deux 
catégories. 

Les  enfans  apprendront,,  indépendamment  d'un 
métier  quelconque,  à  leur  choix  parmi  ceux  établis 
dans  les  prisons,  tout  ce  qui  compose  renseignement 
élémentaire,  c'est-à  dire,  la  lecture,  l'écriture,  l'a* 
rithmétique  simple ,  et  le  dessin  linéaire. 

Ils  recevront,  en  même  temps,  une  instructioii 
morale ,  propre  à  leur  faire  comprendre  et  aimer  l'or- 
dre social,  et  les  devoirs  de  l'homme  en  société.  On 
leur  mettra  entre  les  mains  un  livre,  composé  pour 
cet  objet ,  et  ceux  qui  auront  parcouru  le  cercle  entier 
de  l'enseignenxent  ordinaire ,  suivront  un  cours  dog- 


536'  BEs  pnisoîta 

mdlique de  morale }  qoiseï^  ftnt&fpécr^êitteM  à  fenr 
usage. 

Le»  âdViltes  apprenducnit'  tous  nu  métier,  ih  moins 
qu'ils  n'aient  déjà  une  industrie,  soitn^cdniqne,  soit 
Hbérale,  qui  puisse  leur  procurer  une  existende  assa- 
vëe ,  pendant  et  après  leur  détenttÎQni 

Hsapprendi'ont  également  &  Kre ,  écrire  et  compter. 
Cette  partie  d'études  sera  obKgatbire  pour  eux,  à 
peine  de  retttan^hement  de  hr soupe,  toutes  les  fois 
Qu'ils  auroient  'manqué  à  la  leçom 

ïls  âuron*la  feculté  d'apprendre,  s'ils  le  veuïent,. 
les  autres  notions,  propres  à  compléter  l'instruction 
d'un  artisan,  le* dessin,  la  mécanique,  et  la  chimie, 
dans  leur  appKeaftion-  aux  différentes  professions,  et 
l'économie  industrielle. 

Les  femmes  apprendront  de  plus  la  confire  el  le 
tricot. 

Ces  diverses  branches  d'enseignement,  seront  mon- 
trées aux  prisonniers  par  la  méthode  de  Fenseigiie- 
ment  mutuel. 

li  y  aura,  dans  chaque  prison,  un  instituteur  en 
chef,  qui  sera  chargé  de  toute  la  partie  purement  scien-^ 
tifiqne  de  renseignement.  On  a  vu ,  plus  haut ,  dans 
quelle  classe  on  pourrit  le  choisir  et  les  aivantages 
dont  il  jouira. 

Il  donnera,  chaque  jour,  une  leçoit  d'ime heure, 
pour  tcms  les  prisonniers  à  la  fois.  On  conçoit  com^ 
bien  cela  devient  facile,  avec  la  méthode  de  Tensei-* 
gnement  mutuel. 

On  pourroit  prendre ,  pour  fonder  Tétablissenrrent , 
un  des  officiers,  qui  ont  monté  les  écoles  régimentaires» 


DU  REGEMK  IVIOKAL.  S»? 

^xte  le  âânDier  minislre  de  la  (ÇYierre''avoil  itistitnées , 
eu  toBteaiittoe  piwsanne,  familière  avee  ki  méthode  d^ 
tVnseignelnc^nt  in»tiiel ,  qm ,  'efi  peu  d^  temf)9 ,  for- 
mera FiTistitttteiip>  ai»  mécanisme  simple  et  facile  de 
ce  luadè  d^îastruction^ 

Un  homme  distingué  par  ses  htmiètes^  et  qui ,  ait 
milieu  des  puissances  de  la  fortune  ,  ne  dédaigne  pas 
de  s'occopep  des  fins  modi<|aes  ^ntérêlÀ  des  classes  in- 
digentes^ et  d'écon,omîsep  scrupuleusement  leur  bé- 
méïiee  le  pikis  léger  ^  a  Irrouvé  un-  m^en*  de  faite  en 
sr>rte  que  Ite  leinps  iioosacré  à  riAStractîon  ne  fàt  pas 
retranché,  sans  dédommagement,  de  celui  que  l^e» 
prisotûiierS' peuvent  donner  à>u»tt*aTa<il  Uicratitl  C^est 
à  t'aide  dies>IMgèves  grMî'ficati'ons,  mitées  ddne  les  écoles 
d'enseignement  mutuel^  qu^'il  parvient  à  rendre  pro- 
dnetinres-  poop  le  prisonnier  les  hfevireft  mém<es ,  qu'il 
enlève  à  4on  travail.  Il  a  calculé  que  le  taux  moyen  d(^ 
k»  poiHion  des  salaires ,  kitssée  »  kii  dispûsi^io»  ctes  pri- 
sonniers^  est  de  2a  centimes,  pour  une  journée  de  dix 
heures;  c^est  donc  2  centime»  et  deiv^i  par  benre,  que 
les  prisonniers  reçoivent  communément.  L'usage  est 
dt  dtonner  une  gratiftcatkNt  de  2S  cent,  aux  écoliers , 
qui  passent  d'um^claeser  dans  la  classe  supérieure  ;  et , 
comrùcf  cette  motalio»  peHI  avoirlien  toos  les  cKx  jours, 
et  même  tous  les  huit  jours,  les  prisimniers ,  avec  une 
heure  de  leçon  par  jour,  setirniveront  gagnev  autant, 
que  s  ils  av-oient  tvavaiUé,  le  roénse  espace  de  temps , 
à  lenr  métier  ordUta^re,  déduction  faite  cependant 
des  deux  tievs  de  réserve*  Je  ne  puis  trop  inviter  à 
prendre  en  considéfalio»  ^  ces  vues ,  aussi  judicieuses 
cfne  philantropiqnts,  d'un  homme ,  dont  t'expérience 
égale  l'humanité. 


53»  DES  PRISONS. 

Indëpendamnient  des  rëeômpenses  et  diâtînctions- 
àe  détails  >qui  sont  les  résultats  immédiats  de  la  mé- 
thode employée  pour  kistraire  les  prisonniers ,  l'assi- 
dnité  ail  travail  et  Ws  progrès  dans  l'instruction  se- 
ront récompensés,  d'aprèslesr^ègleSy  posées  ci-dessus,  à 
la  section  des  récompenses^ 

CHAPITRE  un  mstruction  religieuse. 

\ 

i 

Les  enfans  seront^  instruits,  spécialement  et  en 
Cdrme  de  cours ,  sur  le  dogme  et  la  morale  de  la  re- 
ligion. 

L'aumânier  sera  exclusivement  chargé  de  cette  par- 
tie de  renseignement ,  pour  les  détenus,  catholiques. 
Ceux  des  autres  religions^  sectes  ou  communions, 
seront  instruits  exclusivement  par  leuBS  ministre». res- 
pectifs. 

L'aum6nier  catholique  mettra  Içs  jeunes  détenus 
en  état  de  faire  leur  première  communion,  et  s'ap- 
pliquera à  leur  faire  aimer  la  religion ,  qu'il  leur  en- 
seigne. 

Il  devra  faire  régulièrement^  et  à  jour  et  heures 
fixes,  une- instruction  théorique  ou  catéchisme,  à 
Tusage  des  enfans  seuls ,  et  y  joindra ,  suivant  Toccasion^ 
des  prédications  ou  des  exhortations,  particulières. 

Les  hommes  faits  n'auront  point  de  catéchisme; 
mais  Taumônier  tâcher^  de  remplacer  Tinstruction , 
qu'on  puise  ordinairement  dans  ces  leçons ,  au  moyen 
d'homélies  oq  prédications  courtes  et  simples ,  dans 
lesquelles  il  leur  rappellera,  ou  même  au  besoin, 
leur  enseignera ,  les  vérités  fondamentales  de  la  re-' 
ligion. 


DU  REGIME  MORAL.  63g 

li  saisira  avec  adresse  les  occasions  de  leur  faire 
des  exhortations,  propres  à  les  toucher  et  à  les  convain- 
cre, sans  s'as&njétir  à  aucune  përiodieitë. 

L'aumônier  sera  cl^iargé  d'annoncer ,  en  chaire,  les 
grâces ,  les  commutations  de  peines ,  et  les  autres  bien- 
faits de  la  puissance  royale ,  en  faveur  des  prisonniers. 
Il  fera  précéder  cette  annonce  d'une  exhortation  »  qu'il 
aura  soin  de  rattacher  à  la  circonstance. 

Indépendamment  de  ces  prédications,  destinées  à  la 
masse  des  prisonniers,  le  zèle  des  aumôniers  leur 
inspirera  souvent  de  faire,  à  certains  d'entre  eux,  des 
exhortations  particulières  et  individuelles ,  selon  qu'ils 
le  jugeront  nécessaire,  soit  pour  déterminer  une  con- 
version, prête  à  s'opérer  et  toujours  différée,  soit 
pour  vaincre  un  cœur,  trop  endurci  pour  céder  aux 
exhortations  générales.  Ils  feront  usage ,  dans  ces  occa- 
sions, de  tous  les  moyens  propres  à  toucher  les  cœurs , 
et  surtout  de  la  connoissance,  qu'ib  auront  acquise,  du 
caractère,  des  habitudes  et  des  particularités  de  chaque 
prisonnier.  La  prison  devra  leur  être  ouverte  à  toute 
heure  ,  et  ils  pourront  toujours  voir  les  prisonniers , 
soit  pendant  les  repas>  soit  dans  les  préaux  ,  soit  dans 
les  ateliers- 

L'aumônier  fera  observer  régulièrement  les  de- 
voirs extérieurs  delà  religion,  par  toutes  les  classes  de 
prisonniers.  Tous  les  dimanches  et  jours  de  fêtes  lé- 
gales, il  célébrera  l'office  divin  ,  auquel  tous  les  dé- 
tenus devront  assister.  La  gendarmerie ,  et  un  déta- 
chement des  troupes  casernées  dans  la  ville  y  assiste- 
|-ont  en  armes. 


54»  IkES  FftKSQNS; 

CHAPITRE  IV.  ISducatton. 

J'ai  rasseiriblé   soiis  le  litre  d'éducation,,  dans  I^ 
preniîcrp  partie  de  ce  Traité  (l), l'ensemble  de  tous. 
les  moyens,  par  lesquete  on  pentîhdîrectemeat,. ame- 
ner les  détenus  au  poînt  on  doit  toujours  tendre  une- 
détention    légate,    Tamendement    moral    des    con- 
damnés. L'instruction  théorique  n'est  jamais  suffisante- 
pour  opérer  la  réforme  des  încHnatîons  nriorales;  ce- 
n*est   pas  assez  d'avoir  éclairé  Fesprît  et  montré  à- 
l'homme  fes  d'evoîrs  qu'il!  doit  remplir  ;  ît  peut  être 
ronvaîncu,  mais  il  n'est  poînt  persuadiez  II  faut,  pour 
obtenir  quelque  succès»  en  soumettant  sa  raison ,  ga- 
gner Tassentiment  de  sa  volonté  etlui  faire  v^ouloir  et  ai- 
mer ce  dont  on  lui  a  prouvé  la  nécessité  et  ta  justice.. 

Tel"  est  le  but  de  ce  que  j'appelle  éducnthnà^  pri- 
sonniers ,  à  cause  de  l'analogie  qui  existe,  soit  pour  ta« 
fin,  soit  pour  les  moyens,  entre  cet  ensemble  de 
soins  et  ceux  qu'on  prend  ,  pour  inspirer  aux  enfans, 
lessentimcns,  qu'R  s'agît  de  rappeler o«i  de  foire  naître 
dans  le  cœur  des  prisonniers.  Il  faut  cependant  remar- 
quer, entre  ces  deux  éducations,  nne  différence  capitale, 
qui  tient  à  la  position  des  sujetsXes  enfans  ont  tout  à  ap- 
prendre, mais  ils  n'ont  rien  à  oublier  ;  leui:âme  a  encore 
toute  sa  pureté  native,  et  ils'agit  seulementd'y  faire  ger- 
mer des  semences  de  verh»  ;  mais  les  prisonniers  ont ,. 
pour  la  plupart,  une  foule  de*  penchans  vicieux,, 
d'erreurs  ftmestes,  de  préventions  fatales  à  déraciner 
ou  à  combattre.  Avant  de  leur  apprendre  la  vertu ,  il 
faut  les  arracher  au  crime  ;  la  tâche  est  donc  plus  que 

(i)  Pages  3oo-35a. 


DU  RÊMME  MORAL.  S4i 

dotfblëe  à  leur  égard  :  mais  les  ^moyens  sontles  mêmes, 
pour  les 'lins  «et  pour  les  autres.  La  pilupiart  cemsi^tent , 
moms  dans  remploi  de  «mesures  positives  «t  suscepti- 
bles d'être  indiquées  y  que  dans  Tesprit  qui  dirige  la 
conduite  des  supérieurs  de  la  prison ,  et  de  leurs  agens 
aubattemes  ;  et,  comme  de  pareils  «conseils  tie  peuvenft 
guère  élre  appréciés  que  par  des  personnes  instruites 
«t  habîttiées  à  Téflécîhîr ,  c'eôt  surtout  àTaumônier, 
à  rinstituteur  et  aux  inspecteurs  que  nous  Temeltt ans  le 
soin  de  rendre  familier  aux  prisonniers  cequ  on  leur 
aura  fait  concevoir  par  renseignement  théorique , 
d'intéresser  leurs  cœurs  aux  vérités,  que  leur  esprit  aura 
saisies,  de  préparer,  dans  certains  cas,  de  confirmer, 
dansd^autres  ,  la  conviction ,  en  joignant  aux  lumières 
de  la  raison  toute  la  chaleur  du  sentiment.'Si  les  choix 
iSoht  faits  convenablement 'et  avec  impartialité ,  le  gar-^ 
dren  en  chef  sera  souvent  digne  de  comprendre  et 
d'exécuter  ces  règles.  Nous  noiïs  en  rapportons  au  zèle 
de  ce  fonctionnaire,  pour  concourir,  de'touteson  in- 
fluence, à  la  correction  des  prisonniers. 

Le  but  de  l'éducation  ,  que  nous  proposons  de  don- 
ner aux  prisonniers  ,  est  de  leur  rendre  aimables  c% 
familières,'les  grandes'idées  morales,  qui  comprennent 
et  déterminent  tous  les  devoirs  de  Thomme,  ordre 
social ,  vertu ,  religion*  Nous  avons  indiqué  dairs  la 
première  partie  quelques-^uns  des  moyens,  qui  nous 
paroissent  propres  à  conduire  à  ce>résultat.  Les  uns  dé- 
pendent de  l'organisation  même  des  prisons  et  agis- 
sent, par  eux-mêmes ,  sur  le  cœur  des  prisonniers; 
nous  les  avons  indiqués,  dans  les  chapitres  auxquels  ils 
se  rapportent,  et  on  les  y  aura  facilement  reconnus: 
'telle  est  la  faculté  ,  accordée  aux  prisonniers ,  d'avoir 


543  DES  PRISONS. 

quelques  propriétés,  par  la  concession  temporaire 
de  certaines  portions  de  terrain  cultivable.  Cette 
institution  ,    en  leur    apprenant  ,   par   leur   propi-e 

.  expérience  ,  le  prix  d'une  production  due  au  tra- 
vail ,  et  rinjustice  de  celui  qui  Tenlève  à  son  pro- 
priétaire, leur  donnera,  d'nne -manière  frappante, 
l'idée  fondamentale  de  propriété ,  $»r  laquelle  repose 
tout  l'édifice  social  ;  telle  est  encore  Tinstitution  d'une 
espèce  de  jury  entre  les  prisonniers,  ponr  prononcer 

'  sur  certaines  récompenses  ;  cet  exercice  de  la  justice 
est-plus^ sur  qu'un  an  ,de  leçons,  pour  faire  compren- 
dre à  des  condamnés  ces  grandes  lois  d^équité,  que 
nous  regardons  comme  faciles  à  connoitre,  et  dont 
beaucoup  de  prisonniers  sont  toutefois  si  éloignés. 

La  fonction  d'annoncer  les  grâces,  réservée  à  Tau- 
minier  est  encore  un  de  ces  moyens,  qui  agissent 
d'eux-mêmes  et  qui»  peu  vent  être  très- efficaces,  en 
liant  à  l'idée  de  religion ,  celles  ,  si  douces  pour  des 
prisonniers,  de  grâce  et  de  liberté.  La  vue  du  pasteur, 
celle  de  la  chaire,  d'où  ils  ne  recevroient  que  des  conso- 
lations, leur  rappelleront  toujours  les  émotions  douces, 
qu'ils  auront  éprouvées  à  leur  occasion,  et  ilsarriveront 
toujours  au  pied  des  autels,  avec  cette  tendresse  de  cœur, 
qui  est  la  meilleure  disposition  ,  pour  recevoir  des 
leçons,  quelles  qu'elles  soient,  et  pour  en  pri»fiter. 

Indépendamment  de  ces  moyens,  qui  agissent  d'eux- 
mêmes  et  sans  le  concours  nécessaire  d'aucune  volonté, 
il  en  est  d'autres,  qui  tendent  au  même  but  et  qui  ré- 
sultent de  la  conduite,  que  tiennent  les  supérieurs. 
Ainsi,  pour  entretenir  dans  les  prisoimiers  l'idée  de 
justice,  il  faut  toujours  qu'on  en  fasse  sa  règle  à  leur 
égard.  Si  on  blesse  une  fois  la  justice  envers  eux,  ils 


DU  REGIME  MORAL.  543 

tie  la  respecteront  jamais  eux-fnêmes«  C'est,  là  surtout 
qu'il  faut  convertir  par  l'exemple.  L'arbitraire  des 
chefs  sembleroît  aux  condamnés  une  justification  de 
leurs  forfaits  passés. 

Cette  équité  parfaite  est  encore  nécessaire ,  pour 
leur  faire  comprendre  et.  aimer  Tordre  social,  Tune 
des  idées,  avec  lesquelles  ils  sont  le  moins  familiarisés.  ' 
Ce  n'est  qu'en  suivant  les  règles  invariables  d'une  im- 
muable justice,  et  qu'en  ne  laissant  aucun  doute,  sur 
eelle.  qui  préside  à  .toutes  les  déterminations,  qu'on 
pourra  leur  faire  sentir  la  nécessité  des  sacrifices  tm^ 
posés  aux  particuliers,  dans  l'intérêt  général.  Nous 
avons  essayé ,  dans  la  première  partie,  de  tracer  la 
marche  à  suivre ,  pour  leur  ap|urendre  le  prix  et  les 
douceurs  de  la  société. 

Enfin  les  administrateurs,  desquels  dépend  particu- 
lièrement l'éducation  des  prisonniers,  ne  doivent  pas 
perdre  de  vue  que  c'est  par  le  ressorrde  la  liaison  des 
idées ,  qu'ils  parviendront  à  tourner  au  bien  le  cœur 
de  ces  hommes,  et  que  c'est  en  ayant  l'art  de  lier  des 
idées  agréables,  aux  objets  qu'on  veut  leur  faire  aimer 
et  des  idées  tristes  et  repoussantes,  à  celles  dont  on  vent 
les  détourner,  qu'on  réussira  à  leur  inspirer  ces  senti- 
méns  et  à  les  dévelop[{)gr  chez  eux ,  dUme  manière  si  , 
naturelle,  qu'ils  les  éprouvent,  comme  d'eux-mêmes  et 
sans  suggestion.  C'est  la  liaison  des  idées,  qui  doit  être 
l'agent  de  leur  éducation,  en  provoquant  et  non  pas  en 
suggérant  celles  qu'ils  doivent  acquérir. 

Nous  n'entrerons  point  ici  dans  un  détail  superflu 
et  qui  ne  seroit  qu'une  redite  des  principes  déjà  éta- 
blis dans  la  première  partie,  au  chapitre  de  V  Educa- 
tion. Il  nous  suffit,  en  terminant,  de  rappeler»  d'une 


■N 


S44  I>ES   MtfSOKS.  • 

nminèpe  ^ësërab ,  les  tè^kes  ppîndî palets^  qtii  doivent 
faire  lOfMiiiBerefippittde  toute  4 'Hdfnilmtralîon  et  qui , 
en  ae  paltaohant  à  trédacatiofi ,  doirt  eties  Swirtent  les 
bases  et  dirigent  les  opérations ,  présentent ,  en  quel- 
que^sopte ,  le  «pésumé-de  tont  oe  que  inoos  avons  en  à 
dire ,  sur  le 'régime  des<pntsom. 

La-déteutiondes  condamnés  a  moins f)our  faut  de 
pmir/Ies  individus  «coupables,  que  de  prévenir  le  retour 
de  semblables  crimes»  soit  par  la  rterrenr  dedleieeRiple, 
soit'par  ramendoment  «moral  du  prisonnier.  EUe 'dort 
donc>êtpe  assez^pémble  f'pour  détoomier^du  ciimecpiy 
e!Xip«)6e,  tet  «assez  inâlructive,'paiir  rendre  des  crnidam- 
nés  ci^ables  de  tenir  <un  Tang  -estiniable  dans  la  so- 
ciété, ai  la  loi  leur  ;pe9met  d\y  rentrer,  .après  un 
certain  temps  dVxpiation. 

Le  temfJS  'deJa  détention  d«iit  «dcmc'ètre  employé, 
totitiCBlier^  a  ramélioration  «noBale'de»condanines;et 
tout ,  «dansle  syétèmedes  prisons,  doit  «tendre  à>réfomier 
leurs  inclinations  vicieuses  età^ileur  inspirer  le  verin. 

Le  itravarl  les  déUvrera  de  J'oisiveté,>et  leur  «ensei- 
gnera à  préférer  un  gain  médiocre ,  mais  assuréet  sans 
danger  ,auK  chances ,  toujours  funestes  et  tonjouFs>in- 
f&meSy  delafainëantiseet  de  rimprobité. 

L'instruction  civile ,  en  leq]^  ôtaot  leur  ignorance, 
les  élèvera  àleurs  propres  yeux.,  et  préparera  laiioUesse 
des  sentimens ,  en  faisant  reiuaitre  Tamour- propre  ; 
elle  leur  donnera  en  même  teoips  des  •coniioissancès 
précieuses  et  des  moyens  de  subsistance  plus  «étendus. 

La  religion  sanctionnera,  daplos  auguste  ascendant, 
lesleçonsde  la»  morale,  et  mettra  un  frein  salulaire^ux 
passions  -de  ces  hommes,  trophalûlués  à  s'y  laisser 
entraîner. 


Ï)ÈS  DÉPENSES,  545 

ËnËn,si  l'on  i)e petit  avoir  tropcrëpfards  pmir  les 
^monnîers qoi  ne  sont  pas  encore  condamnée,  it  ne 
faut  pas  oublier  que  )  pour  les  autres,  la  défention  est 
une  peine f  qui  ne  dort  élre  aggravée,  ni  adoucie  et 
tjue  le  but  seroit  manque ,  s'jl  pouvoit  arriver  que  ^ 
par  un  excès  d'indulgence ,  on  eut  mis  un  prisonnier 
dans  le  cas  de  ne  pa«  désirer ,  toujours  et  avec  ardeur  « 
rinstant  où  finira  sa  captivité. 

TITRE   VII. 

DES   DEPENSES  QUE  PEUT  ENTRAll^ER  LA    RÉFORMI;  Î>EH 

PRISONS^ 


Nous  3  Von  S  proposé  des  réformes  assez  nombreuses 
dans  le  régime  des  prisons;  ces  améliorations  entrai- 
jfieront  nécessairement  un  surcroit  de  dépense  ,  au 
moins  pour  le  moment  actuel  et  à  raision  des  frais  de 
premier  établissement.  Terminer  les  bâtimens  des 
maisons  centrales ,  reconstruire  ou  améliorer  un  grand 
nombre  de  maisons  d'arrêt  et  de  justice  ^  et  les  mettre 
en  état  de  se  prêter  aux  subdivisions  ,  que  nécessite  la 
diversité  des  genres  de  détention  ,  réparer  ou  nriéme 
construire  un  petit  nombre  de  dépôts,  pour  legîte  des 
pi;isonniers  transférés,  enfin  améliorer  te  régime  in- 
térieur ,  sous  le  doubje  report  physique  et  moral , 
telle  est ,  en  aperçu ,  la  vaste  enlreprisf  de  la  réforme 
des  prisons. 

Déjà  toutefois  beaucoup  de  ces  travaux  sont  exécu- 
tés: sur  dix-neuf  maisqns  centrales ,  seize  sont  en  ac- 

35 


S46  DES  PRISONS, 

tivité  et  n'attendent  plus  qu'un  complément  de  détails, 
pour  pouvoir  loger  le  nombre  de  détenus  auxquels 
elles  sont  destinées  ;  une  est  prête  à  recevoir  les  pri- 
sonniers et  deux  •seulement  restent  encore  à  disposer. 
Il  reste  plus  à  faire  aux  prisons  départementales;  mais 
les  dépenses-,  qui  leursont  relatives,  tombant ,  en  grande 
partie,  à  la  charge  dés  départemens,  ne  diminueront 
que  peu  la  somme,  qui  sera  allouée  sur  les  fonds  natio- 
naux ,  pour  Tamélioration  des  prisons. 

Le  dernier  ministre  de  4'Intérieiir,  qui  portoit  une 
attention  toute  particulière  à  ce  projet  important ,  a 
calculé  en  masse  les  dépenses ,«  que  pourront  entraîner 
les  diverses  réformes ,  que  sollicite  le  régime  des  pri- 
sons. Il  pense  que  4,5oQ,ooo  fr.  suffiront  pour  Taché- 
vement  des  maisons  centrales ,  et  propose  de  répartir 
celte  dépense  sur  les  quatre  années  1820,  1821 ,  1822 
et  1823.  Quant  aux  prisons  départementales  ,  comme 
il  en  est  beaucoup ,  qu'il  faudra  rebâtir  entièrement , 
un  grand  nombre,  où  des  réparations  considérables 
sontnécessaires,et  qu'il  eu  est  quelques-unes,  auxquelles 
il  est  indispensable  d'ajouter  des  préaux,  soit  par  l'acqui- 
sition de  terrains^  soit  par  la  démolition  des  maisons 
voisines,  cet  article  entre  pour  quinze  millions  dans  les 
calculs  du  ministre,  en  y  comprenant  toutes  les  prisons, 
autres  que  les  maisons  ceiitrales,  à  la  charge  du  tfésor. 
11  évalue  la  fourniture  du  mobilier  a  2,000,000  fr. , 
ce  qui  donne,  pour  l'ensemble  des  améliorations  pro- 
jetées, une  somme  totale  de  21, 5oo,ooo  fr. 

:Ces  dépenses,  d'après  les.  vues  développées  par  le 
ministre  dans  son  rapport  au  Roi ,  seront  remplies, 
partie  par  les  centimes  additionnels  centralisés ,  partie 
par  un  fonds  supplémentaire  fourni,  par  le  trésor,  pour 


I)fîS  DEPENDES.  54^ 

suppléer  à  rinsuffi$ai)ce  de  cette  ressource,  et  de  celle 
résultant  des  centimes  facultatifs,  dans  chaque  départe^ 
ment.  C'est  pour  cet  usage  qu'il  proposoît*  de  porter 
au  budget  de  TEtat,  un  crédit  spécial  de  1  «500,000  fr. , 
qui  seroit  réparti ,  p0r  les  ordres  du  Roi ,  entre  les  dé- 
parteniens,  dont  les  revenus  seroient  ihsuf&^ns^pour 
subvenir  aux  dépenses  d'établissement  ou  d'amélîora- 
tiondes  prisons  qu'ils  renferment.  Sur  ce  crédit,5oo,ooo 
fr,  feulement  seroient  affectés  aux  prisons  départe- 
mentales, quoique  leur  amélioration  soit  susceptible 
d'entraîner  la  plus  forte  dépense ,  parce  qu'elle  doit 
être  supportée  par  les  départemens  et  que  le  fonds 
supplémentaire  ne  peut  être  considéré  que  comme 
un  secours,  pour  ceux  dont  les  dépenses  excèderoient 
les  ressources.  Mais,  quant  aux  maisons  centrales»  qui 
sont  entièrement  à  la  charge  du  trésor,  il  falloit  né- 
cessairement leur  préparer  des  fonds  plus  considérables 
dans  le  budget  national: 

C'est  ainsi  qu'au  moyen  d'un  léger  sacrifice  pen- 
dant quelques  années^,  la  France  parviendra  à  faire  de 
ses  prisons,  une  institution,  digne  de  servir  de  modèle 
aux  autres  peuples.  Quant  aux  dépenses  annuelles  «et 
d'entretien,  elles  ne  seront  pas  considérablement  aug- 
mentées, et  les  revenusque  les  prisons  acquerront  petit 
à  petit ,  fourniront  le  moyen  de  supporter  ces  dépen- 
ses, concurremment  avec  les  sommes  annuellement 
portées  dans  les  budgets. 

Il  nous  reste,  pou#  terminer  notre  ouvrage,  à  indi- 
quer le  prix  des  diverses  améliorations,  que  nous  avons 
proposées.  Cet  état  aura  l'avantage  de  présenter  le  ta« 
bleau  des  réformes,  que  nous  avons  jugées  neces^ires 
et  de  faire  comme  le  résumé  de  nos  propositions.  Il 


548  t>ËS  PRISONS. 

démontrera ,  en  même  temps ,  la  possibilité  de  ces  ré- 
formes, en  précisant  des  dépenses,  qu'on  est  toujours 
disposé  à  s'exagérer,  quand  on  ne  les  calcule  point  en 
détail.  Cependant  nous  chercherons  à  éviter  le  repro- 
che d'atténuer  le  prix  des  diverses  constructions  ft 
fournitures  nécessaires,  pour  qu'on  ne  nous  accuse  pas 
d'avoir  voulu  séduire  par  Tattratt  d'une  dépense  lé- 
gère, quand  nos  demandes  exposoîent  à  en  faire  une 
plus  considérable.  C'est  dans  cet  esprit  qne  nous  por- 
terons les  divers  articles  de  dépense  à  la  somme  qu  ils 
attendraient ,  si  l'on  y  employoît  des  ouvriers  ordî- 
nairesj  et ,  comme  la  plupart  de  ces  travaux  pourront 
être  faits  par  les  prisonniers ,  on  conçoit  qu'il  y  aura 
nne  grande  économie  à  faire  sur  la  maii>  d'œuvre\ 
tant  à  cause  de  sa  modicité ,  qu'à  raison  de  ce  que  la 
plus  grande  partie  en  festç  applicable  à  la  prison.  Ce- 
pendant, dans  nos  évaluations,  nous  faisonsabstraction 
de  cette  différence  ,  qui  néanmoins  est  importante  et 
ne  devra  pas  être  perdue  de  vue  par  l'administration. 

CHAPITRE  !"►  Frais  de  premier  établissement. 

Nous  n'entrerons  point  dans  le  détail  des  diverses 
réparations  •  et  augmentations  à  faire  dans  les  prisons 
qui  seront  conservées.  La  nature  des  choses  ne  le  per- 
met pas;  il  n'y  a  peut-être  pas  deux  prisons  en  France 
où  il  faille  exécuter  les  mêmes  travaux  ;  il  est  donc 
impossible  de  prévoir,  dans  un -«perçu  général,  les 
dépenses  que  pourra  nécessiter  l'état  de  chaque  prison 
en  particulier.  Mais,  en  ciilcoUint  ce  que  pourront 
coûter  la  construction  entière  d'une  prison,  telle  qu'elle 
doit  être  ,  et  la  fourniture  des  objets  qui  y  seront  né- 


DES  DEPENSES.  549 

cessaires,.  et  en  donnant  le  déiaîl  des  diiTérens  articles , 
on  verra  facilement  ce  qu'il  en  coûteroil,  pour  celles 
qui  n'auront  besoin  que  de  quelques  augmentations 
partielles*. 

Section  1".  BAtimens: 

Ici  ,  comme  plas  haut  ,^nous  prenons  encore  pour 
base  la  prison  de  eent  prisonniers. 

La  prison  proprement  dite ,  se  com^ 
pose  de  quatre  aîles.de  1 00  pieds  de  long 
sur  20  de  large  t  ^  deux  étages  carrés» 
sans  mansardes.  11  n'est  poiint  d»  dépar- 
tement ,  où  Tôii  ne  trouve  0  faire  cons- 
truire les  murs,  U  cav^,  la  charpente  et 
le  toit  d'un  bâttmiîni  de  ce  genre ,  à  rair 
son  de  i5o  £i\  le  pted  de  kniigueur,  le^ 
tout  en  pierres*  Le  bâttfiuent  de  la  pri- 
son ayant  3  20.  pieds  de  U)ngiie.nr  ^  re- 
viendra donc  à  quarante-huit  raille  fr. , 
ci.  .>  ...  • .  t  • . .  •  * .  • .  • .  .X. . .... . , . . . . . ..    4^yQ00f.  »  c. 

L'enceinte  extérieure,  ferixiani  clÀ^ 
iure«  consistera  eti  deitx  murs  de  20. 
pieds  au  moins  d'élévaitio».^  placés  à  dix 
pieds  i'i*n  jde  l'autre ,  pour  laisser  .entre 
deux  un  chemin  <le  ronde,  «t<diii;ii|iuant  - 
d'épaisseur  à-  miesure  ài^  l^r  élévation.   - 
Comme  le  prix,  de  ceUe  c^inslruction 
dépendra  de  l'étendue,  d^  >tei^i^ ,  qui 
sera  affecté  à  l'établissement  «ntîer,  et 
.  (qu'elle sera plu$ ounioin^ cojlisidérable ^. 

4^)000  f.  >»  c. 


55o  DES  PUISONS. 

De  l'autre  part 48iOOof.  »  c, 

suivant  que  le  préau ,  qui  enlourera  la 
prison  proprement  dite,  sera  plus  ou 
moins  grand,  on  ne  peut  ici  Tévaluer 
que  d^une  manière  approximative ,  à 
soixante  mille  francs 60,000     » 

Les  planchers  coûtent  au  pins  3o  fr. 
la  toise  carrée;  chaque  étage  ayant  177  t. 
7 S  de  plancher,  la  totalité  des  trois  plan- 
chers sera  de  533  t.  34  9  qui  reviendront 
à  seize  cents  francs ,  ci.  • 1,600     » 

Les  fenêtres  sont  d»dtfférentes  sortes, 
à  cause  de  leur  usage  ;  les  unes ,  comme 
celles  des  ateliers  et  les  grandes  qui  se 
trouveront  dans  les  dortoirs,  de  quatre 
en  quatre  cellules,  auront  4  pi^s  de 
large,  sur  8  de  hauteur.  On  en  pereçra 
48  de  ce  genre ,  dont  24  au  rez-de  chaus- 
sée, ^t  34  au  premier  étage.  Chacune 
d'elles  évaluée  à  35  fr. ,  le  tout  coûtera .  •       i  ,680    » 

Chaque  cellule  aura,  de  plus^  une  pe- 
tite fenêtre,  de  4  pieds  sur  4  9  qu^on  peut  ' 
évaluera  i5fr.  chacune,  en éout  quinze 
cents  francs ,  ci . .  *  —  ./..:.....'....        i,5oo     » 

Les  barreaux  pour  les  grakides  croisées 
coûteront  715  fr.  à  chacune.  Ceux  des 
grandes  croisées  donneront  trois  mille 
trois  cent  soixante  francs,  ci. .  ^ 3,36o    » 

Ceux  des  petites  croisées^  à  raison  de 

,i5  fr.  chacune,  à  raison  de  leurs  moin- 

* 

(i6,i4of.  »  c« 


DES  DEPENSES.  55i 

Ci-conire ii6,i4of.  »c. 

àtr%s  diiTieostons  y  q«i  permettent  mie  ré- 
diiction  considérable  ,  coûteroient  pour 
cent  cellules,  quinze  cents  francs ;,  è\\  .•       i,5<)0     »» 

Les  ateliers  ou  réfectoires  auront  en 
outre  cinq  à  six  œils  de  bœuf ,  qu'on  peut 
évaluer  ensemble ,  tout  ferrés ,  cent  fr . .  i oo     » 

Quant  au  second  étage ,  où  sera  l'é- 
cole, il  n'aura  également  que  de  petites 
fenêtres^,  placées  dans  lapartiesupérieure 
ûes  murailles.  24  croisées  de- ce  genre, 
évaluées  à  20  fr. ,  donnent  quatre  cent 
quatre  yiiigts  francs,  ci 48o     " 

Les  barreaux,  à  i5  fr.  par  croisée, 
donnent  trois  cent  soixante  francs ,  ci. .     .      36o     >* 

L'escalier,  sur  upe  largeur  de  4  pieds, 

,avec  marches  de  i  a  pouces  de  giron,  et 

contre-marches.de  6  pouces  de  hauteup, 

coûtera  par  étage* 85:  fr.,  et  pour  deux 

étages  190  fr.,  ci. 190     » 

Les  portes  sont  de  différentes  espèces  : 
les  unes ,  destinées  à  la  clôture ,  doivent 
être  très-forte§  et  solidement  garnies  en^ 
fer;  les  autres,  servant  seulement  àdes- 
communications  intérieures,  peuvent 
être  d'une  construction  plus  légère.  Les 
premières  peuvent  être  évaluées  à  60  fr., 
et  les  autres  à  20  fr.  au  plus.  . 

La  ge61e  aura  trois  portes  de  la  pre^ 
«nière  espèce;  en  tout  cent  quatre-vingt 


■^r- 


^  18,770 f.  «c. 


552  DES  PRISONS. 


Oel'au,tnparU ,    1 1  S.yyof.  »  c. 


f'^ancs .80 


100  M 


La  porte  extérieure,  composée  d'un. 

gnichet  du  côté  de  la  prison ,  et  d'une 

porte  à  deux  battans  doublée  en  fer, 

coûtera  deux  cent  francs ,  ci 200     » 

Les  portes  de  distribution  se  com- 
posent: .  ' 

i"*  De  deux  portes  à  la 
geôle........ , 4of.  «c- 

2*  De  cinq  portes  d'aten 
'^^l's..... ,...    ,00     / 

3°  De  quatre  portes  de  ^         54o     » 

séparation  au  premier,  et 

autant  au  sepond. , 1 60     « 

^    4"^  De  douzQ  portes  pour 

les  chambres  fartes,  etc.   34©     n 

Les  cloisons  de  réparation  seront  eu 
iriques  de  champ,  recouvertes  en  mor- 
tier de  chaux  et  sable;  cette  bâtisse^ 
qu'on  peut  faire  au  prix  de  7  ff.  ao  c, 
la  toise  quarrée,  a,  sur  les  cloisons  en 
bois,  l'avantage  de  ne  pas  se  déjeter,  et 
detre  aussi  soUrde  qu'une  mnraille.* 
D ailleurs,  une  cloison  en  chêne  coû- 
teroit  toujours  dé  27  à  3o  fr,  la  toisè 
quarrée,  et  en  bois  blanc,  de  i4à  i5. 

La  distribution  des  ateliers  entraî-^ 
nera  au  moins  90  toises  dé'rfoifions,  ci. .  6X8 

Chaque  cloison  des  cellules ,  à  8  pieds 


i:?o,338f. 


«  c 


DES  DEPEiNSES.  SS'i 

Ci-contre i2o,338  f.  >*  c^ 

d'élëvation ,  sur  6  de  longueur,  contien- 
dra I  t.  \  quarrée.  Il  en  faudra  126  pour 
faire  la  distribution  des  dortoirs,  c'est 
donc  168  ^  toises  quarrées,  qui,  à  7  fr« 

20 c.  la  toise ,  donnent i,5i3     m 

Les  chambres  de  force  et  le  second 
étage,  hécessiteront  environ  100  toises 

de  cloison  «  ci .720     >^ 

L'infirmerie  présente  4^  pieds  de  bâ- 
timent ;  d'après  les  bases  posées  ci^essas, 
elle  coûteroit  3,825  fr.  en  pierres  et  char- 
pente ,  bâtisse  avantageuse  pdur  l'écono- 
mie du  terrain,  et  toujours  suffissinte 

pour  l'infirmerie « . . . .       3,825     »^ 

Escalier 1 80     » 

4  portes  au  rez-de-chaussée -80     » 

I  à  chaque  étage « «  4^     '^ 

16  fenêtres  à  35  fr.  <;hacune,  donnent 

56o  fr. ,  ci. ........  » 56o    » 

17  toises  de  cloison  au  rez-de-chaus- 
sée, et  autant  pour  les  distributions 
qu'on  ponrroU  faire  dans  les  étages  su- 
périeurs  • 3o6     » 

Section  11.  Mobilier • 


Six  poêles 120 

Les  métiers  seront  à  la  charge  du  four- 
nisseur des  travauit. 


n 


•^ 


1 27,682  f.  »  c. 


554  DES  PRISONS: 

De  t autre  pari. 127,682  f.  »  c. 

Memis.  meubles  et  ustensiles ,  pour  le 
service  des  alîjmens ,  environ 100     » 

Pharmacie  et  m^di'camens 800     »» 

Lits  d'infirmerie  au- nombre  de  20 ,  à 
raison  de.  i5o  fr.  ponr  chacun,  garni 
d'une  paillasse  Y  de  deux  matehs,  de 
deux  couvertures,  et  d'un  traversin. . . .       3, 00a    » 

Menus  meubles  pour  l'infirmerie. ...  60     « 

Dix  paires  de  rifleaux  à  20  fr.  la  paire.  20a    » 

200  paires  de  draps  à  8  fr.  la  pâtre ....      t,6oo     » 

3oo  chemises  à  3  fr^ §00     ^ 

100  habits  complets  à  4o  fr.  chacun  , 
comme  ceux  de  l'hospice  des  incura- 
bles        ^^oc^o     y* 

Fosses  mobiles  inodores. 4^^     " 

Etablissement  de  l'école. 

i<^  Frais  indépendantsdu 
nombre  des  écoliers.  .....    ioof.  »  c. 

2»  Dépenses  proportion- 
nelles. 10  bancs  et  10  pupi- 
tres, à  raison  de  2.  25  par  I  , , 

1  c        >  *44     ** 

place ". .     22  5o 

Ecriteaux ,  baguettes ,  ar- 
doises      20     » 

Demi-cercles  peints  par 
terre 1  5o 

Cet  article ,  si  l'on  vouloit  des  demi- 
cercles  en  fer,  reviendroit  à  48  fr.   ^ 

Total ï38,886f.  «c. 


DES  DEPENSES.  5S% 

•       •       • 

CHAPITRE  II.  Dépenses  annuelles. 


Daws  ce  chapitre,  comme  dans  celui  qul'précède^ 
nous  ne  ferons  entrer  que  les  dépendes,  qui  résulteront 
des  améliorations  que  nous  avons  démandées;  quant 
à  celles  qui  sont  déjà  en  usage  dans  toutes  les  prisons , 
il  ëloit  inutile  d'en  parler. 

Section"  V^.  Dépenses  relatives  aux  prisonniers^ 

Art.  P'.  Nourriture.  Le  pain  est  TournI 
partout ,  nulle  augmentation  n'aura  lieu 
à  cet  égard  dans  les  dépensés. 

La  soupe,  pour  cent  prisonniers,  com- 
posée comme  nous  l'avons  expliqué  ci- 
dessus  et  deux  ou  trois  fois  par  semaine 
à  la  viande  et  à  la  gélatine  >  peut  coûter 
journellement  lo  c.  par  tête,  ^et  par  an , 
en  adjudication 3,ooof.  >»  c. 

Art.  2.  Vêtemens.  Les  habits  devant 
durer  deux  ans ,  il  en  faudra  5o  chaque 
année 2,000     » 

L'entretien  du  lingfe,  y  compris  l'achat 

de  20  chemises  par  an i5o     >» 

Blanchissage   d'une   chemine  par  se- 
maine pour  chaque  prisonnier,  à  raison 
de  10  c.  par  chemise 52o     » 

3oo  paires  de  sabots,  à  5o  c.  la  paire. . .       i5o     » 

Art.  3.  Coucher.  Cet  article  peut  être 
compté  tout  entier  dans  les  dépenses  an- 

5,820  f.  «  C- 


551k  DES  PRISONS. 

De  t autre  part 5,82of.  >»c. 

nnelles ,  puisque  les  entrepreneurs  se  char- 
gent de  fournir  aux  prisonniers  des  couchet- 
tes ,  des  draps.,. des  couvertures ,  etc.,  pour 
le  même  prix  que  la  pai|le  seule ,  en  ne  gar- 
nissant les  paillasses^  que  trois  ou  quatre 
fois  dans  Tannée*  La  fourniture  de  la 
paille  Psi  un  objet  assez  considérable  ,  puis- 
que les  règlemens  obligent  d'eu  fournir 
annuellement  à  loo  prisonniei^s  ,  5, 20a 
bottes,  qui  font  104,000  ffi,  eu  ne  les  éva- 
luant qu'à  20 fr.  le  cent.  Cependant,  si,  l'en- 
trepreneur  ne  vouloit  pas  se  charger ,  pour 
cette  rétribution,  de  fournir  un  lit  à  cha- 
que prisonnier,  au  lieu  des  lits  quadruples,. 
en  usage  dans  quelques  prisons ,  on  pour- 
roit  lui  allouer  une  indenimité  pendant 
quelques  années.  On.  peut  la  porter  hy- 

ppthétiquenient  à 3oo     » 

Entretien  des  draps    et  blanchissage  à 
raison  de  5o  c.  par  paire 600     » 

Art,  L  Ecole. 

Environ  i,ooo  crayons  à  i4  c-  la 

pièce r  •  •  • 4^     '' 

Plumes  et  encre .*...•••...         1,2     » 

Achat  de  papier ,  livres^  tableaux,  etc.         36     »- 

Paye  dés  moniteurs • ....         22     ». 

Si  Ton  accordoit  aux  écoliers  unegrati- 
*  fication,  capable  de  remplacer  le  gain  qu'ils 

auroient  fait,  pendant  le  temps  des  Je- 

6,83of.  »c^ 


DES  DEPENSES.  S5^ 

Ci-contre 6,83of.  ȍ. 

çons,  à  raison  de  i  centimes  et  demi  par 
heure ,  cette  dépense  s'élèveroil  à  700  fr. 
par  an. 

Art.  5.  Chauffage. 

3o  cordes  de  tourbe,  à  12  fr.  la  corde. . .     36o     » 

SfiCTaoN  II.  Traitement  des  personnes  em- 
ployées aux  prisons. 

Les  gardiens  ne  recevront  aucune  aug- 
mentation sur  leur  traitement  actuel.  La 
faculté  de  vendre  des  alimens  leur  sera  re- 

tirée *     » 

3  guichetiers. 1 ,200     *» 

Un  greffier  rédacteur 3oo     » 

Les  officiers  de  santé  sont  suffisamment, 
rétribués  dans  Fétat  de  choses  actuel. 

L'aumônier  aura ,  outre  sa  pension  d'ec- 
clésiastique, un  traitement  de  5oo  fr 5oo     *• 

L'instituteur  recevra  une  indemnité  de.      4^0     » 

Total.  . .  » QçSgof.  »  c. 

Telles  sont  les  augmentations,  que  les  dépenses  rela- 
tives aux  prisons  pourront  épi*ottver  ,  si  l'on  veut 
opérer  les  réformes,  qui  nous  ont  paru  nécessaires.  La 
sollicitude  du  Gouvernement  a  déjà  préparé  les 
moyens  d'y  faire  face  en  partie.  L'humanité ,  le  patrio- 
tisme de  mes  concitoyens,  répondront  à  l'appel  qui 
leur  est  fait,  et  seconderont  les  intentions  généreuses 
qui  rinspircrrt.  Bientôt,  je  l'espère,   n6us  n'auron* 


558  Ï)ÉS  1?RIS0NS. 

plus  à  gëmii'  sur  aucun  des  abus  que  j'ai  an  signairf  | 
c'est  à  des  Français  qu'on  demandera  les  moyens  dé 
soulager  des  malheureux! 

J'arrive  au  terme  que  je  m'ëtoîs  fixé,  j'aî  voulu 
montrer  ce  que  les  prisons  devroiient  être ,  les  abus  que 
présente  leur  régime  actuel ,  et  les  moyens  de  l'amé- 
liorer, dès  à  présent.  Ma  première  pensée  avoît  été  de 
délivrer  les  prisonniers  des  injustes  rigueurs,  sous  les- 
quelles je  les  ai  vus  gémir  ;  l'ordre  social ,  de  son  côfé, 
réclamoit  des  garanties  et  une  justice  sévère,  qu'il 
étoit  important  de  maintenir;  je  me  suis  surtout  appli- 
qué à  tenir  la  balance  égale  entre  1-inléret  des  prison- 
niers et  celui  de  la  société.  Puîssé-je  avoir  réussi  dans 
une  entreprise ,  sans  doute  au-dessus  de  mes  forces, 
mais  légitimée,  je  l'espère,  par  les  motifs  qui  m'ont 
encouragé  et  soutenu  dans  mon  travail,  le  désir  d'être 
utile  à  l'humanité ,  et  le  bonheur  d'employer  au  soula- 
gement de  ses  maux,  quelques-uns  des  jours  de  ma 
jeunesse!  , 

Infortunés,  à  qui  furent  consacrés  les  premiers  ac- 
cents d'une  voix  jeune  encore,  c'est  à  vous  que  je  des- 
tine ces  premiers  essais  d'une  plume  novice.  Déjà  trop 
souvent  témoin  de  vos  souffrances,  et  confident  de  vos 
larmes,  j'ai  pu  apprécier  le  malheur  de  votre  position 
et  la  barbai;ie  de  ceux  qui  l'aggravent  encore  par  des 
rigueurs  arbitraires. Près  de  mon  début  dans  la  société, 
j'ai  déjà  vu  l'innocent  confondu  avec  le  coupable,  et 
le  foible  en  butte  â  la  vengeance  du  puissant;  j'ai  vu  des 
homnies,  dont  l'innocence  devoit  être  solennellenient 
reconnue  par  la  suite,  gémir  plusieurs  mois  dans  des 
prisons  étroites  et  malsaines /au  milieu  de  scélérats, 


DES  DEPENSES.  SSg 

dont  ils  étoîent  forcés  de  partager  la  couche.  Une  grande 
partiede  ces  maux  éloîentdus  aux  vices  que  présentoit 
le  régime  des  prisons.  Moins  malheureux  que  ceux  qui 
Tont  précédé,  l'innocent,  que  des  indices  trompeurs 
ou  la  calomnie  priveront  désormais  de  sa  liberté , 
n'éprouvera  plus  ce  surcroît  d'infortune.  Un  nou- 
veau jour  va  luire  pour  les  prisons;  que  l'espoir 
renaisse  dans  le  cœur  de  leurs  tristes  habitans.  Ils  ne 
sont  plus  orphelins;  sur  les  marches  du  trône ,  sous  le 
dais  royal  même ,  ils  trouvent  des  protecteurs ,  des  pères 
compâtissans,  qui  entendent  leurs  prières,  et  dont  les 
mains  augustes  s'occupent  avec  ardeur  d'essuyer  des 
larmes^  au  travers  desquelles  leur  charité  ne  voit  plus 
que  des  malheureux.  Un  régime ,  établi  sur  des  bases 
nouvelles ,  va  réformer  les  abus  qui  subsistent  encore, 
opérer  les  améliorations  dont  Tinstitution  des  prisons 
est  susceptible ,  et  la  France  pourra  bientôt  compter 
nn  titre  de  plus  à  la  reconnoissance  des  amis  de  l'hu- 
manité ! 


FIN. 


De  l'Imprimerie  d' A.  EGRON  ,  rue  des  Noyers,  n.  Sy. 


^-/^^^^^  ûfv.^^'^4e^ /^  a^M/^^^e^'  /z^^é/^^ 


t^^/z/^  /^^^J/:^A/^^^^ 


^      Sto     Jo     4o    Jo    *>if    ^    ^o     ,5?<7     joa 


a..  HuijcAeZs  eûcJgj'ÂeiJLnF 
S.  Cà^x^er/te^  à(e  aeéia€uvn€y'£e^^/)ccij//an/ 
7e^  (/eo'sijs  ei^/ayao/te^e/^t/é^J^^iUiA^. 


cte-  /a  Oe^oZe^ 
h.  A/e/iê^AT. 


/..**.»,  »j^ /"  A— *  J 


J^C^el/e^  àfg' c^/iJ^ /y/eciô' 


yitk/  i/e^  cAausseley 


yi^^i^^iAu^  ai     iwmmuai^ 


v\v.s;-  \\\ivWV\\-.\ 


«vwwww  X  :c\X 


a.  a. 


J7.  Çprv^ie/c/\ 
^.J^sca/iê7'\ 


ntJ^ 


^        JB        jB        M 


A        A       A       A 


C.  £!/i€Vi^di7^  ^/&  i^iîa7^a7i^ène' 
B.  Ôarriûi)7'  ei  efca/ie/^ 
rr .  jFe7re^'ea 


/ 


B      J9       M       B 
 .  LÛf  c/is  7/ia/acUà- 


Zo  30 


■waae 


Ao 


ÙJIÀO    ^C    '' 


^WMMgMWe 


BBSSS 


2? 


• 

A 

&s 

2? 

^i|B8y 

À 

gqaw 

A 

1 

2? 


^  \  a 


• 

A 

^ 

• 

«L_^ 

A 

B./ilsa^Qu^c/ie/ie/ir  saizs  ceJZei/es .  •  AI,  A^sca/iâT', 


/i/fÀt>.<UCJfb^ 


«^7 


<ir/^ 


e/ 


Sic  ife  4^ 


jo 


\ ,  x^v>^:>^^  ->^^^^^N\v^^x^v^v^c^^v^t  .c^^^,  i^  v\s  vnvaxs^x^nm*s>x^a\<'î^>^s; 


,\\\.V  xVsNW 


k\V\\\V\N\\\\\S\\\S\\\\  WWWWW 


•    Ift^itrj  Cenc/esnouj'  la.  lecltu^. 


J^Ma.t^CMoHt 


v'6. 


.  I 


/ 


^  1 


\ 


/. 


\ 


SPH  25    1928 


/ 


■> 


)  '   ^ 


riMiiiiilîfllk 


ÎM